Exposition « A l’Est, la guerre sans fin 1918-1923 » aux Invalides

La Grande Guerre se termine le 11 novembre 1918 à l’Ouest, mais se poursuit jusqu’en 1923 dans les Empires russe, allemand, austro-hongrois et ottoman. Leurs populations se trouvent prises dans des révolutions et des guerres civiles, entraînant des modifications de frontières et même la naissance de nouveaux Etats.

Les nationalités. Malgré leur puissance apparente, ces empires subissent, à partir de 1916-1917, d’importants revers militaires à l’origine de tensions internes grandissantes. En Russie, la révolution bolchévique de 1917 renverse le régime impérial. En 1918, les grandes défaites des armées allemandes, austro-hongroises et ottomanes provoquent l’éclatement des empires. Ces derniers gouvernaient des peuples aux langues diverses, essentiellement romanes, germaniques, finno-ougriennes, slaves, baltes, caucasiennes, altaïques et perses. Dès mai 1916, la Grande-Bretagne et la France envisagent la création d’Etats arabes dans la région syrienne sous domination ottomane. Les « Accords Sykes-Picot » prévoient trois types de statut : administration directe ou indirecte par l’une ou l’autre ; Etats indépendants sous l’influence de l’une ou de l’autre ; zone sous administration internationale. Ces ambitions et la déclaration Balfour sur l’installation d’un foyer national juif en Palestine (2 novembre 1917) empêchent la naissance d’un vaste Etat arabe indépendant. Par ailleurs, le 8 janvier 1918 et après l’armistice entre la Russie soviétique et les Empires allemand et austro-hongrois (15 décembre 1917), le président Woodrow Wilson présente au Congrès américain un plan de paix en 14 points, recommandant un nouveau tracé des frontières selon le sentiment des populations et non par le sort des armes. Ainsi, après la guerre, la sécurité des Etats pourrait reposer, non plus sur des alliances, mais sur un multilatéralisme garanti par une « Société des Nations ». Mais ce plan ne rencontre guère l’adhésion du Congrès, qui refuse les traités de paix et l’intégration de la Société des Nations. Celle-ci inaugurera quand même son siège à Genève en1924. Les armistices, conclus en septembre et octobre 1918, entre les puissances alliées et l’Autriche-Hongrie, la Bulgarie et la Turquie contraignent l’Allemagne à faire de même le 11 novembre. Les forces du IIème Reich se trouvent en effet seules face aux offensives de celles de « l’Entente » (France, Grande-Bretagne, Italie depuis 1915 et Etats-Unis depuis 1917), en Italie, dans les Balkans et en Thrace (aujourd’hui partagée entre la Grèce, la Bulgarie et la Turquie). Ensuite, les négociations de paix s’avèrent difficiles en raison des tensions nationales. La politique idéaliste des nationalités de l’Américain Wilson se heurte à la tradition de l’équilibre européen du Britannique Lloyd George et à la hantise d’une menace allemande persistante du Français Clemenceau. De son côté, l’Italie s’estime mal récompensée de son engagement. Les diplomates doivent imaginer et négocier la suite d’empires multiethniques disloqués alors que les réalités territoriales et nationales enchevêtrées s’accordent mal avec le modèle de l’Etat-nation homogène. Des peuples, longtemps dominés, tentent de retrouver leur indépendance. Vaincus, l’Empire ottoman, l’Allemagne, l’Autriche, la Hongrie et la Bulgarie, tenus à l’écart des négociations, en éprouvent du ressentiment. La Russie, en pleine révolution, en est exclue. Les résultats des consultations occasionnelles, mais non systématiques, des populations, sont parfois faussés pour des motifs stratégiques. La Conférence de la paix, tenue à Paris de janvier 1919 à l’été 1920, réunit une trentaine d’Etats et des groupes de pression plus ou moins officieux. L’occupation de larges territoires de l’Empire ottoman par les Alliés leur permet de projeter la création de nouveaux Etats et des cessions territoriales. Le sentiment national turc se focalise sur le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes et démontre statistiquement la part majoritaire de la population turque au sein des zones disputées. La Hongrie, issue de l’Empire austro-hongrois, a perdu les deux tiers de son territoire et son accès à la mer.

Les révolutions et guerres civiles. En janvier 1918, la République soviétique russe remplace l’Armée impériale par l’Armée rouge, qui affronte les troupes allemandes à Pskov (Russie) et Narva (Estonie) le 23 février. En mars, elle dissout l’éphémère République populaire du Kouban (Nord de la Géorgie) peuplée de Cosaques, dont une partie soutient l’Armée blanche russe et l’autre l’Ukraine qui intégrera l’URSS en 1922. L’Armée rouge a pour mission de combattre les ennemis de la révolution et de la Russie, à l’extérieur mais aussi à l’intérieur. Dès le 8 novembre 1917, le gouvernement bolchévique avait proclamé le droit à l’autodétermination de toutes les nationalités de l’Empire des tzars. Le 20 novembre, la partie ukrainienne se proclame République populaire d’Ukraine et se sépare de la Russie. Il en est de même pour la République démocratique de Moldavie qui sera réunie à la Roumanie, de la Lituanie, de la Finlande, de l’Estonie, de la Biélorussie qui intégrera l’URSS et de la Lettonie. La Révolution bolchévique a débouché sur une guerre civile en Russie (1917-1922) avec des répercutions en Finlande, Estonie, Lettonie, Lituanie, Pologne, Ukraine, Biélorussie et…Allemagne. Hormis en Russie, toutes les forces contre-révolutionnaires l’emportent sur les insurrections communistes. Guerres interétatiques et intra-étatiques ses recoupent, au cours desquelles les minorités sont prises à partie, surtout les juifs régulièrement victimes de pogroms. En raison de l’hostilité, ouverte ou masquée, de la Russie et de l’Allemagne, Pologne, pays baltes et Ukraine s’affrontent parfois entre eux pour conforter leurs frontières.

Les interventions alliées. Pour garantir les traités et la stabilité politique, Les puissances alliées interviennent de multiples façons, y compris militaires. Le 1er juillet 1918, des détachements britanniques, français et américains débarquent à Mourmansk et Arkhangelsk (Russie), suivis, le 17 décembre, d’un détachement français à Odessa et Sébastopol (Ukraine). Une mission militaire française est envoyée en Pologne (février-avril 1919), une division navale française mise en place en Baltique (avril) et un bataillon de chasseurs alpins français envoyé au territoire de Memel/Klapeida (8 avril 1920). Des troupes françaises, britanniques et italiennes occupent Constantinople de novembre 1918 à septembre 1923. Cette année-là, le traité de Lausanne met fin au long conflit gréco-turc au prix d’un échange forcé de populations. La Grande Bretagne exerce son influence sur la Palestine, l’Irak et l’Arabie saoudite. Les mandats français syrien et libanais se stabilisent. A l’Est de l’Europe, la Pologne s’affirme comme puissance régionale.

Loïc Salmon

L’exposition « A l’Est, la guerre sans fin 1918-1923 » (3 octobre 2018-20 janvier 2019), organisée par le musée de l’Armée, se tient aux Invalides à Paris. Outre des gravures, tableaux, documents, armes et objets, elle présente des images d’archives cinématographiques. Sont aussi prévus concerts, conférences et colloques. Renseignements : www.musee-armee.fr

A l’Est, la guerre sans fin 1918-1923

Armistice

Renseignement : opérations alliées et ennemies pendant la première guerre mondiale