La nouvelle guerre secrète
Lutte contre le terrorisme et guerre hybride ont conduit la Grande-Bretagne, les Etats-Unis et Israël à recourir à des interventions secrètes par des unités militaires spécialisées ou même des sociétés militaires privées.
Ces unités, souvent dérivées des forces spéciales et entourées du secret le plus strict, opèrent sur le territoire national (sauf aux Etats-Unis) en étroite relation avec les forces de sécurité et à l’étranger avec les forces armées et les services de renseignement extérieur. Les groupes terroristes, cloisonnés en petites cellules difficiles à infiltrer, connaissent le mode de fonctionnement militaire et le rôle des médias et de l’opinion publique dans les pays occidentaux. Ces derniers doivent alors anticiper leurs opérations, identifier les cibles visées pour les protéger et localiser les cellules adverses pour les détruire. Cela nécessite des renseignements opérationnels très précis, d’origines humaine, électromagnétique et optique, en vue d’une attaque de drones, d’une frappe aérienne ou d’une intervention par une équipe spécialisée. Quoique surtout issus des forces spéciales, les personnels passent par une sélection drastique et suivent un entraînement rigoureux. Certaines unités changent de nom ou disparaissent en raison des circonstances. Leur budget est dissimulé et leur existence cachée. Créées à l’insu du contrôle parlementaire ou pour le contourner, elles ont démontré leur efficacité sans pour autant permettre, par leur seule action, de l’emporter dans un conflit. Toutes, en totalité ou via certains de leurs membres, ont abusé de leur autonomie d’action pour sortir de leur cadre initial avec, pour conséquences, des dégâts collatéraux lors d’assassinats ciblés, la torture (physique et/ou psychologique) de suspects ou des tractations financières illégales. L’expérience des actions clandestines pendant la seconde guerre mondiale, les conflits de la décolonisation et en Irlande du Nord a permis aux unités spécialisées britanniques de s’adapter puis d’intervenir à Londres, en Irak, Afghanistan, Pakistan, Libye, Yémen, Somalie et Iran. Grâce aux enseignements britanniques, les services spéciaux des Etats-Unis entament, contre l’Allemagne et le Japon (1941-1945), des opérations clandestines et une action psychologique qu’ils vont ensuite développer dans de nombreux pays. La CIA, civile et chargée de déstabiliser le bloc communiste dès 1947, se concentre sur le niveau stratégique. Créé 1980, le « Joint Special Operations Command » (Commandement interarmées des opérations spéciales) monte en puissance après 2001 et coopère désormais avec la CIA, autrefois sa rivale. Depuis la guerre conventionnelle de 1973, Israël est devenu la cible de menaces asymétriques accrues sur son territoire, ses frontières et à l’étranger. Les services de renseignement Shin Bet (intérieur), Aman (sécurité militaire) et Mossad (pays étrangers) ont considérablement développé leurs propres unités spécialisées. La France dispose de la Gendarmerie au niveau national, du Commandement des opérations spéciales et, pour les opérations clandestines, du service Action de la Direction générale de la sécurité extérieure. Enfin, une « remilitarisation » du renseignement se manifeste en Grande-Bretagne, aux Etats-Unis et en Israël. En effet, le développement des unités spécialisées et des moyens de renseignement de toutes origines assure aux forces armées la prééminence sur les agences civiles.
Loïc Salmon
« La nouvelle guerre secrète », par Eric Denécé et Alain-Pierre Laclotte. Mareuil Éditions, 432 pages. 19,90 €
Exposition « Guerres secrètes » aux Invalides
Forces spéciales : outil complémentaire des forces conventionnelles