Défense : la jeunesse au cœur du lien Armées-Nation

L’existence d’une armée professionnelle repose sur la force de son lien avec la nation. Le ministère des Armées contribue à la cohésion nationale et l’éducation civique et citoyenne par son savoir-faire et son expertise.

Le général de corps d’armée Daniel Ménaouine, directeur du Service national et de la Jeunesse, l’a expliqué à la presse le 30 août 2018 à Paris.

Risques et menaces. Tout militaire performant, suivi dès son recrutement, l’aura été tout au long de sa carrière. Il se sera parfois senti étranger dans son propre pays et aura assisté à la banalisation du métier militaire, estime le général. Si gagner la guerre relève du domaine militaire, gagner la paix incombe au domaine civil. La population civile devient la cible directe de menaces évolutives, à savoir terrorisme et crises diverses (pandémie, environnement etc.). Une cité forte constitue le premier rempart contre ces menaces.

Actions ministérielles. Le ministère des Armées prend en charge une partie de la Garde nationale, créée en 2016 à la suite des attentats terroristes de 2015. A travers ses divers dispositifs, il traite environ 840.000 jeunes chaque année, soit l’intégralité d’une génération. En 2017, la Journée défense et citoyenneté a mobilisé 8.672 animateurs pour recevoir 786.515 jeunes. Un sondage montre que 87,81 % en ont été satisfaits, 69 % le sont encore de 6 à 12 mois après et 22,4 % ont exprimé leur intérêt pour la défense. Selon un autre (photo) cette journée améliore l’image des armées, pour 89,20 % d’entre eux au niveau national en 2014 puis pour 95,50 % en 2017. Le score passe de 89,2 % à 95,40 % en métropole et de 93,97 % à 97,21 % outre-mer. Selon une enquête réalisée fin 2017, 69 % des jeunes se disent intéressés par cette journée et 54 % par le bénévolat au sein d’une association ou d’une organisation. En outre, 70 % se déclarent prêts à donner leur vie pour la défense de la France. Le Plan égalité des chances, en vigueur depuis dix ans, vise notamment à diffuser l’esprit de défense et répondre au besoin d’engagement des jeunes. En 2017, 30.000 d’entre eux ont bénéficié de huit dispositifs : les classes défense et sécurité globales pour plus de 5.000 ; les cadets de la défense (accueil hors temps scolaire dans un cadre militaire pour des activités éducatives, culturelles et sportives) pour plus de 700 ; périodes militaires d’initiation ou de perfectionnement à la défense, plus de 12.000 toutes armées confondues ; 10.000 stages dans les armées, de la 3ème à bac +7 ; 360 places réservées aux élèves boursiers dans les lycées de la défense ; « cordées de la réussite », qui facilitent l’accès à l’enseignement supérieur quel que soit le milieu culturel, pour 2.056 lycéens à potentiel ; plus de 150 « réservistes locaux à la jeunesse et à la citoyenneté » chargés d’expliquer le Plan égalité des chances. Le Service militaire volontaire (SMV), qui vise à l’insertion socio-professionnelle de jeunes adultes de 18-25 ans en difficulté, leur propose 53 métiers. Depuis sa création en 2015, il a formé 1.874 jeunes, dont 843 en 2017. Le taux de féminisation atteint 21 % et celui de la réussite au permis de conduire 73 %. A raison d’un cadre pour quatre stagiaires afin de favoriser l’écoute et l’échange, le SMV a réalisé un taux d’insertion professionnelle de 72 % des stagiaires des deux premières promotions. La Commission armées-jeunesse, véritable incubateur d’idées, permet de comprendre les préoccupations de la jeunesse. Enfin, le général Ménaouine est rapporteur et l’unique militaire du groupe de travail (sept membres) sur le futur Service national universel obligatoire (un mois), approuvé par 54 % des jeunes.

Loïc Salmon

Défense : vers un renforcement du lien Armées-Nation

Garde nationale : catalyser les réserves militaires et civiles




Garde nationale : convention avec le Barreau de Paris

Le ministère de Armées et l’Ordre des avocats de Paris, membre de l’Association nationale de croix de guerre et de la valeur militaire, ont signé, le 20 novembre 2017 à Paris, une charte d’engagements réciproques.

Besoin et motivation. Le ministère était représenté par le secrétaire général de la Garde nationale, le général de division Gaëtan Poncelin de Raucourt (à gauche sur la photo) et l’Ordre des avocats de Paris par son Bâtonnier, Maître Frédéric Sicard (à droite). Le premier a souligné la demande d’appui juridique dans les régiments et le second la réelle motivation de la part des avocats et le soutien juridique effectif qu’ils peuvent apporter aux militaires et à leur famille. Parmi les dix articles de la convention, figure notamment l’engagement « à promouvoir, faciliter et encadrer l’engagement des avocats du Barreau de Paris qui souhaitent, à titre personnel, appartenir à la réserve en travaillant de concert dans un climat de confiance et dans un esprit de dialogue continu. » En outre, les signataires « reconnaissent l’apport particulier des avocats à l’esprit de défense et au lien Armée-Nation, encouragent les réservistes à déclarer leur activité à leur ordre professionnel et souhaitent ainsi valoriser l’engagement dans la réserve sur le plan professionnel auprès des cabinets. » Un délégué de l’Ordre, chargé de la défense, sera le correspondant des forces armées et de sécurité. Dans la mesure du possible, l’Ecole de formation du barreau veillera à aménager le temps de formation des élèves-avocats, afin qu’il soit compatible avec un engagement dans la réserve. Des formations communes à la Garde nationale et à l’Ordre des avocats de Paris seront mises en place, dès le début et tout au long de la carrière. Les signataires se réuniront au moins une fois tous les six mois pour assurer le suivi des travaux et amplifier les engagements de la charte.

La Garde nationale. Créée à la suite des attentats terroristes de 2015 à Paris, la Garde nationale regroupe les volontaires servant au titre d’un contrat d’engagement dans la réserve opérationnelle des forces armées et des formations rattachées ainsi que les volontaires de la réserve civile de la Police nationale. Elle permet à tout citoyen volontaire de consacrer une partie de son temps, personnel ou professionnel, pour concourir, éventuellement par les armes, à la défense et à la sécurité de la population et du territoire national.

Le Barreau de Paris. L’Ordre des avocats de Paris est titulaire des croix de Guerre 1914-1918 et 1939-1945. Il compte environ 29.000 membres et forme 1.200 élèves-avocats par an. Personne morale de droit privé et investie d’une mission de service public, l’Ordre accompagne les avocats dans tous les événements de leur exercice professionnel. Il régule les relations entre les avocats et leurs clients et rend tous les arbitrages. Il surveille le respect des règles déontologiques et assure la discipline. Aux côtés de la Carpa (Caisse des règlements pécuniaires des avocats), l’Ordre permet à la profession d’assurer ses missions d’intérêt général de l’accès à la justice et de l’accès au droit pour tous. Il représente la profession d’avocat à Paris pour défendre l’intérêt collectif des avocats et des citoyens, traiter toute question intéressant le droit et la justice et représenter la place de Paris en tant que capitale historique et principale du droit dans le monde. L’Ordre et la Carpa mutualisent leurs moyens mis à la disposition des avocats : logistique ; documentation ; systèmes d’information ; formation continue ; finances ; assurance.

Loïc Salmon

Garde nationale : catalyser les réserves militaires et civiles

Les réservistes à l’honneur




Gendarmerie : lutte contre le terrorisme et renseignement

La Gendarmerie doit, par contrat opérationnel, se trouver sur le lieu d’un attentat en moins de 20 minutes. Le maillage territorial lui permet de faire remonter le renseignement recueilli auprès de la population, dont elle assure la sécurité par sa proximité.

Le général d’armée Richard Linuzet, directeur général de la Gendarmerie, l’a expliqué, au cours d’une réunion organisée, le 4 juillet 2017 à Paris, par l’Association des journalistes de défense.

Agir vite. La lutte contre le terrorisme, menace majeure, nécessite une vigilance totale et une coordination avec les autres forces de sécurité et de défense. Le Peloton de surveillance et d’intervention regroupe 450 gendarmes sur le territoire national. En outre, depuis le 1er novembre 2016, tout gendarme, témoin d’un attentat ou en soupçonnant la préparation, peut appeler le centre opérationnel qui prévient le directeur général. Dans les 14 minutes, celui-ci rappelle le gendarme concerné, afin de faire remonter directement l’information opérationnelle auprès des autorités politiques. Le général Linuzet a déjà reçu une dizaine d’appels de ce genre. En cas de suspicion d’attentat, le nouveau schéma national d’intervention précise que la proximité opérationnelle l’emporte sur le territoire imparti aux différentes forces d’intervention de la Police (RAID et BRI) et de la Gendarmerie (GIGN). Lors des opérations extérieures, les armées participent à la lutte contre le terrorisme pour en déterminer le lieu de départ, depuis celle en Afghanistan (2001-2014). Actuellement, 90 gendarmes sont engagés dans la bande sahélo-saharienne au sein d’organisations internationales. Sur le territoire national, les personnels des armées déployés dans l’opération « Sentinelle » selon un dispositif dynamique et non plus statique, représentent 7-8 % des effectifs des zones de Gendarmerie. La Garde nationale, soit actuellement 2.500 réservistes/jour encadrés par des militaires d’active, ne dépend pas d’elle. Suite à la levée de l’état d’urgence en automne annoncée le 3 juillet par le président de la République, un projet de loi prévoit l’établissement d’une zone de sécurité renforcée autour des grands événements et le droit de « visite » d’un lieu de résidence, en cas de suspicion de préparation d’attentat et après approbation des autorités administratives et judiciaires. Enfin, une réflexion est en cours sur l’infiltration possible des filières d’immigration par des mouvements terroristes.

Déceler les « signaux faibles ». La Gendarmerie ne pratique pas « l’infiltration » des réseaux suspects. En liaison avec la Police nationale, ses 100.000 personnels d’active, secondés par 29.600 réservistes et déployés à 74 % en zones périurbaines et à 26 % dans les campagnes, collectent l’information d’ambiance auprès des élus locaux. Ces données sont analysées puis transformées en renseignements en cas de menace avérée, à savoir les signes d’auto-radicalisation. Il s’agit de reconstituer le parcours de gens fragiles, qui souvent se cherchent une vocation. Leur motivation reste difficile à identifier, car ils se revendiquent de Daech après être passés à l’acte. Aujourd’hui, les terroristes se fondent dans la population. La fiche « S » (surveillance) signifie « être l’objet d’une investigation » et…pas seulement pour islamisme radical ! La première consultation d’un site violent n‘est pas répréhensible, mais il est possible de « cibler » quelqu’un qui en visite souvent. La personne fichée « S » ne doit pas le savoir, précise le général Linuzet.

Loïc Salmon

Garde nationale : catalyser les réserves militaires et civiles

Les gendarmes du ciel

Sécurité : exposition « Les sciences du crime » au musée de la Gendarmerie




Garde nationale : catalyser les réserves militaires et civiles

En 2018, la Garde nationale pourra mobiliser chaque jour 9.250 réservistes sur un vivier de 85.000 hommes et femmes, issus des ministères de la Défense nationale et de l’Intérieur.

Son secrétaire général, le général de division Gaëtan Poncelin de Raucourt, l’a présentée à la presse le 12 janvier 2017 à Paris. Également délégué aux réserves, il est assisté d’une équipe d’une dizaine de personnes. La Garde nationale, créée par décret présidentiel du 13 octobre 2016, vise à répondre : à la lutte antiterroriste après les attentats terroristes de 2015 à Paris ; aux besoins des armées, à savoir opération « Sentinelle », plan Vigipirate, crises sur le territoire national et intempéries, afin de gérer les “pics d’alerte” de la Gendarmerie et de la Police ; au désir des citoyens de s’impliquer dans la sécurité du pays. En 2017, la Garde nationale dispose d’un budget de 311 M€ et des réserves opérationnelles existantes, soit 63.750 personnes dont plus de 6.000 employées par jour.

Le ministère de la Défense. Les effectifs de la réserve  militaire se montent à 31.500 personnes : 18.400 pour l’armée de Terre ; 4.950 pour l’armée de l’Air ; 4.850 pour la Marine nationale ; 2.850 pour le Service de santé des armées ; 450 pour le Service du commissariat des armées ; 100 pour la Direction générale de l’armement ; 80 pour le Service des essences des armées. Chaque jour, 2.500 personnes sont employées, dont 650 pour des missions de protection sur le territoire national (ptn). Il s’agit de Français issus de la société civile avec ou sans expérience militaire et d’anciens militaires d’active qui signent un engagement à servir dans la réserve, contrat rémunéré d’une durée de 1 à 5 ans renouvelable. Ils reçoivent une formation et un entraînement spécifiques, pour apporter un renfort de quelques dizaines de jours/an dans les états-majors, les établissements ou administrations centrales sur le territoire national ou en opérations extérieures. Certains apportent expertises et expériences rares : risques environnementaux ; infrastructures ; armement ; cyberdéfense. En 2018, ils seront 40.000, dont 4.000 employés/jour (1.000 pour la ptn).

Le ministère de l’Intérieur. Les réserves atteignent 32.250 personnes, dont 28.500 militaires de la Gendarmerie (3.000/jour pour la ptn), et 3.750 civils de la Police (850/jour pour la ptn). Engagés à proximité de leur domicile, ils sont formés, employés régulièrement sur le terrain et assermentés avec le statut d’agent de police judiciaire adjoint. Leurs missions incluent l’accueil du public, les patrouilles de prévention de proximité, les actions de sécurité routière et les interventions. Les policiers retraités et anciens adjoints de sécurité de moins de 65 ans peuvent signer un contrat dans la réserve. Ils assurent la protection des personnes et de biens, la prévention de la criminalité et de la délinquance, la police judiciaire et le renseignement, mais pas le maintien de l’ordre. En 2018, les réserves de sécurité se monteront à 40.000 gendarmes (4.000/jour pour la ptn) et 5.000 policiers (1.250/jour pour la ptn).

Les mesures incitatives. Tout garde national de moins de 25 ans pourra obtenir une participation financière au permis de conduire B. Un(e) étudiant(e) (université, enseignement professionnel ou école supérieure) recevra une allocation mensuelle si engagement pour 5 ans et 37 jours de réserve/an. Les employeurs bénéficieront d’un abattement fiscal et de la qualité de « partenaire de la défense nationale ».

Loïc Salmon

Terrorisme : plan Vigipirate renforcé dans toute la France

Attentats à Paris : plus grosse opération de secours de la BSPP depuis les années 1980

Les réservistes à l’honneur




Défense et sécurité : de la menace à la résilience

La menace inclut la capacité et l’intention de l’adversaire, y compris son aspect symbolique. Elle implique une convergence de l’emploi de forces militaires et de sécurité, à l’extérieur comme à l’intérieur du pays.

Ces questions ont fait l’objet d’un colloque organisé, le 2 mars 2016 à Paris, par l’Institut de recherche stratégique de l’École militaire (IRSEM). Y ont notamment participé : le docteur Élyamine Settoul, IRSEM ; le docteur Jean-Baptiste Jeangène-Vilmer, Centre d’analyse, de prévision et de stratégie du ministère des Affaires étrangères.

La radicalisation. Depuis les attentats de Londres en 2005, les études sur le terrorisme portent sur le lien entre idéologie extrémiste et action violente plus ou moins organisée, explique Élyamine Settoul. Ce phénomène prend de l’ampleur et se diversifie : quelque 25.000 à 30.000 combattants, dont 4.000 Européens (1.600 Français), sont partis en Syrie depuis juillet 2014, contre 20.000 pour l’Afghanistan entre 1980 et 1992. Selon certaines thèses, l’islam serait incompatible avec les valeurs républicaines : conflit de nature culturelle ou « choc des civilisations » ; « Eurabia », menace identitaire de l’axe euro-arabe favorisant l’immigration en Europe de l’Ouest des populations musulmanes au taux de fécondité élevée. Or, la communauté musulmane est très hétérogène, avec une grande disparité entre un Marocain et un Malaisien par exemple. En France, l’islam connaît une intégration structurelle : sédentarisation avec l’ouverture de mosquées et d’aumôneries musulmanes ; émergence d’une classe moyenne ; taux de fécondité proche de celui des Français de souche ; trajectoires scolaires similaires ; choix de prénoms français. Pourtant, la radicalisation se développe parmi les jeunes Français musulmans de la seconde génération. Elle se caractérise également par la part conséquente de convertis (25 %), la présence de femmes et une faible connaissance théologique. Le poids des images et des réseaux sociaux donne une dimension utopique et théologico-politique d’appartenance à une communauté fraternelle, liée à une « renaissance », des avantages économiques et une vie d’aventures. S’y ajoute un conflit entre les générations : les jeunes, notamment d’origine algérienne, ont honte de leurs parents, qui pratiqueraient un islam aux traditions païennes et surtout qui ont immigré dans l’ancien pays colonisateur…qui continue ainsi à les dominer. Les volontaires européens, qui ont rejoint Daech en Syrie, vont s’y constituer un « capital symbolique de combattant ». Pour les contrer, Élyamine Settoul préconise le démantèlement des filières de recrutement, en faisant appel aux jeunes qui en sont revenus déçus ou traumatisés.

Lien entre « Opint » et « Opex ». Les forces de sécurité intérieure sont de plus en plus utilisées dans les opérations extérieures (Opex), qui se transforment en opérations de police. Parallèlement, les armées sont déployées dans des opérations de sécurité intérieure (Opint). Opex et Opint affrontent le même adversaire. Outre ses causes économiques et sociales, le terrorisme inclut une idéologie. Lutter contre lui nécessite de « déconstruire » sa dimension religieuse, estime Jean-Baptiste Jeangène-Vilmer. Après la guerre froide (1947-1991), l’apparition des organisations non gouvernementales et des groupes armés aux ambitions transnationales remet en cause l’ordre westphalien (1648), basé sur les frontières des États. La démocratisation des technologies destructives et de l’information renforce leur capacité de nuisance. La multiplicité des crises contemporaines résulte de la mutation du contexte international. L’affaiblissement de l’hégémonie américaine favorise l’émergence de la Chine, nouvelle puissance, et la réémergence de la Russie. Les relations entre adversaires deviennent imprévisibles, alliés aujourd’hui sur un théâtre donné et adversaires demain sur un autre. Certaines crises sont liées entre elles, avec un affaiblissement ou une ambivalence des médiateurs régionaux. Multiforme, le terrorisme dispose des moyens militaires et de propagande d’un État, propose un projet totalitaire et exerce une influence mondiale. Quand il perd du terrain en Syrie, Daech détourne l’attention des médias ailleurs, grâce à sa trentaine de filiales à l’étranger. Dans les zones « grises », où l’autorité de l’État n’est plus respectée, les combats deviennent de plus en plus nombreux, avec des participations surtout européennes ou américaines. Le message politique « Nous sommes en guerre » marque la différence entre les actes de guerre et l’état de guerre à l’étranger ou sur le sol national, estime Jean-Baptiste Jeangène-Vilmer. Les situations ne sont pas comparables, ni les équipements, ni les modes opératoires. La France est frappée pour ce qu’elle est, au moins autant que pour ce qu’elle fait, dit-il. Le terrorisme et les cyberattaques touchent plus rapidement et plus facilement beaucoup de gens à l’intérieur et à l’extérieur. Le double mouvement réciproque de « sécuritisation » de la défense et de la « militarisation » de la sécurité devrait déboucher sur une convergence des équipements. Ainsi, le drone MALE (moyenne altitude longue endurance) présente une grande utilité sur le territoire national, comme l’observation des flux migratoires en Méditerranée, et dans une opération transfrontalière, en appui aux hélicoptères engagés. Enfin, la mise sur pied d’une « garde nationale » permettrait de capitaliser l’effet des attentats de 2015 à Paris, conclut Jean-Baptiste Jeangène-Vilmer.

Le vivier des réservistes. Face à ces nouvelles menaces, la réserve de volontaires devrait monter en puissance. Le ministre de la Défense, Jean-Yves Le Drian, l’a annoncé le 10 mars 2016 à Paris. En matière de cyberdéfense, une structure permanente, composée de cadres militaires d’active, de 400 réservistes « opérationnels (sous contrat) et de 400 réservistes « citoyens » (bénévoles), sera opérationnelle à l’été 2019. Tous seront en mesure d’aider à rétablir et sécuriser les réseaux en cas d’attaque. Une cellule, constituée au sein de l’État-major des armées et en interface avec le ministère des Affaires étrangères, contribuera à la reconstruction d’une zone post-conflit et à l’action économique d’influence indirecte. Enfin, la réserve servira de socle à une garde nationale pour la surveillance et la protection de sites, le contrôle de zones ou le soutien des opérations.

Loïc Salmon

CEMA : durcissement et aggravation des conflits, évolution des missions

Terrorisme djihadiste : prédominance de la dimension psychoculturelle

Stratégie : au-delà de l’ennemi présent, imaginer celui de demain

La Direction générale des relations internationales et de la stratégie (DGRIS) associe l’État-major des armées, la Direction générale de l’armement et le Secrétariat général pour l’administration à l’action internationale du ministère de la Défense. Elle dirige les travaux de prospective stratégique et coordonne ceux de la préparation du Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale et à son actualisation régulière. Avec les autres ministères dont celui des Affaires étrangères, la DGRIS assure l’interface de la conduite des coopérations, hors opérations, en matière d’armement et de soutien aux opérations d’exportation, sur tout ce qui concerne l’action internationale. Chargée de la stratégie d’influence internationale du ministère de la Défense, elle anime le réseau des missions de défense à l’étranger.




Réserve : montée en puissance pour la sécurité nationale

Le nombre de réservistes opérationnels, hors Gendarmerie, actuellement de 28.000, devrait atteindre 31.000 fin 2016 et 40.000 en 2019, dont 1.000 déployés en permanence pour participer à la protection du territoire national.

Le général de brigade Christian Thiébault, secrétaire général du Conseil supérieur de la réserve, en a présenté le nouveau format à la presse le 3 mars 2016 à Paris. Ce renforcement fait suite  à la déclaration du président de la République, François Hollande, devant le Parlement réuni en congrès à Versailles, trois jours après les attentats du 13 novembre 2015 à Paris. Environ 600 réservistes ont été mobilisés du 20 décembre 2015 au 5 janvier 2016 pour l’opération « Sentinelle », a précisé le général. L’évolution du contexte stratégique et la professionnalisation des armées ont conduit à remplacer la réserve mobilisable en temps de guerre par une réserve d’emploi, structurée selon les besoins de la défense et de la sécurité (loi du 22 octobre 1999 modifiée le 30 mars 2007). Cette réserve militaire présente deux composantes : « opérationnelle » et « citoyenne ».

La réserve opérationnelle. Sous certaines conditions, notamment physiques, tout citoyen français, homme ou femme, peut signer un « engagement à servir dans la réserve » d’une durée d’un à cinq ans avec une rémunération variable selon leur grade. Ils reçoivent une formation et un entraînement spécifiques pour remplir des missions de protection et en état-major. En fonction de leurs compétences, ils servent dans les unités militaires et les établissements ou administrations centrales du ministère de la Défense, sur le territoire national et les théâtres d’opérations extérieurs. Ces renforts permettent de faire face à la simultanéité des opérations et d’accroître les capacités des forces à durer lors des pics d’activité : opération « Sentinelle », plan Vigipirate, crises sur le territoire national ou intempéries. En outre, les réservistes opérationnels apportent leurs expertise et expérience dans des spécialités professionnelles peu connues ou très utiles : risques environnementaux, infrastructures, armements ou communication. Au 30 novembre 2015, la réserve opérationnelle, Gendarmerie comprise, se montait à 54.860 personnes.

La réserve citoyenne. Agréés auprès des autorités militaires pour leurs compétence, expérience et intérêt pour les questions de défense et de sécurité nationale, les « réservistes citoyens » sont bénévoles. Leur champ d’action porte sur la communication, les relations publiques, le recrutement, le devoir de mémoire, la sensibilisation et l’information sur l’intelligence économique et les questions de défense. Ils bénéficient d’une information continue sur la défense et la sécurité nationale. Au 30 novembre 2015, la réserve citoyenne comptait 3.814 personnes, Gendarmerie comprise.

Appel renforcé. En 2015, l’actualisation de la Loi de programmation 2014-2019 a prévu un accroissement du nombre de réservistes et des jours d’activité jusqu’à 25-30 jours par personne et par an. Le budget des réserves est passé à 75 M€ sur la période 2015-2019. En 2016, le budget est monté à 96,3 M€, afin d’augmenter de 160.000 le nombre de jours d’activité et de créer 3.106 postes. En 2019, le ministère de la Défense devrait employer 40.000 réservistes opérationnels pendant au moins 30 jours par an et pendant 3 ans, ainsi répartis : armée de Terre, 24.200 ; Marine, 6.000 ; armée de l’Air, 5.800 ; Service de santé, 3.300 ; Service du commissariat, 500 ; Service des essences, 200.

Loïc Salmon

Défense : effectifs et engagements en 2014-2015

Défense : actualisation de la LPM 2014-2019

Les réservistes à l’honneur




Opex : la chaîne de santé, une course contre le temps

Soigner les blessés au combat nécessite d’agir très en amont même sur des accrochages en petits effectifs. La chaîne de santé relie, de façon indissociable, formation du personnel, hôpitaux, soutien des forces, ravitaillement sanitaire et recherche.

L’action du Service de santé des armées (SSA) en opérations extérieures (Opex) a fait l’objet d’un séminaire organisé, le 26 juin 2013 à Paris, à l’Ecole du Val-de-Grâce.

Soutien sanitaire. En juin, les forces françaises disposent d’un soutien médical dans dix Opex : « Serval » au Mali ; « Licorne » en Côte d’Ivoire ; « Epervier » au Tchad ; « Boali » en Centrafrique ; « Atalante » en océan Indien dans le cadre de l’Union européenne ; « Pamir » en Afghanistan (OTAN) ; « Tamour » en Jordanie ; « Daman » au Liban (ONU) ; « Trident » au Kosovo (OTAN) ; « Eulex » (police et justice) au Kosovo (Union européenne). « Toute mission exige une capacité à durer et un lien fort entre action militaire et action médicale », souligne le médecin en chef Angot de l’Etat-major opérationnel santé. Le soutien sanitaire repose sur deux principes fondamentaux. D’abord, la médicalisation et la réanimation-chirurgicalisation de l’avant impliquent de porter au plus près des combattants le maximum de moyens mobiles, performants et adaptés aux conditions de l’engagement. Ensuite, les évacuations sanitaires précoces sont systématiques vers les hôpitaux de traitement définitif, de préférence par voie aérienne mais pas uniquement. La prise en charge des blessés s’effectue selon quatre niveaux ou « role » en anglais (voir illustration). La médicalisation de l’avant (niveau 1) correspond aux premiers secours et au conditionnement médical primaire au sein des unités de combat. Le triage médico-chirurgical et la réanimation-chirurgicalisation de l’avant (niveau 2) sont mis en œuvre au sein des forces. Le traitement des blessés sur le théâtre (niveau 3) précède les évacuations sanitaires tactiques. Les évacuations sanitaires stratégiques (niveau 4) concernent le traitement définitif sur le territoire national.

Intégration aux opérations. « Le Service de santé des armées fait partie de la communauté des opérations. Il n’y a pas d’opération sans le Service de santé », déclare le général de corps d’armée Castres, sous-chef d’état-major opérations de l’Etat-major des armées. La protection et la « survivabilité » des combattants sont devenues impératives. Le cadre global politico-militaire évolue, constate le général : la moindre inhibition du pouvoir politique à recourir à la force va de pair avec une plus grande inhibition des forces militaires à utiliser l’éventail complet des armes. La solidarité de l’opinion publique diminue au fur et à mesure des pertes au combat. La capacité de sûreté des troupes engagées, par la surveillance, la robotisation et le tir à distance, doit l’emporter sur celle de l’adversaire. Le maintien de la motivation du soldat repose sur la présence du SSA. Définir la durée devient un objectif politique et conduit à des opérations plus offensives sous court préavis. Les forces doivent donc chercher l’adversaire et ne plus le lâcher, avant qu’il ne disparaisse du champ de bataille. La « culture expéditionnaire » du SSA fait la différence pour mener à bien des opérations aussi diverses que celles d’Afghanistan, de Côte d’Ivoire, de Libye et du Mali. Aujourd’hui, le SSA va vers les blessés et non plus l’inverse. Compte tenu de l’agilité tactique des unités, les équipes médicales engagées au plus près doivent procéder à la mise en condition des blessés dans l’environnement nécessaire, selon une chaîne très robuste. Leur présence en amont au Mali a facilité la conduite des opérations. L’efficacité opérationnelle interarmées sur un théâtre dépend de la capacité du chef militaire à reconfigurer l’intervention au niveau de la section, des forces spéciales, du groupement d’hélicoptères et de la patrouille d’avions de chasse. Le SSA doit alors modifier son dispositif jusqu’à une équipe médicale par unité de combat, notamment les « modules de chirurgie vitale » auprès des forces spéciales, en général les plus touchées.

Agir vite et bien. Le médecin chef Planchet a vécu le tir fratricide dans le poste de combat avancé franco-afghan de Gwan, le 20 janvier 2012. A 9 h 27, un soldat de l’Armée nationale afghane tire à l’arme automatique sur 23 personnels en séance de sport : 4 sont décédés immédiatement et 14 blessés. Le docteur Planchet, dont l’infirmier accompagnateur a été blessé, rejoint la zone française 8 minutes plus tard avec 3 blessés pour demander du renfort, car le niveau de la menace n’est pas encore connu. Le plan « Mascal » pour les victimes nombreuses est déclenché. Chacun connaît son rôle et celui des autres pour agir au mieux le jour où il se passe quelque chose. A 9 h 37, le « PECC » (Centre de coordination d’évacuation des patients) alerte la chaîne médicale, qui achemine tous les blessés vers la zone française en 8 minutes. Un bilan rapide de la gravité des blessures détermine 8 évacuations prioritaires dites « Alpha » (dans les 90 minutes) et 6 dites « Bravo » (dans les 24 heures) par 7 rotations d’hélicoptères français et américains. En fait, le dernier blessé est évacué à 11 h 27, soit 2 heures après le tir. Grâce à des exercices fréquents, les sauveteurs de combat prodiguent, en toute autonomie, les bons soins à trois niveaux : soldat, infirmier et médecin. Ce dernier n’effectue que des gestes ponctuels, car il doit assurer la coordination de l’ensemble. Quelque 80 % des décès se produisent dans les 10 minutes après l’accrochage sur le champ de bataille, par suite d’hémorragies ou de lésions neurologiques ou respiratoires. Les décès tardifs, soit plusieurs jours après, sont dus à une défaillance multiviscérale ou des infections.

Evacuations aériennes. La voie aérienne militaire sous commandement opérationnel français est privilégiée pour les évacuations d’urgence, précise le capitaine Helleringer, convoyeur de l’air. Il y en a eu 97 en 2011, 74 en 2012 et 32 jusqu’au 21 juin 2013. Pour celles pouvant attendre plus de 24 heures, il est fait appel au Commandement du transport européen (EATC) qui compte 11 avions médicalisés (France, 5 ; Belgique, 2 ; Allemagne, 2 ; Pays-Bas, 2) : 487 en 2011, 476 en 2012 et 376 au 21 juin 2013. La voie aérienne civile suffit pour les blessés capables de voyager seuls : 226 en 2011, 165 en 2012 et 84 au 21 juin 2013. Enfin, le SSA pourra utiliser des avions tactiques A400 M en 2014 et des avions multi-rôles MRTT en 2016.

Loïc Salmon

OPEX : prise en charge et suivi des grands blessés

Sauvetage de combat : l’apprentissage des médecins

Blessés psychiques : agir vite, au plus près et de façon continue

Au 1er mai 2013, le Service de santé des armées (SSA) compte 16.076 personnels (68 % de militaires), dont 1.825 médecins (plus 1.129 élèves et internes), 176 pharmaciens, 70 vétérinaires, 46 chirurgiens-dentistes, 4.718 personnels militaires paramédicaux et 3.344 réservistes. S’y ajoutent 55 centres médicaux des armées, 14 centres médicaux interarmées (outre-mer) et 9 hôpitaux d’instruction des armées. En juin 2013, le SSA déploie 1.120 personnels en posture opérationnelle : 470 dans les forces prépositionnées hors métropole, 460 en opérations et 190 dans le réservoir de forces en alerte.




Les réservistes à l’honneur

Les réservistes, civils et militaires à la fois,  sont indispensables aux forces armées, auxquelles ils apportent un renfort temporaire. Une journée nationale leur est attribuée en reconnaissance (4 avril en cette année 2013), car la plupart remplissent leurs fonctions pendant leurs vacances ou le week end, au-delà des cinq jours que l’employeur est tenu d’accorder. Toutefois, certaines entreprises ont signé une convention avec le ministère de la Défense pour faciliter l’engagement de leurs réservistes. C’est le cas pour les 34 réservistes qui assurent un soutien opérationnel à l’opération « Serval » au Mali, hors forces spéciales. Selon le Conseil supérieur de la réserve militaire, le nombre de réservistes opérationnels (payés à la journée selon leur grade) est passé de 18.162 en 1999 à… 57.187 en 2011, dont 20 % d’officiers, 38 % de sous-officiers et 42 % de militaires du rang. Celui des « réservistes citoyens », bénévoles chargés du rayonnement des armées, a été de 2.660 (16 % de femmes) en 2011, dont 67 % d’officiers supérieurs, 22 % d’officiers subalternes, 10 % de sous-officiers et 1 % de militaires du rang. La Gendarmerie a accueilli son 1.000ème réserviste citoyen le 13 février 2013. Pourtant, en période de restriction budgétaire comme en 2012, la réserve sert de variable d’ajustement. Les armées privilégient en effet les réservistes opérationnels susceptibles de les servir 40-50 jours par an, alors que la moyenne est de 25 j/an. Le moral des laissés-pour-compte s’en ressent. Pour remédier à cet état de fait, le ministère de la Défense a défini cinq priorités pour 2013 : valoriser les collectivités locales et les « correspondants-défense » ; mettre en avant les réservistes opérationnels et citoyens ; susciter l’adhésion des entreprises et des administrations partenaires ; associer le ministère de l’Education nationale et celui de l’Enseignement supérieur et de la Recherche ; coopérer avec les associations de réservistes.

Loïc Salmon




Armée de Terre : professionnalisme et inquiétude

L’armée de Terre, malgré la réduction de son format, peut remplir ses missions, y compris en coopération. Toutefois, les difficultés budgétaires pourraient l’empêcher de tenir son rang dans la durée.

Telle est l’opinion exprimée, le 11 juillet 2012, par son chef d’état-major, le général d’armée Bertrand Ract-Madoux, devant l’Association des journalistes de défense.

Seules, les opérations de guerre, comme en Afghanistan et en Libye, nécessitent l’engagement d’hélicoptères de combat. En Afghanistan, ils servent à l’appui des unités terrestres et au ramassage des blessés. Il en restera probablement quelques uns sur place après le retrait des troupes fin 2012. « Nos hommes sont courageux et se sont montrés intelligents quand il a fallu s’adapter à une évolution de la stratégie depuis un an ». Les talibans ont abandonné le combat frontal au profit des attaques suicides et des tirs fratricides, qui affectent le lien de confiance entre les troupes afghanes et internationales. Le Service de santé français soigne beaucoup de civils… qui constituent 90 % des pertes ! Les talibans, qui ne tiennent pas à la vie, tirent de façon aveugle. Par ailleurs, pour éviter leur infiltration dans les troupes régulières, les autorités afghanes font converger les activités de leurs services pour filtrer le recrutement. En outre, des soldats français participent directement à la sécurité des instructeurs français. En Libye, même s’il n’y a pas eu officiellement de troupes engagées au sol, 15 hélicoptères et 200 hommes ont participé à l’opération « Harmattan ». Ils ont détruit 600 objectifs de nuit, au cours de raids effectués au ras du sol. « On a eu beaucoup de chance de ne déplorer aucune perte », bien que les équipages soient entraînés à agir en toute discrétion et avec des appareils de vision nocturne. Toutefois, une opération purement aérienne ne donne qu’un résultat partiel, estime le général Ract-Madoux qui ajoute : « Tous les conflits commencent à terre et finissent à terre ». Au Sahel, l’armée de Terre n’a pas été sollicitée pour une planification d’ampleur, qui relève du chef d’Etat-major des armées. Il n’y a guère de communication officielle sur cette région, où sont impliqués les forces spéciales, les services de renseignement et un dispositif diplomatique permanent. La planification d’une opération terrestre serait très complexe en raison des grandes distances à parcourir dans le désert malien, milieu extrêmement difficile. Enfin, une mission en Syrie, entreprise sous mandat de l’ONU, serait plutôt humanitaire au sens large (1), donc très différente d’une intervention offensive consistant à combattre l’un des protagonistes.

Le modèle de l’armée de Terre ne devrait pas connaître de rupture, vu l’absence de bouleversements stratégique depuis 2008. Elle prépare tous les types de missions pour répondre aux besoins exprimés par une organisation internationale ou un pays ami, qui demanderait du secours ou un coup de main. Toutefois, elle va perdre de la visibilité en France, car ses effectifs vont descendre à 100.000 personnels sur une population de plus de 60 millions d’habitants. Elle aura perdu 25.000 postes entre 2008 et 2015 et en aura transféré autant dans les services interarmées. Les économies budgétaires, déjà entreprises depuis quelques années, vont toucher les flux : fonctionnement, soutien et effectifs. « Ce sera très difficile et douloureux, car nous sommes arrivés à un plancher en termes de fonctionnement et d’activités et on devra saupoudrer (les économies) partout ». Faute de capacité logistique (stocks et disponibilité) suffisante, il n’est guère possible de tenir dans la durée les exigences du Livre blanc 2008 sur la défense et la sécurité nationale. Les troupes régulières doivent pouvoir participer à la reconstruction d’un pays… après une phase très dure de combats ! Les forces spéciales doivent alors être ramenées et utilisées en va-et-vient. Quoiqu’intégrant des éléments de la Marine et de l’armée de l’Air, celles-ci complètent les forces terrestres. Par ailleurs, les armes capables de détruire à distance ne suffisent pas pour gagner sur le terrain, souligne le général Ract-Madoux.

La coopération fonctionne bien avec les armées de Terre italienne, allemande et britannique. Des projets sont en cours avec la Grande-Bretagne, en vue de pouvoir engager une force terrestre de deux brigades sous un commandement commun. Les procédures opérationnelles et la langue de travail (l’anglais) sont les mêmes, quoique l’interconnexion des systèmes d’information présente encore des difficultés. Des équipements communs sont à l’étude : drones et canons de 40 mm pour les futurs véhicules blindés. Les drones tactiques correspondent en effet aux besoins des deux armées. Les SDTi (système de drone tactique intérimaire) français ont quitté l’Afghanistan début juillet, après un travail qualifié d’exceptionnel. Les images de certains engagements serviront à préparer les engagements futurs dans de bonnes conditions.

Les réserves devraient être appelées à jouer un rôle accru dans les deux armées. Elles totalisent 10.000 personnels pour une armée de 82.000 militaires d’active en Grande-Bretagne, contre 16.000 pour 100.000 hommes en France. Or, constate le général Racht-Madoux, les réservistes sont surtout des fonctionnaires, car les contreparties accordées aux entreprises ne suffisent pas à compenser leurs pertes occasionnées par les absences temporaires de leurs personnels partis en périodes. Beaucoup de réservistes du secteur privé ne peuvent donc en effectuer que pendant leurs vacances. Il faudrait une adaptation législative et un budget suffisant, alors qu’aujourd’hui il est inférieur à 50 M€ par an. De plus, les crédits des réserves sont rognés après chaque crise. Enfin, souligne le chef d’état-major de l’armée de Terre, « sans garantie de crédits, on ne peut faire de grands projets ».

Loïc Salmon

(1) Un groupement médico-chirurgical est opérationnel à la frontière jordano-syrienne depuis le 14 août.

Le général d’armée Bertrand Ract-Madoux est chef d’état-major de l’armée de Terre depuis le  1er septembre 2011. A sa sortie de l’Ecole spéciale militaire de Saint-Cyr en 1972, il choisit l’arme blindée et cavalerie. Breveté d’études militaires supérieures, il est auditeur du Centre des hautes études militaires et de l’Institut des hautes études de défense nationale. Il a notamment commandé le 1er Régiment de spahis (1995), le Bataillon N°2 de l’IFOR en ex-Yougoslavie (février-juin 1996) et la 2ème Brigade blindée (2002). Au cours de cette dernière affectation, il a assuré le commandement tactique  des forces françaises en Côte d’Ivoire (octobre 2003-février 2004) dans le cadre de l’opération Licorne. Enfin, il a été le « numéro deux » de la Direction générale de la sécurité extérieure (DGSE) pendant quatre ans (2007-2011). Titulaire de la croix de la Valeur militaire avec deux citations, le général Ract-Madoux est commandeur de la Légion d’Honneur et de l’Ordre national du Mérite. Bernard Fanucchi (à droite) est président de l’Association des journalistes de défense.




Coalition 2012 : exercice majeur d’état-major à l’Ecole de guerre

L’Ecole de guerre, qui forme des officiers supérieurs français et étrangers, inclut un exercice annuel de simulation interarmées de niveau OTAN dans son cursus. Dénommé « Coalition », celui-ci prend en compte l’environnement politique, diplomatique et médiatique d’une crise. Une journée de sensibilisation a été organisée le 15 mars 2012, à l’Ecole militaire de Paris, pour les attachés de Défense étrangers et la presse.

Le scénario, à configuration ouest-européenne fictive, implique une « Confédération », une « Alliance » et des Etats neutres. Il s’agit, pour les participants, de faire travailler toutes les composantes de chaque camp, qui prend tout à tour l’initiative. Des considérations juridiques et économiques entrent aussi en jeu, sans oublier les aspects « asymétriques » de l’affrontement, arbitré par un système informatique du Centre de simulation de théâtre (18 permanents et 4 réservistes). Celui-ci prépare et conduit le scénario et valide les méthodes d’action en coordination avec le Centre interarmées de concepts, doctrines et expérimentations (voir rubrique « Archives » 31-08-2011). Des conseillers tactiques assurent l’interface entre la simulation et les stagiaires. Un shelter militaire, installé dans la cour de l’Ecole de guerre, abrite les équipements informatiques qui traduisent les renseignements techniques en renseignements tactiques pour les composantes aérienne, maritime et terrestre. Enfin, la Direction de l’exercice maintient l’équilibre entre les deux camps et procède à des calages, matin et soir, avec les unités et les « mentors » pour garder le conflit à un niveau raisonnable de violence et éviter la montée aux extrêmes. L’objectif n’est pas de gagner à tout prix, mais de comprendre comment les choses se passent, de favoriser les interactions et de stimuler la réflexion des stagiaires. Les forces armées sont dirigées par l’Etat-major interarmées stratégique (8 personnes dont des officiers étrangers), qui assure la liaison avec les autorités politiques, dont il concrétise les directives et les objectifs en ordres opérationnels. Il vérifie que Coalition 2012 se déroule conformément au plan initial, comme, par exemple, l’emploi de réfugiés comme boucliers humains ou de sociétés militaires privées à un moment donné. Il tient à jour une carte « politique » par sa connaissance de l’action réelle sur le terrain. Au-dessous, sur le plan militaire de théâtre, chaque camp a son PC, dont l’état-major interarmées de 40 personnes correspond, dans la réalité, à 60-100 personnels pour mettre en œuvre des forces combinées de 80.000 hommes. Il traite les aspects militaires, civilo-militaires et politico-militaires, à savoir les incertitudes étatiques. Il s’agit surtout de faire circuler l’information entre ses cellules (renseignement, logistique et conduite des opérations) et de coordonner l’action des composantes tactiques «  terre », « air », « mer » et « forces spéciales », qui ont leurs propres cellules. La composante « terre » dispose d’un état-major de 16 officiers (60 à 150 dans la réalité) pour la planification à 72 heures et la conduite de son action spécifique. La composante « air » (8 personnes) évalue les besoins en support aérien, mais ne conduit pas les opérations aériennes. La composante « mer » (une dizaine de personnels) établit la planification de son groupe aéronaval en coordination avec la précédente, en vue du débarquement des troupes alliées avec ses moyens amphibies. Elle assure la protection, par bâtiments de surface et sous-marins, des 2 convois civils qui acheminent des renforts en provenance d’Amérique du Sud. La composante « forces spéciales », qui planifie des opérations de niveau stratégique, compte 3 personnes correspondant à un état-major de 200 hommes pour 4.000 déployés sur le terrain.

Les intervenants extérieurs, à savoir les diplomates et les organisations non gouvernementales, cherchent à stabiliser la situation sur le terrain et à établir des couloirs humanitaires pour garantir la survie des populations. Cela implique des négociations avec le secrétariat général de l’ONU, représenté, dans Coalition 2012, par… un ancien ambassadeur africain à l’ONU ! Le Centre d’études diplomatiques et stratégiques, forme des diplomates et des officiers supérieurs d’une quarantaine de pays. Les autorités politiques commandent aux militaires. Or, le jeu politique est complexe : rapports internes conflictuels et revendications officielles et officieuses. Avec la disparition de deux blocs de la guerre froide, les Etats neutres se trouvent au cœur des conflits pour négocier des solutions. Celles-ci s’élaborent aux niveaux politique et diplomatique. Dans la réalité, le décideur définit une position officielle, mais il est influencé par ses conseillers. Les médias tirent profit de toutes les sources et les exploitent pour la télévision, la radio, la presse écrite et le « web » (internet). Les élèves-journalistes, âgés de 20-21 ans, sont en deuxième année d’un cursus de trois ans. Leur école, l’Institut supérieur de la communication, de la presse et de l’audiovisuel, participe à l’exercice Coalition depuis plusieurs années. Deux journaux télévisés d’une vingtaine de minutes sont réalisés chaque jour à l’Ecole de guerre à partir de dépêches fictives des agences AFP et Reuters, complétées par des « plateaux » de présentation, des reportages sur le terrain et des interviews en direct. La radio  émet un « flash » toutes les heures et deux journaux par jour. Les journaux télévisés et radio sont diffusés dans toutes les salles de l’exercice. Pour la presse écrite, deux quotidiens recherchent un équilibre dans la présentation du conflit, mais avec un point de vue conforme à la sensibilité de leur camp respectif. Un troisième, de six pages, est réalisé le soir et distribué aux militaires le lendemain matin. Un site « web » met en ligne 40 dépêches par jour avec un article de fond, des photos, des interviews MP3 et même un « forum » pour les populations. Les deux camps organisent une conférence de presse quotidienne. Coalition 2012 est particulièrement complexe, car les choses ne se passent jamais comme elles le devraient. « Il faut bien commander et anticiper », conclut le contre-amiral commandant le PC de l’Alliance.

Loïc Salmon

L’exercice Coalition2012 s’est déroulé du 27 février au 9 mars, pour la planification, et du 12 au 17 mars pour la conduite proprement dite. Il a mobilisé 537 personnes, dont 263 stagiaires de l’Ecole de guerre, l’ensemble des cadres de l’Ecole et du Centre de simulation pour la formation, l’entraînement et l’expérimentation, 3 officiers généraux, l’Etat-major interarmées de forces et d’entraînement, le Commandement des opérations spéciales, les armées de Terre et de l’Air et la Marine nationale, une vingtaine d’opérateurs de simulation commune au niveau théâtre d’opérations (JTLS dans la nomenclature OTAN), des officiers des pays partenaires, 80 élèves-journalistes et 10 cadres de l’Institut supérieur de la communication, de la presse et de l’audiovisuel, 40 auditeurs et cadres du Centre d’études diplomatiques et stratégiques, le ministère des Affaires Etrangères et Européennes, l’UNITAR (Institut des nations unies pour la formation et la recherche) et enfin des réservistes.