Marine nationale : agir face au dérèglement climatique
La connaissance des risques météo-climatiques permet d’anticiper les catastrophes naturelles et d’agir en adaptant la réflexion à l’action, notamment de la Marine nationale.
Nicolas Regaud, chercheur à l’Institut de recherche stratégique de l’Ecole militaire, et un capitaine de frégate du bureau stratégie et politique de l’Etat-major de la marine l’ont expliqué au cours d’une conférence-débat organisée, le 13 avril 2022 à Paris, par le Centre d’études stratégiques de la marine.
Dégradation accélérée. Le nombre de catastrophes naturelles a été multiplié par 5 au cours des 50 dernières années avec une intensité croissante des cyclones et ouragans, indique Nicolas Regaud. La température de la planète a augmenté de 1° C entre 1850 et 1900 et pourrait croître encore de 1,5° C d’ici à 2030, de 2° C vers 2050 et même de 3° C en 2100. A cette date, le risque de fragmentation de la banquise en Arctique et en Antarctique pourrait provoquer une hausse de 2 m du niveau de la mer. Toutefois, le réchauffement climatique et la montée des eaux déjà constatés varient selon les régions. Dans l’Arctique, cela a entraîné des perspectives pour le transport maritime, l’exploitation des ressources naturelles, dont les hydrocarbures, et l’accroissement de l’activité militaire russe depuis dix ans. Le changement climatique augmente la salinité et la désoxygénation des eaux, modifie le tracé des côtes et rend vulnérables des zones fertiles comme le delta du Nil et le Bengladesh. Il provoque des déplacements de ressources halieutiques et donc de la pêche illicite dans les zones économiques exclusives. Il induit des migrations internes et internationales de populations et amplifie les tensions et les violences politiques, dont pourraient profiter les groupes terroristes. En conséquence, l’OTAN prépare, pour 2024, un plan d’action sur les enjeux stratégiques de l’environnement et des mesures pour réduire les émissions des gaz à effet de serre. Etat archipel, la France maintient une présence militaire dans les zones subtropicales à risques climatiques. En métropole, le port de Brest, plus menacé que celui de Toulon, devra renforcer ses infrastructures concernant le transport maritime, la production d’électricité et les télécommunications.
Prévention et réactivité. Il faut observer et voir pour intervenir et conserver la supériorité opérationnelle, souligne le capitaine de frégate. Le navire logistique polaire Astrolabe (photo) du Service hydrographique et océanique de la marine ravitaille les Terres australes et antarctiques françaises et y effectue la police des pêches. Outre les 300 météorologues embarqués sur les autres bâtiments de la Marine, les timoniers sont formés à effectuer des relevés météorologiques. En 2018, le bâtiment de soutien et d’assistance métropolitaine Rhône a franchi pour la première fois le passage du Nord-Est (Arctique). Toutes les données climatiques ainsi récoltées sont envoyées à Météo-France. Les connaissances sur le dérèglement climatique s’améliorent, grâce à la coopération avec les pays riverains dans le golfe de Guinée et avec les Marines britannique, américaine, indienne, australienne, néo-zélandaise et chinoise dans la zone indopacifique. Par ailleurs, la composante navale de la dissuasion nucléaire nécessite des déplacements maritimes très lointains pour la protection des intérêts vitaux de la France. En effet, la convention de 1976 sur l’interdiction de techniques de modification de l’environnement à des fins militaires ne constitue pas une garantie absolue.
Loïc Salmon
Environnement : conséquences du changement climatique sur la sécurité internationale
Océan Indien : espace de coopération internationale
Marine nationale : le CEPPOL, outil contre la pollution en mer