Grande Guerre : le camp de représailles de Flabas

Entre le 15 janvier et le 30 avril 1917, près du front, les autorités allemandes ont établi un camp de représailles, où 200 prisonniers français sont morts de maladies, de brimades et d’éclats d’obus.

L’ultimatum. En 1916, le gouvernement impérial allemand apprend, par des renseignements, que des prisonniers de guerre allemands travaillent sur la « Voie sacrée » reliant Bar-le-Duc à Verdun. Le 21 décembre, par l’intermédiaire de l’ambassade des Etats-Unis à Berlin, il invoque le droit international sur les prisonniers de guerre et formule quatre exigences auprès du gouvernement français, d’ici au 15 janvier 1917 : la relève immédiate de la ligne de feu de tous les prisonniers allemands, qui seront évacués sur des camps présentant une installation appropriée, et situés sur une distance d’au moins 30 km du front ; interdiction de faire appel au travail des prisonniers de guerre à moins de 30 km du front ; autorisation que ces prisonniers correspondent par la voie postale avec l’Allemagne, à cet effet, il sera nécessaire d’indiquer les noms des camps où ils sont internés ; délivrance aux délégués de l’ambassade américaine à Paris d’une autorisation leur permettant de visiter ces camps. Il précise qu’en cas de refus, des prisonniers de guerre français en Allemagne, de tous grades, seront dirigés vers la zone de feu.

Le camp. En l’absence de réponse du gouvernement français et pour faire pression sur lui, les autorités militaires allemandes regroupent 500 prisonniers français, dont 6 officiers, près du village de Flabas, exposé aux tirs de l’artillerie française. Aujourd’hui, l’emplacement de ce camp de représailles est signalé par trois cyprès et un panneau rédigé en français et en allemand, au milieu d’un champ. Des soldats du 173ème Régiment d’infanterie, capturés dans le secteur, ont édifié le camp de 50 m de long et 30 m de large, entouré de barbelés A l’intérieur, ils ont bâti une petite cabane pour la cuisine, une baraque servant d’infirmerie et de salle mortuaire et un bâtiment sans fenêtre, au toit laissant passer la pluie et d’une capacité d’accueil de 200 prisonniers. Les 300 autres dorment dehors, en plein vent, pendant tout le rigoureux hiver de 1917. Dans cette zone de « non-droit », un officier, un adjudant, deux caporaux et une quarantaine de soldats allemands des troupes d’assaut font preuve d’une brutalité contraire au droit de la guerre, dont leur gouvernement se prévaut. Les prisonniers punis sont bastonnés ou attachés à un poteau et les pieds ne touchant pas le sol, châtiment en vigueur dans l’armée allemande. Léon Cuvelle, officier français rescapé du camp, relate les faits dans son livre « Les représailles », publié en 1929, et sculpte, en 1934, un soldat supplicié sur une stèle, que des soldats allemands casseront en 1940. Une partie restaurée se trouve au village (photo). Les prisonniers réparent les routes et transportent des caisses de munitions. N’ayant droit qu’à un ersatz de café le matin, rien à midi et une soupe d’orge et de « substances inconnues » le soir, certains en sont réduits à manger leurs propres poux et des herbes. Dysenterie et typhus se propagent dans le camp.

L’épilogue. Dès que les autorités françaises donnent suite aux exigences allemandes, le calvaire des prisonniers prend fin. Désinfectés plusieurs fois, ils prennent une douche et sont transférés à pied (10 km) puis en train à l’hôpital militaire de Montmédy ou de Longuyon. Ils sont ensuite expédiés dans différents camps en Allemagne. Le 18 juillet 2001, des jeunes pompiers allemands du Kreis de Limbourg-Weilburg ont offert le panneau d’information de Flabas, lequel a été restauré le 1er août 2015.

Loïc Salmon

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323 – Dossier : « La bataille de Verdun, 21 février – 18 décembre 1916 »