Le sous-marin nucléaire d’attaque : aller loin et durer

Le sous-marin à propulsion nucléaire d’attaque (SNA), capable de rester longtemps sur un théâtre lointain, est un projecteur de puissance contre la terre avec le missile de croisière naval et un projecteur de forces pour les opérations spéciales.

Le SNA peut aussi sécuriser un porte-avions et son escorte, devenus trop rapides pour les sous-marins à propulsion diesel-électrique, qui restent quand même une menace sérieuse. Son évolution future a fait l’objet d’une table ronde organisée, le 18 décembre 2012 à Paris, par le Centre d’études supérieures de la marine. Y ont notamment participé : le vice-amiral d’escadre Charles-Edouard de Coriolis, commandant des Forces sous-marines et de la Force océanique stratégique ; les ingénieurs en chef de l’Armement Christian Dugué et Yannick Le Yaouanc de la Délégation générale de l’armement ; le capitaine de vaisseau Marc Ginisty de l’état-major de la Marine ; Christian Dufour du groupe d’armement naval DCNS.

L’opérationnel et le technique. La Russie envoie des SNA dans le Pacifique. L’Inde a loué deux SNA russes de type « Akula » et prépare un projet national. La Chine a construit une nouvelle base navale dans l’île de Haïnan pour que les siens aient accès aux eaux profondes. La Marine française souhaite des « modules » pour ses SNA, en vue de s’adapter à l’évolution des menaces et d’avoir la capacité de s’en prémunir. Ainsi, pour arriver en océan Indien, il faut 17 jours à un SNA de type « Rubis » conçu, pendant et pour la guerre froide (1947-1991), pour la lutte anti-sous-marine et anti-navire de surface ainsi que le renseignement. Sa puissance repose sur sa capacité à durer sur zone,  sa capacité de feu, la qualité de ses capteurs, sa capacité à communiquer et agir dans un cadre interallié. Sa capacité à durer dépend de sa coque, son énergie électrique, son réacteur nucléaire et sa faible vulnérabilité. La capacité de feu du SNA français va augmenter avec l’élargissement du panel de ses armes : aujourd’hui les torpilles et l’embarquement de forces spéciales, demain les drones et le missile de croisière naval pour des frappes en profondeur contre la terre. Or, ces armes, même prévues, vont évoluer selon leur propre cycle de vie. Les capteurs et moyens de communication sont modifiés en permanence et consomment beaucoup d’électricité pour être efficaces et discrets. Ainsi, le sonar, destiné à l’origine à la détection de bâtiments, sous-marins et mines ainsi qu’au guidage des torpilles, intervient aussi dans la navigation en zone littorale peu profonde. Les « mâts » du SNA ne sont plus constitués d’un simple périscope, mais abritent plusieurs capteurs (antennes, radar et caméras numérique et infrarouge) et les systèmes de pointage. D’un poids total de près d’une tonne à hisser de 5 à 10 m discrètement pour ne pas être repérés, ils doivent programmer, capter et analyser en quelques secondes. En fin de compte, les SNA français se sont révélés des outils adaptables et d’emploi flexible sur le long terme. Vu que la durée de vie d’un bâtiment en général peut dépasser celle d’une entreprise ou du moins de sa stratégie, un ingénieur en verra peut-être deux au cours de sa carrière, mais n’en construira qu’un ! En conséquence, il s’agit de prévoir des marges d’évolution des matériels qui, de plus, ne dureront pas de la même façon à bord.

Le programme Barracuda. En vue de déploiements lointains de longue durée, les SNA français devront accroître leur autonomie et la redondance de leurs équipements et aussi  regrouper leurs périodes de maintenance. Leur vie passera de 35 ans pour ceux du type Rubis (74 m de long, 2.600 t) à plus de 40 ans pour ceux du type Barracuda (100 m, 5.000 t). Le premier SNA de nouvelle génération entrera en service actif en 2017 et le  sixième le quittera… vers 2070 ! Chacun sera équipé d’une liaison tactique performante, dérivée de celle des nouvelles frégates multi-missions et adaptée à ses antennes pour le débit (système de données) et les vacations (réception des informations). Afin de pouvoir embarquer des équipements plus grands, l’équipage sera restreint à 60 hommes au lieu de 70 actuellement. Comme les sous-marins nucléaires lanceurs d’engins de la Force océanique stratégique, chaque Barracuda pourra partir 90 jours d’affilée et disposera de deux équipages qui se relaieront, non au port d’attache, mais dans un port d’appui. Le futur SNA pourra ainsi être projeté très loin pendant six mois. En outre, il aura la capacité d’embarquer 15 passagers, dont deux équipes de nageurs de combat avec leurs propulseurs sous-marins pour effectuer des opérations spéciales à terre. Il sera équipé de mines, du missile anti-navire SM 39, de la prochaine torpille lourde F21 et du futur missile de croisière naval d’environ 1.000 km de portée. Le programme Barracuda, lancé par la Direction générale de l’armement en 1998, est en cours de réalisation par le groupe naval DCNS, qui y mobilise 2.000 personnes dans ses différents sites : Cherbourg pour la coque et la structure d’intégration d’ensemble ; Indret pour la chaufferie et l’appareil moteur ; Toulon pour le système de combat ; Ruelle pour les mécaniques d’armes et de conduite. Les quatre sites participent à l’ingénierie. Le groupe industriel Areva  traite la partie nucléaire. Les travaux ont déjà commencé sur la première série de trois submersibles dénommés Suffren, Duguay-Trouin et Tourville. Enfin, le SNA, qui doit aller là où il se passe quelque chose, souligne l’amiral de Coriolis, occupe une fonction stratégique pour la connaissance et l’anticipation. Il recueille en effet des renseignements d’origines acoustique, électromagnétique et optique, fusionne les données dans la durée et les synthétisent. Il se positionne au plus près des sources, sans que sa présence les alerte et modifie leurs comportements. Ainsi, lors de l’intervention de l’OTAN en Libye en 2011, un SNA français est resté 95 % du temps en immersion périscopique, en zone littorale et par petit fond.

Loïc Salmon

Même si elle ne dispose que de SNA, la France a construit pour l’exportation des sous-marins à propulsion diesel-électrique (SMD) du type « Scorpène » : 4 au Brésil, 2 au Chili, 6 en Inde et 2 en Malaisie. Leur propulsion indépendante de l’air (AIP) leur permet des plongées plus longues et améliore leurs performances : vitesse maximale, 20 à 21 nœuds (37/38 km/h) ; autonomie à 19 ou 20 nœuds, 2 à 3 heures ; autonomie à 3 ou 4 nœuds, 15 à 20 jours au lieu de 5/6 j pour les SMD dépourvus d’AIP ; distances franchissables à 8 ou 9 nœuds, 12.000 milles nautiques (plus de 22.000 km). Un SMD AIP, parti de France, peut rallier la Libye en 6 jours, la Syrie en 13 j et la Somalie (environ 3.000 milles) en 24 j et rester 15 j environ sur zone. Par contre, un SNA de type « Rubis », actuellement en service, atteint la Libye en 5 j, la Somalie en 11 j et le détroit de Malacca (6.000 milles) en 17/18 j et reste environ 30 j sur zone. Le futur SNA de type « Barracuda » arrivera dans le golfe Arabo-Persique (5.000 milles) en 10 j et en mer de Chine (7.000 milles) en 19/20 j et pourra rester plus de 40 j sur zone. Enfin, il bénéficiera des dernières études réalisées pour le Scorpène en matière d’invulnérabilité acoustique.




Salon de l’aéronautique et de l’espace 2015 : + 5 % d’exposants

Le 51ème Salon international de l’aéronautique et de l’espace du Bourget accueille 2.260 exposants dont 50 % étrangers, soit une hausse de 5 % en deux ans, a déclaré Marwan Lahoud, président du Groupement des industries françaises aéronautiques et spatiales (GIFAS), au cours d’une conférence de presse tenue à Paris le 21 mai 2015. « C’est un bon cru, grâce aux grandes commandes militaires » dit-il. Avec les commandes de l’avion de chasse Rafale par l’Égypte (24 appareils), l’Inde (36) et le Qatar (24), les commandes françaises ont atteint 73 Md€ en décembre 2014. Le Salon du Bourget (15-21 juin 2015), aujourd’hui à 20 % militaire et à 80 % civil, est aussi, pour tous les décideurs de l’aéronautique du monde, l’occasion de se rencontrer. Il aura reçu 120 aéronefs, 300 délégations officielles, 140.000 visiteurs professionnels  et 180.000 visiteurs grand public. Selon le GIFAS, il reste le plus grand du monde du genre avec 2.215 exposants et 139.000 visiteurs professionnels en 2013 (photo), par rapport à celui de Farnborough (Grande-Bretagne) avec 1.506 exposants et 132.000 visiteurs professionnels en 2014, le salon ILA de Berlin avec 1.203 exposants et 125.000 visiteurs professionnels en 2014 et ceux de Dubaï (2013) et Singapour (2014) avec approximativement 1.000 exposants et 50.000 visiteurs professionnels. Le Salon du Bourget 2015 est le moins cher du monde, par suite de la baisse de l’euro, et aussi le plus international, précise le GIFAS avec 26 pavillons nationaux, 47 pays représentant les exposants et 181 pays représentant les visiteurs professionnels. Compte tenu du plan « Vigipirate alerte attentat » en cours, la sécurité mobilise près de 1.500 personnels, privés et publics, fournis notamment par la Direction de  l’ordre public et de la circulation, la Police de l’air et des frontières, la Gendarmerie mobile, la Direction générale de la sécurité intérieure, la Direction de la protection et de la sécurité de la défense, la Brigade anti-criminalité départementale 93, la Police parisienne et la Préfecture de Seine-Saint-Denis. Par ailleurs, lors des trois derniers jours (vendredi, samedi et dimanche) se tient le 1er Salon de l’emploi et de la formation de l’industrie aéronautique et spatiale, du transport aérien et de la défense nationale. Les personnes à la recherche d’une formation, d’un stage ou d’un emploi peuvent y rencontrer quelque 70 exposants : entreprises (avionneurs, motoristes, équipementiers, sous-traitants, sociétés de services en ingénierie informatique et agences d’intérim) ; établissements de formation (écoles d’ingénieurs, instituts universitaires de technologie, universités, lycées professionnels, centres de formation d’apprentis et écoles spécialisées) ; associations ; fédérations. En outre, le GIFAS indique que ses entreprises adhérentes ont recruté environ 10.000 personnes (20 % de jeunes diplômés) en 2014 : 43 % d’ingénieurs et cadres ; 26 % d’employés, de techniciens et d’agents de maîtrise ; 31 % d’ouvriers qualifiés. Enfin, l’industrie aéronautique, spatiale, de défense et de sécurité a employé 180.000 personnes en 2014, auxquelles s’ajoutent 11.000 emplois équivalents temps plein de l’intérim aéronautique.

Loïc Salmon

Armée de l’Air : engagement opérationnel intense et réforme en profondeur

L’ALAT : un ensemble de systèmes de combat et d’hommes

Drones Air et Marine : surveillance, renseignement et… combat

 




Euronaval 2012 : défis maritime et industriel

L’avenir et la sécurité des nations se jouent en mer, où se déploient leurs capacités militaires. Les océans, qui rapprochent des pays autrefois lointains, entraînent une distorsion et un rétrécissement de l’espace géopolitique en abolissant la majeure partie des frontières et en offrant un accès direct à la plupart des zones sensibles.

Telle est l’opinion du ministre de la Défense, Jean-Yves Le Drian, exprimée le 23 octobre 2012 au Bourget (banlieue parisienne), lors de l’inauguration du salon d’armement naval Euronaval 2012.

L’industrie navale militaire. Les choix politiques et stratégique concernant la Marine nationale seront poursuivis, a précisé le ministre. Ils portent sur : onze frégates européennes multimissions (FREMM), déjà commandées ; le programme « Barracuda », destiné à remplacer les sous-marins nucléaires d’attaque de type Rubis ; le missile de croisière naval qui permettra de renforcer la frappe de précision dans la profondeur ; les torpilles ; la version navale de l’hélicoptère NH90 (Caïman). Seront également construits des bâtiments de projection et de commandement, des patrouilleurs et aussi des bâtiments côtiers chargés de la surveillance et de la lutte contre toutes sortes d’intrusions et  de trafics. Le ministre entend encourager l’innovation pour détecter les ruptures, qui pourraient changer la donne, et rester en capacité de fournir le bâtiment le plus polyvalent et le mieux intégré, en tenant compte des meilleures conditions économiques. Dans ce contexte, il a rendu hommage à deux types d’acteurs de la filière navale : les systémiers, seuls capables de maîtriser la complexité croissante de la mise en œuvre de nouveaux équipements ; les petites et moyennes entreprises, porteuses d’innovations technologiques, qui devront  être mieux intégrées dans l’ensemble du « process » (ensemble des étapes ou transformations nécessaires à la fabrication d’un produit) lancé par le ministère de la Défense ou les grands groupes. La filière navale française, longtemps morcelée, associe désormais les secteurs civil et militaire dans une nouvelle ambition maritime. Cette logique, qui mérite d’être davantage accompagnée, a souligné le ministre, consiste à encourager le rapprochement des acteurs scientifiques, académiques et étatiques, des régions, des industriels et des petites et grandes entreprises « dans une stratégie globale d’affirmation de souveraineté maritime et d’affirmation de compétences ».

Exportation et coopération. L’industrie navale militaire est le premier secteur de défense à l’exportation pour plusieurs raisons, selon Jean-Yves Le Drian. Sa réussite, tient notamment aux partenariats stratégiques à long terme établis avec le Brésil et l’Inde, qui bénéficient d’une coopération dans le domaine des sous-marins. L’Etat s’engage au plus haut niveau pour dynamiser le processus de soutien à l’exportation, en vue de garantir le maintien de la base industrielle et technologique de défense. Il doit être le partenaire d’autres Etats, a indiqué le ministre, en fixant les normes du partenariat et en créant les conditions de la confiance. « L’industriel doit être celui qui propose ses compétences et ses capacités dans le cadre de ce partenariat, il faut que les rôles des uns et des autres soient complémentaires, qu’ils se fertilisent pour que la France joue vraiment son rôle de partenaire et que, du même coup, l’exportation s’en tire mieux ». Au cours d’une conférence de presse à l’issue de sa visite d’Euronaval 2012, Jean-Yves Le Drian a précisé : « Nous devons établir, nous, moi, le gouvernement, des relations étatiques qui permettent l’échange, qui s’inscrivent dans les demandes du gouvernement partenaire. Et, l’industriel joue sa propre partition dans ce cadre-là. Evidemment, le gouvernement n’est pas ignorant de ce que fait l’industriel et réciproquement ».

Partenariats industriels. Après l’échec du rapprochement entre les groupes franco-allemand EADS et britannique BAE, le ministre a fait le point sur les drones. Une décision a été prise pour un « prépositionnement » sur le drone tactique Watchkeeper, que construit Thales UK pour l’armée britannique. Une autre concerne le partenariat entre BAE et Dassault Aviation sur le drone de combat futur. Toutefois, rien n’a encore été décidé sur le drone MALE (moyenne altitude longue endurance), qui fait l’objet de discussions entre la France, la Grande-Bretagne et l’Allemagne. Par ailleurs, le ministre a rappelé qu’avec les Emirats arabes unis, où il s’est rendu les 21-22 octobre, les relations industrielles ont débouché sur un partenariat de longue durée concrétisé par une base permanente (aérienne et navale) française à Abou Dhabi (700 militaires sur place). Son agenda inclut une visite au Brésil (4-6 novembre) pour voir la base navale que construit DCNS avec le groupe brésilien de construction de bâtiments et travaux publics Odebrecht à Itaguai, près de Rio de Janeiro. Le programme « Prosub », conclu entre DCNS et la Marine brésilienne en 2008, prévoit également la conception et la construction  de quatre sous-marins à propulsion diesel-électrique de type Scorpène en transfert de technologie ainsi que l’assistance technique pour la réalisation des parties non nucléaires du premier sous-marin à propulsion nucléaire brésilien. La coopération militaire porte sur la surveillance des frontières communes et la lutte contre l’orpaillage clandestin et la pêche illicite. En 2010, le Brésil a commandé pour 100 M€ d’armements à la France et réceptionné des équipements d’un montant de 50 M€.

Enfin, une visite de Jean-Yves Le Drian en Inde est prévue ultérieurement. « J’active le partenariat », ajoute-t-il.

Loïc Salmon

Le salon de l’armement naval Euronaval 2012 (22-26 octobre) a accueilli 350 exposants (152 entreprises françaises) et environ 80 délégations officielles, dont celles de l’ONU, l’OTAN et l’Union Européenne. La Marine nationale et l’armée de Terre ont présenté les opérations amphibies, de la planification à la projection de forces. La Délégation générale de l’armement a exposé le premier système d’alerte de vagues scélérates et le projet « Espadon » de lutte contre les mines au moyen de drones marins. Euronaval 2012 été inauguré par le ministre de la Défense Jean-Yves Le Drian, qui a notamment visité les stands d’entreprises du Brésil, du Chili, d’Espagne, d’Italie, d’Allemagne et de France, dont Thales (électronique de défense), EADS (aéronautique et espace), MBDA (missiles) et Dassault Aviation. Sur celui de DCNS (armement naval), Jean-Yves Le Drian (3ème à gauche) et le ministre délégué aux Anciens Combattants Kader Arif (2ème à gauche) ont été accueillis par le président directeur général Patrick Boissier (4ème à gauche) et Bernard Planchais (6ème à gauche), directeur général délégué.

 

 




Eurosatory 2016 : équilibrer la défense et la sécurité

Premier salon mondial de matériels et équipements terrestres de défense, Eurosatory s’ouvre à ceux de la sécurité, en raison de leur dualité en matière de recherche et de développement. Sa  25ème édition au Parc des expositions de Paris Nord Villepinte (13-17 juin 2016) a été présentée le 18 mai à la presse par Stefano Chmielewski, président du GICAT (Groupement des industries de défense et de sécurité terrestres et aéroterrestres), et le général (2S) Patrick Colas des Francs, commissaire général du salon.

Tournant technologique. Dans les opérations militaires, les armées de Terre et les composantes terrestres des autres armées mettent en œuvre des équipements et des services pour les installations et les personnels. Les forces de sécurité (Police, Gendarmerie et organismes privés autorisés) font de même dans les actions publiques ou privées, pour prévenir ou agir contre la malveillance collective ou d‘origine terroriste, les catastrophes industrielles ou naturelles et les accidents mettant en danger la population. La réalisation des systèmes connaît actuellement un tournant technologique, constate le général Colas des Francs. Grâce à l’économie « collaborative » les idées circulent et les délais industriels diminuent. Ses avancées portent sur la production de valeur en commun et l’organisation du travail, issu des technologies de l’information. Elles se combinent aux technologies de « fabrication additive » : conception, prototype, fabrication, robotique industrielle, simulation et maintien en condition. L’impression en « 3 D » (dimensions) de pièces industrielles permet de passer très vite à la production en série de très haute qualité. La normalisation de l’interface homme/machine réduit le temps d’entraînement grâce à des solutions sur-mesure à « utilisation intuitive ». Tout système de gestion de crise, de mobilité, de combat et de robotique intègre son module de simulation et d’entraînement. Dans le cadre du projet « Scorpion », l’entraînement en réseau d’un groupement tactique interarmes en abaisse le coût, par la réduction du temps de déplacement des participants. En matière de risque NRBCe (nucléaire, radiologique, biologique, chimique, explosif), la détection, la protection, la décontamination ou la dépollution intéressent la défense et la sécurité. L’électronique embarquée va de la distribution de l’énergie et des flux de données aux écrans durcis. Elle se trouve au centre du réseau interne, innervé par un système mobile, qui doit être fiable dans son fonctionnement et capable de supporter des événements sévères, imprévus et destructeurs. Cyberdéfense et cybersécurité touchent tous les systèmes numérisés et objets connectés. Elles concernent l’informatique, les transmissions, la protection des infrastructures, la robotique, la localisation et les systèmes d’information géographique. Dans la lutte contre la fraude, les moyens de surveillance de communications et de réseaux incluent analyse et contre-mesure. Enfin, la sécurisation des infrastructures sensibles porte sur la lutte anti-drones et la robotique de protection périmétrique.

Services. Eurosatory 2016, qui anticipe 57.000 visiteurs, regroupe 1.007 exposants étrangers (55 pays) et 528 français. Il a invité  180 délégations officielles de l’OTAN, de l’Union européenne, de l’ONU et de 121 pays. Il présente plus de 600 matériels majeurs et 450 nouveautés, des démonstrations dynamiques, des rendez-vous d’affaires et des cycles de conférences.

Loïc Salmon

Armements : maintien des exportateurs traditionnels et émergence de nouveaux

Robotisation du champ de bataille : état de l’art

La robotique militaire terrestre, aujourd’hui et demain

 




DCNS : défense aérienne pour sous-marins et FREMM-ER

Le groupe DCNS a mis au point un système d’armes antiaérien pour sous-marins et conçoit une frégate multimissions améliorée (FREMM-ER) avec un centre d’information et de commandement plus performant. A l’occasion du salon Euronaval 2012, son directeur général délégué, Bernard Planchais, a présenté ces nouveautés au cours d’une conférence de presse le 24 octobre 2012 au Bourget.

Aide aérienne aux sous-marins. Aujourd’hui, les sous-marins affrontent deux menaces principales : l’hélicoptère, porteur d’un sonar qu’il immerge en mer, et l’avion de patrouille maritime, capable de surveiller électroniquement une vaste surface océanique. Tous deux, même détectés, peuvent continuer à chasser, sans risques, les submersibles et les détruire par largage de torpilles. Pour leur échapper, ceux-ci n’ont d’autre solution que de tenter des manœuvres de diversion, combinées à l’emploi de contremesures (lancement de torpilles leurres). Pour leur auto-défense, DCNS et le missilier MBDA proposent un système d’armes décliné en deux versions avec les missiles antiaériens « Mica » et « Mistral ». Le Mica, d’une longueur de 3,1 m et d’un poids de 112 kg, a une portée de 20 km. Installé dans un véhicule sous-marin développé pour le missile antinavire « Exocet SM39 », il est lancé en plongée à partir d’un tube lance-torpilles à l’avant du sous-marin. Le système antiaérien en mât, qui s’intègre dans le massif du sous-marin, se compose d’un mât hissable avec une tourelle contenant le missile Mistral (2 m, 20 kg, 6,5 km), tiré à la profondeur périscopique. La tourelle emporte trois missiles, afin de frapper plusieurs cibles. Cette capacité permet de sélectionner une nouvelle cible en très peu de temps. Une caméra spécifique, placée à l’intérieur de la tourelle, permet de confirmer la position de la cible avec une précision élevée. Le Mica et le Mistral sont supersoniques et équipés d’un auto-directeur infrarouge. Leurs systèmes d’armes sont intégrés au système de combat « Subtics » de désignation d’objectifs (hélicoptères et avions de patrouille maritime) et de «tir et oubli » du missile jusqu’à l’atteinte de la cible, permettant ainsi au sous-marin d’effectuer des manœuvres de diversion.

La frégate du futur. DCNS met au point la FREMM-ER, aux capacités supérieures à celles de la frégate multimissions de type Aquitaine, qui effectue actuellement ses essais à la mer pour entrer en service dans la Marine nationale en avril 2013. La FREMM-ER, antiaérienne, sera équipée du radar multifonctions « Sea Fire 500 » de Thales à quatre panneaux fixes autour du mât central, pour identifier les missiles de la prochaine génération. Comme l’Aquitaine, la FREMM-ER disposera d’un sonar à profondeur variable pour la lutte sous la mer et du missile de croisière naval (portée supérieure à 250 km) pour atteindre des cibles à l’intérieur des terres. Son centre d’information et de commandement, qui devrait voir le jour dans 5 à 10 ans, assurera une couverture complète de l’espace aérien pour la surveillance et la conduite des opérations. Capable de détecter les missiles balistiques, il inclura matériels, logiciels et modes d’action.

Les services à l’export. DCNS propose également des services : suivi des équipements tout au long de leur vie opérationnelle, transfert de technologies, formation du personnel et réalisation d’infrastructures navales en partenariat avec des entreprises civiles. Ainsi, à Singapour, il transfère des technologies au chantier militaire local. En Malaisie, il participe à la conception et à la construction de la base de Sapangar. En Inde, il est partie prenante dans la modernisation des bases de Karwar et Mumbaï. Au Pakistan, il assure le soutien du chantier militaire Pakistan Naval Dockyard, dédié à la construction de sous-marins. En Arabie saoudite, il apporte son savoir-faire pour la définition et la construction des installations d’une base navale. Enfin au Brésil, DCNS est associé au groupe local Odebrecht pour la conception et la construction de la base de Sepetiba, située dans la ville d’Itaguai (Etat de Rio de Janeiro).

Loïc Salmon

Le groupe DCNS est la propriété de l’Etat français (64 %), du groupe privé Thales et de son propre personnel (1 %). Il emploie 12.800 personnes et a réalisé un résultat net de 186,4 M€ sur un chiffre d’affaires de 2,624 Md€ en 2011. Il conçoit, construit et entretient des bâtiments de surface (frégates et porte-avions), des sous-marins lanceurs d’engins, des sous-marins d’attaque à propulsion nucléaire pour la Marine nationale et à propulsion diesel-électrique pour l’exportation (type Scorpène). Il produit des systèmes d’armes embarqués et assure des services aux forces navales.

 




Nom de code Geronimo

Ce documentaire-fiction présente la puissance américaine en termes de moyens techniques et humains de renseignement et de suivi d’une opération spéciale sur le terrain. Il relate l’opération américaine « Trident de Neptune », conduite le 2 mai 2011 pour neutraliser Oussama ben Laden, chef de l’organisation terroriste Al Quaïda dont les attentats aux Etats-Unis avaient tué 2.973 personnes le 11 septembre 2001.

La mort de Ben Laden a été annoncée par le président Barack Obama, qui avait suivi en direct ce raid d’une quarantaine de minutes. En effet, les membres de l’unité des forces spéciales engagées (« Navy Seal Team 6 ») portaient une micro-caméra sur leur casque. L’intérêt de ce documentaire-fiction réside dans la préparation de cette opération, lancée depuis la base militaire de la Force internationale d’assistance à la sécurité (FIAS) à Bagram en Afghanistan. Elle commence par la longue enquête de la CIA et se poursuit par l’entraînement de la Navy Seal Team 6. Ben Laden est désigné sous le nom de « Geronimo » (1829-1909), célèbre chef des Apaches qui avaient longtemps lutté contre les Etats-Unis pendant la conquête de l’Ouest. Quoique l’issue de l’opération Trident de Neptune soit connue, le « suspense » sur son succès ou son échec est savamment entretenu par les doutes des agents de la CIA, la recherche de preuves suffisantes pour obtenir le feu vert du président américain dans un contexte pré-électoral, les options envisagées et les états d’âme de quelques membres de la Navy Seal Team 6 avant son déclenchement. Une opération similaire, dénommée « Serre d’aigle », avait été montée en 1980  pour libérer les 444 otages de l’ambassade américaine détenus à Téhéran. Son échec, les 24 et 25 avril, avait entraîné celui de la réélection du président Jimmy Carter. Les otages avaient été libérés par l’Iran le 20 janvier 1981, jour de l’intronisation du président Ronald Reagan. Par la suite, les forces spéciales américaines ont été profondément remaniées. Cette fois-ci,  la Navy Seal Team 6, chargée exclusivement de la lutte antiterroriste, reçoit l’ordre du Pentagone de capturer ou tuer, s’il le faut, la cible Geronimo cachée au Pakistan, pays officiellement allié des Etats-Unis. Une fois formellement identifiée, la dépouille de Ben Laden sera immergée en haute mer. Sa mort sera reconnue par Al Qaïda. La Navy Seal Team 6, dont aucun membre n’a été tué ou blessé dans cette opération, sera décorée de la « Presidential Unit Citation », plus haute distinction décernée à une unité militaire pour sa bravoure. Trois mois plus tard, dans la nuit du 5 au 6 août 2011, un hélicoptère Chinook est abattu en représailles en Afghanistan avec 20 membres de la Navy Seal Team 6 à bord. Aucun d’eux n’avait participé à l’opération Trident de Neptune.

Loïc Salmon

Code name Geronimo.  Seven7Sept. 1h 36 mn/19,99 €. Boutique : http///www.sevensept.com/search/node/code%20name

 




Dissuasion nucléaire : pertinence pérenne et retombées pour les armées

Avec ses composantes aéroportée et océanique, la dissuasion nucléaire assure la sécurité extérieure de la France dans un monde incertain. Elle exerce aussi un effet d’entraînement sur ses capacités industrielles, technologiques et militaires.

Ces questions ont été abordées au cours d’un colloque organisé, le 20 novembre 2014, par l’armée de l’Air et le Commissariat à l’énergie atomique (CEA) à l’occasion des 50 ans des Forces aériennes stratégiques (FAS). Sont notamment intervenus : Jean-Yves Le Drian, ministre de la Défense ; le général d’armée aérienne Denis Mercier, chef d’état-major de l’armée de l’Air ; l’amiral Bernard Rogel, chef d’état-major de la Marine ; Daniel Verwaerde, directeur des applications militaires du CEA.

Contexte international et projets. La dissuasion dans sa stricte suffisance préserve l’autonomie stratégique de la France. « Elle permet en effet de prévenir  le risque de chantage qu’une puissance nucléaire pourrait être tentée d’exercer à notre encontre dans le cadre d’une crise internationale ou régionale », a déclaré  Jean-Yves Le Drian. Avec la protection du territoire national et l’intervention extérieure, la dissuasion s’inscrit dans une stratégie militaire globale et cohérente, qui bénéficie de moyens performants en matière de connaissance, de renseignement et d’anticipation. La composante aéroportée ouvre un espace de manœuvre politico-diplomatique en cas de nécessité. Actuellement, la crédibilité du Traité de non-prolifération nucléaire est en jeu au Moyen-Orient, avec le programme de l’Iran, et en Extrême-Orient avec celui de la Corée du Nord. Tout l’équilibre stratégique du continent asiatique se trouve fragilisé par : l’augmentation régulière des arsenaux nucléaires ; une volonté de diversification des vecteurs terrestres, aériens et sous-marins ; des tensions et conflits territoriaux anciens et non résolus ; la logique de concurrence ou même de rapport de force de certains pays (Chine et Russie) avec les États-Unis. Par ailleurs, le renouvellement des moyens de la dissuasion française se poursuit. Le ministre a annoncé la commande de 12 avions multirôles (MRTT), dont le premier sera livré à l’armée de l’Air en 2018, en remplacement des avions de ravitaillement en vol C135. Durant l’été, a été lancé l’élaboration du missile « ASMP-A rénové », capable de pénétrer toutes les défenses futures jusqu’en 2035. Les études de son successeur, dénommé « ASN4G », ont commencé et portent sur la furtivité et l’hypervélocité. Pour la composante océanique, le missile M51.2, doté d’une nouvelle tête nucléaire sera embarqué sur les sous-marins nucléaires lanceurs d’engins (SNLE) à partir de 2016. Son successeur, le M51.3, dont la notification de réalisation date de juillet 2014, permettra de maintenir une capacité de pénétration renforcée face aux futures défenses adverses. Des études amont préparent le programme « SNLE-3ème génération » pour remplacer progressivement, à partir de 2035, les 4 SNLE en service.

L’armée de l’Air tirée vers le haut. La dissuasion nucléaire a fixé deux missions structurelles à l’armée de l’Air, à savoir la défense aérienne et les FAS, rappelle le général Mercier. Ces dernières ont exigé du soutien et des infrastructures, également nécessaires aux engagements conventionnels. En outre, la posture opérationnelle des FAS s’applique aux missions conventionnelles. Par exemple, un raid d’entraînement des FAS dans la profondeur, long, complexe et de nuit, mobilise une grande partie de l’armée de l’Air. Par ailleurs, les FAS ont induit des avancées technologiques, dont la réalisation du missile croisière Scalp utilisé en opération extérieure (Opex). Le niveau élevé de leur maintien en conditions opérationnelles profite aussi   aux avions des autres unités. Alors que l’opinion publique s’intéresse plus aux Opex qu’à la dissuasion, l’armée de l’Air n’en réduit pas pour autant l’entraînement des FAS, souligne son chef d’état-major. Par suite des progrès de l’hypervélocité, les avions futurs voleront à plus de Mach 3 (3 fois la vitesse du son), avec des conséquences sur les engagements conventionnels. Enfin, le fait que les grandes puissances conservent les composantes aéroportée et océanique de leur dissuasion a pesé sur le concept français de stricte suffisance, indique le général Mercier.

La Marine en mission. La dissuasion constitue la mission prioritaire de la Marine sous l’ordre direct du président de la République, souligne l’amiral Rogel, qui qualifie de « paix froide » la situation internationale actuelle. La Russie modernise sa composante océanique stratégique avec de nouveaux SNLE et des missiles de dernière génération. La Chine commence à mettre en œuvre sa dissuasion. L’Inde enverra un SNLE en patrouille dès 2016. L’efficacité d’une dissuasion, indique l’amiral, repose sur sa crédibilité, qui dépend de la permanence à la mer et de la qualité des équipages. « On n’est pas en entraînement, mais en mission, indique l’amiral, quand on est coupé de sa famille plus de 62 jours ». La discrétion acoustique réalisée pour les SNLE, inférieure au bruit de fond de la mer, profite aux sous-marins nucléaires d’attaque, de même que les capacités des transmissions. La dissuasion, qui garantit la sécurité collective, ne coûte que 5 € par Français et par mois ! Elle a été réduite à la stricte suffisance : 2 escadrons de Rafale au lieu de 3 pour la Force aéronavale nucléaire ; 1 SNLE au moins au lieu de 3 pour la Force océanique stratégique. Enfin, la Direction générale de l’armement, les services de renseignement et le CEA travaillent à l’adaptation des armes.

Le levier du CEA. Selon Daniel Verwaerde, la filière électronucléaire découle de la dissuasion, qui a permis les réalisations du réacteur à plutonium et des usines d’enrichissement de l’uranium et de retraitement des déchets radioactifs. Les programmes du CEA induisent 17.000 emplois dans le tissu industriel, où sont diffusés les travaux de recherche et développement de sa Direction des applications militaires. Le fonctionnement de l’arme thermonucléaire par simulation est garanti par un dispositif incluant le Laser Mégajoule, le système de radiographie Epure et les supercalculateurs Tera. Enfin, par sa capacité à détecter et caractériser les armements nucléaires, le CEA participe à la lutte contre la prolifération et le terrorisme nucléaire et radiologique.

Loïc Salmon

Forces nucléaires : l’enjeu stratégique de la prolifération des missiles balistiques

Drones et armes hypersoniques : futurs enjeux de puissance

Les Forces aériennes stratégiques  comprennent :  le Centre d’opérations des forces aériennes stratégiques (COFAS), situé à Taverny ou à Lyon Mont-Verdun, avec des moyens de transmissions durcis aux agressions ; les escadrons de chasse 1/91 « Gascogne » et 2/4 « La Fayette » avec les avions Rafale et Mirage 2000 N armés du missile nucléaire air-sol moyenne portée amélioré (ASMP-A) ; l’Escadre aérienne de ravitaillement et de  transport stratégique (31ème EARTS) avec les avions C135. S’y ajoute la Force aéronavale nucléaire avec les Rafale Marine du porte-avions « Charles-De-Gaulle ». Les systèmes d’arme C135/Mirage 2000N-Rafale/ASMP-A permettent d’exécuter une frappe nucléaire, taillée sur mesure, dans des délais très courts et à des milliers de km de la métropole.




Forces nucléaires : l’enjeu stratégique de la prolifération des missiles balistiques

Le missile balistique impose le respect s’il est capable de décoller et d’arriver à sa phase terminale avec une charge nucléaire. Sans elle, il devient une arme d’affrontement « psychologique » sur un théâtre par la persistance dans l’action à tout prix.

Ces sujets ont été traités au cours d’une conférence-débat organisée, le 24 octobre 2013 à Paris, par l’Association nationale des auditeurs jeunes de l’Institut des hautes études de défense nationale. Y sont intervenus Philippe Wodka-Gallien, membre de l’Institut français d’analyse stratégique, et Valéry Rousset, consultant sur les relations entre stratégie et technologie.

Un cadre juridique international. Le traité de non prolifération des armes nucléaires (TNP, 1968) précise que 5 États peuvent en disposer (États-Unis, Russie, Chine, Grande-Bretagne et France), mais que tous les autres ont accès à la technologie nucléaire civile. L’Iran l’a signé et n’a donc pas le droit de fabriquer des armes nucléaires. En revanche, la Corée du Nord l’a théoriquement, car elle a dénoncé le TNP qu’elle avait auparavant signé. La Suisse y a renoncé par referendum. L’Irak se l’est vu refuser par la force. La Libye y a renoncé pour rejoindre la communauté internationale. Lors de sa réunification, l’Allemagne, pourtant signataire du TNP, a dû signer un engagement supplémentaire à ne pas acquérir d’armement nucléaire. Le 8 juillet 1986, la Cour internationale de justice considère que l’emploi de la bombe atomique est conforme à l’article 51 de la Charte des Nations unies et peut être utilisée en situation de légitime défense. L’espace, le fond des océans et certaines zones géographiques sont dénucléarisés. La résolution 1540 de l’ONU du 28 avril 2004 porte sur la prévention de la diffusion des armes de destruction massive en direction des organisations terroristes. Vu la difficulté à employer une arme nucléaire, rappelle Philippe Wodka-Gallien, un État serait certainement derrière cette organisation et le réseau d’alerte existant permettrait d’identifier l’agresseur. En effet, 24 États  ont tissé une toile de suivi et de détection de la prolifération, conformément aux directives du Régime de l’ONU de contrôle de la technologie des missiles. Ces directives concernent les vecteurs capables d’emporter des armes de destruction massive comme les missiles balistiques, lanceurs spatiaux, fusées-sondes, véhicules aériens non pilotés, missiles de croisière, drones et véhicules téléguidés.

Des missiles à double usage. En 1945, les États-Unis, l’URSS, la Grande-Bretagne et la France se sont partagés les savants allemands et la technologie des V2. Ceux-ci connaissent deux destins différents : vecteurs de l’arme nucléaire pour les pays qui la possèdent et vecteurs d’attaque pour les autres. La précision du missile balistique est passée du km en 1943 à quelques centaines de mètres aujourd’hui. Les missiles balistiques stratégiques sont des vecteurs à changement de milieux (mer si tirés de sous-marins, atmosphère et espace), quasi-orbitaux (plus de 1.000 km d’altitude) et hypersoniques (plusieurs centaines de km par seconde) avec une portée allant jusqu’à 10.000 km. Les missiles balistiques de théâtre (États-Unis, Russie, Inde, Chine, Corée du Nord, Iran et Israël) ont une portée de 300 km à 3.000 km. Depuis 70 ans, ils se trouvent au cœur de toutes les crises. Sur le plan tactique, ils créent une zone d’interdiction ou de saturation (Afghanistan et Caucase) et, sur le plan stratégique, inspirent la terreur ou la crainte de représailles (guerre du Golfe en 1991 et Asie). Le missile balistique mobile de type « Scud » est un système complexe, repérable et vulnérable car composé de véhicules de soutien, du lanceur (camion de lancement et de tir), du vecteur contenant le carburant (propergol solide ou liquide) et de la tête militaire. Celle-ci peut contenir des armes conventionnelles (TNT, sous-munitions ou explosif par aérosol), des produits chimiques (gaz sarin) ou une ogive nucléaire miniaturisée. L’ogive biologique se révèle très difficile à maîtriser et mal adaptée au profil de vol. Le missile anti-missile « Patriot » crée des débris autour du « Scud » sans pouvoir en atteindre la tête militaire, car ce dernier effectue une trajectoire torsadée pour lui échapper. Mais les « gesticulations géopolitiques » alimentent les « cercles de la peur » en Iran et en Syrie. Le missile russe SS 26 « Iskander » se pilote sur toute sa trajectoire. Le missile chinois DF-21, équipé d’ogives à têtes multiples, est dédié à la destruction d’un porte-avions pour interdire l’accès d’une force aéronavale en mer de Chine.

Une prolifération à réduire. De 1960 à 1990, Moscou a exporté ses missiles « Scud » et SS-21 vers ses alliés et Washington ses « Lance » vers les siens. Ensuite et jusqu’en 2010, la Russie a été remplacée par la Chine avec ses M-11 et la Corée du Nord avec ses « Hwasong ». Depuis, l’indépendance en matière de missiles balistiques entraîne des coûts, délais et risques croissants pour les pays désireux d’en disposer, souligne Valéry Rousset. D’abord, l’acquisition de missiles « sur étagères », pratiquée par l’Algérie, l’Afghanistan, l’Égypte, la Syrie, le Yémen, l’Irak et l’Iran, n’inclut pas leur maintien en condition opérationnelle. Ensuite, l’évolution locale, à savoir l’achat de missiles qui seront modifiés, exige d’aplanir les difficultés de conversion ou d’adaptation (Corée du Nord, Chine, Irak, Iran et Libye). Enfin, le développement local ou en coopération, en vigueur au Pakistan et en Afrique du Sud, Argentine, Égypte, Inde et Israël, nécessite de résoudre les problèmes de production ou d’intégration et de pouvoir réaliser les essais et l’entraînement. Pour endiguer cette prolifération, l’ONU dispose de mesures politiques, juridiques et économiques coordonnées pour prévenir ou dissuader la diffusion des systèmes et des technologies permettant de développer des missiles balistiques. Elle élabore des directives distinguant les technologies spécifiques et à usage dual et procède à des inspections sur site (Irak de 1991 à 2003). Enfin, certains États peuvent décider de neutraliser la production et l’emploi de missiles balistiques par des actions militaires, comme les systèmes de défense anti-missiles ou la destruction à distance (laser) ou sur site (bombardement).

Loïc Salmon

Forces nucléaires : autonomie de décision et liberté d’action

La sûreté nucléaire des installations de défense

Dès 1942, l’Allemagne met au point les missiles V2 qui seront tirés sur Londres, Anvers et le Nord de la France. En 1957, la Russie développe son premier missile intercontinental à charge nucléaire « R7/SS6 ». En 1973, l’Égypte tire des missiles « Scud » contre Israël à la fin de la guerre du Kippour. En 1986, la Libye tire 2 « Scud » vers la station de l’agence de renseignement américaine NSA, située sur l’île de Lampedusa (Italie). En 1988, pendant la guerre Iran-Irak, 190 missiles tirés sur des villes tuent 2.000 personnes. Pendant la guerre du Golfe en 1991, 88 « Scud » sont tirés sur Israël et l’Arabie Saoudite, malgré 2.700 sorties aériennes dédiées. En 1996, la Chine tire 4 « CSS-6 » au-dessus de Taïwan à la veille des élections présidentielles. En 1998, la Corée du Nord lance son premier missile balistique intercontinental « Tae-Po-Dong ». En 2013, des tirs d’essais de missiles israéliens ont lieu en Méditerranée et l’Inde lance son premier missile balistique « Agni V ».

 




Guerre de l’information et information de guerre

La « guerre de l’information », essentielle à la conduite de la guerre tout court, a vu sa portée et ses enjeux démultipliés par l’internet et les réseaux sociaux. Parallèlement, la couverture médiatique d’un conflit avec les moyens d’aujourd’hui influe directement sur son évolution. L’analyse d’un conflit armé prend en compte la représentation du territoire par les protagonistes. Il s’agit de comprendre pourquoi des conflits majeurs peuvent commencer sur des territoires très petits et pourquoi des détails insignifiants déclenchent une guerre sur des territoires chargés de symboles. Ces questions ont fait l’objet d’une table ronde organisée, le 16 octobre 2012 à Paris, par l’Institut français de géopolitique et le journal Le Monde.

Les médias. Les journalistes sont envoyés sur place pour rendre compte d’une situation compliquée et mouvante. Autrefois, un correspondant de guerre était accrédité auprès d’une armée et protégé par les conventions de Genève, avec le risque de devenir une victime collatérale. Aujourd’hui, indique Olivier Da Lage, il est une cible, sans la moindre immunité, pour des groupes ou même des Etats et qui prend de la valeur s’il vient d’un pays puissant. En conséquence, beaucoup de médias assurent une couverture limitée des zones de conflit et n’ont plus de correspondants à l’étranger pour des raisons budgétaires.  Ils recourent alors aux « envoyés spéciaux », qui doivent collecter beaucoup d’informations en quelques jours, ou aux « pigistes » (rémunérés à l’article) locaux et même français qui veulent se faire un nom dans des pays réputés dangereux. Les médias bénéficient aussi des apports (blogs, vidéos sur « You Tube » et témoignages sur « Skype ») de « journalistes citoyens » des pays en question, avec un risque de manipulation mettant en cause la crédibilité de l’information. En effet, ces informateurs profitent de la facilité que leur donne un téléphone portable sans se soucier du contexte de l’événement. Toutefois, des arbitrages sur la fiabilité d’une information, selon les situations, ont lieu au sein des rédactions. Un solide bon sens est préférable à une connaissance très précise du terrain. Enfin, des journalistes professionnels sont parfois« embarqués » par les armées, notamment celle des Etats-Unis lors de leur intervention en l’Irak en 2003. « Mais, on ne peut couvrir une guerre uniquement par ce moyen ». De son côté et pour compléter l’analyse d’un conflit, le journal Le Monde publie une carte géopolitique, valable une journée. Les informations proviennent, dans l’ordre, des dépêches de l’Agence France-Presse, du journaliste sur le terrain et du réseau social « Twitter », « mais pas l’inverse ! », souligne Delphine Papin.

Les résultats. L’influence des réseaux sociaux s’est fait sentir lors du « printemps arabe » et en Chine. Alain Frachon décompose les révolutions arabes de 2011 en trois phases. Au début de l’insurrection en Tunisie et en Egypte, les réseaux sociaux ont constitué des moyens formidables de mobilisations de foules pour les divers opposants au régime, quand un petit moment de violence a fait basculer la rébellion dans la rue. Ensuite, le changement de régime a été réalisé, non par les réseaux sociaux, mais par l’armée, structure nationale. Enfin, les élections ont été gagnées par le parti le plus organisé, qui a quadrillé le terrain en profitant de sa légitimité de force d’opposition. Toute la mouvance libertaire des réseaux sociaux s’est ainsi trouvée sous-représenté au Parlement. « Il y a eu surinvestissment dans les nouvelles technologies pour faire chuter les régimes autoritaires », souligne Alain Frachon, Par ailleurs, selon lui, quelque 500 millions d’internautes fréquentent les réseaux sociaux chinois, que surveillent 100.000 personnes qui bloquent certains mots-clés. Mais, en même temps, les réseaux sociaux font remonter l’information, sur ce qui se passe réellement dans le pays, jusqu’au parti communiste, qui devient alors comptable de la situation devant la population. De son côté, Michel Foucher estime difficile de cartographier des conflits asymétriques et des rapports de forces politiques. Dans un conflit, il discerne trois « vérités » qui ne se recouvrent pas : politique, militaire et médiatique. D’abord, le manque de clarté des objectifs politiques recherchés se traduit par un flou des missions attribuées aux militaires (voir rubrique « Archives » : « Etre militaire européen aujourd’hui, quel métier ! » 4-7-2012). Ensuite, les militaires ont appris à communiquer. En effet, à côté de la vérité opérationnelle, l’exigence de transparence peut mettre en péril les troupes sur le terrain (Afghanistan). Enfin, les militaires estiment que les médias raisonnent en termes de morale et en « noir et blanc » (les « bons » et les « méchants »). Il s’ensuit une dichotomie entre les descriptions des médias et les analyses prudentes des militaires français (Syrie). « La hiérarchie des intérêts, entre ce qui reste dans l’ombre et ce qui est mis en lumière, correspond à des stratégies politiques ».

L’avenir. L’arrivée de la mappemonde virtuelle « Google Earth » et des réseaux sociaux, en 2000-2005, a bouleversé la donne, explique Thierry Rousselin. En 2012, la moitié de l’armée de Terre française partage l’expérience du conflit en Afghanistan, contre 10 % au début. Les personnels en état-major y sont tous allés, mais les leçons qui en seront tirées ne s’appliqueront pas toujours ailleurs. La description physique du territoire d’un conflit doit désormais s’accompagner des données environnementales (hydrographie, climatologie et océanographie) de la population. Des opérateurs privés de satellites d’observation, dont Skype, vont fournir des informations stratégiques aux acteurs économiques, soucieux du profit à réaliser, et non plus seulement aux armées et aux Etats. Selon Thierry Rousselin, les erreurs de données par maladresses, qui se produisent tous les jours, sont plus à craindre que les risques de manipulations. Celles-ci s’avèrent en effet  très difficiles, car il faut que tout soit cohérent et tenir deux cartographies : la « réelle » et la « fausse ». « La validation de l’information, c’est-à-dire toutes les trois heures, est un enjeu majeur ! »

Loïc Salmon

L’Institut français de géopolitique (IFG) de l’université Paris VIII a été créé en 2002 par les professeurs Yves Lacoste (géographie) et Béatrice Giblin (géopolitique), à la suite du succès de leur revue « Hérodote », née en 1976. En dix ans, l’IFG a décerné 46 thèses et compte, en 2012, 80 doctorants et 140 étudiants en masters 1 et 2 de géopolitique. La revue publie les travaux de jeunes chercheurs. Le mot « géopolitique » est apparu en 1979 dans le quotidien « Le Monde » pour désigner les rivalités de pouvoir sur un territoire dans les conflits en cours. De gauche à droite : Yves Lacoste ; Béatrice Giblin ; Alain Frachon directeur de la rédaction du « Monde » ; Delphine Papin, cartographe au « Monde ». Sont aussi intervenus : Michel Foucher, directeur de la formation, des études et de la recherche de l’Institut des hautes études de défense nationale ; Olivier Da Lage, rédacteur en chef à Radio-France International ; Thierry Rousselin, consultant de la société de cartographie « Géo212 ».




Afghanistan : laboratoire européen contre IED

Un laboratoire expérimental européen d’analyse scientifique des engins explosifs improvisés (IED), entré en service en août 2011 au camp Warehouse de Kaboul, a été présenté à la presse le 29 septembre 2011 à Paris par l’Etat-major des armées.

L’Agence européenne de défense a investi 1 M€ dans la réalisation de ce laboratoire, dont la France est nation-cadre avec délégation de commandement des autres pays européens engagés. Ce laboratoire est intégré à la Task Force Paladin, spécialisée dans la lutte contre les IED au sein de la Force internationale d’assistance à la sécurité (FIAS). Cinq autres laboratoires, américains, contre IED sont déjà opérationnels en Afghanistan. Leur objectif est de déterminer l’origine et la chaîne de production en amont des IED pour les neutraliser. Les laboratoires travaillent en coopération avec des unités afghanes de lutte contre les IED, issues de la Direction nationale de la sécurité et des ministères de la Défense et de l’Intérieur.

Dans le laboratoire européen, une quinzaine de personnels (français, espagnols, polonais, américains et néerlandais) recueillent les IED saisis et les retours d’expériences des soldats de la coalition. Tous les éléments matériels sont photographiés et analysés pour en déterminer le fonctionnement, la composition et l’origine des ingrédients.

Plusieurs types d’analyses sont pratiquées : chimiques pour les composants souvent à base d’engrais disponibles dans le commerce ; biométriques pour relever les empreintes digitales et les traces d’ADN ; électroniques pour les cartes SIM des téléphones portables récupérés. Les données établies sont enregistrées et comparées avec celles existantes. Il s’agit ensuite d’anticiper les autres modes de mise à feu des IED.

Enfin, tout est archivé en vue de rédiger une documentation destinée aux personnels engagés sur le terrain.

Loïc Salmon