Exposition « Churchill-De Gaulle » aux Invalides
Cette exposition retrace les destins, hors du commun, de ceux qui ont incarné la résistance pendant le second conflit mondial et dirigé leur pays au début de la guerre froide : Winston Churchill (1874-1965) en Grande-Bretagne et Charles De Gaulle (1890-1970) en France.
A cette occasion, le musée des blindés de Saumur a prêté deux chars de 1940, placés de chaque côté de l’entrée du porche de la façade des Invalides. Le char lourd français BI bis a équipé les bataillons commandés au feu par le colonel De Gaulle. Le nouveau char lourd britannique Matilda II affrontera plus tard l’Afrikakorps du maréchal Rommel. Deux halls retracent le contexte historique. Extraits d’actualités cinématographiques et documents sonores font revivre le général français « à titre temporaire » et le « bouledogue » britannique. L’exposition commence avec l’enfance de ces chefs et se termine par leurs obsèques présentées simultanément, solennelles pour Churchill (30 janvier 1965) et très simples pour De Gaulle (12 novembre 1970). Leur existence aura été partagée entre le métier des armes, la politique et l’écriture.
Les soldats. Le lieutenant Winston Churchill choisit la cavalerie à sa sortie de l’École royale militaire de Sandhurst. Il reçoit le baptême du feu en 1895 à Cuba…au service des forces loyalistes espagnoles pour mater une révolte ! Deux ans plus tard, il sert dans le Nord de l’Inde et obtient son premier commandement au feu contre des tribus afghanes. Pendant la guerre des Madhistes au Soudan, il prend part à la bataille d’Omdurman (2 septembre 1898), l’une des dernières charges de cavalerie de l’histoire militaire britannique. Il participe ensuite à la très meurtrière guerre des Boers (1899-1900) contre l’État libre d’Orange et la République du Transvaal. Capturé, il parvient à s’évader et à rejoindre l’unité de cavalerie « South African Light Horse ». Sa tête est même mise à prix par les Boers pour 25 £, somme importante pour l’époque. Premier lord de l’Amirauté en 1914, Churchill doit démissionner l’année suivante après la bataille désastreuse des Dardanelles. Il revêt alors l’uniforme de lieutenant-colonel pour se battre dans les tranchées des Flandres. Il y rencontre son cousin, le 9ème duc de Malborough. Tous deux échappent à la mort au cours d’un bombardement et gravent leurs initiales sur un éclat d’obus. A l’été 1940, Churchill, Premier ministre, met sur pied un service secret d’action subversive, le « Special Operations Executive » (SOE), composé de deux sections : la « F » avec une organisation et un commandement uniquement britanniques ; la « RF » pour coopérer avec son homologue gaulliste, le « Bureau central de renseignements et d’actions » (BCRA). Entré à Saint-Cyr en 1908, le lieutenant Charles De Gaulle est affecté en 1912 au 33ème Régiment d’infanterie, commandé par le colonel Philippe Pétain. Il reçoit le baptême du feu à la bataille de Dinant, en 1914. Blessé pour la troisième fois à Verdun en 1916, il est capturé par les Allemands. Malgré cinq tentatives d’évasion, il reste prisonnier jusqu’à la fin de la guerre. Dans les années 1920 et 1930, il sert en Pologne, dans l’armée française du Rhin et au Levant. Devenu colonel, il ne parvient pas à faire adopter son projet de corps blindé mécanisé par sa hiérarchie. Après l’appel du 18 juin 1940, le tribunal de Clermont-Ferrand le condamne par contumace « à la peine de mort, à la dégradation militaire et à la confiscation de ses biens » (2 août).
Les hommes politiques. Élu député du parti Conservateur en 1900, Churchill occupe divers postes ministériels importants, avant et après la Grande Guerre, jusqu’en 1929. A nouveau Premier lord de l’Amirauté en 1939, il devient Premier ministre en 1940. En juin, il rencontre De Gaulle, alors sous-secrétaire d’État à la Guerre et à la Défense nationale dans le gouvernement Raynaud et envoyé à Londres pour négocier l’aide britannique, afin de pouvoir continuer la guerre. A l’annonce radiodiffusée de l’armistice français, Churchill l’autorise à utiliser le micro de la BBC pour lancer un appel à la résistance. Les deux hommes concluent un accord sur la constitution de la « France Libre », mouvement militaire et entité politique représentant la France, avec son siège à Londres. La plupart des volontaires français combattent aux côtés des armées britanniques. A Brazzaville, De Gaulle institue un « Conseil de défense de l’Empire », afin d’établir des relations d’État à État avec le gouvernement britannique. L’image de chacun se dessine. Churchill se caractérisera par le chapeau, le gros cigare, le nœud papillon et le pistolet mitrailleur. Quant à De Gaulle, sa voix entendue régulièrement à la BBC sera vite associée à un général en uniforme. Malgré le bombardement de la flotte française de Mers-El-Kébir par la Marine britannique (3 juillet 1940) et l’échec de la tentative de ralliement de Dakar par une flotte anglo-française libre (23-25 septembre), Churchill et De Gaulle conservent leur confiance réciproque. Par la suite, leurs relations seront tendues et même au bord de la rupture. Finalement, grâce à l’unification de la Résistance et au soutien populaire, De Gaulle s’impose et écarte le risque d’une guerre civile en France. En 1944, celle-ci se voit attribuer une zone d’occupation en Allemagne. Le 26 juillet 1945, Churchill perd les élections. Six mois plus tard, De Gaulle démissionne du gouvernement provisoire de la République française. Le premier revient au pouvoir de 1951 à 1955 et le second de 1958 à 1969.
Les écrivains. Contre tous les usages, Churchill mène une double carrière d’officier et de correspondant de guerre pendant cinq ans (1895-1900). Ses articles assurent sa renommée en Grande-Bretagne et lui inspirent la rédaction de plusieurs livres, dont il tire l’essentiel de ses revenus. Après 1945, il écrit le premier tome de « La seconde guerre mondiale », qui en comptera six. Il reçoit le prix Nobel de littérature en 1953. De Gaulle publie son premier livre en 1938 : « La France et son armée », rédigé dix ans plus tôt à la demande du maréchal Pétain. Il se remet à l’ouvrage après la guerre et publie ses « Mémoires de guerre » entre 1954 et 1959. Churchill travaille avec une équipe de chercheurs et dicte, la nuit, à sa secrétaire qui tape à la machine. De son côté, De Gaulle écrit à la main et rature beaucoup. Deux ou trois personnes effectuent des recherches et vérifient l’exactitude des événements. Sa fille Élisabeth tape l’épreuve finale, qu’il aura réécrite… plus lisiblement !
Loïc Salmon
L’exposition « Churchill-De Gaulle » (10 avril-26 juillet 2015), organisée par le musée de l’Armée avec le concours de la Fondation Charles De Gaulle, se tient aux Invalides à Paris. Elle rassemble photos, tableaux, documents, affiches, lettres, uniformes, appareils et objets provenant notamment du Churchill Archives Centre de Cambridge et du musée de l’Ordre de la Libération. Parallèlement, ont été programmés : des conférences en avril et mai ; un cycle cinématographique « Churchill-De Gaulle » du 4 au 8 juin ; des concerts d’avril à juin dans la cathédrale Saint-Louis des Invalides, pour rappeler la fin de la seconde guerre mondiale et découvrir les grands compositeurs du XXème siècle, de Benjamin Britten au « Beatle » Paul Mc Cartney. Renseignements : www.musee-armee.fr