Gendarmerie : moyens et effectifs renforcés pour la lutte contre le terrorisme

Le dispositif juridique et légal contre le terrorisme, consécutif aux attentats depuis 2015 en France et à l’état d’urgence levé en 2017, a débouché sur une nouvelle architecture de la sécurité, du sommet de l’Etat au gendarme de base dont la formation a été adaptée.

Le général de corps d’armée (2S) Alain Giorgis l’a expliqué au cours d’une conférence-débat organisée, le 18 septembre 2018 à Paris, par l’Association des auditeurs de l’Institut des hautes études de défense nationale région Paris Île-de-France.

La France ciblée. Avec 260 morts depuis 2013, la France est devenue la première cible du terrorisme devant les Etats-Unis, l’Allemagne et la Grande-Bretagne, rappelle le général. L’Etat islamique (Daech) accorde une grande importance à la France en raison de son intervention au Levant, mais aussi parce qu’elle symbolise la laïcité et la dégradation des mœurs. Quelque 400.000 sympathisants salafistes, favorables à l’application de la « Charia » (loi islamique), vivent dans les régions Provence-Côte d’Azur, Auvergne et Île-de-France ainsi que dans le Grand-Ouest (Bretagne, Normandie et Pays de Loire). Une radicalisation par le sport est apparue. Des organisations recrutent des jeunes sans lien direct avec Daech, mais « accros » aux réseaux sociaux et fragiles psychologiquement. Ceux qui passent à l’acte crient « Allahou akbar » (Dieu est grand) pour prêter allégeance à Daech, qui revendique alors l’attentat. Certains procèdent à des tueries de proximité ou de masse sous la conduite de chefs, comme au Bataclan à Paris le 13 novembre 2015. D’autres agissent isolément au couteau, en camion ou en voiture pour créer émotion et psychose.

L’arsenal juridique. Les lois sur la lutte contre le terrorisme se succèdent depuis celle du 13 novembre 2014, qui prévoit l’interdiction administrative de sortie du territoire et la répression de l’apologie du terrorisme par interruption de « clouds » (ensembles de services informatiques). Celle du 24 juillet 2015 sur le renseignement, nécessaire pour anticiper, détecter et neutraliser les menaces, autorise le balisage des véhicules, la sonorisation (écoutes) et la captation d’images et de données informatiques dans des lieux privés. Celle du 20 novembre 2015 prolonge l’état d’urgence. Entre le 14 novembre 2015 et le 1er mai 2016, celui-ci a permis de procéder à 3.566 perquisitions de jour et de nuit, dont le bilan s’établit à 749 armes découvertes, 552 infractions constatées, 418 interpellations, 362 gardes à vue et 72 assignations à résidence. La loi du 1er mars 2017 habilite les policiers et les militaires de l’opération « Sentinelle » (protection des points « sensibles ») à tirer pour interrompre un péril imminent et sans autre possibilité d’action, droit réservé auparavant aux gendarmes. La loi du 21 juillet 2017 prévoit des peines jusqu’à 30 ans de prison. Enfin, la loi du 1er novembre 2017, qui met fin à l’état d’urgence, précise que le préfet décide du périmètre de sécurité. En outre, le juge des libertés peut autoriser la visite de nuit au domicile d’un suspect si huit conditions sont remplies.

Les forces. Selon le général Giorgis, la Direction générale du renseignement intérieur aura vu son budget et ses effectifs croître de 30 % entre 2015 et 2018. La Gendarmerie a eu accès à un fichier de 20.000 personnes signalées. Les forces de sécurité s’articulent entre 140.000 policiers et 100.000 gendarmes, avec un état-major opérationnel commun de prévention du terrorisme rattaché à l’UCLAT (Unité de coordination de lutte antiterroriste) de la Police nationale. Environ 90.000 policiers et 80.000 gendarmes se trouvent « au contact » d’un éventuel acte terroriste par des patrouilles sur tout le territoire national. Le « primo-arrivant », témoin d’un comportement suspect, doit avertir son centre opérationnel, évaluer la menace, renseigner et encadrer l’adversaire ou même le neutraliser. La Gendarmerie dispose de quatre unités d’intervention rapide par hélicoptère à partir de Satory et, dans chaque département, d’un peloton de surveillance et d’intervention composé de sous-officiers d’active et de réserve, pour agir vite dans un rayon de 5 à 6 km. D’une façon générale, tout gendarme témoin d’une menace ou d’un acte terroriste, le signale sur le numéro de téléphone portable du directeur général de la Gendarmerie, qui en informe immédiatement les autorités politiques. Les gendarmes réservistes suivent une formation spécifique pour participer à « Sentinelle ». En janvier 2015, 150 postes de gendarmes ont été créés pour le renseignement dans une vingtaine de zones « chaudes ». En novembre 2015, 5.000 nouveaux postes (3.000 pour la Police et 2.000 pour la Gendarmerie) ont été ouverts et seront suivis de 1.900 autres entre 2017 et 2022. Le Groupement d’intervention de la Gendarmerie nationale patrouille dans les avions et les trains de façon aléatoire. Au niveau européen, indique le général Giorgis, le commissaire pour la sécurité a alerté sur la radicalisation et la menace hybride et plaidé pour le contrôle PNR (données des dossiers des passagers) dans les avions et le durcissement de celui des « précurseurs » servant à la fabrication d’explosifs, comme le nitrate d’ammonium et l’acide sulfurique. Il recommande aussi la mise sur pied de 10.000 gardes-frontières dans l’espace Schengen (26 pays). Actuellement, 300 gendarmes et 100 policiers sont affectés à la surveillance de la frontière franco-italienne. En matière de lutte contre le terrorisme au sein de l’Union européenne, les échanges sont considérés comme bons avec l’Allemagne, la Belgique, l’Italie et l’Espagne, mais difficiles avec les pays de l’Est où les filières tchétchènes et ukrainiennes sont très bien organisées. Enfin, conclut le général Giorgis, il faut quand même 2 à 3 ans pour former un gendarme recruté en 2017. C’est un gage d’efficacité mais aussi un répit, car les premiers djihadistes incarcérés sortiront de prison en 2020-2023 et la radicalisation se poursuit sur internet.

Loïc Salmon

La Gendarmerie assure un maillage de 55 % de la population sur 97 % du territoire métropolitain et de l’Outre-mer (Saint-Pierre-et-Miquelon, Guadeloupe, Martinique, Nouvelle-Calédonie, Mayotte, La Réunion, Guyane, Saint-Martin et Polynésie française). La Gendarmerie départementale déploie 62.255 personnels pour la sécurité, le contact avec la population, la proximité (3.400 points d’accueil) et les secours. Elle dispose d’unités spécialisées : police judiciaire ; motos ; intervention ; chiens ; négociateurs ; montagnards ; hélicoptères ; bateaux ; spéléologues. La Gendarmerie mobile compte 12.500 militaires pour maintenir ou rétablir l’ordre. Ils se répartissent en 108 escadrons, dont 25 en permanence dans l’Outre-mer et en opérations extérieures. Chaque escadron se déplace 8 mois par an. La Gendarmerie mobile, qui apporte son concours à la Gendarmerie départementale, inclut le Groupement d’intervention de la gendarmerie nationale pour gérer les crises. Il existe aussi des gendarmeries détachées pour emploi auprès de la Marine nationale, de l’armée de l’Air, de la Direction générale de l’armement et de la Direction générale de l’aviation civile. S’y ajoutent la Garde républicaine et la Gendarmerie de la sécurité des armements nucléaires.

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