Ukraine : soutiens OTAN et UE, sanctions contre la Russie

Suite à l’attaque de la Russie contre l’Ukraine le 24 février 2022, la France, l’OTAN et l’Union européenne (UE) ont apporté leur soutien à cette dernière, sauf l’envoi de troupes au sol, et pris des sanctions économiques contre la Russie. L’Allemagne a décidé de se réarmer.

La France. Le 28 février, le président de la République, Emmanuel Macron, a demandé aux armées de faire preuve d’une « grande vigilance » et de la « retenue nécessaire lors des possibles interférences ». Il s’agit d’éviter un incident mal maîtrisé et mal interprété. En effet, depuis une décennie, les avions à long rayon d’action, les bâtiments de surface et les sous-marins russes fréquentent les zones d’intérêt français, près du territoire national, en Atlantique, en Méditerranée et en Manche. Depuis l’engagement direct de la Russie dans la guerre civile en Syrie en 2015, les bâtiments et aéronefs français engagés dans l’opération « Chammal » contre Daech en Irak se coordonnent avec les autres unités militaires sur zone pour éviter des situations à risque élevé. En Afrique, des sociétés militaires privées, dont Wagner (russe) que Moscou ne reconnaît pas officiellement, sont présentes en Centrafrique et au Mali, où sont engagées les forces armées françaises. Par ailleurs, selon le ministère des Armées, dès le début du conflit russo-ukrainien, la France a livré à l’Ukraine des casques, gilets pare-balles et appareils de déminage. D’autres équipements à vocation défensive, létaux et non létaux, seront prochainement livrés. Entre 2011 et 2020, la France a conclu avec l’Ukraine des contrats d’armements d’un montant de 124 M€ et incluant 20 patrouilleurs garde-côtes, en service en mer Noire, et des missiles défensifs à très courte portée pour les corvettes ukrainiennes. La France, qui préside le Conseil de l’UE pour le premier semestre 2022, se félicite de la décision de l’UE de financer des équipements militaires pour l’Ukraine jusqu’à 500 M€ (voir plus loin).

L’OTAN. Le 25 février, le président de la République a annoncé le renforcement de la présence militaire de la France sur le flan Est de l’OTAN. Le déploiement, déjà prévu, d’avions de chasse dans les Etats baltes (Estonie, Lettonie et Lituanie) sera accéléré et renforcé à des fins de protection et de défense. Depuis le 24 février, des patrouilles parties de France, assurent la défense aérienne du territoire polonais. Dès la mi-mars, 4 Mirage 2000-5 et une centaine de personnels de l’armée de l’Air et de l’Espace seront déployés en Estonie ainsi que 200 militaires d’un sous-groupement terrestre aux côtés des détachements danois et britannique. En Roumanie, la France va projeter un premier groupement tactique interarmes d’environ 500 militaires, issu du bataillon « Spearhead » de la Force à très haut niveau de réactivité de l’OTAN, actuellement commandée par la France. En effet, le Commandement suprême des forces alliées en Europe a demandé d’y déployer le bataillon «Spearhead ». La France s’est engagée à y tenir le rôle de nation-cadre. Déjà, depuis 2014, à la suite de l’annexion russe de la Crimée, non reconnue par la communauté internationale, les forces armées françaises participent à des missions de réassurance. Dans le cadre de la « présence avancée renforcée », un détachement de 300 militaires, de chars Leclerc et de véhicules blindés de combat d’infanterie, présent en Estonie depuis plus d’un an, est, alternativement, intégré à un bataillon britannique en Estonie et à un bataillon allemand en Lituanie. Dans les Etats baltes, la France contribue régulièrement à la police du ciel avec des avions de chasse, de guet aérien AWACS et de surveillance maritime pour des missions de surveillance et de renseignement. Elle envoie régulièrement des moyens navals en mer Noire, dont la frégate multi-missions Auvergne en janvier 2022. Par ailleurs, elle contribue à la sécurité aux abords de l’Europe par le déploiement du groupe aéronaval en Méditerranée et la participation à l’exercice « Naval 22 » en Norvège. Suite à un dialogue amorcé après l’effondrement de l’URSS en 1991, l’OTAN a accru son soutien au développement de l’Ukraine à partir de 2014 et a renforcé sa présence en mer Noire. Elle a ainsi intensifié sa coopération maritime avec l’Ukraine et la Géorgie, dont les provinces d’Abkhazie et d’Ossétie du Sud ont proclamé leur indépendance que la Russie a reconnue en 2008. En 2017, le Parlement ukrainien a adopté une loi portant sur l’adhésion à l’OTAN, objectif de politique étrangère et de sécurité inscrit dans la constitution en 2019.

Les sanctions économiques. Selon le Groupe d’études géopolitiques, au 26 février 2022, Biélorussie, Syrie, Birmanie et Venezuela ont soutenu l’intervention russe en Ukraine. Tous les pays occidentaux l’ont condamnée. Le 2 mars, l’assemblée générale de l’ONU a adopté une résolution déplorant « l’agression » de la Russie et exigeant le retrait immédiat de ses forces armées : 141 votes pour ; 5 votes contre (Russie, Biélorussie, Erythrée, Corée du Nord et Syrie) ; 35 abstentions. Le 26 février, selon la présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen, les pays occidentaux ont décidé d’exclure de nombreuses banques russes, y compris la Banque centrale, de la plateforme interbancaire Swift, pour réduire le financement de la guerre en Ukraine. Swift permet le transit des ordres de paiement entre banques, de transfert de fonds, d’achat et de vente de valeurs mobilières. Selon l’association nationale russe Rosswift, la Russie en est le 2ème utilisateur après les Etats-Unis avec environ 300 banques et institutions, soit plus de la moitié de ses organismes de crédit. Toutefois, Moscou met en œuvre ses propres infrastructures pour les paiements (carte bancaire Mir), la notation (agence Akra) et les transferts (système SPFS). Le Conseil européen a décidé de geler les avoirs du président Vladimir Poutine, du ministre des Affaires étrangères Sergueï Lavrov, des membres du Conseil national de sécurité et des députés russes ayant soutenu la reconnaissance des républiques séparatistes de Donetsk et de Louhansk en Ukraine. D’autres sanctions portent sur les finances, l’énergie, les transports, la technologie et les visas. La Suisse, qui a endossé toutes les sanctions prises par l’UE, a gelé les avoirs, estimés à 21,4 Mds$, de riches hommes d’affaires russes. Environ 80 % du négoce de pétrole et de gaz russes se fait en Suisse. Le 2 mars, l’Allemagne a abandonné le projet de gazoduc Nord Stream 2, long de 1.230 km en mer Baltique, la reliant à la Russie et propriété du groupe russe Gazprom.

Les conséquences militaires induites. Le 27 février, Josep Borrell, Haut représentant de l’UE pour les affaires étrangères et la politique de sécurité, a annoncé une aide de 450 M€ à l’Ukraine pour l’achat d’équipements militaires létaux, dont des avions de chasse, et une autre de 50 M€ pour des matériels non létaux. L’Allemagne va livrer 1.000 lance-roquettes et 500 missiles sol-air à l’Ukraine. Elle a augmenté immédiatement son propre budget militaire de 100 Mds€ et l’accroîtra chaque année, afin qu’il dépasse 2 % de son produit intérieur brut. La construction des futurs chars et avions de combat avec les pays de l’UE, dont la France, devient une « priorité absolue », selon le chancelier Olaf Scholtz.

Loïc Salmon

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