Renseignement et espionnage pendant la première guerre mondiale
Les moyens techniques du renseignement connaissent des progrès considérables. La cryptologie et les interceptions des communications donnent naissance au renseignement électromagnétique. Les opérations clandestines portent surtout sur le sabotage et la subversion.
La reconnaissance aérienne renseigne le commandement en temps réel, grâce aux avions d’observations équipés de postes de radio. S’y ajoutent les prises de vues réalisées entre 50 m et 300 m d’altitude, pour les photos obliques, et entre 50 m et 4.200 m pour celles verticales. Pour les agents secrets, la microphotographie permet d’envoyer 21 pellicules contenant 38.000 dépêches, glissées dans un tube d’aluminium de 5 cm de long attaché à la patte d’un pigeon voyageur, moyen rustique mais considéré comme sûr. Le largage de pigeons derrière les lignes ennemies par voie aérienne reste d’actualité jusqu’à la fin de la guerre. Les écoutes et la radiogoniométrie permettent de situer les PC ennemis et reconstituer leur ordre de bataille, localiser les groupes d’artillerie et suivre les raids nocturnes des dirigeables allemands Zeppelin, lancés contre l’Angleterre et la France en 1916 et 1917. Dans le domaine naval, outre les informations des services de renseignement agissant en territoire neutre ou ennemi et celle des bureaux de renseignements maritimes dans les ports, la Marine française s’appuie sur le déchiffrement des interceptions radio et sur l’assistance britannique, qui va s’avérer déterminante pour la lutte contre les sous-marins ennemis, la protection du commerce maritime de la France avec ses colonies et le contrôle du blocus économique contre la coalition des Empires allemand, austro-hongrois et ottoman et du Royaume de Bulgarie. L‘Amirauté britannique crée un service de cryptologie dénommé « Room 40 », dont les experts parviennent à décrypter plus de 15.000 messages allemands et à détecter les actions navales planifiées, conduisant à la perte de la moitié de la flotte de surface impériale. Les stations d’écoute, installées le long des côtes britanniques, permettent, dès la fin de 1914, de pister un sous-marin allemand dès son appareillage jusqu’à sa plongée. En outre, depuis le début du XXème siècle, la Grande-Bretagne dispose d’un réseau de câbles sous-marins connectés jusqu’à l’Australie, la Nouvelle-Zélande et ses possessions du Pacifique. En 1917, les câbles sous-marins allemands ayant été coupés, un message secret du ministre allemand des Affaires étrangères destiné au gouvernement mexicain dut transiter par le réseau des États-Unis…que les Britanniques interceptaient à leur insu ! Le fameux télégramme Zimmerman, décrypté par Room 40 et rendu public par le gouvernement britannique, provoque l’entrée en guerre des États-Unis le 5 avril 1917. Pour protéger le canal de Suez face à l’Empire ottoman, les services de renseignements britanniques suscitent la révolte des tribus arabes en 1917. De son côté, l’Empire allemand utilise les mêmes moyens techniques de renseignement et recourt aussi aux opérations secrètes. Dès juillet 1914, l’ambassade d’Allemagne à Washington reçoit pour mission de porter la « guerre clandestine » sur le territoire des États-Unis désignés comme « l’ennemi invisible ». Entre janvier et juillet 1915, 17 navires ont été sabotés dans des ports américains. En 1916 et 1917, des attentats sont perpétrés dans un dépôt de munitions à Jersey-City (7 morts), dans un chantier naval près de San Francisco (8 morts) et dans le port canadien de Halifax (2.000 morts). Mais le plus grand succès des opérations clandestines allemandes reste le soutien logistique et financier au Parti bolchevique pour instaurer une république en Russie, alliée de la France et de la Grande-Bretagne. Cela entraînera la paix séparée de Brest-Litovsk (3 mars 1918).
Loïc Salmon
« Renseignement et espionnage pendant la première guerre mondiale », ouvrage collectif. Éditions Cf2R Ellipses, 576 p., 29,50 €.
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