Exposition « Les armes savantes » à Versailles

La centralisation du pouvoir à Versailles de 1682 à 1789 a conduit à y concentrer longtemps tous les acteurs de l’innovation militaire : prescripteurs, concepteurs, fabricants et utilisateurs.

Inventions aux débouchés militaires. L’exposition relate 350 ans de modernisation de l’outil militaire français, qui prend en compte les inventions scientifiques et nouvelles techniques réalisées dans le monde pendant cette période. En 1770, Cugnot procède aux essais du premier véhicule automobile propulsé par une chaudière à vapeur. En 1783, le ballon à air chaud des Français Mongolfier s’élève avec ses premiers passagers. En 1800, l’Italien Volta invente la pile électrique et l’Anglais Durand dépose le brevet des premières « boîtes de conserve », perfectionnant le procédé du Français Appert, mis au point en 1795. Le Français Niepce réalise la première photographie vers 1826. L’Américain Morse invente le télégraphe électrique en 1840. L’industriel allemand Krupp développe le premier canon antiaérien en 1870 et l’Américain Maxim la mitrailleuse moderne en 1885. Le Français Vieille met au point la poudre à canon sans fumée en 1884. Le Français Ader effectue le premier décollage d’un « plus lourd que l’air » en 1897. Deux ans plus tard, la Marine nationale française réalise la première transmission sans fil. En 1903, les Français Becquerel et les époux Curie reçoivent le prix Nobel de physique pour leur étude de la radioactivité. En 1915, l’armée allemande emploie massivement les gaz de combat. L’année suivante, l’armée britannique engage des chars de combat dans la bataille de la Somme. En 1938, les physiciens allemands Hahn et Strassmann découvrent la fission nucléaire. En 1942, l’avion à réaction allemand Messerschmitt Me262 effectue son premier vol. Les 6 et 9 août 1945, l’aviation américaine lâche deux bombes atomiques sur les villes japonaises de Hiroshima et Nagasaki. En 1957, l’URSS lance le « Spoutnik », premier engin placé en orbite autour de la terre. En 1965, l’entreprise italienne Olivetti commercialise le premier ordinateur personnel Programma 101. Le réseau Apronet, ancêtre d’internet et mis au point par le ministère américain de la Défense, est opérationnel en 1969. Le premier téléphone mobile est commercialisé par l’entreprise américaine Motorola en 1983, suivi du premier récepteur GPS portatif Magellan NAV 1000, également américain, en 1989. La firme américaine Apple met sur le marché l’iPhone, premier smartphone à interface tactile multipoints, en 2007.

Organisation rationnelle. En raison de la Guerre de Sept Ans (1756-1763), le maréchal de Belle-isle, secrétaire d’Etat à la Guerre, puis son successeur, le duc de Choiseul, également secrétaire d’Etat à la Marine, lancent la construction à Versailles des hôtels communs de la Guerre, de la Marine et des Affaires étrangères, autrefois disséminés dans Paris. Versailles se trouve alors au cœur des réformes militaires terrestres et navales de 1763 à 1790 : renouvellement des fortifications de Vauban ; amélioration de la tactique de l’armée ; développement de la Marine, qui participera à la guerre d’indépendance américaine en 1781-1783. L’artillerie et le génie, « armes savantes », y sont conçues, étudiées et validées. La manufacture d’armes, créée en 1783, emploie 400 ouvriers qui fabriqueront plus de 125.000 fusils et carabines et près de 480.000 armes blanches pour la Garde impériale puis, à la Restauration, pour la Maison militaire du roi. Son « directeur-artiste » de 1793 à 1818, Nicolas-Noël Boutet, en fait le symbole de l’excellence technique et artistique en matière d’armement. La manufacture réalise en effet des armes d’honneur (épées et fusils), de luxe (pistolets) ou de prestige (glaives) commandés en France et dans toute l’Europe. L’hôpital militaire Larrey est installé dans les Grands Communs de Versailles en 1832. Deux ans plus tard, l’armée reçoit 30 ha du plateau de Satory pour y effectuer des manœuvres. Ce dernier devient alors l’un des lieux majeurs de l’innovation militaire, où se combinent entraînement des troupes et développement de nouveaux armements et matériels. Le gouvernement, installé à Paris de la Révolution à la chute du Second Empire, revient à Versailles en 1871 pendant la Commune. En 1874, le système de fortifications du territoire proposé par le général Séré de Rivières, issu de l’arme du génie, prévoit la construction d’un nouveau camp retranché dans la région pour éviter un éventuel siège de la capitale. Il s’agit de contrôler les accès routiers et ferroviaires au Sud-Ouest de Paris et de protéger Versailles et Satory par les forts de Saint-Cyr et du Haut-Buc, la redoute de Bois d’Arcy et cinq batteries au Sud et à l’Ouest du plateau de Satory. Déclassées après la première guerre mondiale, ces fortifications abritent des unités de soutien jusqu’en 1950.

Enseignement militaire. Lieux de formation et de réflexions techniques et tactiques, les écoles militaires préparent au bon emploi et à la maîtrise de l’innovation des armes. L’Ecole spéciale militaire de Saint-Cyr arrive dans la région versaillaise en 1802, suivie de l’Ecole militaire de l’artillerie et du génie en 1884. Devenue celle du génie uniquement en 1912, elle forme les élèves officiers issus de l’Ecole polytechnique. En 1889, l’Ecole de chemin de fer est implantée chez le 5ème Régiment du génie. Sont instituées, en 1919, le Centre d’études des chars de combat et, en 1922, l’Ecole militaire de l’Air, subdivision du génie à l’époque. Cette dernière déménage à Salon-de-Provence après 1945.

Expertise de l’armement. Le passage de la création à l’innovation, indispensable à la défense militaire, s’effectue selon un processus en « boucle ». L’Etat, à savoir la Direction générale de l’armement, définit la nature et la fonction des outils à créer. La conception de matériels toujours plus complexes nécessite de grandes équipes et une gestion de projet. Leur développement adapte des technologies diverses. Les essais rigoureux des matériels, menés par l’Etat, portent sur la performance, la fiabilité et la sécurité. La construction mobilise un réseau de partenaires, fournisseurs et sous-traitants et aussi le retour d’expérience des militaires sur le terrain. Il s’agit ensuite de maintenir en condition opérationnelle les armements en service et d’anticiper leurs successeurs. Ainsi, Versailles a accueilli l’atelier de construction des divers blindés AMX en 1945 et la Section technique de l’armée de terre en 1974. L’entreprise Arquus, spécialisée dans les véhicules militaires, s’y installe en 2006. Le groupe français Nexter et l’armurier allemand MKW, y préparent le futur blindé européen.

Loïc Salmon

L’exposition « Les armes savantes, 350 ans d’innovations militaires » (15 septembre-9 décembre 2018) se tient à Versailles. Elle a reçu le label de la Mission du centenaire de la guerre de 1914-1918 et bénéficie du soutien du groupe Nexter Systems. Tableaux, documents et objets proviennent du musée de l’Armée, du Service historique de la défense, du musée des Plans-Reliefs, du musée Lambinet, des Archives communales de Versailles et aussi d’institutions militaires et d’industriels de l’armement basés à Versailles.

Espace Richaud, 78 boulevard de la Reine 78000 Versailles, du mercredi au dimanche de 12 h à 19h.

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