Défense : « Red Team », l’imagination face à l’incertain

L’Agence de l’innovation de défense (AID) fait appel à des auteurs de science-fiction pour anticiper des conflictualités et menaces imprévisibles, qu’il faudra pouvoir quand même contrer…pour éviter la surprise stratégique !

Lors d’un point de presse le 1er avril 2021 à Paris, son directeur, Emmanuel Chiva, a expliqué le fonctionnement de « Red Team », l’équipe ainsi constituée pour imaginer et créer des scénarios futuristes ou de ruptures.

Menaces « hors du cadre habituel ». Le mot « Red Team » se réfère à la guerre froide (1947-1991), quand le Pentagone américain avait mis sur pied une équipe chargée d’imaginer les tactiques, que pourraient mettre en œuvre les forces du Pacte de Varsovie pour envahir l’Europe occidentale. La Red Team française d’aujourd’hui se projette sur les conflictualités à l’horizon 2060, pour orienter les efforts d’innovation capacitaire en 2030 sur les plans opérationnel, technologique et organisationnel. Lors du « Digital Forum Innovation Défense » du 4 décembre 2020, la ministre des Armées, Florence Parly, a déclaré qu’il s’agit de « savoir oser pour gagner les conflits de demain. Oser penser différemment, croire en l’impossible, imaginer l’inimaginable et remettre en cause ce qui, hier encore, semblait être immuable. ». A la suite d’un appel d’offres parmi les auteurs de science-fiction, l’AID a reçu plus de 600 candidatures et n’en a retenu que 10 : 6 écrivains ; 2 scénaristes ; 1 dessinateur de bandes dessinées ; 1 étudiante en « design d’interaction ». Tous reçoivent une rémunération et, après une enquête de sécurité, ont obtenu l’habilitation « Confidentiel Défense », afin de pouvoir « s’immerger » dans les armées et les directions et services du ministère.

Missions et encadrement. La Red Team conserve toute sa liberté d’expression, souligne Emmanuel Chiva. Ses missions portent sur la rédaction de scénarios et leur restitution par des dessins, visuels, objets en 3 D, vidéos, lumières, sons etc. Elles visent à imaginer, éclairer et partager, selon une méthodologie organisée en écosystème par le ministère des Armées et l’Université Paris Sciences et Lettres (PSL). La Red Team s’appuie sur trois équipes complémentaires composées de personnels de PSL : « Purple Team » pour l’expertise scientifique et militaire ; « Black Team » pour la coordination et la livraison des supports ; « White Team », comité consultatif scientifique. En outre, une « Blue Team », composée de 32 représentants du ministère des Armées et commandée par un capitaine de vaisseau, évalue les scénarios de menace au cours d’ateliers de travail. Les armées (14 membres) en font partie : Etats-majors de la Marine nationale et des armées de Terre, de l’Air et de l’Espace ; Division prospective et stratégie militaire ; Division cohérence capacitaire ; Division emploi des forces ; Centre de planification et de conduite des opérations ; Commandement des opérations spéciales ; Centre interarmées de concepts, de doctrines et d’expérimentations. La Direction générale de l’armement (12 membres) y est présente : Service d’architecture du système de défense ; Centre d’analyse technico-opérationnelle de défense ; Direction des plans, des programmes et du budget ; Direction technique ; Service des affaires industrielles et de l’intelligence économique ; AID. La Direction générale de relations internationales et de la stratégie (6 membres) y participe : Sous-direction de la stratégie de défense ; Département « recherche et innovation ». Les travaux de la « saison 1 », commencés en janvier dernier, se terminent par une « restitution restreinte » en juillet 2021.

Loïc Salmon

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