Marine nationale : groupe aérien aux Etats-Unis, modernisation du porte-avions

Pendant l’arrêt technique majeur du porte-avions Charles-de-Gaulle, son groupe aérien s’entraîne aux Etats-Unis pour maintenir ses compétences et accroître son interopérabilité avec l’aviation embarquée américaine.

La partie aérienne a été présentée à la presse, le 29 mars 2018 à Paris, par le contre-amiral Guillaume Goutay, commandant la force de l’aéronautique navale, et le capitaine de frégate Marc Bourdilleau, commandant le groupe aérien embarqué. La partie navale a été exposée par le capitaine de vaisseau Marc-Antoine de Saint-Germain, commandant le Charles-de-Gaulle (CdG) pendant son indisponibilité, lors d’une conférence-débat organisée, le 21 mars 2018 à Paris, par le Centre d’études stratégiques de la marine.

Déploiement « Chesapeake ». Pendant le chantier du CdG, les pilotes du groupe aérien poursuivent leur entraînement à terre à la base de Landivisiau, contribuent à la protection du ciel métropolitain et ont participé aux exercices OTAN et à l’opération « Chammal » au Levant, avec l’armée de l’Air à partir de la Jordanie, rappelle l’amiral Coutay. Tous ont suivi une formation de deux ans aux Etats-Unis. En outre, le déploiement « Chesapeake » (3 avril-27 mai 2018) de douze Rafale Marine et d’un avion de guet aérien E-2C Hawkeye, dans deux bases navales américaines et sur le porte-avions George-H-W-Bush, permet au groupe aérien embarqué d’être « au top niveau » sur le plan tactique quand le CdG reprendra la mer. En 2008, 6 Rafale et 1 Hawkeye s’étaient déjà entraînés avec le porte-avions Theodore-Roosevelt. Cette coopération se prolongera dans les opérations conjointes futures, grâce au niveau élevé de confiance réciproque sur les plans technique et tactique, souligne l’amiral. Selon, le capitaine de frégate Bourdilleau les 350 marins déployés dans « Chesapeake », incluant pilotes, préparateurs de mission, mécaniciens et personnels du pont d’envol proviennent des flottilles 4F, 11F, 12F et 17F ainsi que du Centre d’expertise groupe aérien embarqué. Conçue comme une projection opérationnelle, « Chesapeake » a commencé par une manœuvre de convoyage de 3 jours. Le Hawkeye a suivi la route du Nord avec des escales en Ecosse, en Islande, au Groenland et au Canada. Passés par le Sud, les 12 Rafale ont rallié les Etats-Unis, via les Açores, grâce aux 3 avions ravitailleurs KC135 de l’armée de l’Air. Le retour est prévu début juin pour les Rafale et début juillet pour le Hawkeye. Lors de la première phase du déploiement, à terre en Virginie (5 avril-8 mai), les Rafale sont accueillis par l’unité Carrier Air Wing 8 sur la base aéronavale d’Oceana, près de Norfolk, et le Hawkeye sur celle de Chambers, dans l’arsenal de Norfolk. Au cours des appontages simulés sur piste, les pilotes répètent les manœuvres à entreprendre avec un très haut niveau de sécurité. Chacun doit en réussir 8 avant de passer sa qualification sur porte-avions, laquelle exige 10 appontages réussis, de jour et de nuit. La seconde phase (8-18 mai) se déroule à bord du George-H-W-Bush, au large de Norfolk. Sur les 27 pilotes, 5 auront effectué leur premier appontage à bord d’un Rafale Marine. Les quelque 180 exercices prévus auront inclus 430 vols sur Rafale et 40 sur Hawkeye. Les missions complexes, avec avions français et américains équipés de missiles de croisière, incluent : soutien de troupes au sol ; attaque ou défense de navires ; recherche de cibles défendues par des missiles sol-air ; combat aérien avec un ou plusieurs avions ; bombardement ; défense de zone ; protection de raids dans la profondeur. Toutefois, indique le capitaine de frégate Bourdilleau, les deux parties n’auront pas mis en œuvre tous leurs modes opératoires, par souci de discrétion.

Outil militaire à longue élongation. Un porte-avions permet la maîtrise des espaces aéromaritimes et une projection de puissance, qui expliquent sa prolifération avec une variante en porte-aéronefs (voir encadré). Egalement porteur d’une composante arienne de la dissuasion nucléaire, le CdG a été déployé 14 mois en opérations en deux ans, rappelle le capitaine de vaisseau de Saint-Germain. Ses missions portent aussi sur le renseignement. Ainsi son apport de l’information, à traiter en état-major et à exploiter pour l’action, a permis de comprendre la menace, lors de la mise en place du porte-aéronefs russe Amiral-Kouznetsov pendant l’opération « Chammal » lancée en 2014 au large de la Syrie. Stocks de pièces de rechange et bancs de maintenance moteurs et équipements électroniques, mis en œuvre par 450 techniciens dans le grand hangar du CdG, lui donnent une capacité de production d’heures de vol. Son 2ème arrêt technique majeur, sur les 4 prévus au cours de sa vie opérationnelle, commencé au premier trimestre 2017, doit s’achever par une remontée en puissance au début de 2019. L’entretien lourd décennal inclut le maintien en condition opérationnelle, le rechargement des cœurs nucléaires, l’entretien et le contrôle des chaufferies et de la propulsion. La refonte à mi-vie, qui lui donnera 20 ans de potentiel supplémentaire, porte sur le système de combat (dont les senseurs radars et organiques), l’installation d’aide à l’appontage et les réseaux informatiques. Enfin, le groupe aérien embarqué termine sa transformation au format chasse « tout Rafale Marine », équipé du missile air-air longue portée (150 km) Meteor. Au cours du chantier, conduit en partenariat avec le maître d’œuvre Naval Group, l’équipage assure 50 % des travaux. En raison de la même doctrine d’emploi que ses homologues américains, le CdG a déjà remplacé l’un d’eux en opérations dans le golfe Arabo-Persique. Pourtant, il n’est équipé que de 2 catapultes et n’embarque que 24 chasseurs, contre 4 catapultes et 80 appareils, capables de 100 sorties par jour, pour un porte-avions américain.

Loïc Salmon

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Selon le Centre d’études stratégiques de la marine, les 11 porte-avions (PA) américains (330 m de long, 112.000 t de déplacement et 4.500 personnels), actuellement en service, sont à propulsion nucléaire et équipés de catapultes à vapeur et de brins d’arrêt. L’unique PA français (260 m, 42.500 t et 1.950 p) présente les mêmes caractéristiques. L’unique porte-aéronefs (PO) chinois (304 m, 65.000 t et 2.500 p) utilise le fioul pour sa propulsion et est équipé d’un tremplin pour avions à décollage court et appontage par brins d’arrêt. Les 2 PO indiens (273 m, 45.000 t, fioul et 1.600 p) présentent les mêmes caractéristiques. Le PO russe (302 m, 60.000 t, fioul et 1.950 p) dispose des mêmes équipements aviation. L’unique PO britannique (280 m, 65.000 t, fioul et 1.600 p) dispose d’un tremplin, mais pas encore de groupe aérien. Vers 2022-2023, il embarquera des avions américains F35B à décollage court et atterrissage vertical puis sera rejoint par un navire jumeau. A l’horizon 2030, 27 unités devraient naviguer dans le monde : Etats-Unis, 11 PA équipés de catapultes électromagnétiques ; France, 1 PA à catapultes à vapeur et études lancées pour son successeur ; Brésil, 1 PO car le PA Sao-Paulo (ex-Foch français), désarmé, devrait être remplacé après le rachat du porte-hélicoptères britannique Ocean ; Italie, 2 PO qui auront été transformés pour recevoir des F35B ; Espagne, 1 PO ; Inde, 3 PO dont 1 avec catapultes ; Chine, 4 PO et projet de propulsion nucléaire ; Russie, 2 PO.