Un CICDE, pour quoi faire ?

Le Centre interarmées de concepts, doctrines et expérimentations (CICDE), situé à l’Ecole militaire à Paris, réfléchit à l’emploi des forces armées de demain, tout en suivant la réalité d’aujourd’hui par les retours d’expériences (retex) des opérations en cours et en étudiant les enseignements tirés de l’histoire militaire.

Le 29 avril 2011, son directeur, le général de division Vincent Lafontaine, et son  officier de projets, le colonel Patrick Chanliau, s’en sont entretenus avec des membres de l’Association des journalistes de défense. Le CICDE, selon eux, fait trois types de « prospectives » (scénarios possibles sur la base de données disponibles) : opérationnelle, technique et géostratégique. Celles-ci se nourrissent mutuellement avec les interventions l’Etat-major des armées (EMA), de la Direction générale de l’armement, de la Direction des affaires stratégiques et du  Secrétariat général pour l’administration du ministère de la Défense. Les retex permettent de garder les pieds sur terre : « On est confronté à la surprise stratégique en permanence ». D’abord, le CICDE réfléchit à court (5 ans), moyen (15 ans) et long (30 ans) termes sur l’outil militaire à envisager selon la menace et les moyens à engager. Ensuite, il en déduit une doctrine d’emploi cohérente avec les moyens existants (Terre, Air, Marine et Gendarmerie). Enfin, il recherche trois synergies. La première concerne le développement des futurs systèmes d’armes au sein du ministère de la Défense. La deuxième porte sur l’emploi de l’outil militaire pour la sécurité nationale, en coordination avec le ministère de l’Intérieur. La troisième s’étend à la résolution politique des crises internationales, en coopération avec le ministère des Affaires étrangères. « Le CICDE se trouve à l’Ecole militaire pour plus de sérénité et d’indépendance par rapport aux situations d’urgence, que traite l’EMA au ministère de la Défense », indique le général Lafontaine. Ses effectifs, de 35 experts militaires et civils en 2011, devraient s’étoffer l’an prochain. Sa production, accessible à 80 %, est diffusée au sein de l’ONU et de l’OTAN pour alimenter les échanges. Par exemple, ont expliqué le général Lafontaine et le colonel Chanliau, l’écart technologique entre les pays avancés et les pays émergents va se réduire, car ces derniers investissent plus massivement dans la Défense. Toutefois, les premiers conserveront leur avance dans l’espace extra atmosphérique. Des réflexions sur le cyberespace (attaques des réseaux informatiques) sont en cours. Enfin, une nouvelle arme a fait son apparition : l’influence déstabilisatrice des opinions publiques. « Sur un théâtre d’opérations, la capacité d’influence sur le comportement peut être aussi utile aux militaires que les chars ! », souligne le général Lafontaine.

Loïc Salmon

Au cours de sa carrière,  le général Vincent Lafontaine, officier de l’arme blindée-cavalerie, a exercé des fonctions  qui l’ont préparé à la direction du CICDE. Il a été instructeur  à Saumur (cavalerie), Saint-Cyr et au Collège interarmées de défense (redevenu « Ecole de guerre » le 20 janvier 2011). Il a aussi exercé des responsabilités de direction au Centre de planification  et de conduite des opérations à Paris. Ancien chef de corps du 6-12 Cuirassiers, il a été chef d’état-major de la KFOR (Kosovo), chargé de la planification à l’état-major de la FIAS (Afghanistan) et chef d’état-major de la Finul (Sud Liban).