La Légion étrangère : combats pendant, solidarité après

Unique au monde, moteur de la francophonie et outil de rayonnement, la « Légion » forme des combattants étrangers, qui peuvent compter sur elle quand rien ne va plus pour eux après.

Cet aspect méconnu a fait l’objet d’un déplacement organisé, les 2 et 3 avril 2013 à Aubagne et à Puyloubier (Sud de la France), par l’Association des journalistes de défense. Il constitue une autre particularité de la Légion (voir rubrique « Archives » 28-11-2012 : « La Légion étrangère : qualité, commandement et formation »).

Solidarité Légion. « On crée des références pour ceux qui sont venus en chercher », explique le général de division Christophe de Saint Chamas, commandant de la Légion étrangère et « père » de cette grande famille. Les candidats d’environ 150 nationalités différentes ont pu consulter le site internet de recrutement de la Légion… rédigé en 15 langues ! Le lieutenant (français) chef de section joue un rôle primordial. Lors de la formation initiale de 17 semaines à Castelnaudary, il donne des cours de français, de quoi acquérir les 400 mots nécessaires au quotidien en caserne et au niveau vital à l’extérieur. Il dirige aussi les séances de sport, critères du combattant d’infanterie, tronc commun de tous les légionnaires. Enfin, il enseigne le tir et les notions de base du combat.  Malgré une sélection sévère (800 sur 10.000 postulants en 2011), les légionnaires restent une « population à risques ». Le lieutenant commande des hommes encore dépourvus de références juridiques à suivre, à savoir l’obéissance à des ordres légaux. Il devient donc leur « code civil ». La signature du premier contrat d’engagement de cinq ans n’intervient qu’au bout de 15 jours. Pendant la période probatoire d’un an, les légionnaires peuvent partir à leur demande ou du fait de l’autorité militaire. Environ un tiers d’entre eux quitte la Légion à l’issue de leur contrat initial, contre un quart dans l’armée de Terre. Entrés dans la Légion à 23 ans en moyenne, ils en sortent à 28 ans avec une vie comportementale stable, la connaissance du français en plus de leur langue d’origine et l’aptitude à travailler. Les légionnaires d’aujourd’hui ont tendance à demander un titre de séjour en France, mais certains préfèrent la naturalisation, qui devient un droit s’ils sont blessés au combat (loi de 1999). Il existe environ 20.000 anciens légionnaires dans le monde, dont certains se regroupent en amicales  (Pologne, Allemagne, République tchèque, Chili etc.). L’Amicale des anciens légionnaires chinois, très prospère en France, aide ses membres à trouver des emplois auprès d’entreprises françaises … implantées en Chine. Mais tous les anciens légionnaires n’ont pas cette chance. Comme ils savent que la France ne laisse pas tomber ceux qui ont tout quitté pour la servir au péril de leur vie, ils viennent « taper à la porte » du Service du moral et Foyer d’entraide de la Légion étrangère (SM/FELE). Celui-ci dispose d’un centre d’accueil (encadré) pour ceux qui ont bien servi. Les ayants droits, dont l’âge varie de 46 ans à 82 ans, n’ont souvent aucun revenu. Ils doivent seulement présenter un certificat de bonne conduite, délivré à l’issue du contrat dans 99 % des cas, et ne pas être lourdement handicapés. Dans ce dernier cas, ils sont dirigés vers des maisons de retraite ou des hôpitaux et reçoivent la visite de personnes du service. Organisme privé, le SM/FELE reçoit des dons d’entreprises, de l’action sociale du Conseil général des Bouches-du-Rhône, de la Fondation Maria et Ivan Busnot pour les orphelins de la Légion, de gens qui ont entendu parler de la Légion, d’autres qui savent que la Légion a protégé leurs parents en Indochine ou en Algérie, d’enfants de légionnaires et même d’anciens légionnaires devenus riches, comme l’homme d’affaires britannique Simon Murray, également donateur du musée de la Légion.

Plus de 180 ans d’histoire. A partir du 30 avril 2013, le musée de la Légion à Aubagne, agrandi et rénové, accueille la main du capitaine Danjou tué à Camerone (Mexique) en 1863. Affiches, gravures, tableaux, armes et documents retracent l’histoire de cette troupe, unique au monde car ouverte à tous les étrangers volontaires pour servir la France. Il s’ensuit un fort esprit de corps forgé au cours des combats depuis sa création en 1831. Toutefois, l’ordonnance royale de Louis-Philippe (9 mars) stipule que cette troupe « ne pourra être employée que hors du territoire continental du Royaume ».  Au départ, les bataillons sont constitués en fonction des origines des soldats, à savoir suisse, allemande, espagnole, italienne, belge, hollandaise et polonaise. La Légion participe à la conquête de l’Algérie, commencée l’année précédente. L’amalgame, avec l’obligation de parler français en service, se fait en 1835, quand Louis-Philippe cède la Légion à la couronne d’Espagne, qui affronte la première rébellion « carliste ». Restituée trois ans plus tard à la France, la Légion retourne en Algérie. Le Second Empire (1852-1870) la déploie dans de nouvelles campagnes : Crimée (1854-1856), Italie (1859), Mexique (1863-1867) et France (1870) où, pour la première fois, la Légion se bat sur le sol métropolitain. Après l’annexion de leurs provinces par la Prusse, de nombreux Alsaciens et Lorrains s’engagent dans la Légion. A partir de 1882, celle-ci est envoyée, par la IIIème République, conquérir ce qui deviendra l’Empire colonial français : Annam, Tonkin, Dahomey, Soudan et Madagascar. Pendant la première guerre mondiale, la Légion retourne se battre en métropole, mais est aussi présente au Maroc, aux Dardanelles, en Serbie, au Tonkin et en Russie du Nord. Pendant l’entre-deux-guerres, les valeurs de la Légion se normalisent : caractère sacré de la mission, rigueur dans l’exécution, solidarité et culte du souvenir. Sa devise, inscrite sur les drapeaux et étendards, devient « Honneur et Fidélité » au lieu de « Honneur et Patrie ». Le pas lent des troupes de l’Ancien Régime et du  Premier Empire lui est attribué. Le képi blanc et le corps de pionniers avec hache et tablier de cuir apparaissent. Pendant la seconde guerre mondiale, la Légion participe à la plupart des combats et sera faite « Compagnon de la Libération » le 9 avril 1945. Enfin, après les guerres de décolonisation (Indochine et Algérie), elle est régulièrement déployée sur tous les théâtres d’opérations extérieurs.

Loïc Salmon

Camerone : la main du capitaine Danjou, « relique » de la Légion

La Légion étrangère : qualité, commandement et formation

Le monument aux morts a été rapatrié de Sidi-bel-Abbès (Algérie) en 1962, quand la Légion a installé son principal centre de recrutement à Aubagne (Bouches-du-Rhône). En outre, celle-ci dispose, non loin de là, de sa propre Institution des invalides à Puyloubier. Au milieu d’un domaine de 240 ha dont 40 ha de vignes, un immeuble en hémicycle de 120 m de long peut accueillir une centaine de pensionnaires dans des chambres individuelles avec télévisions en français et en allemand. Certains apprennent la céramique, la reliure et le travail de la vigne. Le budget annuel de l’institution (3 M€), est assuré en partie par la vente du vin (200.000 bouteilles/an) et des produits de la boutique. A Puyloubier, se trouve également le musée des uniformes de la Légion. Chaque année, quelque 8.000 visiteurs viennent admirer 110 mannequins revêtus des tenues de 1831 à 1962.