Défense : de la réserve de complément à celles de compétences et de combat

Composante essentielle des forces morales et incarnation de la cohésion nationale, la réserve militaire, en cours de rénovation, contribue à la défense et à la résilience.

Le général Frédéric Barbry, commandant la division « Cohésion nationale » de l’État-major des armées et délégué interarmées aux réserves, l’a présentée à la presse le 19 octobre 2023 à Paris.

Montée en puissance. En 2023, le ministère des Armées compte 40.000 réservistes opérationnels, dont 25.000 dans l’armée de Terre, 6.000 dans la Marine nationale et 5.000 dans l’armée de l’Air et de l’Espace. S’y’ajoutent ceux des services interarmées (Santé, Commissariat et Énergie opérationnelle) et de la Direction générale de l’armement (3.000 réservistes d’ici à 2030) dans un contexte d’économie de guerre pour renforcer l’industrie d’armement en cas de crise majeure. L’effectif de la réserve devrait atteindre 80.000 personnels en 2030 en l’adaptant, quantitativement et qualitativement, aux besoins des armées tout en intégrant les exigences nouvelles de la société civile. Son emploi porte sur la protection du territoire, l’intervention aux côtés des unités d’active et l’apport de compétences. Actuellement, 60.000 anciens militaires d’active, sous-utilisés, ont l’obligation de disponibilité de cinq ans à leur départ en retraite. Ils consolideront les unités d’active et de réserve pour les régénérer en cas de conflit majeur. Dès 2024, le premier centre de rappel des réservistes sera mis en œuvre, en vue d’une dizaine pour la métropole et les Outre-mer en 2030. En outre, l’armée de Terre va constituer six bataillons (500 militaires chacun) de réserve, six de plus en 2025 et enfin l’unité d’outre-mer, en captant des compétences civiles en cyber, logistique ou maintenance. En 2024, la Marine nationale va déployer trois flottilles côtières sur l’ensemble du littoral Atlantique puis, ultérieurement, en Méditerranée en en Manche ains que six escouades (une quinzaine de militaires chacune) en outre-mer avec un effort sur les Antilles en 2025 et 30 unités de réserve opérationnelle dans les ports. L’armée de l’Air et de l’Espace va constituer une base aérienne de réserve et des escadrons (une centaine de militaires chacun) de réserve, adossés à chaque base aérienne. Les directions et services vont aussi créer des unités nouvelles. Dès 2027, le Service des synergies opérationnelles va établir une unité pétrolière de soutien auprès de la base pétrolière interarmées, sur un modèle de parité entre militaires d’active et de réserve. La gestion des compétences sera mise en place dans le cadre des reconnaissances croisées des compétences à la fois civiles et militaires. Le temps d’entraînement du réserviste, actuellement de 17 % de son temps de service, sera porté à 25 %. Le Plan Réserve 2035 repose surtout sur la communication institutionnelle déclinée par les principales composantes Terre, Air et Espace, Marine nationale, Directions et Services. Le système d’informations ROC (réservistes opérationnels connectés) pilotera la montée en puissance. Un service d’assistance téléphonique permettra à chaque candidat réserviste d’avoir un correspondant pour guider son choix.

Être réserviste en 2023. Militaires à part entière, les réservistes ne font pas l’objet d’un distinguo en situation opérationnelle, souligne le général Barbry. Ils viennent du service nationalπ pour 7,3 %, des armées d’active pour 39,6 % et directement du monde civil…pour 53,2 % ! Âgé d’environ 7 ans de plus que son homologue d’active, le réserviste peut désormais servir jusqu’à 72 ans ! Les militaires du rang représentent 80 % des moins de 30 ans et les sous-officiers 55 % des 40-50 ans et 58 % des plus de 50 ans. Les officiers constituent 7 % des moins de 30 ans, 35 % des 30-50ans et 45 % des plus de 50 ans. La répartition s’établit ainsi : militaires du rang, 73 % d’hommes et 27 % de femmes ; sous-officiers, 77 % d’hommes et 23 % de femmes ; officiers, 84 % d’hommes et 16 % de femmes.

Loïc Salmon

Garde nationale : catalyser les réserves militaires et civiles

Défense : la réserve opérationnelle, outil indispensable aux armées

Armement : gestion des stocks dans un conflit de haute intensité

 




Sécurité : la participation militaire terrestre à la gestion des crises

Face aux risques de grande ampleur, des personnels, des hélicoptères et des véhicules militaires appuient les forces de sécurité intérieures à la demande du ministère de l’Intérieur et des Outre-mer.

Le colonel Stanislas Rouquayrol, commandant les formations militaires de la sécurité civile, en a présenté les spécificités à la presse le 20 juillet 2023 à Paris.

Force d’action rapide. Les formations militaires de la sécurité civile (Formisc), issues de l’arme du génie de l’armée de Terre, sont sollicitées lors des grands événements et fournissent des conseils aux autorités. Leurs champs d’interventions couvrent toutes les crises : tremblements de terre ; feux de forêts ; inondations ; cyclones ; tempêtes ; épidémies ; accidents ou sabotages industriels ; menaces nucléaire, radiologique, biologique et chimique. Polyvalentes, les Formisc portent une assistance aux réfugiés, populations déplacées ou rapatriées et fournissent une logistique opérationnelle. Dans la lutte contre les feux de forêt dans le Sud de la France, l’opération dite « Héphaïstos », qui dure du 1er juillet au 30 septembre, déploie 160 militaires, 3 hélicoptères et 50 véhicules. Elle met notamment en œuvre le Détachement d’intervention retardant, dont les véhicules dispersent des produits qui ralentissent la propagation de l’incendie, des moyens lourds du génie et des sections d’intervention feux de forêt. En 2023, « Héphaïstos » a élargi son engagement avec une compétence nationale et une capacité de mobilisation de moyens humains spécifiques en cas de crise avec des détachements Air, basés à Orange et Mont-de-Marsan, et un module adapté de surveillance sous la direction de l’État-major des armées. Au sein du dispositif national du ministère de l’Intérieur, la Force d’action rapide de la sécurité civile, pluridisciplinaire et en astreinte permanente, peut intervenir partout en France ou à l’étranger. Elle mobilise 262 personnes en 3 heures et jusqu’à 600 personnels en moins de 72 heures pendant un mois sans relève

Bilan « Héphaïstos » 2022. La campagne des feux de forêts 2022 s’est caractérisée par une grande virulence, souligne le colonel Rouquayrol. Les Formisc sont intervenues à 92 reprises sur des incendies ravageant 70.000 ha, soit 6 fois plus qu’en 2021. Rien qu’en juillet, elles ont engagé près de 55 % de leurs effectifs. Le Détachement d’intervention héliporté national a été déployé sur 4 feux majeurs pendant 13 jours. En Gironde, la lutte contre le feu a mobilisé 6 Sections militaires intégrées de 150 hommes chacune, formées, équipées et encadrées sur le terrain par les Formisc, soit l’équivalent du dispositif opérationnel permanent « Sentinelle ». En outre, les moyen aériens (avions, hélicoptères et drone Reaper) ont effectué plus de 100 heures de vol de reconnaissance. Ils complètent ceux de la Direction générale de l’aviation civile : Canadair, avion amphibie, qui s’approvisionne jusqu’à 6 t d’eau en mer ou sur un plan d’eau douce ; avion Dash qui se ravitaille à terre ; hélicoptère Dragon pour les missions de secours ; location d’hélicoptères pour des largages d’eau à des endroits précis.

Engagements hors métropole. La période 2022-2023 constitue un engagement hors normes pour les Formisc, estime le colonel Rouquayrol. En 2022, après le passage du cyclone Batsiral à Madagascar, 59 personnels ont assuré le traitement de l’eau et la coordination avec les moyens de l’Union européenne. En Ukraine, 153 personnels et 3 experts européens ont effectué 3 convois de fret. En Grèce, au Pakistan, en Guadeloupe et au Tchad, des personnels ont participé au traitement de l‘eau. Au premier semestre 2023, les Formisc sont intervenues à la suite des tremblements de terre en Turquie (7 février-10 mars), des feux de forêts au Chili (13 février-6 mars), des inondations en Italie (23-30 mai), de la sècheresse à Mayotte (15-23 avril puis 17 juillet) et des feux de forêt au Canada (depuis le 8 juin).

Loïc Salmon

Défense et sécurité : « réagir ensemble » aux attentats terroristes et aux crises

Sécurité : « Orphé », plongée au cœur des cellules de crise

Aviation militaire : le BEA-É pour la sécurité aérienne

 




Aviation militaire : la DMAé pour le soutien et l’expertise technique

La maintenance préventive allonge la disponibilité opérationnelle des avions, hélicoptères, drones et planeurs des ministères des Armées, de l’Intérieur et de l’Économie et des Finances.

L’ingénieur général hors classe de l’armement Marc Howyan, directeur de la DMAé (Direction de la maintenance aéronautique, créée en 2018), en a présenté les missions lors d’un point de presse tenu le 20 avril 2023 à Paris.

Une performance accrue. La maintenance opérationnelle permet de garantir la disponibilité des forces en maîtrisant la performance du soutien en termes de qualité, de coûts et de délais. Ainsi entre 2018 et 2022 et malgré la crise du Covid-19, le taux de disponibilité de l’avion de chasse Rafale est passé de 53 % à 60 %, celui de l’avion de patrouille maritime ATL2 de 24 % à 31 %, celui de l’avion de transport militaire polyvalent A400M Atlas de 27 % à 36 %, celui de l’avion de transport militaire C130 Hercules de 19 % à 23 %, celui de l’hélicoptère d’attaque Tigre de 29 % à 40 %, celui de l’hélicoptère polyvalent Dauphin/Panther de 40 % à 47 %, celui de l’hélicoptère d’observation radar et d’intervention sur zone Cougar de 24 % à 35 %, celui de l’hélicoptère de manœuvre et d’assaut NH90 Caïman de 32 % à 34 % et celui de l’hélicoptère léger polyvalent Fennec Terre de 2.500 heures de vol à 4.742 heures. La DMAé intervient sur toute la vie des matériels, de l’utilisation dans un milieu dégradé aux rétrofit (remplacement des pièces obsolètes en maintenant la configuration de l’appareil), démantèlement et recyclage.

Une nouvelle relation avec l’industrie. La DMAé a établi une nouvelle approche avec les services partenaires et les industriels. La « verticalisation » des contrats consiste à regrouper plusieurs marchés et prestations sous la responsabilité d’un industriel unique, couvrant un périmètre global sur une longue durée pour une flotte donnée. En 2022, 260 marchés étaient en cours et 22 contrats « verticalisés ». Une coordination plus étroite entre l’État et l’industrie, au plus près des forces, permet de conduire le soutien au quotidien. L’industriel engage sa responsabilité sur la satisfaction des besoins logistiques, notamment par le déploiement des guichets. Le retour d’expérience sur cinq ans (2018-2022) et la loi de programmation militaire 2024-2030 donnent une vision stratégique pour prolonger la transformation de la DMAé. Une hausse de 40 % du budget permettra la mise en œuvre de contrats et améliorera la performance du maintien en condition opérationnelle (navigabilité des aéronefs). Le soutien va s’adapter au contexte de l’économie de guerre par l’amélioration de la résilience en interne du ministère des Armées et dans l’industrie. Enfin, il faudra anticiper de nouveaux métiers, notamment ceux relatifs à l’intelligence artificielle, pour développer les compétences futures au sein des 500 entreprises de défense.

Loïc Salmon

Implantée dans 17 sites en France métropolitaine, la Direction de la maintenance aéronautique (DMAé) a employé 1.150 personnes en 2022, dont 60 % de militaires et 40 % de civils : personnels des armées de Terre et de l’Air, de la Marine nationale et de la Gendarmerie ; ingénieurs militaires et civils de la Direction générale de l’armement ; commissaires des armées ; personnels civils de la Défense ; personnels de la Sécurité civile et des douanes. Elle a traité les matériels de surveillance aérienne, les équipements aéronautiques et 1.240 aéronefs de 40 types différents sur plus de 50 plateformes aéronautiques militaires (7 en Outre-mer). En 2022, elle a disposé d’un budget de 3,8 Mds et d’un patrimoine de 64 millions d’articles d’une valeur de 59 Mds€. Elle a établi 5.823 faits techniques et émis 3.413 directives techniques. Elle entretient des relations surtout avec les partenaires et industriels suivants : Airbus, Babcock, Dassault Aviation, HeliDax (Groupe Défense Conseil International), Héli Union (centre d’entraînement), le Service industriel de l’aéronautique, Safran, Sabena, Sopra Steria, Jet Aviation, NHindustrie et Thales.

Aviation militaire : le BEA-É pour la sécurité aérienne

Aviation militaire : MCO, assurer la disponibilité entre flottes, Opex et métropole

Marine : MCO, de la conception du navire à sa déconstruction




Aviation militaire : le BEA-É pour la sécurité aérienne

Un accident aérien résulte de diverses failles dans la sécurité, dont l’analyse fine et le traitement permettent de sauver des vies, de préserver des aéronefs et de renforcer la « culture » de l’unité.

Le général de brigade aérienne Franck Mollard, directeur du Bureau Enquêtes Accidents pour la sécurité de l’aéronautique d’État (BEA-É, créé en 2003) l’a expliqué au cours d’un point de presse tenu le 6 avril 2023 à Paris. Le BEA-É traite les aéronefs (avions, hélicoptères, drones et planeurs) de sept institutions : armée de Terre ; Marine nationale ; armée de l’Air et de l’Espace ; Délégation générale de l’armement ; Gendarmerie nationale et Direction générale de la sécurité civile et de la gestion des crises (ministère de l’Intérieur) ; Douane et droits indirects (ministère de l’Économie et des Finances). Dans le cadre d’une activité de défense, il intervient au niveau interministériel quand des événements graves impliquent les opérations de largage, le contrôle aérien et l’armement embarqué si l’aéronef ou son équipage peut être identifié parmi les causes. Le BEA-É traite aussi les accidents et incidents relatifs aux aéronefs non immatriculés à l’Organisation de l’aviation civile internationale (prototypes et vols de réception) ou affrétés pour des missions d’État. Enfin, il conduit de enquêtes sur les aéronefs étrangers concernés par un événement aérien survenu en France.

Les accidents. Un accident aérien se définit par un appareil détruit. Il est considéré comme grave s’il aurait pu en causer un autre encore pire, indique le général Mollard. Le nombre d’accidents aériens a beaucoup diminué depuis vingt ans, par suite des progrès techniques et de l’automatisation des systèmes. L’erreur organisationnelle ou humaine se trouve à l’origine de 80 %-85 % d’entre eux, contre 20 %-25 % pour une raison technique et 15 % pour une cause environnementale ou d’infrastructures. Le total dépasse 100 % car un accident peut résulter de plusieurs facteurs. En cas de morts ou de blessés graves, il faut assurer la communication aux familles. Dans le contexte actuel du conflit de haute intensité en Ukraine, souligne le général Mollard, il s’agit de ne pas perdre des équipages, lors de l’entraînement et de la préparation opérationnelle, et de diminuer l’attrition des parcs aériens, afin de contribuer à la résilience des forces.

Les missions. Les BEA-É doit réaliser : la collecte et l’analyse des informations utiles ; la détermination des circonstances et causes certaines ou possibles ; l’établissement des recommandations de sécurité et d’un rapport d’enquête public. Depuis sa création en 2003, le BEA-É a effectué 377 enquêtes de sécurité, soit 12 à 27 par an, et émis 2.700 recommandations de sécurité. Totalement indépendant des autorités d’emploi, sa crédibilité lui permet d’être écouté dans la durée. Selon le général Mollard, il contribue à celle de la France lorsqu’elle exporte des aéronefs. En effet, le partenaire étranger sait qu’il pourra bénéficier de l’expertise, de la discrétion et de la neutralité du BEA-É en cas d’événement grave au sein de ses propres forces armées ou de sécurité.

Les enquêtes. En cas d’accident aérien, trois enquêtes sont lancées simultanément : celle du BEA-É pour la sécurité ; celle du commandement au sein de l’institution militaire concernée ; l’enquête judiciaire. Le BEA-É coopère avec divers organismes : Direction des services de la navigation aérienne ; Direction générale de l’aviation civile ; Direction de la sécurité de l’aviation civile ; Direction de la sécurité aéronautique d’État ; Institut de recherche biomédicale des armées ; Office national d’études et de recherches aérospatiales ; Délégation générale de l’armement ; Bureau d’enquêtes et d’analyses pour la sécurité de l’aviation civile ; Agence européenne de la sécurité aérienne. Un protocole de procédures communes et de partage d’informations existe avec les bureaux enquêtes accidents aéronautiques britannique, belge, néerlandais, espagnol et italien.

Loïc Salmon

Armée de l’Air : 9 morts, mais la vie de soldat continue après la « malchance technologique »

Ukraine : le volet français de la défense du flanc Est de l’Europe

Aéronautique militaire : technologie, stratégie et concurrence accrue




S’engager ! De l’Antiquité au XXIème siècle

Au cours de l’Histoire, les armées professionnelles n’ont jamais suffi pour défendre un pays en cas de menace directe. Les circonstances ont imposé le recours aux réserves fournies par la conscription, pas toujours universelle.

Dans la Grèce antique, remplir ses obligations militaires à 18 ans donne au jeune homme accès aux droits civiques. Les conquêtes et le développement du commerce favorisent le recours aux mercenaires. Sous la République romaine, tout citoyen est mobilisable dès 17 ans. Au IIIème siècle, la défense de l’Empire ne repose plus que sur une armée de métier et surtout les tribus barbares alliées…qui finiront par provoquer sa chute en 476. En Gaule, en contrepartie de terres, la dynastie mérovingienne institue le « ban », forme embryonnaire du service militaire pour les nobles. Pendant la féodalité, celui-ci devient « l’ost », où la garantie de l’Etat en Grèce et à Rome est remplacée par une relation d’assistance mutuelle entre le vassal et son seigneur. Charlemagne impose à ces derniers l’obligation de fournir le dixième de leurs serfs pour assurer la logistique de l’ost. La guerre ne se pratique qu’au printemps. En 1303, Philippe le Bel convoque exceptionnellement le ban pour quatre mois au lieu de trois. Dès le Xème siècle, certaines villes constituent des milices pour se défendre. Par ailleurs, les nobles subissent la concurrence des bourgeois au sein du ban, qui se dévalorise avec l’apparition d’une armée royale de soldats de métier soldés par la « taille », impôt permanent. Cette armée, bien organisée, mieux entraînée et immédiatement disponible, se diversifie en infanterie, cavalerie et artillerie au cours de la guerre dite de Cent Ans (1337-1453). A partir du XVIIème siècle, la fonction militaire devient une profession à part entière, où l’éducation initiale et le perfectionnement des connaissances supplantent le respect des traditions ancestrales. L’entrée de la France dans la guerre de Trente Ans (1618-1648) et la disparition du mercenariat conduisent à un recrutement des troupes, pendant l’hiver, par les sous-officiers et les « bas-officiers » qui assurent la continuité de l’encadrement et du commandement. Les nobles, colonels ou capitaines propriétaires de leur unité, ne sont militaires que pendant les périodes de combat puis se retirent dans leurs terres. Les ordonnances royales améliorent la condition du soldat, notamment par la constitution d’un cops d’inspecteurs des troupes et de leur matériel (1667) et la construction de l’Hôtel royal des Invalides (1675). Pour compléter les effectifs, Louis XIV institue, au sein des paroisses, la milice royale, fondement du devoir militaire des sujets du roi par tirage au sort mais avec des exemptions possibles. La désertion, passible de la peine de mort depuis l’ordonnance de 1635, se trouve, dans les faits, commuée en condamnation aux galères de la Marine royale. Devant la menace d’invasion de la France par les armées européennes l’Assemblée nationale déclare la patrie en danger en 1793 et décrète la levée en masse des volontaires. La conscription, officialisée par la loi Jourdan-Delbrel de 1798, perdure, avec le retour des exemptions et du tirage au sort, pendant les guerres napoléoniennes et après. Les deux conflits mondiaux nécessitent la mobilisation générale. Pendant la guerre d’Algérie (1954-1962), 80 % des soldats déployés sont des « appelés ». Depuis 2002, la conscription, suspendue mais pas supprimée, concerne aussi les filles.

Loïc Salmon

« S’engager ! De l’Antiquité au XXIème siècle », Matthieu Chillaud. Editions Pierre de Taillac, 200 pages, illustrations, 29,90 €.

Soldats de Napoléon

Défense : durer et vaincre dans un conflit de haute

intensité

Faut-il recréer un service national ?




Marine : interopérabilité et résilience, plus vite et plus fort

Avec ses innovations technologiques et ses talents, la Marine se prépare aux futures interventions en interarmées et en coalition. L’Europe va se projeter au-delà de la Méditerranée, jusqu’à l’arc Iran-Pakistan et l’Afrique.

L’amiral Pierre Vandier, chef d’état-major de la Marine (CEMM), l’a expliqué au cours d’une rencontre organisée, le 8 mars 2022 à Paris, par l’Association des journalistes de défense.

Bouleversement géopolitique. Le monde vient d’entrer dans une logique de puissance remettant en cause l’architecture de sécurité internationale, souligne le CEMM. L’intervention russe en Ukraine ne constitue pas une crise, comme au Proche-Orient, mais un changement profond sur les plans militaire et économique affectant les approvisionnements en pétrole, gaz (russe) et blé (russe et ukrainien). Elle ne se réduit pas à la mer Noire, mais s’inscrit dans un ensemble cohérent du port de Sébastopol (Crimée) à celui de Mourmansk (Nord du cercle polaire arctique). Déployé en Méditerranée orientale en support de la mission OTAN, le groupe aéronaval lance deux patrouilles de chasseurs Rafale et une de l’avion de guet aérien Hawkeye chaque jour. Un Rafale peut effectuer un aller-retour jusqu’en Roumanie en 1h30. Un sous-marin nucléaire d’attaque se trouve en océan Indien et la frégate de surveillance Vendémiaire en mer de Chine. Selon le document Brèves Marines (octobre 2021) du Centre d’études stratégique de la marine, des Etats historiquement maritimes renforcent leurs capacités en sous-marins et navires de surface et de débarquement. Plusieurs puissances émergentes, dont la Turquie, acquièrent des capacités de protection, d’intervention et parfois de projection océanique. En outre, l’Asie rassemble 55 % des sous-marins en service dans le monde, d’abord en Chine, au Japon, en Corée du Sud, en Australie, en Inde et au Pakistan, puis au Viêt Nam, en Birmanie, en Thaïlande et au Bangladesh. Faute de pouvoir mettre en œuvre un porte-avions, des Etats se dotent de bâtiments d’assaut amphibies.

Combat aéromaritime. L’exercice « Polaris 2021 » a permis de renforcer les capacités en combat aéromaritime de haute intensité. Du 18 novembre au 3 décembre 2021 sur les façades méditerranéenne et atlantique, il a mobilisé plus de 6.000 militaires français (130 soldats de l’armée de Terre) et étrangers et, notamment, le porte-avions nucléaire Charles-de Gaulle et le porte-hélicoptères amphibie Tonnerre. « Polaris 21 » a provoqué un changement de la manière de penser, estime le CEMM. Il a mis en œuvre deux forces symétriques, qui ont dû gérer leurs ressources en pétrole et en munitions et innover sur le plan tactique. Les commandants d’unités ont dû utiliser de nouvelles technologies et de nouveaux concepts, afin de surprendre l’adversaire pour conserver leur liberté d’action. Habitué à se préparer à la guerre selon une doctrine et par l’entraînement, le chef d’aujourd’hui doit faire face à l’incertitude, l’imprévu et la vulnérabilité consécutive à une perte de communication par satellite ou un dysfonctionnement du GPS, indispensables aux missiles de croisière. Il s’agit de maintenir le combat au même niveau, mais en mode dégradé, grâce à la résilience globale où chaque opérateur doit pouvoir être remplacé par un autre. Des marins « ambassadeurs internes » expliquent à d’autres marins comment changer de métier en cours de carrière. Sur le plan technique, le drone naval mode hélicoptère, véritable œil déporté, sera expérimenté mi-avril pendant la mission « Jeanne d’Arc 2022 ».

Loïc Salmon

Ukraine : soutiens OTAN et UE, sanctions contre la Russie

Union européenne : penser les opérations maritimes futures

Marine : « Jeanne d’Arc 2022 », océan Indien et golfe de Guinée




Environnement : lancement de l’initiative « Changement climatique et forces armées »

L’intensification des bouleversements climatiques menace directement la biodiversité et crée des tensions géopolitiques et démographiques pour l’accès aux ressources naturelles. Les forces armées s’y préparent.

Lors du Forum de Paris sur la paix (11-13 novembre 2021), les ministres des Armées de 25 pays, dont la France et les Etats-Unis, ont souligné que la transition énergétique doit constituer un atout opérationnel et un axe de coopération privilégié entre les Etats, nécessitant une coordination internationale.

Adaptation et résilience. Dans une déclaration conjointe, les ministres des Armées signataires préconisent des mesures d’anticipation stratégique. Il s’agit notamment de favoriser la création d’un réseau d’experts « climat et énergie » par des coopérations entre « think tanks », universités et instituts de recherche dédiés. Les industries de défense doivent encourager la recherche et le développement d’équipements militaires au bilan carbone neutre, de préférence à double usage. Une approche commune doit évaluer les impacts géopolitiques et sécuritaires du changement climatique en construisant les fondations d’une coopérations Nord-Sud accrue. Une articulation des politiques diplomatique, de développement et de défense doit permettre de répondre aux enjeux sécuritaires dans les zones fragiles et affectés par les conflits. Les mesures d’adaptation portent notamment sur la résilience des armées en ce qui concerne les équipements, modes d’actions militaires et infrastructures de communication, de transport, d’énergie et de traitement de l’eau. Parmi les mesures d’atténuation des effets du changement climatique, figurent la réduction de la dépendance des infrastructures militaires aux énergies fossiles, par l’autonomie énergétique des camps, et celle des combustibles fossiles par l’électrification et l’emploi de carburants synthétiques dans les domaines aérien, maritime et terrestre.

Plan biodiversité 2030. Le ministère des Armées a publié un document sur la préservation de la biodiversité à l’horizon 2030. Son action porte sur la clarification des responsabilités, la formation de 650 « chargés d’environnement », la garantie d’une programmation financière (1,6 M€/an) et le développement d’outils d’aide à la décision pour donner une vision d’ensemble au niveau national. Ainsi, 310.000 € sont destinés à renforcer les capacités de la nature à capter et emmagasiner le CO2. La convention 2021-2024 avec la Fédération des conservatoires d’espaces naturels prévoit d’évaluer le stock de carbone présent sur les sites militaires (forêts, prairies, landes tourbières et zones humides), d’augmenter la captation sur site et d’identifier des sites pour la conservation et la restauration des milieux hors du domaine public utilisés par le ministère des Armées. Le projet « Kivi Kuaka » (400.000 €) porte sur l’analyse des comportements des oiseaux en réponse à des cyclones et tsunamis. Sur des sites polynésiens, 56 oiseaux ont été équipés de GPS et de balises pour récupérer des données météorologiques, qui sont envoyées à la Station spatiale internationale et traitées par les équipes du Muséum d’histoire naturelle au sol. En partenariat avec l’Australie et la Nouvelle-Zélande, le ministère des Armées finance (150.000 €) un projet sur les stocks et les déplacements des thons, ressource importante et enjeu politique majeur, vers les eaux internationales du Pacifique, plus difficiles à contrôler.

Loïc Salmon

Environnement : conséquences du changement climatique sur la sécurité internationale

Défense : le climat, facteur de dérèglement géopolitique

Sécurité : risques et tensions liés au désordre climatique




Territoire national : soutien des armées, flexibilité et réactivité

Pour protéger la métropole et les outremers en cas de crise, les armées apportent leur appui par une combinaison des effets à tous les niveaux, quand les moyens des autorités civiles sont inexistants, insuffisants, inadaptés ou indisponibles.

Leurs missions ont été présentées à la presse, le 22 juillet 2021 à Paris, par Hervé Grandjean, porte-parole du ministère des Armées, et le colonel chargé du territoire national au Centre de planification et de conduite des opérations (CPCO).

Primo-interventions permanentes. Les menaces sur le territoire national risquent d’augmenter de façon exponentielle en période estivale, souligne Hervé Grandjean. Sous l’autorité, directe ou déléguée, du Premier ministre, les armées interviennent en premier en cas de crise dans les domaines aérien et maritime. La « posture permanente de sûreté aérienne » détecte, identifie et classifie 12.000 aéronefs qui survolent le territoire national chaque jour (hors contexte Covid-19). Mobilisés 24 heures sur 24, des équipages d’avions ou d’hélicoptères peuvent décoller en moins de 7 minutes le jour, 15 minutes la nuit ou même de 2 minutes en cas d’alerte renforcée. La « posture permanente de sauvegarde maritime » mobilise 1.300 marins dans les eaux territoriales (brigandage) et de la zone économique exclusive (luttes contre la pêche illégale et les narcotrafics). Les préfets maritimes de Cherbourg (Manche et mer du Nord), Brest (Atlantique) et Toulon (Méditerranée) exercent la police en mer. En outre-mer, ces postures sont assurées par les forces de souveraineté déployées aux Antilles, en Guyane, Nouvelle-Calédonie, Polynésie française et Zone Sud Océan Indien (La Réunion et Mayotte).

Dialogue civilo-militaire. La « posture de protection terrestre » complète le dispositif des sécurités intérieure et civile, qui relève du préfet, précise Hervé Grandjean. Une chaîne de commandement militaire en garantit la cohérence et l’efficacité. L’opération « Sentinelle » déploie quotidiennement 7.000 militaires dans les gares et aérogares, sites culturels ou touristiques, écoles et établissements institutionnels et lieux de forte affluence, rappelle le colonel du CPCO. En été, une posture renforcée se concentre notamment autour des festivals. Face à un événement d’ampleur exceptionnelle, le président de la République peut engager une réserve de 3.000 militaires. L’opération « Héphaïstos » de lutte contre les feux de forêts porte sur 23 départements du Sud de la France, du 25 juin au 16 septembre. Elle mobilise : 48 militaires pour la surveillance et la sensibilité du public ; 3 hélicoptères, dont 1 Gazelle pour la reconnaissance des zones de feux et 2 Cougar pour le transport de pompiers ; 1 groupe du génie pour ouvrir des pistes forestières et créer des coupe-feux ; 20 véhicules pour la sécurité civile. Ce dispositif est complété par des détachements de pompiers militaires du camp de Canjuers et des bases d’Istres, de Solenzara et de Toulon, ainsi que par des camions-citernes de l’armée de Terre. Les aéronefs de la sécurité civile se ravitaillent à la base aéronavale d’Hyères. L’opération « Résilience » de vaccination contre le Covid-19 implique 500 personnes de 7 hôpitaux des armées, des Ecoles militaires de santé de Lyon-Bron et de 3 centres civilo-militaires (Olivet, Mérignac et Dijon). L’opération « Harpie » (300 militaires) en Guyane porte sur la destruction de sites et la neutralisation de flux logistiques de l’orpaillage clandestin.

Loïc Salmon

Territoire national : protection permanente contre intrusions aériennes et maritimes

Armée de Terre : création d’un commandement pour le territoire national

Défense : opération « Résilience » contre le covid-19




Environnement : conséquences du changement climatique sur la sécurité internationale

Le réchauffement climatique et la dégradation de l’environnement créent des tensions, qui influent sur la stabilité mondiale et les opérations militaires. Le triptyque défense, diplomatie et développement implique une coopération entre les différents acteurs.

A cet effet, la Direction générale des relations internationales et de la stratégie (DGRIS) du ministère des Armées a mis sur pied un « observatoire géopolitique des enjeux des changements climatiques en termes de sécurité et de défense ». Ce dernier a rédigé un rapport sur l’action des forces armées étrangères dans ce domaine, présenté à la presse le 22 mars 2021 à Paris par Julia Tasse, Sofia Kabbej et François Gemenne, chercheurs à l’Institut de relations internationales et stratégiques. Une note de synthèse du rapport a été publiée le lendemain.

Collaboration civilo-militaire. De nouveaux conflits peuvent surgir dans des lieux jusque-là épargnés, indique François Gemenne. La compétition pour la sécurité alimentaire et le nombre croissant d’Etats faillis provoquent des tensions ethniques, dont profitent les organisations djihadistes. Les Etats démunis recourent alors aux forces armées étrangères pour maintenir la stabilité. Selon Julia Tasse, la prévention de ces risques passe par la fourniture de moyens de subsistance aux populations exposées, pour qu’elles s’adaptent, afin d’éviter l’émergence des situations extrêmes. Les Etats-Unis et le Conseil de sécurité de l’ONU prennent en compte les risques de tensions internationales consécutives au changement climatique. Pour y faire face, la coopération porte sur la formation et les échanges de savoir-faire et de bonnes pratiques, indique Sofia Kabbej. Déjà l’Union européenne, l’OTAN et l’Association des nations de l’Asie du Sud-Est abordent ces domaines, préconisent exercices et formations en commun et rédigent des rapports sur les capacités de coopération, ajoute François Gemenne.

Maintien de l’effet militaire. Les perturbations du climat se manifestent par l’occurrence de phénomènes extrêmes et à évolutions lentes avec des implications sécuritaires importantes, à savoir cyclones, inondations, sècheresse, tempêtes, élévation du niveau des mers et des océans. En conséquence, indique le rapport de l’observatoire de la DGRIS, la diversité des impacts du changement climatique est prise en compte, surtout parmi les forces armées des pays les plus riches, afin de maintenir une totale capacité opérationnelle dans un environnement dégradé. Certains documents de doctrine évoquent le changement climatique comme une menace de plus pour la sécurité nationale, d’autres examinent en détail ses effets en termes d’opérabilité et de capacité. Ils étudient les impacts sur les infrastructures civiles et militaires, la dimension civile, voire humanitaire, croissante des missions futures, la nécessité de développer de nouvelles infrastructures et des matériels plus adaptés. Pour la majorité des pays étudiés, la coopération internationale apparaît comme une réponse aux impacts sécuritaires. Toutefois, seuls l’Australie, la Nouvelle-Zélande, la Grande-Bretagne et les Etats-Unis recommandent l’élaboration de méthodologies d’évaluation de vulnérabilité, la création de comités spécifiques, le soutien à la recherche ou la rédaction de manuels et de rapports spécifiques. Les forces armées doivent tenir compte du changement climatique dans la surveillance maritime et frontalières. Pour assurer la résilience des sites, aéroports et emprises militaires, les Etats-Unis renforcent les partenariats des armées avec les agences fédérales civiles, les pouvoirs publics locaux et les organisations non gouvernementales. La Norvège et la Nouvelle-Zélande préfèrent cibler leurs investissements sur l’adaptation des équipements militaires aux effets du changement climatique. La Russie va construire 40 brise-glace et adapter des infrastructures et des équipements aux conditions extrêmes de l’Arctique. La Jordanie, qui subit augmentation des températures et sécheresse, demande à des organisations non gouvernementales de former ses militaires à la gestion de l’eau. Les Etats-Unis accroissent les entraînements sur simulateurs et sites adaptés.

Réduction de l’empreinte climatique. La résilience énergétique des forces armées, souligne le rapport de l’observatoire de la DGRIS, se concentre sur l’identification et la réduction des faiblesses dans la chaîne d’approvisionnement en énergie, susceptibles de compromettre la conduite des opérations. Cela implique notamment : une dépendance moindre aux carburants fossiles, qui nécessitent un acheminement ; un recours accru aux énergies renouvelables, qui fonctionnent de manière plus autonome sur le terrain ; un meilleur rendement énergétique des équipements. Le rapport note que peu de pays mentionnent les résultats de leur bilan énergétique et de leur « bilan carbone » (tonnes d’équivalent CO2 émises par leurs activités) dans leurs documents stratégiques relatifs à l’environnement. Quoique le Canada n’entre pas dans les détails, la Grande-Bretagne et les Etats-Unis se montrent plus transparents dans ce domaine. La résilience énergétique nécessite aussi la mise en œuvre de programmes visant à diminuer les émissions de gaz à effet de serre. L’Inde, les Etats-Unis et le Danemark envisagent de plus en plus le recours aux énergies renouvelables dans les opérations extérieures, compte tenu du caractère opérationnel de l’autonomie des bases avancées. En outre, la résilience énergétique des véhicules de transport porte sur des carburants alternatifs, comme le biodiesel et l’hydrogène, sur les moteurs existants et l’innovation sur les batteries portatives des équipements individuels. La restauration des écosystèmes inclut notamment la plantation d’arbres, en Chine et en Jordanie, et le déminage des anciennes zones de combat, pratiqué par les Etats-Unis et la Norvège. Au Brésil, les forces armées protègent la forêt amazonienne des exploitations illégales. Enfin, en Inde, des « bataillons éco-territoriaux » sont formés à la protection de l’environnement.

Missions de sécurité civile. Selon le rapport de l’observatoire de la DGRIS, les autorités civiles sollicitent de plus en plus les forces armées pour les secours lors des catastrophes naturelles, qui augmentent en fréquence et en intensité. Ainsi, les Etats-Unis, l’Australie, la Norvège, la Nouvelle-Zélande et les Pays-Bas mobilisent immédiatement leurs forces armées. La coopération civilo-militaire fait partie du programme d’anticipation des catastrophes naturelles au Japon, au Chili et aux Etats-Unis. La majorité des pays ayant mis en place des pratiques spécifiques à l’anticipation ou à la réponse aux catastrophes naturelles sont pauvres et y sont particulièrement exposés. Il se trouvent surtout en Afrique, en Amérique latine et en Asie du Sud-Est. Même les pays industrialisés, de plus en plus exposés, institutionnalisent la coopération civilo-militaire. L’ONU, l’OTAN et la Plate-forme d’intervention régionale de l’océan indien de la Croix-Rouge ont mis en œuvre des procédures d’interventions civilo-militaires pour les missions de sécurité civile hors des territoires nationaux.

Loïc Salmon

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Traquer la terreur

Démultiplicateur de l’insurrection pour déstabiliser un Etat, le terrorisme exploite la violence sur le plan médiatique et la justifie par des raisons idéologiques ou religieuses. Le contrer passe par le renseignement, la frappe chirurgicale et le…développement !

Théorisé par les Russes Trotsky et Lénine et le Chinois Mao, le terrorisme utilise le ressentiment de populations misérables ou d’individus fragiles et modifie en permanence ses modes opératoires. L’analyse de différents cas en montre les similitudes : guérilla Viêt Minh en Indochine (1945-1954) ; subversion en Irlande du Nord (1968-1998) ; Al Qaïda en Afghanistan ((2001-2014) ; attentats de Mumbai en Inde (2008) ; ceux d’Oslo et de l’île d’Utoya en Norvège (2011) ; terrorisme maritime dans le golfe d’Aden (2008) ; menace armée sur Bamako, capitale du Mali (2013). Pour atteindre ses objectifs, la stratégie terroriste inclut les domaines psychologique, social, économique, politique et culturel. Elle nécessite : mise en place d’un réseau d’agents dans les secteurs-clés d’une société, à savoir éducation, médias, transport et sécurité ; soutiens logistique, financier et technique sur une zone frontalière pour bénéficier de « sanctuaires » ou de soutiens extérieurs ; guérilla puis guerre dissymétrique d’envergure dans le pays ciblé ; retournement d’une population contre ses gouvernants par l’idéologie (subversion ou manipulation) ou la peur (attentats) ; instrumentalisation médiatique de la réaction disproportionnée des forces de sécurité, provoquée par des agitateurs. L’emprise totale sur une population s’avère primordial pour le renseignement, le ravitaillement, le recrutement et les caches de combattants. Au-delà de l’attentat ou de l’assassinat, l’option terroriste permet à l’insurgé d’apparaître comme un acteur sur les scènes nationale et internationale grâce au retentissement obtenu. En 1945, le Viêt Minh atténue son étiquette communiste et cherche à paraître nationaliste, contre la France, pour s’attirer le soutien des nationalistes vietnamiens et de la CIA américaine qui lui fournit armes et équipements. Au Pakistan dans les années 1980, pour lutter contre les troupes soviétiques en Afghanistan, la CIA forme à la guérilla de jeunes musulmans, qui constitueront plus tard Al Qaïda. Petits criminels et trafiquants passent au terrorisme au nom d’un idéal pour justifier leurs activités. En 2015, Daech gagne entre 700 M$ et 1,3 Md$ par le trafic de pétrole et d’antiquités, les rançons des otages, les donations et l’impôt sur les populations contrôlées en Irak et en Syrie. La médiatisation de ses massacres et la désinformation lui ont permis de s’emparer de territoires sans combats majeurs, en dépit de désavantages numériques. Toutefois, la guérilla et la subversion ne sont pas l’apanage des organisations terroristes, comme le montrent les actions britanniques auprès des bédouins contre les troupes turques pendant la première guerre mondiale et en Birmanie contre l’armée japonaise pendant la seconde ou celles des commandos français contre le Viêt Minh. A la trinité « population, armée et politique » de la guerre conventionnelle entre Etats, théorisée par le Prussien Clausewitz (1834), a succédé la synergie entre diplomatie, opérations spéciales et mentorat des armées de pays partenaires dans la guerre asymétrique. Retour de la sécurité et reprise de la vie économique dissuadent les populations ciblées de recourir aux réseaux parallèles des organisations terroristes pour subvenir à leurs besoins.

Loïc Salmon

« Traquer la terreur », commandant Vincent. Editions Pierre de Taillac, 252 pages, illustrations, 24,90 €.

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