Economie : préserver les savoir-faire des entreprises de défense
Dans le cadre du plan de relance gouvernemental consécutif à la pandémie du Covid-19, la Direction générale de l’armement (DGA) soutient la Base industrielle et technologique de défense (BITD), constituée d’entreprises actives dans les secteurs militaire et civil et très dépendantes de l’exportation.
Cette assistance de l’Etat a été présentée à la presse le 3 septembre 2020 à Paris par : l’ingénieur général de l’armement Vincent Imbert (photo) pour le cadre global des actions du ministère des Armées ; l’ingénieur de l’armement, chef du bureau du développement des petites et moyennes entreprises, de l’action régionale et du soutien à l’export au sein du Service des affaires industrielles et de l’intelligence économique, pour le dispositif et les mesures de soutien ; Franck Poirrier, président-directeur général de l’entreprise SODERN qui en a bénéficié ; Hervé Grandjean, conseiller de la ministre des Armées pour les affaires industrielles, pour le plan de relance gouvernemental.
Le dispositif de sauvegarde. La crise sanitaire du Covid-19 n’a pas remis en cause les besoins des armées, contrairement aux transports et au secteur civil, souligne l’ingénieur général Imbert. La BITD, qui concourt à la conception, au développement, à la production et au maintien en condition opérationnelle des systèmes d’armes, emploie environ 200.000 personnes et réalise un chiffre d’affaires de 17 Mds€/an. Elle regroupe des grands maîtres d’œuvres industriels et donneurs d’ordres comme Thales (électronique), Dassault (aéronautique), Airbus (aéronautique), Nexter (matériels militaires), Safran (aéronautique et espace) et MBDA (missiles) ainsi que 4.000 entreprises de tailles moyenne, intermédiaire et petite, dont plusieurs centaines exercent des activités stratégiques ou critiques. La crise sanitaire a eu pour conséquences : le ralentissement des commandes ; la mise en place de mesures de sauvegarde spécifiques à chaque entreprise avec un impact sur les sous-traitants les plus fragiles ; des capacités de production limitée pendant plusieurs mois ; l’indisponibilité des pièces ; la fermeture d’entreprises ; le ralentissement des exportations. En outre, alors que la France a décrété le confinement, l’Autriche, l’Allemagne ou la Grande-Bretagne ont laissé leurs entreprises d’armement poursuivre leurs activités. En conséquence, début mai, le ministère des Armées a mis en place une « Task Force » de sauvegarde de la BITD, après avoir recueilli des informations auprès des fédérations professionnelles GICAN (construction et activités navales), GIFAS (aéronautique et espace) et GICAT (équipements terrestres et aéroterrestres). Ce dispositif réunit des correspondants de la DGA, de la Direction générale des entreprises, de l’Agence des participations de l’Etat, du Service de l’information stratégique et de la sécurité économique, du Conseil général de l’économie, de l’industrie, de l’énergie et des technologies et enfin de la Banque publique d’investissements. Parmi les mesures d’aides aux petites et moyennes entreprises, figure le dispositif RAPID pour les entreprises de moins de 2.000 salariés. Il permet d’obtenir des commandes directes de prestations ou des attributions de subventions de soutien à l’innovation, afin de produire un effet immédiat sur le maintien de l’activité. Le ministère des Armées soutient le développement des petites et moyennes entreprises au moyen d’une participation durable à leur capital par le biais du fonds d’investissement Def’Invest, doté initialement de 50 M€ sur cinq ans, ressource portée à 100 M€. La situation pouvant évoluer en octobre et novembre, la Task Force restera en service au moins jusqu’à la fin de l’année pour pallier toute nouvelle situation d’urgence. Enfin, l’avenir se prépare en imaginant les emplois de demain et les performances de systèmes d’armes.
L’exemple de SODERN. Franck Poirrier a témoigné que l’aide de l’Etat a permis à la société SODERN, qu’il dirige, de sortir de la crise. Spécialisée dans le domaine spatial, cette entreprise emploie 450 personnes, dont 120 recrutées au cours des trois dernières années, et a réalisé un chiffre d’affaires de 76 M€ en 2019. Filiale d’ArianeGroup, elle figure parmi les leaders mondiaux de la production des « viseurs d’étoiles », qui permettent notamment aux missiles intercontinentaux M51 des sous-marins nucléaires lanceurs d’engins de s’orienter dans l’espace. En outre, le tiers des satellites actuellement en orbite sont équipés de viseurs d’étoiles. SODERN participe également à des programmes scientifiques d’exploration spatiale pour la NASA (planète mars) et l’Agence européenne de l’espace (planète Jupiter). Cette activité perdure tant que ses bureaux d’études inventent dans la technologie de pointe, grâce à un auto-investissement dans la recherche de l’ordre de 6-7 % du chiffre d’affaires. Cela nécessite de l’argent frais sinon SODERN risque de quitter le marché civil, qui représente 60 % à 70 % de son chiffre d’affaires. Or la crise a asséché sa trésorerie, qui a été renflouée par une subvention de 1 M€. L’intervention de la DGA a permis à SODERN d’éviter la faillite à court terme et de préparer les produits technologiques de demain sur un, deux ou trois ans, en vue de rester en tête au niveau mondial.
Le plan de relance pour les armées. Le plan gouvernemental de relance prévoit 110 Mds€ d’investissement pour le ministère des Armées pour les années 2019-2023, conformément à la loi de programmation 2019-2025, indique Hervé Grandjean. Le financement à court terme des trésoreries d’entreprises en difficultés est assuré par des prêts bancaires garantis par l’Etat. Le soutien à l’export se fait en lien avec les ambassades, afin de faire pression sur les clients en arriérés de paiements. Dans le respect de la loi de finances 2020, trois Airbus A330 de transport stratégique ont été commandés par anticipation. Un budget de 60 M€ est dédié à de futurs appels d’offres dans le domaine spatial militaire : télécommunications (système Syracuse 4 C pour 2028) ; observation ; contre-mesures de brouillage pour la navigation de systèmes par satellite. Le ministère des Armées peut concrétiser rapidement des projets, en vue de sauver des emplois au sein de la BITD.
Loïc Salmon
De mai à août 2020, la Direction générale de l’armement a réalisé une cartographie des entreprises critiques de défense, puis a évalué les conséquences de la crise du Covid-19 sur la poursuite de leur activité. Selon l’ingénieur chef du bureau du développement des petites et moyennes entreprises, elle a ensuite mobilisé 90 agents sur tout le territoire pour interroger les dirigeants de 1.236 entreprises sur leur situation et leur demander de remplir un questionnaire, dont les données ont été évaluées par une équipe de 15 agents du ministère des Armées à Paris. Sur les 792 retours obtenus, 92 entreprises ont été aidées, dont 80 % de tailles moyenne intermédiaire et petite. Parmi elles, 47 sont considérées comme des « chantiers de remédiation achevés », c’est-à-dire qu’elles ont gagné quelques mois de répit en réalisant les travaux les plus urgents. Par filières, il s’agit de 35 % des entreprises actives dans l’aéronautique, 19 % dans l’électronique, 16 % dans l’industrie navale ; 14 % dans les équipements terrestres, 11 % dans les missiles ; 11 % dans l’espace.
Défense : les industriels pendant la crise du Covid-19
Economie : les PME de défense, la crise du Covid-19 et après