Sauvetage de combat : l’apprentissage des médecins

Les médecins généralistes des armées doivent être capables d’évaluer les blessés graves au plus près du conflit, de les prendre en charge et de faciliter leur évacuation sur un hôpital de campagne. Leur préparation opérationnelle a été présentée à la presse, le 5 avril 2012 à Paris, par le médecin général inspecteur Maurice Vergos, directeur de l’Ecole du Val-de-Grâce.

Depuis la guerre du Golfe (1991), les médecins apprennent  à appliquer automatiquement, en milieu hostile et en situation dégradée, les gestes d’urgence adaptés aux circonstances. L’apprentissage s’articule sur trois niveaux : minimiser les conséquences des erreurs commises ; réévaluer ses actes et ceux des autres ; éviter les erreurs futures par la préparation, l’anticipation et la formation. Le sauvetage de combat nécessite aussi de savoir utiliser les transmissions, pour demander du secours dans un cadre multinational, et de savoir se servir d’une arme, pour défendre les blessés ou soi-même en cas d’agression. Toutefois, le médecin n’est pas un combattant, rappelle le directeur de l’Ecole du Val-de-Grâce. La mise en condition de projection sur un théâtre d’opérations comprend des préparations « santé » et « militaire ». Le futur médecin commence par étudier six ans à l’Ecole de santé des armées de Lyon-Bron, qui regroupe les Ecoles du service de santé des armées de Bordeaux et de Lyon depuis le 2 juillet 2011. Sa formation initiale générale militaire inclut l’école du soldat, le tir et les stages parachutiste et de plongeur. Puis, il va passer trois ans à l’Ecole du Val-de-Grâce en stages hospitaliers dans différents services : urgences civiles (bloc opératoire, service des brûlés et accidents de la route avec le sapeurs pompiers de Paris) ; blessures de guerre d’origine nucléaire, radiologique, biologique ou chimique ; blessés psychiques à identifier, à isoler rapidement, pour qu’ils ne perturbent pas l’équipe soignante, et à évacuer. Des exercices d’opération sanitaire ont lieu sur le terrain, notamment l’échographie d’urgence en cas de situation isolée. Parallèlement, s’effectue une formation continue d’adaptation aux milieux terrestre, aérien et maritime. Le sauvetage de combat prend en compte tous les retours d’expériences. Dans ce domaine, l’Ecole du Val-de-Grâce dispense trois types d’enseignements : une formation initiale spécialisée, des techniques de réanimation de l’avant et la médicalisation en milieu hostile. L’entraînement collectif est validé au sein du détachement d’assistance opérationnelle du camp militaire de Canjuers (Var). Pour sauver le maximum de monde au cours d’une opération, les médecins s’habituent à l’urgence collective. Ils doivent pouvoir donner des informations précises sur l’état de gravité des blessés, en vue de leur évacuation. Les outils de simulation  apprennent à demander les moyens d’évacuation appropriés. En 2011, environ 220 médecins ont participé à plus de 80 stages de préparation opérationnelle santé. Les auxiliaires de santé effectuent également des stages de sauvetage de combat.

La guerre en Afghanistan constitue aujourd’hui le principal terrain d’application. Le médecin soigne les blessés sans distinction. Ses camarades de combat se sont assurés au préalable qu’un taliban blessé et hospitalisé ne constitue plus une menace. Dans l’ensemble, les équipes de liaison et de tutorat opérationnel (OMLT, sigle OTAN) de la Force internationale d’assistance et de sécurité, destinées à conseiller les unités militaires afghanes, disposent de binômes médecin généraliste/infirmier. Toutefois, la ressource étant insuffisante, l’un des membres du binôme se retrouve parfois seul. Les médecins doivent donc savoir former des auxiliaires à la demande. Les spécialistes sont en général affectés à l’hôpital militaire de Kaboul et les réservistes, également spécialisés, à l’aéroport international. Des médecins afghans sont envoyés en formation en France et certains peuvent préparer l’agrégation à l’Ecole du Val-de-Grâce. Par ailleurs, les médecins féminins effectuent les mêmes formations et entraînements que leurs collègues masculins et leurs affectations dans les OMLT ne posent guère de difficultés, indique le médecin général Vergos. Vu le nombre croissant d’étudiantes à l’Ecole de santé des armées, le corps médical militaire français sera bientôt féminisé à 50 %.

« Les stages de préparation opérationnelle avant projection sont indispensables pour les techniques de réanimation de l’avant, conclut le directeur de l’Ecole du Val-de-Grâce, la qualité de la formation est validée par les retours d’expérience. Cet outil de formation a fait la preuve de son efficacité ».

Loïc Salmon

Les militaires gravement blessés au combat doivent être pris en charge en moins d’une heure, avant leur évacuation en métropole. Parmi eux, certains seront amputés. D’ici à 2014, une quinzaine d’amputés d’une main ou d’une jambe vont recevoir des prothèses articulées, actuellement en dotation dans les armées américaine et canadienne. Les « « mains » permettent un mouvement complet de l’articulation du poignet et les « genoux » une marche régulière et la prise en compte d’obstacles. Ces prothèses de dernière génération, d’un coût d’environ 55.000 € pièce, sont financées par un fonds exceptionnel alimenté en majorité par la Caisse nationale militaire de sécurité sociale et l’Office des anciens combattants et victimes de guerre et complété par l’entraide des associations « Solidarité défense » et « Terre fraternité ».




Service de santé : traumatismes psychiques dans les armées, problème de santé publique

Le traumatisme psychique, qui résulte d’une confrontation à la mort dans la surprise et l’effroi, peut toucher les militaires en opérations, avec des conséquences potentiellement graves pour leurs proches et la population civile de leur lieu de résidence.

Le Service de santé des armées (SSA) a organisé un colloque sur ce sujet le 4 décembre 2013 à Paris, à l’Hôpital d’instruction des armées du Val-de-Grâce avec la participation de plusieurs psychiatres et psychologues militaires.

« Serval » et le soutien psychique. Au cours de l’opération « Serval » au Mali en 2013, un dispositif « psy » est mis en place, indiquent le médecin en chef psychiatre Lionel Caillet et la capitaine psychologue Maryse Devaux. Des cellules psychologiques de deux personnels (un psychiatre et un psychologue) sont projetées sur le théâtre lors de la phase « exploitation en profondeur » dans le Nord. Parties de Bamako, elles se rendent à Tessalit (17-20 mars et 22-30 mars), Gao (18-21 mars et 16-22 avril), Tombouctou (3-17 avril) et Ouagadougou au Burkina Faso (5-14 mai). Cette phase de « Serval » est particulièrement meurtrière. Les forces françaises perdent 5 hommes, en raison des combats rapprochés, des zones piégées et de la détermination suicidaire des groupes armés djihadistes. Le personnel en poste fixe à Bamako assure permanence et précocité d’un recours aux soins spécialisés, évalue et prend en charge tous les rapatriés sanitaires. Le personnel mobile suit les groupes les plus exposés. En veille constante, il actualise le renseignement et l’information sur les situations d’expositions potentiellement traumatiques. Il établit un ordre de priorité sur les actions à mener et intervient en fonction de la disponibilité opérationnelle des unités et des moyens de transport. En tout, l’équipe médicopsychologique a procédé à 27 rapatriements sanitaires à la suite de 509 entretiens auprès de 350 militaires : 199 « débriefings » après un stress potentiellement traumatique ; 209 consultations auprès de 70 militaires pris en charge ; 101 « entretiens de liaisons » avec 81 militaires hospitalisés.  Lors d’un combat violent ou du déclenchement d’un engin explosif improvisé, tout se passe de façon détaillée et comme au ralenti pour le militaire exposé qui vit un moment d’éternité, malgré la brièveté du choc traumatique. La perception d’une menace externe temporaire se transforme après en perception interne, douloureuse psychiquement, d’une menace permanente. Il s’agit alors de restaurer un sentiment de sécurité interne chez le blessé psychique.

Soins psychiques pendant « Pamir ». Lors de l’opération « Pamir » en Afghanistan, un dispositif de soins des « états de stress post-traumatique » (ESPT) a été mis en place auprès d’une unité parachutiste particulièrement éprouvée, relatent les médecins en chef Jean Houel et Gilles Tourinel. Sur 531 parachutistes projetés dans la vallée de la Kapisa de mai à novembre 2011, 11,3 % ont été en ESPT et 10,5 % ont présenté d’autres troubles psychologiques. L ‘équipe médicopsychologique de proximité a surtout interrogé les blessés, car les parachutistes consultent difficilement pour de tels troubles. Afin de consolider leur réinsertion, le Service de santé des armées a notamment recommandé une reprise du travail précoce, une adaptation des emplois, la reconnaissance de la blessure psychique et surtout d’éviter les congés de longue durée pour maladie… qui aggravent la « désocialisation » !

Plans d’action. Selon le SSA, en 2009, l’armée de Terre a mis en place à Chypre un « sas de décompression » pour les militaires en opération en Afghanistan et qui a fonctionné pendant les premiers mois de l’opération « Serval » au Mali. En 2011, a été établi un dispositif interarmées externalisé pour les familles et proches de militaires projetés en Afghanistan : numéro d’appel « vert » (voir encadré) et séances d’informations pour les familles avant le départ et le retour des unités en opérations extérieures. Le plan d’action 2013-2015 du SSA vise à : mieux sensibiliser les militaires sur la gestion du stress opérationnel et en prévenir les effets potentiellement délétères ; sensibiliser l’entourage du blessé psychique et coordonner les actions de soutien à ses proches ; coordonner les soins du service public de santé ; garantir une juste réparation des ESPT ; développer le soutien psychologique des forces spéciales, compte tenu de la confidentialité et des spécificités de leurs missions ; profiter de l’expérience des pays alliés et partenaires. Tous les personnels en opérations se trouvent soumis à un stress opérationnel résultant de facteurs complexes, nécessitant des adaptations permanentes et dont l’intensité varie selon les théâtres, le type de mission conduite, la durée et les risques associés. La tension nerveuse continuelle, le manque de sommeil, la fatigue et la rupture avec les repères sociaux et familiaux habituels peuvent affecter rapidement le potentiel opérationnel des militaires. En outre, à la suite d’un traumatisme psychique, des réactions psychopathologiques, observables après quelques heures ou quelques jours, durent souvent de 2 jours à 4 semaines. Ces symptômes peuvent persister et évoluer vers l’ESPT, véritable souffrance chronique. Les manifestations cliniques peuvent se révéler des mois ou même des années après l’événement traumatisant. La qualité du pronostic dépend d’une prise en charge thérapeutique précoce et de la qualité du soutien psychosocial, explique le psychiatre Patrick Devillières, chef du Service médico-psychologique des armées. Or, certains facteurs limitent l’accès aux soins des blessés psychiques : méconnaissance des symptômes, honte, culpabilité, crainte de la stigmatisation et peur de perdre son aptitude. Briser ces tabous nécessite d’écouter, d’informer et d’orienter les blessés psychiques vers les réseaux de soins. Le médecin présent dans les forces détectera les symptômes : cauchemars, irritabilité, insomnies, repli sur soi, changement de comportement, angoisse et sentiment d’oppression. Le parcours de soins du blessé psychique se termine par sa réinsertion dans la société. Enfin, les blessés psychiques sont désormais éligibles pour la médaille des Blessés (physiques).

Loïc Salmon

Blessés psychiques : agir vite, au plus près et de façon continue

Le plan d’action 2013-2015 du Service de santé des armées vise à garantir un soutien médical et psychosocial à tout militaire ou ancien militaire, victime de blessures psychiques du fait du service, ainsi qu’à son entourage. Entre le 20 janvier et le 3 décembre 2013, le numéro vert (appel gratuit et anonyme) 08 08 800 321 a reçu 308 appels dont  72 % correspondaient à une souffrance psychologique et 54 % à un état de stress post-traumatique (ESPT). Parmi les gens appelant pour un ESPT, 58 % étaient des militaires et 5% des appels concernaient des opérations datant de plus de 20 ans. Les 42 % des appels restants venaient de proches de militaires en ESPT, dont la moitié de conjoints et un quart de parents. Une absence de suivi médical au moment de l’appel a été constatée parmi 77 % des sujets en souffrance psychologique et 75 % de ceux en ESPT.

 




Armée de l’Air : 9 morts, mais la vie de soldat continue après la « malchance technologique »

« Notre vie opérationnelle continue et n’est en rien affectée par ce dramatique accident, exceptionnel dans sa violence », a déclaré à la presse, le 29 janvier 2015 à Paris, le général d’armée aérienne Denis Mercier, chef d’état-major de l’armée de l’Air. Deux jours auparavant, il avait accompagné le ministre de la Défense, Jean-Yves Le Drian et deux parlementaires de Nancy sur la base aérienne de l’OTAN à Albacete (Espagne), où s’est produit un grave accident faisant plusieurs morts et blessés de différentes nationalités. Le 26 janvier, un avion de combat F-16 grec connaît une panne peu après son décollage, dévie de sa trajectoire et percute des avions de chasse français (Rafale et Mirage 2000 et 2005) et italiens (F-16) alignés sur un parking. Son équipage a tenté, sans succès, de s’éjecter. L’armée de l’Air française déplore 9 morts (photo) : 2 capitaines (pilotes) ;  2 lieutenants (navigatrice et mécanicien) ;  2 adjudants (chargé de maintenance et mécanicien) ; 1 sergent-chef (mécanicien) ; 2 sergents (armurier et électronicien). Leurs corps ont été rapatriés le 29 janvier à la base aérienne 133 de Nancy-Ochey pour y recevoir les honneurs militaires, avant un hommage national aux Invalides à Paris (3 février). Tous participaient au stage multinational « Tactical Leadership Program » de l’OTAN. Il s’agit d’exercices de perfectionnement pour évaluer la capacité opérationnelle et comparer des équipages expérimentés, en vue d’opérer en coalition avec de nombreux appareils. La base d’Albacete est adaptée à la conduite de ces exercices opérationnels grâce à son infrastructure et ses conditions de sécurité, souligne le général Mercier. Une enquête technique et juridique, menée par les Bureaux espagnol, français, italien et grec d’enquêtes et d’analyses pour l’aviation, est en cours pour déterminer, en toute transparence, les raisons de la panne du F-16. Ses boîtes d’enregistrement ayant été retrouvées, les paramètres permettront de comprendre ce qui s’est passé. Parmi les 9 blessés français, 3 sont gravement brûlés : 2 ont déjà été rapatriés en France et le 3ème suivra, quand l’amélioration de son état le permettra. Lors de l’accident, ce n’était pas chacun pour soi mais chacun pour les autres, explique le général Mercier. Ainsi, un mécanicien, les vêtements en feu, a été gravement brûlé en voulant sauver un camarade, couché sous un avion. Le Service de santé des armées a envoyé sur place deux femmes psychologues, qui connaissent bien le monde de l’aviation militaire, pour porter assistance aux témoins de l’accident. Enfin, l’armée de l’Air poursuit ses activités. « Plus de 20 missions d’appareils français ont déjà eu lieu au-dessus de l’Irak et du Sahel », a indiqué son chef d’état-major.

Loïc Salmon

Armée de l’Air : engagement opérationnel intense et réforme en profondeur

Sauvetage de combat : l’apprentissage des médecins

Blessés psychiques : agir vite, au plus près et de façon continue




Blessés psychiques : agir vite, au plus près et de façon continue

Le soutien médical des blessés psychiques est assuré par le Service de santé des armées (SSA) et leur soutien psychologique par le commandement, qui adapte le dispositif au fur et à mesure de l’évolution du conflit. Tout combattant de l’armée de Terre effectue une préparation opérationnelle avant son départ en opération extérieure (Opex) et fait l’objet d’un suivi systématique à son retour.

La prise en compte des troubles psychiques a été présentée à la presse, le 7 juin 2012 à Paris, par des responsables de l’armée de Terre et du SSA.

Les troubles psychiques sont étudiés depuis la première guerre mondiale. Selon le SSA, chaque conflit engendre des perturbations psychiques propres. Le nombre de troubles constatés diminue dans les conflits de basse intensité, mais augmente au cours d’engagements lourds comme celui en Afghanistan. Les origines sont diverses : traumatismes crâniens (95 % des cas), dépression ou sentiment de la mort après un événement directement lié, comme celle d’un camarade. Ne sont évacués sur la métropole que les blessés psychiques « étiquetés » comme tels sur le terrain. Ils sont suivis dans le temps pour vérifier le diagnostic initial. Par ailleurs, certains événements graves peuvent susciter des crises d’angoisse ou des cauchemars trois mois après le retour en métropole. Le sentiment de honte n’existe pas chez un  soldat en temps de guerre, en raison du rapport direct avec la mort. Le commandement l’a intégré dans la préparation opérationnelle du combattant et le SSA ne le considère pas comme une pathologie.

L’envoi en Opex est précédé d’un contrôle d’aptitude médicale puis d’une préparation opérationnelle en garnison. Cette préparation porte sur : les actes réflexes ; le « savoir-être » ; les savoir-faire spécifiques à la mission ; la résistance physique et psychique ; l’aguerrissement physique et mental ; la connaissance des réactions au stress ; l’utilisation des techniques d’optimisation du potentiel. Ensuite, a lieu la mise en conditions spécifiques à la mission. Sur le théâtre d’opérations, chaque régiment dispose de son service de santé composé d’un médecin et d’un infirmier, renforcé par un dispositif de soutien psychologique, qui compte des « référents de section », un « officier  environnement humain » (OEH) et une « cellule d’intervention et de soutien psychologique de l’armée de terre » (CISPAT). Depuis le bombardement du camp de Bouaké par l’aviation ivoirienne le 6 novembre 2004 où neuf soldats français avaient été tués, un psychiatre est présent sur chaque théâtre d’opérations. Le référent de section est un militaire du rang ou un sous-officier expérimenté ayant la confiance de la section. Chargé d’identifier les réactions psychologiques et comportementales inadaptées, il alerte son chef le cas échéant. L’OEH a suivi un stage de cinq semaines, dont deux au sein du service psychiatrie d’un hôpital militaire. Il coordonne l’action des référents de section et des autres intervenants, pour détecter les situations à risques et le personnel vulnérable, et participe à la préparation au retour en métropole. Enfin, la CISPAT, composée d’officiers psychologues, assure le soutien d’urgence après un événement traumatisant au cours d’un engagement. Les médecins et infirmiers des forces, formés aux dépistages et prises en charge de troubles psychiques post-traumatiques, prodiguent des soins immédiatement et à proximité du lieu de l’événement. De son côté, le psychiatre de l’hôpital médicochirurgical de campagne intervient, en synergie avec le médecin d’unité et le « psychologue du théâtre » (conseiller du commandement sur les éventuelles mesures à prendre), pour déterminer si un patient a besoin de soins ambulatoires et/ou d’une hospitalisation et/ou d’une évacuation en métropole. Même s’ils n’ont apparemment pas ressenti de troubles psychologiques, tous les combattants envoyés en Afghanistan passent par un « sas de fin de mission », à savoir un court séjour à Chypre pour éviter un décalage trop brutal à leur arrivée en France. Outre une nécessaire période de détente, c’est l’occasion de procéder à des entretiens collectifs et individuels, de préparer le retour et de détecter les personnels susceptibles de recevoir un soutien psychologique adapté. Une fois réinstallés dans leur garnison d’origine, les militaires se remettent en conditions pendant plusieurs mois. Par ailleurs, chacun d’eux a un entretien avec le médecin de son unité, en vue de l’établissement d’une « fiche de suivi opérationnel » qui recense les événements graves auquel il a été confronté. Cette fiche sera complétée  tout au long de sa carrière. Le médecin dresse aussi un bilan médico-psychologique post mission et prescrit une visite systématique annuelle et, si nécessaire, un suivi psychologique ou psychiatrique.

Les familles des militaires jouent un rôle important, de même que les assistantes sociales et les aumôniers. Depuis mars 2011, la Direction des ressources humaines du ministère de la Défense assure un soutien psychologique aux familles des blessés psychiques. Pour l’ensemble des familles, elle propose deux séances de prévention et de sensibilisation : une avant l’envoi du militaire en Opex, pour apprendre à gérer son absence, et une un mois avant son retour pour se réadapter à la vie familiale et être capable de détecter des signes annonciateurs de troubles. En cas d’événement grave, un psychologue assure une intervention d’une journée auprès de la famille. A titre individuel, tout blessé psychique dispose d’un numéro de téléphone vert pour s’entretenir 7 jours sur 7 et 24 heures sur 24 avec un psychologue. Parfois, cette prise en charge à distance suffit. Mais, s’il l’estime nécessaire, le psychologue peut proposer des consultations individuelles ou familiales en cabinet. Selon le SSA, 340 personnes ont appelé, dont 134 ont été ensuite orientées vers un psychologue. Enfin, la prise en charge s’arrête à l’initiative du psychologue… ou à la demande de l’intéressé !

Loïc Salmon

Parmi les milliers de militaires envoyés en Afghanistan depuis dix ans, environ 400, dont une dizaine du Service de santé, sont considérés comme atteints de blessures psychiques et suivent un traitement. Certains ont été rapatriés sanitaires, notamment à l’hôpital d’instruction des armées Percy (photo). En fait, le suivi psychologique du soldat commence dès son recrutement. La réflexion sur son engagement porte sur : le service de la France ; l’accomplissement de la mission ; la maîtrise de sa force ; l’obéissance aux ordres ; la prise d’initiatives ; le professionnalisme ; les sentiments d’honneur, de franchise et de loyauté ; l’œuvre pour la cohésion et le dynamisme de son unité ; l’ouverture sur le monde et la société ; la fierté de son engagement. Ce métier, où chaque militaire expose sa vie, nécessite de solides aptitudes physiques, mentale et psychologique. La formation initiale de quatre mois est suivie d’une spécialisation pendant un an.




Opex : chaîne opérationnelle de santé au plus près des forces

L’organisation du soutien médical, véritable savoir-faire français reconnu par les armées alliées, constitue une partie importante de l’opération « Serval » au Mali. Le médecin en chef Emmanuel Angot, chef de « l’état-major opérationnel santé » de la Direction centrale du service de santé, l’a présentée à la presse, le 18 avril 2013 à Paris. A cette date, environ 150 évacuations sanitaires sur la France, dont 15 urgentes par avion Falcon, avaient été lancées depuis le début de l’engagement (11 janvier). Les pathologies se répartissent en 50 % de blessures au combat, 25 % de déshydratations et maladies liées à l’environnement du théâtre et 25 % de troubles psychologiques aigus consécutifs à l’engagement opérationnel. La fonction santé porte d’abord sur les soins au quotidien, en vue de maintenir la capacité opérationnelle à durer dans des conditions difficiles et, en amont, sur l’hygiène et la prévention. Ses effectifs se montent à 170 personnes en missions de courte durée et 500 personnels déployés sur huit opérations extérieures (Opex) : « Serval », « Licorne », « Epervier » et « Boali » en Afrique ainsi que « Tamour » en Jordanie dans un cadre français, « Pamir » en Afghanistan (OTAN), « Daman » au Liban (ONU) et « Atalante » en océan Indien (Union européenne). Le concept médical français des opérations repose sur le sauvetage au combat, la médicalisation sur place ou l’évacuation par hélicoptère pour une prise en charge chirurgicale et, après décision de l’état-major opérationnel santé, sur une évacuation médicale précoce en métropole. Ainsi, un blessé au combat est secouru dans les dix minutes par un camarade, transporté au poste de secours avancé dans l’heure qui suit, admis au bloc opératoire une heure plus tard, éventuellement rapatrié par avion médicalisé 24 heures après le combat s’il est grièvement atteint. Tous les blessés sérieux sont traités à l’hôpital d’instruction des armées Percy dans les sept jours. En Opex, l’environnement médical se décompose en trois phases : préparation opérationnelle et expertise sanitaire avant ; ravitaillement sanitaire, intégration au dispositif tactique et conduite du soutien médical pendant ; suivi des blessés physiques et psychiques ainsi que retour d’expériences après. « Cette chaîne opérationnelle santé contribue au moral des combattants », souligne le médecin en chef Angot.

Loïc Salmon

Blessés psychiques : agir vite, au plus près et de façon continue

Sauvetage de combat : l’apprentissage des médecins

OTAN : un Français à la tête des Services de santé




Service de santé : « Maison des blessés et des familles » à Percy

Désormais, les grands blessés au combat peuvent vivre avec leur famille sur le site de l’hôpital d’instruction des armées (HIA) Percy pendant leur prise en charge déambulatoire (6 mois à 1 an). Cette « Maison des blessés et des familles » (MBF), inaugurée officiellement le 7 avril 2015, a été présentée à la presse, le 2 avril à Paris, par le médecin général inspecteur Christian Plotton, directeur de l’HIA Percy. Dans un petit film vidéo, un blessé (photo) témoigne : « On ne peut se reconstruire seul pendant un an » ! La MBF répond à l’objectif de parcours global de soins : présence des proches du blessé pendant la phase aigüe, au-delà des droits réglementaires, et meilleures conditions d’hébergement lors des réhospitalisations. Seul le praticien ou le chirurgien juge de la pertinence d’une prise en charge déambulatoire. Lors d’un engagement armé, il s’écoule en moyenne 35 heures entre le moment où un soldat est gravement blessé, son rapatriement par avion médicalisé et son arrivée à l’HIA Percy. Après la phase de réanimation et de chirurgie, le blessé entreprend une rééducation de 2 à 6 mois, puis une réadaptation (prise en charge déambulatoire) de 6 mois à 1 an et enfin une réinsertion de 2 ans environ par le travail et le sport. Le besoin d‘une MBF s’est fait sentir en 2011 avec le grand nombre de grands blessés de l’armée de Terre rapatriés d’Afghanistan, la saturation des capacités d’accueil des familles à proximité de l’HIA, la dispersion des origines géographiques des militaires hospitalisés (métropole et départements d’outre-mer) et les longues durées d’hospitalisation. Centre de polytraumatologie et structure d’accueil des grands blessés des théâtres d’opérations, l’HIA Percy a été retenu pour la future MBF en raison de sa capacité de prise en charge globale et permanente, grâce à la présence de l’ensemble des disciplines médico-chirurgicales et de réanimation. Également centre de rééducation et de réhabilitation, il  peut soigner les blessures physiques et psychiques. Disposant d’une réserve foncière de 2.700 m2, il a consacré 1.000 m2 à l’aménagement de 11 logements au standard « handicap », pour le déplacement du blessé en fauteuil roulant, et d’une crèche pour les enfants en bas âge : 6 studios de 23 m2 ; 4 logements de 75 m2 ; 1 appartement de 87 m2. Ces logements, bâtis en rez-de-chaussée, sont contigus pour permettre les échanges entre les familles. Le séjour, est pris en charge par le ministère de la Défense. La MBF a coûté 4 M€, dont 80.000€ payés par des associations. En effet, elle a vu le jour grâce à l’appui de divers services du ministère de la Défense et à la réactivité et l’action déterminante de la communauté associative, estime le médecin général. La réussite de la MBF explique-t-il, est due au personnel hospitalier (soignants, ergothérapeutes et kinésithérapeutes), aux cellules d’aide aux blessés et aux associations Terre Fraternité, Solidarité Défense, ANFEM (Association nationale des femmes de militaires) et Bleuet de France. De son côté, le général de division Bernard Barrera, porte-parole adjoint du ministère de la Défense et ancien commandant de la brigade « Serval » au Mali (2013), rappelle que les blessés au combat connaissent la réactivité du Service de santé sur le terrain et savent que ni eux, ni leur famille, ne seront abandonnés à leur sort après. Enfin, indique le médecin général Plotton, les blessés des récentes opérations extérieures dans la bande sahélo-saharienne le sont moins gravement que pendant l’engagement en Afghanistan.

Loïc Salmon

Opex : la chaîne de santé, une course contre le temps

Blessés psychiques : agir vite, au plus près et de façon continue

Le « Bleuet de France » fête ses 80 ans




OTAN : un Français à la tête des Services de santé

Pour la première fois, les 28 pays membres de l’OTAN ont élu un Français à la présidence du Comité des chefs de Services de santé militaires (COMEDS), en l’occurrence le médecin général des armées Gérard Nédellec, en fonction pour trois ans depuis le 1er décembre 2012. Le COMEDS conseille le Comité militaire (chefs d’état-major), subordonné au Conseil de l’Atlantique Nord (chefs d’Etat ou de gouvernement). Il participe au processus de planification de défense et coordonne les politiques, doctrines, concepts, procédures, techniques, programmes et initiatives en matière de santé sur les théâtres d’opération. Ainsi, la construction des hôpitaux est définie entre toutes les nations participantes pour éviter de dupliquer les efforts déjà entrepris. Les mêmes équipes du COMEDS travaillent avec l’Agence européenne de défense. Par ailleurs, la France et l’Italie développent une approche modulaire des hôpitaux médico-chirurgicaux. En Afghanistan, a indiqué le médecin général Nédellec au cours d’une conférence presse à Paris le 6 décembre 2012, les 50 nations partenaires ont mis en œuvre 27 hôpitaux en multinational. Celui de Kaboul disposera de 142 personnels médicaux français jusqu’à la fin de 2014. En outre, le COMEDS détermine notamment les temps de prise en charge des blessés sur les théâtres d’opération. Les normes internationales se rapprochent du principe français, en vigueur depuis trois siècles et consistant à être au plus près des blessés. Actuellement, un blessé doit pouvoir être secouru dans les dix minutes par un autre soldat, assisté dans l’heure qui suit par un médecin et se trouver au bloc opératoire dans les deux heures. Pour une blessure psychique, le « ressenti » de chaque militaire, quoiqu’individuel, dépend aussi des règles d’ouverture du feu, variable selon les pays. En conséquence, la réflexion des psychiatres sur la définition d’un syndrome (association des différents signes) est différente selon la culture de chaque pays belligérant.

Loïc Salmon




Blessures et sports adaptés : reconstruction physique et psychique

Le Centre de ressources, d’expertise et de performances sportives de Bourges, pôle national « sport et handicap », et le Centre régional jeunesse et sports d’Aubigny-sur-Nère accueillent les 3èmes « Rencontres militaires blessures et sports » (RMBS) du 16 juin au 4 juillet 2014. Celles-ci ont été présentées à la presse, le 12 juin à Paris, par le colonel Thierry Maloux, chef de la Cellule d’aide aux blessés de l’armée de terre (CABAT). Elles réunissent 53 militaires blessés en service ou en opérations et en cours de rééducation ou de réadaptation ou réintégrés sur des postes civils et militaires : 43 de l’armée de Terre, 1 de la Marine nationale, 3 de l’armée de l’Air, 2 de la Gendarmerie et, pour la première fois, 4 Britanniques.

Présent le 12 juin dans son fauteuil roulant, le capitaine Stéphane Caron, handicapé, témoigne : « Après la rééducation à (l’hôpital des armées) Percy puis la réinsertion socioprofessionnelle, le fait d’y aller, c’est accepter qu’on est blessé. C’est un moment important que de se retrouver entre blessés pour se parler. On découvre le sport adapté et le « handisport ». Le militaire blessé reste un militaire, donc un compétiteur quel que soit son handicap. Les blessés physiques et psychiques post-traumatiques vont reprendre confiance en soi et redécouvrir leur corps. C’est important pour se reconstruire. Il suffit de s’adapter par des découvertes simples. On se dit : « oui je peux le faire », si on a les moyens de s’adapter. Le sport est un vecteur pour se rendre compte que tout n’est pas fini et qu’on peut encore faire des choses. Le sport et la reconnaissance de la nation, c’est gratifiant et réconfortant et, aussi, c’est rassurant d’évoluer dans ce milieu de camarades ». Les 3èmes RMBS  comportent trois stages multisports. Deux (16-25 juin puis 25 juin-4 juillet) concernent les handicaps moyens avec notamment : tir à l’arc, escalade, hockey-luge, activités aquatiques, sport d’opposition, basket-fauteuil, escrime, activités nautiques, VTT, équitation, biathlon, tir et golf. Le stage « grands blessés » (21-25 juin) inclut notamment : tir à l’arc, tennis de table, activités aquatiques, sarbacane, foot-fauteuil, tir à la carabine et biathlon. Le stage multisports poursuit deux objectifs : faire découvrir aux militaires blessés la pratique d’activités sportives, adaptées au handicap, et les perspectives possibles, en vue d’un éventuel parcours en compétition ; favoriser les échanges entre blessés, acteurs de l’accompagnement et partenaires de la réadaptation médicale, professionnelle, sociale et psychologique.

En général, pendant leurs parcours les blessés sont accompagnés par des cellules d’aide présentes quasiment partout : armées de Terre et de l’Air, Marine nationale, Service de santé des armées, Institution nationale des Invalides, Secrétariat général pour l’administration, Sécurité sociale, Office national des anciens combattants et des victimes de guerre et diverses associations. Depuis 1978, sont encore suivis aujourd’hui quelque 9.000 militaires blessés au cours des opérations au Liban, au Koweït, dans les Balkans, en Côte d’Ivoire, en Afghanistan, au Mali et en République Centrafricaine. Enfin, la CABAT va développer une communication via les réseaux sociaux, lien direct avec la reconnaissance de la nation.

Loïc Salmon

Opex : la chaîne de santé, une course contre le temps

Service de santé : traumatismes psychiques dans les armées, problème de santé publique




Le « Bleuet de France » fête ses 80 ans

A l’occasion de son 80ème anniversaire, le « Bleuet de France », symbole de de la mémoire combattante, a été redessiné en 2014 et un timbre lui est consacré (photo). Il correspond au coquelicot britannique porté à la boutonnière. Présenté le 28 octobre à Creuzier-le-Neuf (Allier) par Kader Arif, secrétaire d’État auprès du ministre de la Défense chargé des Anciens Combattants et de la Mémoire, il n’est désormais plus fabriqué en Chine, mais en France dans les établissements réservés aux personnes handicapées. A l’occasion du 11 novembre, 300.000 bleuets ont été fabriqués par 350 personnes réparties dans 4 établissements. Le « Bleuet » est aussi une œuvre caritative destinée aux milliers de ressortissants de l’Office national des anciens combattants et victimes de guerre. Les fonds, collectés entre le 2 et le 11 novembre, contribuent au maintien à domicile des anciens combattants et de leurs veuves, au financement des études des pupilles de la nation, au soutien des militaires gravement blessés en opérations extérieures et à l’accompagnement des familles de ceux morts pour la France. La campagne de 2013 a permis de récolter 1,12 M€ pour 13.205 bénéficiaires. Une partie de cette somme a été ainsi répartie : 161.849 € pour les ressortissants les plus nécessiteux ; 127.339 € en aides aux pupilles de la nation pour leurs études supérieures et leur vie quotidienne ; 101.962 €  pour les blessés en opérations, notamment pour l’acquisition de prothèses bioniques et la participation aux 2èmes « Rencontres militaires blessures et sport » ; 42.677 € pour le maintien à domicile des ressortissants les plus âgés en situation de dépendance ; 12.817 € pour l’amélioration des conditions de séjour dans les maisons de retraite labellisées « Bleuet de France ».

Loïc Salmon

Blessures et sports adaptés : reconstruction physique et psychique

OPEX : prise en charge et suivi des grands blessés

La Légion étrangère : combats pendant, solidarité après




Opex : la chaîne de santé, une course contre le temps

Soigner les blessés au combat nécessite d’agir très en amont même sur des accrochages en petits effectifs. La chaîne de santé relie, de façon indissociable, formation du personnel, hôpitaux, soutien des forces, ravitaillement sanitaire et recherche.

L’action du Service de santé des armées (SSA) en opérations extérieures (Opex) a fait l’objet d’un séminaire organisé, le 26 juin 2013 à Paris, à l’Ecole du Val-de-Grâce.

Soutien sanitaire. En juin, les forces françaises disposent d’un soutien médical dans dix Opex : « Serval » au Mali ; « Licorne » en Côte d’Ivoire ; « Epervier » au Tchad ; « Boali » en Centrafrique ; « Atalante » en océan Indien dans le cadre de l’Union européenne ; « Pamir » en Afghanistan (OTAN) ; « Tamour » en Jordanie ; « Daman » au Liban (ONU) ; « Trident » au Kosovo (OTAN) ; « Eulex » (police et justice) au Kosovo (Union européenne). « Toute mission exige une capacité à durer et un lien fort entre action militaire et action médicale », souligne le médecin en chef Angot de l’Etat-major opérationnel santé. Le soutien sanitaire repose sur deux principes fondamentaux. D’abord, la médicalisation et la réanimation-chirurgicalisation de l’avant impliquent de porter au plus près des combattants le maximum de moyens mobiles, performants et adaptés aux conditions de l’engagement. Ensuite, les évacuations sanitaires précoces sont systématiques vers les hôpitaux de traitement définitif, de préférence par voie aérienne mais pas uniquement. La prise en charge des blessés s’effectue selon quatre niveaux ou « role » en anglais (voir illustration). La médicalisation de l’avant (niveau 1) correspond aux premiers secours et au conditionnement médical primaire au sein des unités de combat. Le triage médico-chirurgical et la réanimation-chirurgicalisation de l’avant (niveau 2) sont mis en œuvre au sein des forces. Le traitement des blessés sur le théâtre (niveau 3) précède les évacuations sanitaires tactiques. Les évacuations sanitaires stratégiques (niveau 4) concernent le traitement définitif sur le territoire national.

Intégration aux opérations. « Le Service de santé des armées fait partie de la communauté des opérations. Il n’y a pas d’opération sans le Service de santé », déclare le général de corps d’armée Castres, sous-chef d’état-major opérations de l’Etat-major des armées. La protection et la « survivabilité » des combattants sont devenues impératives. Le cadre global politico-militaire évolue, constate le général : la moindre inhibition du pouvoir politique à recourir à la force va de pair avec une plus grande inhibition des forces militaires à utiliser l’éventail complet des armes. La solidarité de l’opinion publique diminue au fur et à mesure des pertes au combat. La capacité de sûreté des troupes engagées, par la surveillance, la robotisation et le tir à distance, doit l’emporter sur celle de l’adversaire. Le maintien de la motivation du soldat repose sur la présence du SSA. Définir la durée devient un objectif politique et conduit à des opérations plus offensives sous court préavis. Les forces doivent donc chercher l’adversaire et ne plus le lâcher, avant qu’il ne disparaisse du champ de bataille. La « culture expéditionnaire » du SSA fait la différence pour mener à bien des opérations aussi diverses que celles d’Afghanistan, de Côte d’Ivoire, de Libye et du Mali. Aujourd’hui, le SSA va vers les blessés et non plus l’inverse. Compte tenu de l’agilité tactique des unités, les équipes médicales engagées au plus près doivent procéder à la mise en condition des blessés dans l’environnement nécessaire, selon une chaîne très robuste. Leur présence en amont au Mali a facilité la conduite des opérations. L’efficacité opérationnelle interarmées sur un théâtre dépend de la capacité du chef militaire à reconfigurer l’intervention au niveau de la section, des forces spéciales, du groupement d’hélicoptères et de la patrouille d’avions de chasse. Le SSA doit alors modifier son dispositif jusqu’à une équipe médicale par unité de combat, notamment les « modules de chirurgie vitale » auprès des forces spéciales, en général les plus touchées.

Agir vite et bien. Le médecin chef Planchet a vécu le tir fratricide dans le poste de combat avancé franco-afghan de Gwan, le 20 janvier 2012. A 9 h 27, un soldat de l’Armée nationale afghane tire à l’arme automatique sur 23 personnels en séance de sport : 4 sont décédés immédiatement et 14 blessés. Le docteur Planchet, dont l’infirmier accompagnateur a été blessé, rejoint la zone française 8 minutes plus tard avec 3 blessés pour demander du renfort, car le niveau de la menace n’est pas encore connu. Le plan « Mascal » pour les victimes nombreuses est déclenché. Chacun connaît son rôle et celui des autres pour agir au mieux le jour où il se passe quelque chose. A 9 h 37, le « PECC » (Centre de coordination d’évacuation des patients) alerte la chaîne médicale, qui achemine tous les blessés vers la zone française en 8 minutes. Un bilan rapide de la gravité des blessures détermine 8 évacuations prioritaires dites « Alpha » (dans les 90 minutes) et 6 dites « Bravo » (dans les 24 heures) par 7 rotations d’hélicoptères français et américains. En fait, le dernier blessé est évacué à 11 h 27, soit 2 heures après le tir. Grâce à des exercices fréquents, les sauveteurs de combat prodiguent, en toute autonomie, les bons soins à trois niveaux : soldat, infirmier et médecin. Ce dernier n’effectue que des gestes ponctuels, car il doit assurer la coordination de l’ensemble. Quelque 80 % des décès se produisent dans les 10 minutes après l’accrochage sur le champ de bataille, par suite d’hémorragies ou de lésions neurologiques ou respiratoires. Les décès tardifs, soit plusieurs jours après, sont dus à une défaillance multiviscérale ou des infections.

Evacuations aériennes. La voie aérienne militaire sous commandement opérationnel français est privilégiée pour les évacuations d’urgence, précise le capitaine Helleringer, convoyeur de l’air. Il y en a eu 97 en 2011, 74 en 2012 et 32 jusqu’au 21 juin 2013. Pour celles pouvant attendre plus de 24 heures, il est fait appel au Commandement du transport européen (EATC) qui compte 11 avions médicalisés (France, 5 ; Belgique, 2 ; Allemagne, 2 ; Pays-Bas, 2) : 487 en 2011, 476 en 2012 et 376 au 21 juin 2013. La voie aérienne civile suffit pour les blessés capables de voyager seuls : 226 en 2011, 165 en 2012 et 84 au 21 juin 2013. Enfin, le SSA pourra utiliser des avions tactiques A400 M en 2014 et des avions multi-rôles MRTT en 2016.

Loïc Salmon

OPEX : prise en charge et suivi des grands blessés

Sauvetage de combat : l’apprentissage des médecins

Blessés psychiques : agir vite, au plus près et de façon continue

Au 1er mai 2013, le Service de santé des armées (SSA) compte 16.076 personnels (68 % de militaires), dont 1.825 médecins (plus 1.129 élèves et internes), 176 pharmaciens, 70 vétérinaires, 46 chirurgiens-dentistes, 4.718 personnels militaires paramédicaux et 3.344 réservistes. S’y ajoutent 55 centres médicaux des armées, 14 centres médicaux interarmées (outre-mer) et 9 hôpitaux d’instruction des armées. En juin 2013, le SSA déploie 1.120 personnels en posture opérationnelle : 470 dans les forces prépositionnées hors métropole, 460 en opérations et 190 dans le réservoir de forces en alerte.