L’AED : vision stratégique, recherche et technologie

L’Agence européenne de défense (AED) s’appuie sur la mutualisation et le partage des moyens et des responsabilités d’Etats membres pour promouvoir l’industrie de défense, source d’innovation, de croissance et d’emplois en Europe.

Son directeur exécutif, Claude-France Arnould, l’a expliqué le 12 juin 2012, à l’occasion du salon de l’armement terrestre « Eurosatory 2012 » tenu en région parisienne, et le 26 juin à Paris, devant la commission économie et défense de l’Association des auditeurs de l’Institut des hautes études de défense nationale.

Le déficit de défense de l’Union européenne est manifeste, comme l’a montré la tragédie des Balkans dans les années 1990 à laquelle elle n’a pu mettre un terme sans l’aide des Etats-Unis, qui assurent 80 % des capacités militaires de l’OTAN. Or, « si on n’est pas puissants, on ne peut défendre nos intérêts, même commerciaux ». Le déficit en matière de recherche et de technologie s’accroît entre les Etats-Unis et l’Union européenne. « La situation se dégrade de manière dramatique ». Les Etats membres de l’UE ne sont plus les principaux clients des Etats-Unis, qui s’engagent en Asie et estiment que celle-ci doit se protéger elle-même et devenir un pourvoyeur de sécurité.

L’Agence européenne de défense emploie 120 personnes et dispose d’un budget annuel de 31 M€, dont 9 M€ à titre « opérationnel » pour le financement des études et des démonstrateurs. Les projets font l’objet d’un tour de table en vue de rassembler les candidats ad hoc. L’AED est la seule agence du Conseil de l’Union européenne dont le comité directeur se réunit au niveau ministériel, donnant ainsi un élan politique fort à ses initiatives. Elle rassemble tout le développement capacitaire, de la recherche à l’industrie et au déploiement opérationnel. Sa souplesse de fonctionnement offre aux Etats membres la possibilité de participer ou non à un projet, dont elle sélectionne l’équipe parmi son réseau d’experts. Il y a 28 pays partenaires : les 27 de l’Union européenne moins le Danemark plus la Norvège et la Suisse. S’il y a convergence de plusieurs Etats membres sur un projet, l’AED peut le soutenir auprès de la Commission européenne, qui l’intègre au « paquet défense ». Elle entretient de bonnes relations avec le comité militaire de l’Union européenne sur la mutualisation et le partage des moyens militaires, mais pas les programmes d’entraînement spécifique. Enfin, selon son directeur exécutif, l’AED jouit d’une « certaine crédibilité au Pentagone » (quartier général du ministère américain de la Défense).

La recherche sur des projets à long terme (horizon 20-30 ans) nécessite des investissements qui garantissent aussi l’avenir du socle industriel et technologique de l’Europe, rappelle Claude-France Arnould. Plusieurs projets de ce genre ont déjà vu le jour : la fusée Ariane ; l’avion de transport tactique A 400M ; la frégate européenne multimissions (FREMM) ; l’hélicoptère NH90 ; le laboratoire contre les engins explosifs improvisés (voir rubrique archives 4-1-2012). Sont en cours : les programmes d’entraînement pour les hélicoptères et le transport aérien tactique ; les systèmes de commandement (lutte contre la piraterie maritime dans le golfe d’Aden) ; l’hôpital modulaire ; la surveillance maritime ; les services de communications par satellites commerciaux ; les futurs systèmes de combat terrestre ; l’avion multirôles de ravitaillement en vol et de transport (MRTT), « enjeu industriel européen ». La France, l’Allemagne et les Pays-Bas se sont engagés sur ce dernier projet en avril 2012. Dans les prochains mois, l’AED va lancer un programme d’investissements communs pour les drones, dans le cadre de la coopération européenne. Cela permettra aux Etats membres de mutualiser leurs ressources dans ce domaine, en vue du meilleur rapport qualité/prix et d’offrir des opportunités aux petites et moyennes entreprises.  Enfin, l’AED travaille à la standardisation des équipements, des certifications et des qualifications, en vue de réduire les délais, coûteux, et de créer une culture de l’interopérabilité européenne.

La Commission européenne sait que la croissance des budgets de défense des Etats membres est limitée et va dégager 3Md€ pour la recherche. « Il faut faire en sorte que les acteurs Défense en bénéficient », déclare Anne-Claude Arnould, qui ajoute que « l’on trouve toujours de l’argent pour faire quelque chose au niveau national ou bilatéral ». Par ailleurs, l’AED travaille de manière complémentaire avec l’OTAN : « quand il y a un intérêt majeur, on le fait avec l’OTAN, s’il s’agit d’un intérêt européen, on le fait entre industriels européens ». Contrairement à l’opinion répandue selon laquelle il est compliqué de travailler à 28 partenaires, Claude-France Arnould souligne qu’il est possible de travailler à deux sur des programmes, comme ce fut le cas pour la lutte contre les mines. « L’Agence européenne de défense est là pour soutenir des travaux à partir de deux Etats membres ».

Loïc Salmon

Claude-France Arnould est directeur exécutif de l’Agence Européenne de Défense (AED) depuis janvier 2011. Ancienne élève de l’Ecole normale supérieure et de l’Ecole nationale d’administration dont elle a été secrétaire générale de 1987 à 1989, elle est diplômée de l’Institut d’études politiques de Paris et titulaire de l’agrégation de lettres classiques et d’une licence d’art et d’archéologie. Entrée au ministère des Affaires étrangères en 1989, elle sert comme sous-directeur à la Direction économique puis à la Direction de la coopération européenne et enfin comme premier conseiller à l’ambassade de France en Allemagne (1994-1998). Par la suite, elle a été notamment directrice des affaires internationales et stratégiques au Secrétariat général de la défense nationale (1998-2001) et a été nommée à la tête de la Direction gestion des crises et planification au Conseil de l’Union européenne (2009-2010). Claude-France Arnould est officier de la Légion d’Honneur et de l’Ordre national du Mérite. La Commission économie et défense, présidée par l’amiral (2S) François Dupont (à droite), ancien directeur de l’Institut des hautes études de défense nationale (IHEDN), est une émanation de l’Association des auditeurs de l’IHEDN, qui regroupe les personnes ayant effectué une session nationale