Cyberdjihadisme : baisse de la propagande et réorganistion

L’Etat islamique (EI) et Al Qaïda (AQ), principales organisations terroristes, diffusent plutôt leurs messages vers les petites plateformes et les réseaux chiffrés, pour des raisons financières et de « neutralisation » de leurs comptes sur les grands réseaux sociaux.

Cela ressort d’un rapport publié en mai 2019 par le ministère de l’Intérieur (Délégation aux industries de sécurité et à la lutte contre les cybermenaces). L’EI et AQ utilisent les mêmes codes et protocoles de diffusion de propagande terroriste sur internet, à savoir le « web 2.0 » (interactivité alliant complexification de la technologie et simplicité d’utilisation), les applications mobiles et les réseaux sociaux. Ils visent des objectifs similaires : propagande idéologique et recrutement ; financement ; plateforme opérationnelle ; revendication.

Le réseau global de l’EI. La propagande de l’EI à destination de la mouvance occidentale s’est dégradée en termes de qualité et de quantité. Les vidéos de mise en scène de djihadistes francophones depuis la zone syro-irakienne, qu’il contrôlait, ont disparu depuis le second semestre 2017. La perte de son territoire et de nombreuses infrastructures a conduit à une baisse de production de contenus de propagande sur ses organes officiels Nashir News et Amaq. Le magazine Rumiyah a cessé de paraître en 2017. Cependant, le bulletin en pdf Al Naba et les bulletins quotidiens de la radio Al Bayan continuent leur diffusion. Le groupe sympathisant Fursan Upload présente de nouveaux contenus sur plusieurs canaux du réseau chiffré « Telegram » et différents services d’hébergement, dont le « cloud ». Les anciennes productions perdurent, grâce à des services de copie et de sauvegarde. Telegram demeure le premier vecteur de l’EI pour la publicité et de stockage de nouvelles parutions. Par ailleurs, les sympathisants de l’EI ont exprimé leur volonté d’acheter les outils et les services nécessaires à des cyberattaques par les « volontaires en ligne ». Mais leurs capacités offensives internes semblent limitées et guère organisées. En mars 2018, l’EI a tenté, sans succès, de monter le réseau social « Muslim’s Network ». Le recours aux monnaies virtuelles pour financer des attaques terroristes reste marginal.

La mouvance AQ. L’organisation AQ regroupe également d’autres entités, dont AQMI (Maghreb), AQPA (péninsule arabique), AQSI (Sinaï) et Al-Shebbaab (Somalie). Elle dispose des organes de propagande GIMF, Sahab M.dia, Al Malahem et Al Fustaat ainsi que de services de traduction et utilise aussi Telegram. En outre, elle publie régulièrement des infographies de menaces, lors des fêtes religieuses et des événements de société (« gilets jaunes ») ou sportifs (coupe du monde).

 « Pharos » à la rescousse. Le ministère de l’Intérieur a ouvert sur internet le portail « Pharos », permettant de signaler des contenus illicites, notamment la propagande islamiste. Cette plateforme a recueilli 4.550 signalements de contenus à caractère terroriste ou en faisant l’apologie en 2018, contre 6.750 en 2017 et 11.400 en 2016. Elle a transmis : 12.100 demandes de retrait pour les contenus à caractère terroriste, contre 30.634 en 2017 ; 4.877 demandes de « déréférencement » ; 51 demandes de blocage. Depuis le 28 février 2018, elle dispose d’un relais européen, via une connexion avec l’application IRMa d’Europol. Les échanges de données portent sur les transmissions d’adresses URL de contenus terroristes passibles d’un retrait. Au 31 décembre 2018, Pharos a ainsi transmis, à Europol, 69.937 contenus à caractère terroriste.

Loïc Salmon

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