Triangle tactique, décrypter la bataille terrestre

Au cœur du combat, les grands chefs de guerre, remarquables tacticiens, se concentrent sur l’essentiel pour manœuvrer, à savoir l’équilibre entre mobilité, puissance de feu et protection.

Le tacticien va appliquer sur le terrain ce que le stratège a imaginé. La technologie entraîne des modifications majeures, mais les paramètres de la manœuvre perdurent. Celle-ci combine : le choc des épées, lances, jets de pierre ou de flèches puis des armes à feu ; le mouvement, accéléré par la domestication du cheval et l’invention du moteur ; la protection du combattant, par le bouclier ou le blindage des engins, le camp retranché ou le château fort, le camouflage ou toute capacité de dissimulation. Alexandre le Grand et Napoléon, dirigeants politiques, furent d’abord des chefs militaires victorieux. Une part de chance entre dans la tactique, quand le chef décide sans disposer de toutes les informations mais se fie à son instinct…et à son expérience ! Dès l’Antiquité, en dépit des exploits individuels, la réalité du combat impose la supériorité de la troupe organisée, disciplinée, bien encadrée et…entraînée ! L’armée macédonienne combine la phalange d’infanterie lourde avec la cavalerie, pour disloquer le dispositif adverse. La légion romaine, qui la vaincra, se déplace beaucoup plus vite, tout en conservant sa cohésion. L’Empire byzantin donne plus de place à la cavalerie lourde, grâce à l’invention de l’étrier. A Crécy (1346), Poitiers (1356) et Azincourt (1415), la puissance d’attrition des archers anglais empêche toute cohérence de la charge de la chevalerie française. A Castillon (1453), victoire finale française de la Guerre de Cent Ans, l’emploi de l’artillerie mobile se combine à l’attaque de la cavalerie contre les formations anglaises. Aux siècles suivants, la puissance de feu des canons et des fusils des troupes en ligne complique la manœuvre, limitée en outre par l’approvisionnement en munitions. L’invention de la cartouche papier, l’augmentation de la puissance de feu du canon et la réforme de l’infanterie en divisions interarmes redonnent la capacité manœuvrière. Le triangle tactique des guerres de la Révolution, puis de l’Empire avec la création de la logistique militaire, optimise les qualités et compense les faiblesses de l’infanterie, la cavalerie et l’artillerie. Les armes à répétition et les canons à chargement par la culasse remettent cet héritage en cause, avec les hécatombes de la guerre de Sécession (1860-1865) et du début de la Grande Guerre. Celle-ci, devenue industrielle, décuple la puissance de feu, d’où les tranchées pour s’en protéger sur un front statique. Des inventions surgissent sur le champ de bataille : transmissions par téléphone et télégraphe ; avions de reconnaissance puis de bombardement ; chars de combat. Le succès tactique de la « Blitzkrieg » allemande (1939-1941) repose sur l’emploi combiné du char et de l’avion, rendu possible par la radio. La dimension « théâtre d’opérations » apparaît au cours des deux conflits mondiaux. L’arrivée de l’avion à réaction constitue une révolution pour les frappes massives par surprise. Les unités aéroportées puis héliportées accumulent les succès tactiques pendant les guerres de décolonisation…et dans la protection des ressortissants ensuite. Dans un combat futur de haute intensité, frappes aériennes de précision et forces spéciales concourront directement à la victoire stratégique, mais ne remporteront pas la nécessaire victoire tactique… toujours acquise au sol !

Loïc Salmon

« Triangle tactique, décrypter la bataille terrestre », Pierre Santoni. Editions Pierre de Taillac, 176 pages, illustrations, 24,90 €.

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