Covid-19 : désinformation et…contrôle supra-étatique ?

La désinformation sur la crise sanitaire du Covid-19, via internet, a pris une ampleur telle que seuls les GAFAM (Google, Amazon, Facebook, Apple et Microsoft), et non les Etats eux-mêmes, semblent en mesure de contrer.

Cette question a fait l’objet d’une visioconférence organisée, le 16 novembre 2020 à Paris, par l’Institut de relations internationales et stratégiques (IRIS). Y sont intervenus : François-Bernard Huyghes, directeur de recherche à l’IRIS ; Gérard Grizbec, journaliste et chercheur associé à l’IRIS ; Cécile Guérin, chercheuse à l’Institute for Strategic Dialogue (ISD), « think tank » basé à Londres.

« Fake News ». L’ISD analyse les réseaux sociaux au moyen d’algorithmes spécifiques pour détecter les tendances en ligne, qui se manifestent selon un clivage « politique » gauche-droite, explique Cécile Guérin. La désinformation a augmenté récemment de 15 % en Grande-Bretagne via des discours contre le confinement ou sur la théorie du « complot » venue des Etats-Unis, selon laquelle un groupe puissant agit dans l’ombre pour détruire la démocratie. En Allemagne, la désinformation a conduit à des manifestations contre les restrictions sociales, le gouvernement et le milieu scientifique. A l’origine, ce terme désignait la propagande et les moyens techniques soviétiques contre les médias occidentaux, rappelle François-Bernard Huyghes. Après la chute de l’URSS et la guerre du Golfe (1990-1991), la désinformation (armes de destruction massive) a été utilisée par un Etat (les Etats-Unis) contre un autre (l’Irak). Depuis, les « Fake News » racontent sur les réseaux sociaux un événement, qui n’a pas eu lieu (photos truquées), en vue d’une manipulation. Depuis 2016, elles engendrent la crainte que ces réseaux constituent une voie de désinformation et distillent le soupçon à l’égard des médias, gouvernements et experts scientifiques. S’y superpose l’affrontement géopolitique entre la Chine et les Etats-Unis sur le Covid-19.

Efficacité. La Chine tire parti du succès de sa lutte contre la pandémie grâce à sa « diplomatie sanitaire », indique François-Bernard Huyghes. Celle-ci contribue à l’affirmation de sa puissance, via les « Nouvelles Routes de la Soie », et à l’accroissement de son influence en vantant l’excellence de son régime politique. Par ailleurs, indique Cécile Guérin, la désinformation utilise la parole de l’expertise en profitant des tensions au sein de la communauté médicale, faute de connaissance suffisante du Covid-19. Sur internet, des vidéos opposent l’expérience des médecins de terrain à l’expertise des ministères et des grandes institutions de la Santé pour discréditer la gestion de la pandémie par les gouvernements.

Réactions. La presse passe plus de temps à vérifier la véracité d’une vidéo, qui suscite l’émotion, qu’à rechercher de l’information, souligne Gérard Grizbec. Cette vérification devrait s’accompagner d’une régulation des plates-formes numériques et d’un cadre législatif dans le contexte de prolifération de l’information, de désinformation et de « mésinformation » (partage d’une information tronquée sans en être l’auteur et sans intention de nuire), estime Cécile Guérin. Les GAFAM utilisent déjà de nombreux algorithmes et « modérateurs » humains pour lutter, au départ, contre la pornographie et l’incitation à la haine, souligne François-Bernard Huyghes. Par la suite, ils ont fermé des milliers de comptes et censuré beaucoup de contenus, selon leurs propres critères de décision et sans en référer à des autorités démocratiquement élues.

Loïc Salmon

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