La DST sur le front de la guerre contre le terrorisme
La Direction de la surveillance du territoire (DST, 1944-2008) a appliqué les méthodes du contre-espionnage à la lutte contre le terrorisme avec comme seules armes, particulièrement efficaces, le renseignement et l’action judiciaire.
Entre 1954 et 1962, la DST mobilise 80 % de ses effectifs pour lutter contre le terrorisme dans les départements français d’Algérie et en métropole. La rébellion, appellation à l’époque, du Front de libération nationale (FLN) bénéficie des réseaux de soutien de Français de métropole et d’Algérie et d’Européens. La DST a permis l’arrestation d’artificiers, de détenteurs d’armes et d’auteurs d’attentats. Elle apporte les preuves des collusions financières entre le FLN et les services spéciaux égyptiens. Elle surveille et décrypte le réseau radio du FLN pour suivre l’évolution de sa situation militaire, politique et logistique et guider les missions de brouillage des radiodiffusions subversives. Pendant cette période, elle déferre à la justice 14.328 individus, essentiellement des membres du FLN. En 1972, le massacre d’otages israéliens par le groupe palestinien « Septembre noir » lors des Jeux Olympiques de Munich et la volonté d’Israël d’en tuer les auteurs et leurs complices ont des effets en France et dans d’autres pays. Dès 1974, la DST crée une division ciblant le terrorisme palestinien et tous ceux frappant ou menaçant la France, notamment les organisations (Armée rouge japonaise et Armée secrète arménienne de libération de l’Arménie) et les États (Syrie, Irak, Libye, Iran et Yémen du Sud) soutenant le terrorisme jusqu’aux années 1990. La DST, chargée du renseignement intérieur mais n’effectuant aucune action offensive à l’étranger, a partagé ses informations en matière de contre-terrorisme avec les services étrangers homologues, tout en protégeant ses sources. Cela lui a permis d’implanter des officiers de liaison dans quelques pays dans les années 1990, quand apparaît la grande menace djihadiste. Celle-ci trouve ses origines dans trois événements de 1979 : l’avènement de la « Révolution islamique » en Iran avec la prise en otage de 52 personnels de l’ambassade américaine à Téhéran pendant 444 jours ; le soutien logistique secret des États-Unis aux « moudjahidin » afghans contre le pouvoir procommuniste de Kaboul ; l’invasion de l’Afghanistan par les forces spéciales soviétiques. Il s’ensuit une « djihad » (guerre sainte) des musulmans pour aider leurs frères afghans avec comme acteurs principaux : les États-Unis contre l’URSS ; l’Arabie saoudite pour récupérer la prééminence islamique sur l’Iran ; le Pakistan par où transite l’aide des deux premiers acteurs. Les volontaires arabes ne combattent presque pas (40 morts pendant la guerre d’Afghanistan 2001-2021) mais apprennent à utiliser des armes et des explosifs et, au contact de leurs « formateurs » religieux, deviennent des extrémistes faisant éclater la violence un peu partout. Des attentats terroristes sont perpétrés à Paris en 1995 et 1996 par le Groupe islamiste armé et à New York en 2001 (à l’origine de la guerre d’Afghanistan) par l’organisation Al-Qaïda. En France, l’octroi, par les magistrats du Parquet, d’une commission rogatoire dite des « filières afghanes » permet à la DST de judiciariser les informations obtenues auprès de ses sources, extraordinaire instrument de travail dans la lutte contre les cellules djihadistes. Celles-ci, d’obédience sunnite dépourvue de clergé, fonctionnent sans donneur d’ordres central ni organisation hiérarchisée. Chaque groupe peut faire allégeance à Al-Qaïda ou à l’État islamique (Daech), dont il peut recevoir aide et soutien mais pas d’instructions ni d’objectifs précis. Enfin, les contacts de la DST avec les services de renseignement d’États autoritaires ont permis d’éviter des attentats contre la France en indiquant les risques encourus.
Loïc Salmon
« La DST sur le front de la guerre contre le terrorisme », par Louis Caprioli, Jean-François Clair et Michel Guérin. Mareuil Éditions, 212 pages 21 €
La DST sur le front de la guerre froide