Ukraine : les enseignements de trois ans de guerre

Déclenchée le 24 février 2022 par la Russie, la guerre en Ukraine se déploie dans tous les milieux (terre, air, mer, cyber et espace) et le champ informationnel et celui des perceptions. Elle est passée de la haute intensité à un format hybride mêlant armes d’usure et haute technologie.

Cette évolution a été présentée à la presse, le 20 février 2025 à Paris, par le général de brigade Rodolphe Hardy, commandant en second du Combat futur de l’armée de Terre et chargé du retour d’expérience, et le vice-amiral Emmanuel Slaars, sous-chef d’état-major « opérations aéronavales » de l’état-major de la Marine.

Opérations terrestres. Sur la défensive depuis le 30 novembre 2023, les forces armées ukrainiennes (FAU) semblent dans l’incapacité de reprendre l’ascendant sur les forces armées russes (FAFR), indique le général Hardy. Au cours de 2024, ces dernières enregistrent progressivement des gains territoriaux en recherchant l’anéantissement de l’ennemi. Tactiquement, elles pratiquent le combat en zone urbaine, modélisé en phase préparatoire, encerclement, attrition et conquête. Le 17 février, après quatre mois de combats et le repli des FAU, les FAFR ont investi la ville d’Avdiivka (Sud de l’Ukraine) et reprennent l’initiative dans le Donbass. La contre-offensive ukrainienne de 2023 ayant échoué, la loi sur la mobilisation entre en vigueur le 18 mai, baisse l’âge de la mobilisation de 27 à 25 ans et rend l’engagement possible jusqu’à 60 ans. Il s’agit en effet de tenir un front de près de 1.000 km et de compenser les pertes massives. Le 6 août, les FAU entrent dans l’oblast (division administrative) russe de Koursk (Est de l’Ukraine) et progressent rapidement dans le secteur de Soudja, mais les FAFR se réorganisent et forment de nouvelles lignes défensives. Le 2 octobre, ces dernières prennent, en deux mois, la ville de Vouhledar, bastion ukrainien de la région du Donetsk et qui avait résisté deux ans. Le 18 octobre, les services renseignement sud-coréens signalent un déploiement ferroviaire de 12.000 soldats nord-coréens vers la Russie. Le 21 novembre, un missile balistique intercontinental russe Orechnik, de portée intermédiaire (3.000-5.500 km) et capable d’emporter une charge nucléaire, frappe la ville de Dnipro. Le conflit se caractérise par l’incapacité des deux côtés à maîtriser le ciel à cause des défenses sol-air, par l’emploi de l’artillerie et de la frappe dans la profondeur, la transparence du champ de bataille (drones et satellites) et le raccourcissement du cycle innovation, mise en service et retour d’expérience. Mais la technologie ne remplace pas l’engagement du soldat ni la nécessité des réserves.

Opérations navales. Selon l’amiral Slaars, de nombreux navires russes, venus de Mourmansk, Kaliningrad, Méditerranée et Vladivostok, ont rallié la mer Noire dès janvier 2022, afin de la verrouiller : 2 croiseurs ; 2 destroyers ; 1 frégate ; 1 pétrolier-ravitailleur ; 6 bâtiments amphibies. Pourtant les FAFR abandonnent l’idée d’un débarquement dans les ports ukrainiens d’Odessa et de Kherson en juin 2022, privilégiant des assauts terrestres sur Kiev et Hostomel, qui échouent. De juillet 2022 à juillet 2023, des initiatives internationales, notamment de la Turquie, tentent de restaurer la liberté de navigation en mer Noire. De juillet 2023 à octobre 2024, la plupart des navires russes sont détruits ou endommagés, à quai ou dans des bassins d’entretien, par des missiles de croisière ukrainiens. Depuis juin 2023, l’Ukraine a pu reprendre ses exportations de céréales au niveau de celui de 2021 (45 Mt) et de pétrole (60 % des exportations en volume financier) grâce à la mise sur pied d’un corridor. La Russie contourne les sanctions internationales par la mise en œuvre d’une flotte de commerce fantôme. Toutefois, la mer Noire reste infestée d’un millier de mines défensives et offensives. Le conflit souligne l’importance des armes de précision, de la maîtrise du spectre électromagnétique (données venant de l’espace ou du sol), du traitement de la donnée et de la lutte anti-drones.

Loïc Salmon

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