Diplomatie : actions de la DCSD sur les moyen et long termes en matière de sécurité et défense
Lutte contre le terrorisme et les trafics transfrontaliers illicites, opérations de maintien de la paix, aide à la sortie de crise et soutien aux exportations françaises d’armement, d’équipements et de savoir-faire constituent les priorités de la DCSD.
Il s’agit de la Direction de la coopération de sécurité et de défense du ministère des Affaires étrangères, que son directeur, le vice-amiral d’escadre Marin Gillier, a présenté lors d’une rencontre organisée, le 15 janvier 2015 à Paris, par l’Association des journalistes de défense.
Organisation et objectifs. La DCSD met en œuvre des projets, bilatéraux ou multilatéraux, portant sur la formation, l’expertise et le conseil, dont elle assure le pilotage et la gestion. Elle agit selon les directives de la présidence de la République et sous la conduite du ministère des Affaires étrangères, avec la participation de ceux de la Défense et de l’Intérieur. Son budget, de 90 M€ en 2015, a été réduit de moitié en dix ans. Son effectif compte 63 personnes à Paris et 330 correspondants dans le monde, dont 280 militaires et 50 diplomates, policiers et experts de la protection civile. Sa coopération, structurelle, complète celles, opérationnelles, de l’État-major des armées, la Gendarmerie et la Direction de la coopération internationale du ministère de l’Intérieur. Systématiquement et partout, elle soutient l’État de droit par la mise en place d’institutions régaliennes pérennes comme la police judiciaire, appuyée par les moyens de la police scientifique, en vue de poursuites en justice fondées sur des preuves et non plus seulement sur des aveux.
Le théâtre africain. Les États africains doivent décider de leur bonne gouvernance, souligne l’amiral. Environ 75 % des actions de la DCSD se déroulent en Afrique subsaharienne. La France coopère avec l’Union africaine, la Communauté économique des États d’Afrique de l’Ouest et la Communauté économique des États d’Afrique centrale pour que l’État de droit soit respecté dans les pays concernés. Quand il ne l’est plus, elle met sa coopération entre parenthèses. La DCSD promeut les moyens de développement et la langue française avant le déploiement éventuel des forces de l’ONU. Celles-ci effectuent 55 % de leurs opérations de maintien de la paix en Afrique francophone mais, pour plus de 30 %, n’ont qu’une connaissance basique du français. En accord avec l’Organisation de l’aviation civile internationale, elle apporte son appui à la surveillance du trafic aérien et la sécurité aéroportuaire à 22 pays : ciblage de passagers ; repérage de faux documents de fret ; forums d’échanges d’informations entre pays africains et avec les pays occidentaux. Pour lutter contre l’épidémie Ébola, la DCSD n’a pas envoyé des médecins, mais 50 spécialistes de la sécurité pour aider les autorités guinéennes à s’organiser. Pays le plus aidé par la communauté internationale, le Mali s’est pourtant écroulé en trois semaines en 2012 pour des raisons diverses, explique l’amiral. La démocratie de façade est minée par le clientélisme et la corruption. L’administration demeure incapable et la volonté politique d’appliquer les accords de paix n’existe pas. L’armée, laissée à l’abandon pour éviter qu’elle fomente des coups d’État, dispose de moyens logistiques disparates, à savoir américains, français et autres. L’assistance internationale échoue, car les institutions chargées du développement refusent de coopérer avec les militaires malgré l’insécurité. La coordination internationale connaît des dysfonctionnements : quand trois pays financent le développement, un quatrième alimente la corruption. En Libye, la légitimité institutionnelle se trouve remise en cause par plusieurs Parlements et autorités (une à l’Est et l’autre à l’Ouest), dont aucune n’a d’emprise sur la majeure partie du territoire et de la population, ni ne souhaite vraiment sécuriser le pays. Pour relancer les flux pétroliers sortant du pays, l’armée de l’Air française a participé à la restructuration de la surveillance de l’espace aérien et la Marine nationale a remis en état les patrouilleurs capables de prendre la mer. Puis, tout a été suspendu quand l’ambassade de France a été relocalisée en Tunisie. Dans la bande sahélo-sahélienne, la DCSD coopère avec les Niger, Tchad, Mali, Burkina Faso et Mauritanie, pour sécuriser leurs frontières, avec l’aide des forces françaises de l’opération « Barkhane ». Dès 2013, l’amiral Gillier avait rencontré un chef touareg du Burkina Faso pour lui proposer un projet de police des frontières avec le Mali. La sécurité permet en effet de lutter contre le terrorisme du Nord, le vol de bétail, les « coupeurs de routes » (racketteurs) et la délinquance de proximité. Par ailleurs, le développement du Niger, qui manque déjà d’eau et de nourriture, est indispensable pour éviter une « bombe démographique » dans 20 ans, quand 66 % de sa population aura moins de 20 ans, avertit l’amiral.
Terrorisme et brigandage maritime. La DCSD participe à la lutte contre les trafics de cocaïne originaires d’Amérique latine et des drogues de synthèse provenant des pays asiatiques. Ces trafics passent par l’Afrique de l’Ouest pour atteindre les marchés européens. Leur perturbation en Afrique gêne, à terme, le terrorisme qui en tire profit, explique l’amiral, fort de son expérience en Afghanistan au sein du Commandement des opérations spéciales. Il s’agit en effet d’éviter une fusion des mouvements terroristes, qui sévissent en Somalie et aux Nigeria, Nord Mali et Sud Soudan. En outre, la Libye, zone refuge des terroristes d’où ils repartent vers l’Irak, exporte des armes vers le Sahel. Par ailleurs, dans le cadre de l’opération « Corymbe » et depuis vingt ans, des bâtiments français sécurisent le golfe de Guinée, où se concentrent les zones économiques exclusives de 18 États. La DCSD coopère avec 15 d’entre eux pour déterminer la menace et les richesses à défendre. Au Bénin, qui protège les entreprises pétrolières notamment françaises, elle assure un conseil juridique sur l’action de l’État en mer avec guide de procédures et établissement d’une préfecture maritime. Elle met aussi en œuvre trois patrouilleurs… qui ont dissuadé toute attaque près de la côte béninoise depuis plus d’un an !
Loïc Salmon
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Entré à l’École navale en 1977, le vice-amiral d’escadre Marin Gillier est nageur de combat et moniteur parachutiste. Diplômé d’arabe de l’Institut national des langues et civilisations orientales de Paris, il est breveté de l’École supérieure de guerre navale (1993) et auditeur du Centre des hautes études militaires et de l’Institut des hautes études de défense nationale (2006). Il a participé aux opérations du Liban (1989), du Rwanda (1994), des Balkans (1999), d’Afghanistan (2003-2004) et de Somalie (libération des otages du voilier de croisière Le-Ponant, 2008). Il a commandé la Force maritime des fusiliers marins et commandos (2007-2010) et les Forces françaises aux Émirats arabes unis (2010-2013). Attaché naval en Égypte (1995-1998), puis conseiller « opérations spéciales » en Jordanie (1999-2002), il est nommé directeur de la coopération de sécurité et de défense (DCSD) au ministère des Affaires étrangères en août 2013. Titulaire de la croix de la Valeur militaire (4 citations), l’amiral Gillier est commandeur de la Légion d’Honneur.