Défense : l’alchimie de la décision du chef de guerre

Interactions complexes et « politiques » des opérations et ambivalence de l’excès de confiance en soi pèsent sur la prise de décision du chef militaire, qui doit aussi pouvoir compter sur la « chance ».

Ce thème a été abordé lors d’une conférence-débat organisée, le 19 décembre 2017 à Paris, par l’Institut de recherche stratégique de l’Ecole militaire. Y sont intervenus : le professeur Pascal Venesson (à gauche sur la photo), Université de Paris II Panthéon Assas ; le général (2S) Henri Bentégeat (à droite), ancien chef de l’état-major particulier du président de la République (1999-2002) et de l’Etat-major des armées (2002-2006).

Approche psychologique. L’intuition stratégique des chefs de guerre, résultant de leur expertise, influe sur l’efficacité militaire, estime le professeur Venesson. Aujourd’hui, le génie militaire, aidé par des circonstances exceptionnelles, connaît une remise en cause à l’ère de la robotisation du champ de bataille et de l’algorithme. Le général et son état-major, commandant une ou plusieurs forces sur un théâtre, assurent planification, conduite et soutien des opérations, en vue d’atteindre les objectifs fixés par les autorités politiques et militaires et de contribuer à la réalisation de l’état final recherché. L’efficacité militaire consiste à comprendre la situation face à au moins deux forces armées adverses aux actions séparées, commander la sienne et produire les effets demandés. Certaines armées développent des aptitudes de haut niveau, grâce aux technologies, compétences, types de régimes politiques, relations entre dirigeants politiques et militaires et culture militaire propre. La décision opérationnelle en « première appréciation » dépend d’abord de la reconnaissance d’une situation donnée ressemblant à un prototype familier. Ensuite, les décideurs identifient rapidement le comportement adéquat, en raison de leur propre expertise, d’un environnement régulier et de leur capacité à tirer les enseignements de l’expérience acquise, notamment par la formation et l’entraînement. Toutefois, l’excès de confiance en soi des chefs de guerre influe sur leur capacité de commandement avec pour conséquences : un plan opérationnel initial calqué sur la première impression ; un traitement déficient du renseignement ou sa recherche sélective et biaisée ; une tendance à surestimer leurs propres capacités et à sous-estimer celles des adversaires ; optimisme exagéré quant à l’effet probable de la mission. Le plus souvent, les chefs de guerre ne devraient pas suivre leur intuition, conclut le professeur Venesson.

Etude d’un cas historique. Au début de la guerre de Corée lancée sous l’égide de l’ONU (1950-1953), les Etats-Unis, qui fournissent les plus gros contingents de combattants, ont subi une grave défaite au fleuve Yalou après un succès opérationnel initial au port d’Inchon, explique le professeur Venesson. Du 15 au 28 septembre 1950, après un débarquement de grande ampleur dans le port d’Inchon sur la mer Jaune à l’Ouest de la péninsule, les forces américaines (Xème Corps) et sud-coréennes lancent une contre-offensive et libèrent Séoul, capitale de la Corée du Sud occupée par les troupes de Corée du Nord. Dans le même temps, la 8ème Armée américaine brise le périmètre du port sud-coréen de Pusan, encerclé par les troupes nord-coréennes, et rejoint le Xème Corps. Commandant en chef dans le Sud-Ouest du Pacifique de 1942 à 1945 où il a procédé à 56 opérations amphibies, le général Douglas Mac Arthur, âgé de 70 ans, est considéré par ses pairs comme le plus expérimenté à tous les niveaux de commandement. Il apprécie la situation à Inchon en 2-3 jours : fortes capacités navales et aériennes alliées ; attaques surprises possibles contre des zones peu défendues. Il choisit l’option la plus risquée, malgré les sérieuses réserves de son état-major et de l’Etat-major interarmées de Washington : étroitesse des voies d’accès au site ; marées ; zone habitée ; éloignement de Pusan, situé beaucoup plus au Sud ; surestimation de la 8ème Armée ; sous-estimation des forces nord-coréennes. Mais la « chance » a joué : la Chine avait anticipé le débarquement d’Inchon et prévenu la Corée du Nord…qui n’en a pas tenu compte. En revanche, elle va intervenir massivement lors de la progression rapide des Xème Corps et 8ème Armée vers le fleuve Yalou, frontière entre la Corée du Nord et la Chine (octobre-novembre 1950). Après de lourdes pertes, les forces de l’ONU se replient au Sud du 38ème parallèle. L’efficacité militaire, accrue à Inchon, s’amoindrit à Yalou. Les Xème Corps et 8ème Armée restent sous commandements séparés et géographiquement éloignés. Convaincu que la Chine n’interviendra pas, Mac Arthur néglige les renseignements sur elle, se croit infaillible et exerce son commandement depuis Tokyo (Japon). Par ailleurs, la guerre de Corée diffère de la seconde guerre mondiale, caractérisée par la recherche de la victoire décisive et de la reddition sans conditions de l’adversaire. Elle fait partie de la « guerre froide » (1947-1991) aux objectifs limités, pour éviter un nouveau conflit mondial, probablement nucléaire.

Retour d’expérience. Le 21 septembre 2002, 300 mutins de l’armée ivoirienne peuvent investir la capitale Abidjan dans les 24 heures avec le risque de guerre civile, rappelle le général Bentégeat. Le rassemblement et l’évacuation des 20.000 ressortissants français nécessitant 6 jours, le général préconise l’intervention immédiate des forces françaises. Le bilan s’établit à 27 militaires français tués, de nombreux blessés, les ressortissants protégés, la guerre civile évitée, la crédibilité politique et militaire de la France maintenue. Aujourd’hui, la gestion des conflits extérieurs tend à réduire la liberté d’action militaire, estime le général. Le recours aux acteurs locaux entraîne une dépendance de leurs performances sur le terrain : opération « Harmattan » en 2011 en Libye ; opération « Chammal » contre l’Etat islamique (Daech) en Irak de 2014 à 2017 et en Syrie depuis 2015 ; opération « Barkhane » dans la bande sahélo-saharienne depuis 2014. Par ailleurs, la numérisation du théâtre détaille la situation tactique avec des conséquences pour son commandant : tentatives d’ingérence des autorités politiques dans les opérations ; ingérences de l’échelon supérieur aux différents échelons de commandement. En outre, il doit conduire l’opération contre l’adversaire et gérer sa communication, aspect politique majeur. Enfin, il garde à l’esprit les morts, civils et militaires, y compris chez l’adversaire.

Loïc Salmon

Enseignement militaire supérieur : former les chefs d’aujourd’hui et de demain

L’anticipation géopolitique aidée par l’intelligence collective

Sécurité : l’intelligence artificielle, enjeu de souveraineté nationale

Théorisée par le psychologue et économiste israélo-américain Daniel Kahneman (prix Nobel 2002) et l’économiste américain Richard Thaler (prix Nobel 2017), la « révolution cognitive » constitue une profonde transformation de la connaissance du jugement et de la décision dans les domaines économique, médical et de politique publique. Mais pour la décision opérationnelle, selon le professeur Venesson, il lui manque le contexte : causalité de la guerre ; singularité de l’action guerrière. De son côté, le psychologue américain Gary Klein a étudié les décisions « en situation » des militaires et pompiers confrontés à l’urgence, le risque et la complexité.




Afrique : les armées, leur construction et leur rôle dans la formation de l’État

Le principe de neutralité politique et l’efficacité du dispositif constitutionnel de contrôle ont incité la plupart des forces armées africaines à se concentrer sur la défense et le développement économique de leur pays respectif.

Cette question a été traitée au cours d’un colloque organisé, le 5 octobre 2016 à Paris, par l’Institut de recherche stratégique de l’École militaire. Y sont notamment intervenus : le professeur Michel-Louis Martin, Université Toulouse 1-Capitole ; Romain Tiquet, Université de Genève ; Arthur Banga, Université Houphouët-Boigny d’Abidjan ; Camille Évrard, Université de Toulouse Jean Jaurès.

Régimes « hybrides ». La participation aux opérations multilatérales de maintien de la paix a contribué au retour des militaires dans les casernes, explique le professeur Martin. Toutefois, le niveau de professionnalisme reste assez bas. Le poids géopolitique varie selon les pays, par suite de la faiblesse des effectifs disponibles et de l’influence de la culture locale. En outre, l’implication dans les opérations extérieures conduit, parfois, à instrumentaliser le règlement de conflits en vue d’atteindre d’autres objectifs. Cela affecte la dynamique interne en termes de grades, d’exacerbation de la frustration matérielle et d’indiscipline chronique de la troupe, souvent coupée de la hiérarchie. Certains groupes, à la fois soldats et rebelles, sont portés à la délinquance avec le risque de retombées à caractère politique. Le souvenir vivace des dictatures entretient un antimilitarisme latent parmi les élites civiles et une indifférence des médias vis-à-vis des militaires. Pour se préserver des putschs, certains chefs d’État recourent à des forces paramilitaires, dotées de privilèges économiques, politiques et ethniques. Les démocraties s’essoufflent et les régimes autoritaires se renforcent, estime le professeur Martin. Autrefois, la norme était européenne ou américaine. Aujourd’hui, la Russie, la Chine et le Qatar servent de modèles.

Service civique et développement. Rare exception parmi les pays africains, le Sénégal a connu des transitions politiques sans coup d’État. Selon Romain Tiquet, cela résulte de la bonne relation entre le premier président de la République, Léopold Sédar Senghor (1906-2001), et le commandant en chef des armées, le général Jean Alfred Diallo (1911-2006), qui lui est resté loyal lors de la tentative de coup d’État par le président du Conseil Mamadou Dia en 1962. Dans les années 1960, après l’indépendance et pour mobiliser intellectuellement et physiquement les jeunes de moins de 25 ans, majoritaires dans la population, un premier service civique se révèle trop onéreux. Un projet du ministre de la Jeunesse et des Sports n’aboutit pas. Pour lutter contre l’exode rural, le président Senghor décide de mobiliser les techniciens et les matériels des armées pour le développement du pays, créant ainsi un lien avec la nation. Le général Diallo lui propose de lancer un service civique pour les jeunes, régi par une discipline militaire avec salut matinal au drapeau. L’expérience est tentée en 1964 dans le village de Savoigne, entouré de 500 ha de terre cultivable, pour le transformer en coopérative autonome. Ces pionniers suivent aussi des cours d’alphabétisation. Les travaux se répartissent entre la construction de routes, bâtiments administratifs et puits et la culture du riz, de tomates, de  pommes de terre, d’ananas et de bananes. Un ingénieur agronome français, détaché à cet effet à Savoigne, instruit les 150 pionniers. Le général Diallo, qui a été colonel du génie dans l’armée française avant l’indépendance, se rend une fois par mois à Savoigne pour évaluer l’avancée des travaux d’infrastructures. Un pont de 110 m de long sera réalisé au-dessus de la rivière Lampsar et inauguré par le président Senghor en 1965. Mais l’expérience tourne court en 1966, car la formation agricole reste rudimentaire et l’argent manque. L’armée sénégalaise se désengage de Savoigne, qui devient autonome en 1967. Malgré son échec, l’expérience de Savoigne illustre le rôle des militaires dans le développement du pays, souligne Romain Tiquet.

Missions extramilitaires. Entre 1960 et 1970, le président de Côte d’Ivoire, Félix Houphouët-Boigny (1905-1993), souhaite transformer les forces armées en outil de développement et de formation des jeunes ruraux, pour éviter les dérives révolutionnaires ou communistes, explique Arthur Banga. Il fait appel à Israël pour pallier les hésitations de la France à envoyer ses militaires effectuer des travaux agricoles. Un service civique est incorporé à l’armée pour symboliser la prépondérance des tâches extramilitaires dans la défense du pays. La Côte d’Ivoire profite du « parapluie sécuritaire » français pour assurer sa défense extérieure. Toutefois, la réforme des armées françaises de 1964 entraîne une diminution drastique de leurs effectifs en Côte d’Ivoire, qui passent de 60.000 hommes en 1960 à moins de 7.000 en 1967. En conséquence, les armées africaines doivent prendre elles-mêmes en charge leur soutien logistique et accroître leur capacité opérationnelle.

Garde et armée nationales. Lors des indépendances en 1960, les États du Tchad, du Niger et de la Mauritanie doivent constituer des armées nationales homogènes, indique Camille Évrard. Leurs unités mobiles de maintien de l’ordre devront contrôler de vastes territoires à faible population, composée en majorité de nomades. Les transferts des responsabilités de la gendarmerie et des troupes d’outre-mer s’effectuent jusqu’en 1965. Des cadres français de l’assistance technique assurent le commandement des unités et corps nationaux en cas de manque d’officiers locaux. Les gardes méharistes,  employés comme plantons et aussi chargés des prisons, de la collecte de l’impôt et du maintien de l’ordre, se transforment en gardes nationaux ou républicains au statut « civilo-militaire ». Les « goumiers », qui ont pour missions le contact avec les populations nomades éloignées, la surveillance des frontières et le renseignement, sont intégrés aux armées nationales mais gardent leur appellation, très forte symboliquement. Les auxiliaires de gendarmerie au statut militaire deviennent des gendarmes à part entière, pour assurer la police administrative, judiciaire et économique, la prévôté dans les armées et le maintien de l’ordre.

Loïc Salmon

Evolution et continuité de la gestion des crises en Afrique

Afrique : coopération française en matière de sécurité maritime

L’École de formation des officiers du régime transitoire des troupes de marine (ex-d’outre-mer) aura formé 273 officiers en 8 promotions entre 1956 et 1965 : celle du « Centenaire » (1956-1958) avec 34 élèves ; « N’Tchoréré » (1957-1959), 34 ; celle de la « Communauté » (1958-1960), 24 ; « Monthermé » (1959-1961), 38 ; « Dji Robert » (1960-1962), 31 ; « Chasselay-Montluzin » (1961-1963), 41 ; « Saint-Exupéry » (1962-1964), 40 ; « Félix Éboué » (1963-1965), 31. Voici la répartition par pays : Sénégal, 55 ; Madagascar, 34 ; Burkina-Faso, 34 ; Bénin, 22 ; Mali, 22 ; Congo, 19 ; Tchad, 17 ; Côte d’Ivoire, 16 ; République Centrafricaine, 14 ; Niger, 11 ; Guinée, 11 ; Gabon, 7 ; Togo, 7 ; Mauritanie, 3 ; Comores, 1. Seulement 218 auront poursuivi une carrière militaire : 25,7 % comme officiers subalternes ; 59,2 % comme officiers supérieurs ; 15,1 % comme officiers généraux.




Afrique : huit accords de défense avec la France

Huit pays d’Afrique ont signé des accords de partenariats de défense avec la France, dont trois doivent encore être ratifiés par le Parlement français. Ces accords sont publiés au journal officiel (J.O.) après leur ratification, ce qui n’était pas le cas auparavant. Ils portent sur l’appui de la France à la mise en place du pacte de sécurité collective de chaque pays signataire selon ses besoins et ses capacités.

Selon le ministère français de la Défense, il s’agit du Cameroun (21 mai 2009, J.O. du 21-04-2011), du Gabon (24 février 2010 en attente de publication au J.O.), de la République centrafricaine (8 avril 2010, J .O. du 21-04-2011), du Togo (13 mars 2009, J.O. du 21-04-2011), des Comores (27 septembre 2010, J.O. du 8-03-2011), de Djibouti (21 décembre 2011, en attente de ratification), de Côte d’Ivoire (26 janvier 2012, en attente de ratification) et du Sénégal (18 avril 2012, en attente de ratification). Par ailleurs le 17 avril, le colonel Marc Conruyt, chef de corps du Régiment d’infanterie de chars de marine, a pris officiellement le commandement de la force Licorne en Côte d’Ivoire, en présence du nouveau ministre de la Défense ivoirien Paul Koffi Koffi (photo). La force Licorne (450 militaires) accompagne la montée en puissance de l’armée ivoirienne, appuie l’Opération des Nations unies en Côte d’Ivoire (ONUCI) et assure la protection des ressortissants français. Entre le 4 septembre 2011 et le 5 avril 2012, elle a détruit 24 t d’explosifs, mis 300 t de munitions en sécurité et effectué 300 patrouilles. Elle a aussi participé à des actions civilo-militaires (distribution de denrées de première nécessité et de kits scolaires), à des aides médicales à la population et à la formation de cadres militaires ivoiriens avec des éléments français stationnés au Sénégal.

Loïc Salmon




Opex : le soldat au cœur du succès

« La qualité de l’engagement du combattant sur le terrain fait la différence entre les missions réussies et celles qui ne le sont pas », a déclaré le ministre de la Défense Gérard Longuet, à l’issue d’une table ronde sur ce thème tenue le 22 novembre 2011 à Paris.

L’engagement militaire, dit-il, implique une totale disponibilité avec les risques qui l’accompagnent. Au cours de la même table ronde, dix combattants de divers grades ont apporté leurs témoignages sur les principales opérations en cours ou engagées depuis l’automne 2010 en Afghanistan (opération « Pamir »), Libye (Harmattan ») et Côte d’Ivoire (« Licorne »). Le centre de planification et de conduite des opérations (CPCO) travaille au profit de l’Etat-major des armées, dont le chef (CEMA) présente des options stratégiques à l’autorité politique. Les armées forment des modules adaptés aux missions en volume et capacité (cohérence d’effectifs et de moyens). « Il s’agit de bâtir une structure de commandement pour le CEMA, explique le général de brigade aérienne Jean Borel, adjoint planification au CPCO, cela n’exclut pas une dominante d’armée mais implique aussi les autres. Les armées entretiennent les compétences ».

Afghanistan : une formation opérationnelle spécifique rassemble les différentes spécialités afin de se roder à une procédure commune, déclare le lieutenant-colonel Stéphane Caffaro, officier adjoint du 21ème Régiment d’infanterie de marine et blessé le 18 septembre 2010 (voir revue téléchargeable N°304 juin 2011 p.18). Il s’agit de donner au GTIA (Groupement tactique interarmées des troupes françaises) de la province de Kapisa une grande cohésion et une force morale avant de projeter ses éléments dans un environnement hostile. Un blessé a la certitude que « l’institution mettra tout en œuvre pour l’évacuer, le soigner correctement et qu’il retrouve sa place dans son unité », dans la mesure du possible. La moyenne d’âge des blessés est de 30 ans ! « Il faut une culture de la réactivité pour aller projeter son savoir-faire n’importe où dans le monde en moins de 48 heures », souligne le sergent-chef Yann Baratte, contrôleur aérien avancé du commando parachutiste de l’air 20. Lors d’une attaque simultanée sur trois points contre une unité de la coalition par une trentaine d’insurgés, il s’est trouvé sous leur feu nourri alors qu’il guidait une patrouille d’hélicoptères français et américains pour les éliminer. « Après huit heures de combat et de feu, le silence est la plus belle récompense ». Pendant les trois semaines qui ont suivi, pas un seul coup de feu n’a été tiré dans la vallée. « Quand on est bien entraîné, on n’a pas peur. La peur de mourir, on l’a après, quand tout se calme ».

Libye : le lieutenant-colonel Loïc Rullière, pilote de Rafale et commandant l’escadron de chasse 1/7 « Provence », a dirigé la première patrouille de la première vague, en protection de la deuxième vague de Rafale et de Mirage 2000 qui devait aller loin dans la profondeur du territoire libyen. Son unité, basée à Solenzara (Corse) est en alerte : les équipages et mécaniciens ont travaillé toute la nuit. Tous les senseurs des appareils ont été employés pour résoudre la principale difficulté : faire la discrimination entre les véhicules armés et la population civile. « Notre fierté est d’avoir rempli la mission ». Un jour, dans le sud, un drone américain Predator a surveillé trois zones pendant trois heures avant l’arrivée des avions français… dont les cibles ont été soudainement changées. « Le commandant (de la force aérienne française) a attendu que l’analyse soit complète avant d’envoyer une patrouille », précise le lieutenant-colonel Rullière. De son côté, le personnel d’aviation embarquée habite quasiment sur le théâtre d’opérations. « On monte dans l’avion et on reçoit une photo (numérisée) prise par un Mirage F1-CR déclare le lieutenant de vaisseau Sébastien Colard, pilote de Rafale de la flottille 12 F, sur zone, on fait une reconnaissance des sites et on les engage. 1 H 45 après, on se pose de nuit sur le porte-avions avec six bombes en moins ». Les pilotes français et américains sont les seuls au monde à pouvoir effectuer de telles missions de nuit. A bord, les mécaniciens sentent qu’ils font partie de la chaîne, souligne le lieutenant de vaisseau Colard. De retour de mission en Afrique de l’Ouest, l’équipage du Bâtiment de projection et de commandement Tonnerre a appris un vendredi soir qu’il devait partir pour la Libye. Trois jours plus tard, il a appareillé avec tous les moyens nécessaires (armement, transmissions et modules) et après avoir organisé l’escorte (les yeux et les oreilles de la force). Ce bâtiment interarmées avec un hôpital, des compagnies de combat et des hélicoptères de l’armée de terre a dû mettre en œuvre une opération complexe. « Il a embarqué 400 militaires de plus de 30 unités différentes et les chefs de modules ne connaissaient pas les gens avec qui ils allaient travailler », souligne le capitaine de vaisseau Philippe Ebanga, commandant du Tonnerre pendant les opérations Licorne et Harmattan. Pendant trois mois, ces deux missions ont mobilisé le même équipage, qui a dû également assurer la maintenance du bâtiment. Une opération de frappes par hélicoptères, préparée à la minute près, commence par de longues minutes d’infiltration de nuit avec le risque d’essuyer des tirs d’armes anti-aériennes et de missiles sol/air. « Pour le raid sur Syrte, les photos de renseignement n’étaient pas suffisantes, nous avons été accueillis par des tirs de canons de 33 mm, explique le capitaine Brice Erblanc, pilote de Tigre du 1er Régiment d’hélicoptères de combat, on a recherché toutes les forces de Khadafi sur des pick-ups qui se cachent pour échapper aux avions de chasse. Il fallait tirer sur l’armement qu’on voyait à 200 m, c’est-à-dire à portée de ces armes ». Les renseignements sont fournis en temps réel par des avions de reconnaissance. « On est concentré dans l’action, on n’a plus de temps de ressentir d’émotion ». En outre, une frégate effectue un tir d’artillerie contre la côte pendant le transit des hélicoptères au dessus de la mer. Ainsi, la frégate de défense aérienne Chevalier-Paul détecte tout ce qui vole à 400 km autour d’elle (avions, hélicoptères et drones), indique le premier maître Jean-Philippe Merle de la cellule de coordination aérienne, elle doit éviter les collisions et que les hélicoptères, dont elle a la charge, ne travaillent pour une autre unité. Un avion de patrouille maritime ATL2 guide onze hélicoptères de combat (dont un de recherche et de sauvetage) vers les objectifs désignés, qu’il surveille par détecteur infrarouge. Il en informe l’avion radar de surveillance de théâtre AWACS, afin que la vague d’assaut ne soit pas gênée par d’autres aéronefs sur zone. Pendant l’engagement des hélicoptères, la frégate informe aussi l’AWACS du volume d’obus qu’elle va tirer avec ses deux canons de 76 mm. « Le commandant ordonne le feu sur deux objectifs pendant que les hélicoptères reviennent au BPC », ajoute le premier maître Merle. Ce bâtiment était en sécurité, mais une frégate a essuyé des tirs, indique le capitaine de vaisseau Ebanga.

Côte d’Ivoire : le capitaine Sébastien Laloup, pilote de transport de l’escadron de transport 1/64 « Béarn », a participé au pont aérien mis en œuvre entre Libreville (Gabon) et Abidjan (voir article « Gestion française des expatriés en temps de crise » dans les rubriques « Actualités » ou « Archives » 7-12-2011). Le soutien était prépositionné depuis deux mois quand, le 2 avril dans l’après-midi, est donné l’ordre de décoller pour se poser à Abidjan le lendemain à 3 h du matin. Le pont aérien, exclusivement français au début, évacue des ressortissants de diverses nationalités (Européens, Africains, Américains et Libanais) sur Dakar (Sénégal), Libreville (Gabon) et Lomé (Togo). Les avions reviennent avec des vivres et de l’eau. Les équipages ne comptent pas leurs heures de vol. « Les gens évacués ne cachaient leur joie sur leurs visages, car ils n’avaient plus d’argent ni de vivres. Pour nous, cela valait toutes les récompenses et toutes les médailles » ! A Abidjan, la force française Licorne a tout sécurisé au sol. L’adjudant Vincent Leroy était chef de peloton ERC 90 Sagaie du 12ème Régiment de cuirassiers, en alerte depuis 24 heures. « Depuis six mois et demi, on savait ce qu’on devait faire. Ma mission militaire était simple : tenir un carrefour ». La bataille d’Abidjan, de haute intensité, a duré une dizaine de jours : évacuation de ressortissants jour et nuit, prise de l’aéroport et prise du port autonome. « Les hommes étaient à fond dans leur mission », conclut l’adjudant Leroy.

Loïc Salmon

De gauche à droite : général de brigade aérienne Jean Borel, lieutenant-colonel Stéphane Caffaro, lieutenant de vaisseau Sébastien Colard, sergent-chef Yann Baratte, animateur Didier François, lieutenant-colonel (Air) Loïc Rullière, adjudant Vincent Leroy, capitaine de vaisseau Philippe Ebanga, capitaine Brice Erblanc et premier maître Jean-Philippe Merle.




Opex : de la détermination politique à l’engagement militaire

Fin 2011, la France déploie près de 8.000 militaires dans une vingtaine d’opérations extérieures (Opex), dont plus de 80 % dans un cadre multilatéral ou en soutien pour gérer des crises sécuritaires et humanitaires. Une table ronde, tenue le 22 novembre 2011 à Paris, a examiné le processus politico-militaire des principales en cours ou engagées depuis l’automne 2010 : « Pamir » en Afghanistan, « Harmattan » en Libye et « Licorne » en Côte d’Ivoire.

Y ont participé : Gérard Longuet, ministre de la Défense et des Anciens Combattants ; Jean-David Lévitte, conseiller diplomatique du président de la République ; l’amiral Edouard Guillaud, chef d’Etat-major des armées ; l’ambassadeur Philippe Errera, représentant permanent de la France à l’OTAN ; Alain Leroy, ancien secrétaire général adjoint de l’ONU chargé des opérations de maintien de la paix.

Cette table ronde a montré le fonctionnement interne du pouvoir dans la gestion de crise : volonté politique, travail diplomatique et contribution militaire. Tous les acteurs sont complémentaires. « Il n’y a pas d’engagement opérationnel sans projet politique clair et pas de projet politique clair sans unité de commandement », déclare Gérard Longuet. Selon lui, les pays partenaires reconnaissent le professionnalisme des forces françaises, héritage de traditions, valeur, discipline dans l’action et certitude d’employer le matériel à bon escient. Une fois la décision prise par le président de la République, le ministre de la Défense entretient une relation quotidienne avec les états-majors, explique le choix au Parlement et « fait en sorte que ça fonctionne à l’intérieur ». La France intervient en Afghanistan dans le cadre d’une coalition de 49 pays, qui souhaitent que cet Etat soit « reconnu dans sa souveraineté avec le minimum de dégâts ». L’effort principal porte sur l’émergence d’une force nationale afghane (armée et police), capable aujourd’hui d’assurer l’autorité de l’Etat sur 45 % de la population. Après le retrait des troupes de l’OTAN en 2014, elle devra pouvoir garantir l’état de droit et résister à une intervention extérieure.

« L’Afghanistan d’aujourd’hui n’a rien à voir avec ce qu’il était en 2001 (attentats terroristes d’Al Qaïda aux Etats-Unis) », estime Jean-David Lévitte. Par ailleurs, il a expliqué que le devoir d’ingérence dans les affaires intérieures d’un pays a été remplacé par la responsabilité de protéger un peuple menacé par son propre gouvernement. Trois conditions doivent être remplies : confirmation du massacre ; appels de la population et d’une organisation régionale ; mandat clair du Conseil de sécurité de l’ONU. « Sinon c’est la loi de la jungle où chaque pays pourrait intervenir chez son voisin s’il y a des troubles ». En Libye, il fallait « éviter une croisade occidentale en plein printemps arabe ». Le recours à l’OTAN, sous la direction de la France et de la Grande-Bretagne, inclut la participation de pays arabes : Jordanie, Qatar, Emirats arabes unis et Maroc. Dans le cas de la Côte d’Ivoire, la France, ancienne puissance coloniale, est considérée avec suspicion par un certain nombre de pays dans le monde. Le choix électoral du peuple ivoirien a été validé par l’Union africaine et le Conseil de sécurité de l’ONU. Des contacts ont été pris avec le Nigeria, en charge de la CEDEAO (Communauté économique des Etats d’Afrique de l’Ouest), pour que l’ONUCI (Opération des Nations unies en Côte d’Ivoire), incarnant la volonté de la communauté internationale, vienne en première ligne. Le procès d’intention persistant, il a fallu une lettre du secrétaire général de l’ONU demandant à la France d’intervenir. Dans l’ensemble, « cette année (2011) a permis à la France, non seulement d’occuper pleinement son rang, mais aussi de faire progresser une certaine conception très française de l’ordre international, nous avons fait vivre par deux fois, en Libye et en Côte d’Ivoire, le concept de la responsabilité de protéger, depuis son adoption en 2005 par le Conseil des Nations unies. ».  A ce propos, Jean-David Lévitte rappelle qu’il ne peut y avoir d’intervention en Syrie sans mandat du Conseil de sécurité de l’ONU.

De son côté, l’amiral Edouard Guillaud estime qu’il n’y a pas de modèle idéal d’opération. « Nous avons eu de la chance, qui se prépare avec de l’entraînement, de bons équipements et des forces morales ». En Libye, dit-il, envoyer des troupes au sol aurait été « catastrophique dans la durée ». Il fallait une légalité internationale et la possibilité de travailler avec la Grande-Bretagne. « Le président de la République a demandé de pouvoir frapper à la demande, en moins de cinq minutes après l’accord final des chefs d’Etat. Les avions étaient déjà en vol ». Les défis militaires à relever étaient divers : dépendance des résultats diplomatiques, autorisations de survol et de stationnement en Grèce et en Italie, déplacements logistiques et coordination ave les pays alliés. « Notre système étant plus réactif que les leurs, nous avons pu frapper les premiers ». La France a déployé un porte-avions, un bâtiment de projection et de commandement, un sous-marin nucléaire d’attaque, des frégates et pétroliers-ravitailleurs, des hélicoptères, des avions F1 CR, Mirage 2000, Rafale et le Transall « Gabriel » de guerre électronique.

Pour sa part, Philippe Errera indique que le recours à l’OTAN en Libye a impliqué : des capacités accrues avec des règles d’engagement spécifiques concernant l’embargo maritime, l’exclusion aérienne et le soutien humanitaire ; la nécessité que son action fédère et n’ait pas d’effet repoussoir ; l’accord des 28 Etats membres pour que l’organisation soit un outil militaire confié au « groupe de contact ». Il a noté que le délai entre la décision politique de recourir à l’OTAN et son intervention effective a considérablement diminué : un an pour le Kosovo en 1999 et moins d’une semaine pour la Libye en 2011. « L’intervention a duré du 31 mars au 31 octobre, mandat fixé par le Conseil de sécurité de l’ONU et l’Alliance Atlantique, avec zéro perte ! »

Enfin dans le cas de la Côte d’Ivoire, Alain Leroy rappelle que le Conseil de sécurité de l’ONU a autorisé la force française Licorne à soutenir l’ONUCI en cas de besoin (résolution1975 du 30 mars 2011). En effet, « les forces françaises avaient la capacité de frapper les armes lourdes (des troupes de l’ex-président Laurent Gbabo), que l’ONUCI n’avait pas », souligne Alain Leroy. Selon lui, sans Licorne, l’intervention aurait été impossible. Grâce à l’accord de la CDEAO et de l’Union africaine, il n’y a pas eu de critiques sérieuses ni de dommages collatéraux condamnables et surtout « l’ONU a évité une tragédie de type Rwanda ».

Loïc Salmon

 De gauche à droite : Alain Leroy, Jean-David Lévitte, Gérard Longuet, l’amiral Edouard Guillaud et l’ambassadeur Philippe Errera




Sécurité : gestion des expatriés français en cas de crise

En 2010-2011, environ 5.000 ressortissants étrangers, dont 3.300 Français, ont quitté un pays en crise (guerre civile, catastrophes naturelles ou industrielles). Son deuxième réseau diplomatique au monde (160 ambassades) fait de la France l’ultime recours de la plupart des 27 Etats membres de l’Union européenne quand ils sont confrontés à ce problème car ils ne disposent de représentations respectives qu’aux Etats-Unis, en Chine et en Russie.

L’Association nationale des auditeurs jeunes de l’Institut des hautes études de défense nationale a organisé une table ronde sur ce sujet, le 16 novembre2011  à Paris, avec la participation de Pascale Trimbach (ministère des Affaires étrangères et européennes, MAEE), de Joëlle Vachter (colonelle de Gendarmerie) et d’Olivier Didio (société privée de protection GEOS).

L’action diplomatique : sur les 2 millions d’expatriés français, 1,5 million sont immatriculés dans les consulats. Pour la période 2010-novembre 2011, le MAEE a notamment traité 13 dossiers d’otages et 661 décès à l’étranger. Il dispose d’un Centre de crise (CDC, voir revue téléchargeable mars 2011, p.13-14). Rattaché directement au ministre, ce centre prend en compte les aspects humanitaire (assistance), médiatique et politique (crédibilité de l’Etat). En temps normal, il reçoit tous les télégrammes diplomatiques, met régulièrement à jour les fiches « conseils aux voyageurs » sur 189 pays (2ème site le plus visité de l’administration française) et établit les plans de sécurité des ressortissants. Chaque communauté française est en effet quadrillée en « îlots », dont le chef maintient un contact direct avec le consulat. En cas de crise individuelle (disparition) ou collective (otages ou catastrophes en tous genres), les familles appellent une ou plusieurs ambassades concernée. Ainsi, celle de la Corée du Sud a aidé les familles en transit pendant la période de risques radioactifs au Japon (accident de la centrale nucléaire de Fukushima). En Libye, des contacts ont été pris avec des médecins à Tripoli et Benghazi pour s’occuper des blessés en vue de leur exfiltration, indique Pascale Trimbach En temps de crise, le CDC assure une permanence téléphonique continue avec le renfort de personnels du ministère, tous volontaires et en dehors de leurs heures de travail. Les informations sont données en temps réel, mais après vérification et dans la limite de la sécurité des gens sur place. En cas de blessure ou de décès de ressortissants, le CDC prévient la gendarmerie du domicile des familles. Si la situation s’aggrave, le gouvernement peut décider une évacuation de ressortissants. Les rapatriés français sont pris en charge par leur famille et reçoivent une aide sociale personnalisée. Les étrangers sont dirigés vers leurs consulats en France. Il est à noter que la Grande-Bretagne fait de même puis leur présente la facture ! La France envisage à son tour de faire payer ceux qui prennent des risques inconsidérés sans rapport avec leurs activités professionnelles. Par ailleurs, des mesures sont aussi prises pour la protection des agents locaux, afin de leur éviter des représailles éventuelles. Quelque 5.000 personnes hors statut diplomatique constituent en effet l’essentiel du personnel des ambassades et consulats à l’étranger : Français recrutés localement, ressortissants du pays de résidence et d’autres nationalités.

La sécurité des expatriés est assurée par la Direction de la coopération internationale en matière de police et gendarmerie (voir article « Milipol 2011 » ci-contre). Celle-ci dispose dans chaque ambassade d’un attaché de sécurité intérieure (ASI), qui assure des missions de renseignement et d’expertise. Les ASI organisent des réunions mensuelles avec les îlotiers et des exercices pour vérifier la pertinence du dispositif. Leurs relations avec les ambassadeurs, dont ils relèvent, varient selon les personnes. « Cela va du minimum vital au résultat remarquable », indique la colonelle Vachter, qui relate la crise en Côte d’Ivoire terminée en avril 2011 (14.000 expatriés français dont 51 % de bi-nationaux). La capitale Abidjan (5 millions d’habitants) compte 16 communes dont certains quartiers sensibles sont particulièrement hostiles à la présence française : « Des véhicules blindés se sont fait caillasser ». L’aéroport et les forces françaises de l’opération Licorne se trouvaient au sud de la ville et les ressortissants étrangers et tout ce qui est important au nord (photo). Le passage du nord au sud se fait par deux ponts. « En 2004, l’évacuation a été possible grâce au mitraillage des ponts par l’armée française ». Cette année-là, 4.876 Français et des centaines de ressortissants étrangers ont été évacués. En 2011, 5.047 personnes ont été accueillies par la force Licorne au camp de Port-Bouet et 3.450 d’entre elles ont quitté la Côte d’Ivoire. Les forces armées françaises ont repris l’aéroport et assuré un pont aérien (légende de photo) incluant l’avion affrété par le MAEE. Les exfiltrations ne sont pas obligatoires. Les ressortissants temporaires (fonctionnaires et hommes d’affaires) les acceptent. Par contre, les expatriés de longue durée ou qui sont nés dans le pays de résidence préfèrent rester, car ils n’ont pas de famille en France. Les bi-nationaux ne sont pas abandonnés : seule leur nationalité française compte.

Les responsabilités des entreprises : la jurisprudence précise que les employeurs ont, envers leurs expatriés, des devoirs d’information, d’anticipation de crise et de réaction pendant celle-ci. Les services de l’Etat examinent tous les paramètres politiques et restent prudents pour éviter la panique. De leur côté, les entreprises privilégient la sauvegarde de l’outil économique, car l’activité doit continuer, et la sécurité de leur personnels en informant l’Etat. Ainsi en 2011, pendant les crises en Tunisie et en Egypte, des groupes privés ont affrété des avions pour évacuer leurs salariés et aussi ceux d’autres entreprises qui le souhaitaient. Les sociétés de sécurité, où travaillent d’anciens militaires, apportent leur expertise dans la gestion de crise (voir revue téléchargeable mars 2011, p.15-16).  Il existe une certaine méfiance des autorités françaises à leur égard, regrette Olivier Didio, alors qu’il faut rechercher des synergies entre opérationnels qui se connaissent. Les pays anglo-saxons n’ont pas ces scrupules. Ainsi, en Libye, les services diplomatiques britanniques font de la publicité pour le groupe privé de sécurité Blue Mountain. En Afrique, la secrétaire d’Etat Hillary Clinton « vend » des sociétés de sécurité américaines !

Loïc Salmon

Selon l’Etat-major des armées françaises, le pont aérien déployé en avril 2011 à partir d’Abidjan a totalisé 78 rotations militaires : 18 pour les renforts, 56 pour le fret (400 t) et l’évacuation de ressortissants (3.000) et 4 à partir de la métropole. L’antenne santé du camp de Port-Bouet a procédé à 1.030 consultations, 14 hospitalisations, 16 interventions chirurgicales et… deux naissances !




Opérations : Afghanistan, Libye, Côte d’Ivoire et Tchad

Entre le 11 et le 14 août 2011, sept militaires de l’OTAN ont été tués en Afghanistan. Dans le même temps, le porte-avions Charles-De-Gaulle est rentré à Toulon. Par ailleurs, le dispositif français en Côte d’Ivoire et au Tchad sera prochainement réduit.

Afghanistan : le 11 août, un attentat à la bombe a provoqué la mort de cinq soldats américains et un engin explosif improvisé celle du caporal-chef français Facrou Housseini du 19ème Régiment du génie de Besançon. Trois jours plus tard, le lieutenant Camille Levrel du 152ème Régiment d’infanterie de Colmar a été mortellement touché par le tir isolé d’un insurgé. Cela porte à 388 le nombre de soldats de la coalition tués depuis le 1er janvier 2011 (711 pour l’année 2010) et à 74 celui des Français depuis le début de l’engagement en 2001.

Libye : le porte-avions Charles-De-Gaulle, déployé au large de la Libye depuis le 22 mars 2011 est rentré à Toulon le 12 août.  Auparavant, il avait effectué la mission « Agapanthe » en océan Indien d’octobre 2010 à février 2011. Dans le cadre de l’opération « Harmattan », il a totalisé 138 jours de mer, 40.000 milles nautiques parcourus (74.000 km), 120 jours d’activité aéronautique, 2.380 catapultages et appontages et 3.600 heures de vol. Le dispositif Marine français au large de la Libye se compose actuellement d’un bâtiment de projection et de commandement, de deux frégates, d’un pétrolier-ravitailleur et d’un sous-marin nucléaire d’attaque.

Côte d’Ivoire et Tchad : le ministre des Affaires étrangères et européennes Alain Juppé a indiqué, le 5 juillet à la commission des affaires étrangères de l’Assemblée nationale, que la force française « Licorne » en Côte d’ivoire sera réduite à 300 ou 400 hommes  à la fin de l’année (1.700 au plus fort de l’intervention) et que le format du dispositif « Epervier » au Tchad, de plus de 1.000 militaires aujourd’hui, est en cours de réévaluation.

Loïc Salmon