Économie : le rôle clé du Service du haut fonctionnaire de défense et de sécurité

Conseil du ministre de l’Économie, des Finances et de la Souveraineté industrielle et numérique, le Service du haut fonctionnaire de défense et de sécurité (SHFDS) contribue à la gestion des risques et d’une ou de plusieurs crises en cours et protège l’information stratégique.
Son chef, Samuel Heuzé, en a expliqué les missions lors d’une conférence-débat organisée, le 28 janvier 2025 à Paris, par l’Association des auditeurs IHEDN région Paris Île-de-France.
Les missions. Tous les ministères participent à la défense et à la sécurité nationale, responsabilités assurées par le secrétaire général. Quant au ministère de l’Économie, le Code de la défense précise qu’il doit assurer la continuité de l’activité économique en cas de crise majeure, de la protection des intérêts économiques de la nation et de l’adoption de mesures d’ordre financier nécessitées par la conduite de la guerre. Ces missions sont exercées par le haut fonctionnaire de défense par délégation du secrétaire général et correspondant prioritaire du Secrétariat général de la défense et de la sécurité nationale, qui relève du Premier ministre. Pour cela, il dirige le SHFDS qui compte : 60 agents permanents; un réseau territorial placé auprès des préfets de zones de défense et de sécurité ; un secteur d’activités d’importance vitale regroupant environ 70 opérateurs publics et privés, hors énergie ; 183 zones pour la protection du potentiel scientifique et technique ; 8.400 habilitations au secret en gestion pour la protection du secret de la défense nationale ; 330 sites d’infrastructures sensibles de la Direction générale des finances publiques ; 34 plans de continuité de l’activité malgré la perte des ressources critiques. Ces plans incluent la posture Vigipirate pour la préparation, la vigilance et la réaction face à la menace terroriste, le plan contre la crue de la Seine, la lutte contre la pandémie ou la grippe aviaire et tous les plans interministériels. Une autre mission porte sur l’orientation de l’action des ministres responsables de la production, de l’approvisionnement et de l’utilisation des ressources nécessaires à la défense et la sécurité nationale. Le centre opérationnel du ministère de l’Économie, situé à Paris-Bercy, dispose de tous les moyens de communications adaptés pour coordonner une crise de son ressort et discuter des structures interministérielles avec la cellule de crise du ministère de l’Intérieur, qui a pour correspondants tous les hauts fonctionnaires de de défense. Celui du ministère de l’Économie s’assure que chaque direction a pris toutes les mesures nécessaires pour continuer à fonctionner en mode dégradé, notamment en cas de crise numérique majeure. La France compte 350 entreprises et établissements publics, répartis entre tous les ministères, considérés comme essentiels à la continuité de l’État et devant faire face à toutes les crises possibles. Le ministère de l’Économie en surveille 70 dans quatre secteurs d’activités : télécommunications et opérateurs du numérique ; banques et grands organismes financiers ; l’audiovisuel, historiquement lié aux réseaux de télécommunications (photo), et les grands opérateurs de diffusion de l’information et des grands programmes audiovisuels ; l’industrie. Cette dernière compte une cinquantaine d’opérateurs, notamment dans l’énergie, la chimie et l’industrie lourde. Si l’un d’eux disparaît ou ne peut plus fonctionner, la continuité de l’État se trouve en péril. Il s’agit alors de continuer à remplir certaines missions de service public en tout temps et à tout moment, quelles que soient les catastrophes. Par exemple, le ministère de l’Économie s’assure que la chaîne de production de biens stratégiques spécifiques tourne malgré des coupures d’électricité, grâce à un groupe électrogène, ou une attaque informatique, par le renforcement de la cybersécurité.
La sécurisation. La protection du potentiel scientifique et technique concerne les innovations et les savoir-faire très spécifiques et stratégiques disséminés dans les grandes entreprises, les centres de recherche et les écoles d’ingénieurs. Des pays d’Asie, d’Europe et même les États-Unis veulent capter des savoirs, dont ils ont besoin pour développer certaines technologies. La protection consiste à créer, dans les entreprises, centres de recherches et laboratoires, des zones réservées aux personnes habilitées (chercheurs et étudiants), des contrôles d’accès et des enquêtes de sécurité sur les personnels étrangers invités. Il s’agit de contrer la menace sur l’avance technologique, que la France entend conserver, et d’éviter une concurrence économique déloyale. Une autre menace concerne le terrorisme, dont des organisations veulent acquérir des connaissances dans la bactériologie et la chimie, où travaillent des centaines d’entreprises françaises. Le ministère de l’Économie s’assure du respect des traités internationaux en matière de prolifération chimique et biologique dans le domaine civil. Certaines nations souhaitent disposer de savoir-faire pour développer des armes nucléaires ou une dissuasion à partir de sous-marins. Dans ces cas, il s’agit de s’assurer que les personnes travaillant dans un laboratoire spécialisé dans l’acoustique sous-marine ne cherchent pas à capter des informations susceptibles de mettre en difficulté la dissuasion nucléaire de la France ou utiles pour développer une flotte sous-marine transportant des armes biologiques ou chimiques. Un autre niveau de sécurité concerne le contrôle des investissements étrangers en France. L’État s’assure que les entreprises compétentes en matière de défense ou de sécurité ne fassent pas l’objet d’opérations de rachat ou de prises de participations agressives ou intrusives. Le Service de l’information stratégique et de sécurité économique s’assure que les grandes entreprises stratégiques pour la France se trouvent en bonne santé et ne font pas l’objet d’intentions malveillantes. Par ailleurs, le SHFDS coordonne la lutte contre la menace cyber dans un ministère qui compte 130.000 agents et 300 systèmes sensibles. Le Trésor, les Douanes et la Direction des finances publiques disposent d’outils performants pour développer des systèmes d‘information spécifiques pour traiter les fonctions classifiées. Il n’en est pas de même pour les structures plus petites qu’il faut accompagner dans le travail de cyberdéfense, notamment lors d’une saturation des services internet par un acte de malveillance pour en dénier l’accès.
La résilience nationale. En 2024, les hauts fonctionnaires de défense ont dû gérer trois crises différentes. Au cours de celle en Nouvelle-Calédonie (8 mois et 21 jours depuis le 13 mai), les émeutiers ont attaqué des infrastructures critiques, entraînant des coupures d’électricité et de télécommunications jusqu’à l’intervention des forces de sécurité. Lors des Jeux Olympiques à Paris (26 juillet-11 août), il a fallu renforcer les réseaux de télécommunications par 17 antennes supplémentaires en raison de l’affluence de visiteurs, afin garantir les services d’appels d’urgence, de distribution automatique de billets de banque et des terminaux de cartes bancaires. S’y sont ajoutés les renforcements de la cybersécurité et des services de dédouanement dans les aéroports. A Mayotte, le cyclone Chido (14 décembre) a balayé les antennes de télécommunications et les pylônes électriques. Il a fallu rétablir rapidement les réseaux de la Poste et de la Banque de France, car 50 % de la population mahoraise vit des allocations de minima sociaux. Le ministère de l’Économie y a mobilisé 17 personnes pendant un mois. Par ailleurs, le conflit en Ukraine rappelle les enjeux des câbles sous-marins pour le trafic internet (photo). En cas d’engagement majeur de plusieurs semaines à ses frontières, la France est identifiée comme pays d’accueil des troupes britanniques, américaines et canadiennes de l’OTAN en renfort. Quelque 60.000 militaires et des milliers de blindés devraient traverser la France pour se rendre vers l’Est de l’Europe. Des travaux sont en cours avec l’État-major des armées.
Loïc Salmon
Economie : préserver les savoir-faire des entreprises de défense