La Nostalgie de l’honneur

« C’est l’instinct de l’honneur qui fait les héros », écrit l’auteur. Cette assertion, qui correspond au général Philippe Leclerc de Hautecloque, chef de la 2ème Division blindée (DB) pendant la seconde guerre mondiale, pourrait aussi s’appliquer au général Jean Crépin (1908-1996). Le destin de ces deux hommes va croiser celui du général Charles de Gaulle. Jean Crépin, par soif d’aventure et pour éviter la banalité de la vie de garnison en métropole, choisit l’artillerie coloniale à la sortie de l’Ecole Polytechnique. Il est d’abord affecté à la concession française de Tientsin, en Chine. Le 28 août 1940, jeune capitaine, il commande une batterie de côte au Cameroun quand un commandant (Leclerc), qui s’était fait coudre sur les manches les galons de colonel pour en imposer, lui fait demander de se rallier à la France libre. Crépin est le 2ème à le faire. Plus tard en Indochine, ses talents de négociateur et de diplomate faciliteront les succès de Leclerc, commandant en chef du Corps expéditionnaire, dans ses relations difficiles avec les armées chinoises. Lieutenant-colonel, il combat l’Afrika Korps en 1943, reçoit la croix de Guerre avec plusieurs palmes et la Légion d’honneur et est fait compagnon de la Libération. Le 3ème Régiment d’artillerie coloniale, qu’il a commandé, reçoit la fourragère de la croix de Guerre 1939-1945. A la mort de Leclerc en 1947, il est « mis au placard » jusqu’en 1950 avant de recevoir ses étoiles de général de brigade…grâce à René Pleven, également compagnon de la Libération et ministre de la Défense. En désaccord sur la politique belliqueuse menée en Indochine par les gouvernements de la IVème République et jugeant cette guerre perdue d’avance, il refuse d’y repartir, malgré les interventions du général Jean de Lattre de Tassigny, nouveau commandant en chef. En conséquence, il attendra sept ans sa troisième étoile au lieu de trois et demi. Entretemps, il est nommé, de 1955 à 1958, président du « Comité exécutif des explosifs nucléaires », instance secrète créée par Pierre Mendès-France, président du Conseil. Le général Crépin contribuera, avec Pierre Guillaumat, son camarade de promotion à Polytechnique, administrateur du Commissariat à l’énergie atomique (CEA) et futur premier ministre des Armées du général de Gaulle, à doter la France de l’arme nucléaire, garantie de son indépendance en pleine guerre froide. Avec Bertrand Goldschmidt, chef du département Chimie du CEA, ils sont considérés comme les pères de la force de frappe française. A l’issue de sa mission, Crépin se porte volontaire pour servir en Algérie. Promu général de corps d’armée, il y remplace le général Jacques Massu, son vieux compagnon de la 2ème DB, limogé par le président de la République. Crépin subira le même sort après le referendum sur l’indépendance de l’Algérie en 1961 et sera nommé à la tête des Forces françaises en Allemagne. Comme le lui expliquera le général de Gaulle, le nouveau contexte politique et militaire exige un changement de titulaire à ce poste. Le général d’armée Crépin, grand-croix de la Légion d’honneur, finit sa carrière militaire comme commandant en chef des Forces alliées du secteur Centre Europe. Ensuite, il sera cinq ans vice-président du futur groupe aéronautique EADS. Tirant le bilan de sa vie, l’auteur (son petit-fils) conclut que les démocraties avancées tentent de prévenir et résoudre les conflits par la diplomatie. « Mais l’honneur commande de dire non quand l’essentiel est en cause. Or il n’y a pas de grandeur sans honneur. »

Loïc Salmon

« La Nostalgie de l’honneur » par Jean-René van der Plaetsen. Éditions Grasset, 240 pages, 19 €.