Espace : CSO, renouvellement des moyens militaires français

La Composante spatiale optique (CSO), constellation de trois satellites d’observation, d’écoute, de surveillance et de télécommunication du programme MUSIS, va remplacer, d’ici à 2021, les deux satellites Hélios 2A et 2B en orbite.

Elle a été présentée à la presse le 11 décembre 2018 à Paris, à l’occasion du lancement du premier satellite CSO, le 19 décembre au Centre spatial guyanais. Sont intervenus : Hervé Grandjean, conseiller de la ministre des Armées pour les affaires industrielles ; le commandant (Air) officier du programme MUSIS-CSO à l’Etat-major des armées ; l’ingénieur en chef de l’armement directeur du programme MUSIS-CSO ; Gilles Chalon, chef du service observation défense du Centre national d’études spatiales (CNES).

Innovations technologiques. La loi de programmation militaire 2019-2025 mobilisera 3,5 Md€ pour le programme CSO. D’une durée de vie de dix ans et d’un poids de 3,5 t, chaque satellite doit évoluer sur une orbite de 800 km pour la reconnaissance et une de 480 km pour l’identification. Il embarque une charge optique infrarouge et une charge optique visible, à savoir panchromatique (noir et blanc) et multispectrale (couleur haute définition). De Toulouse, le CNES assure le maintien à poste des satellites et le calcul de leur plan de travail ainsi que le maintien de la qualité image durant toute leur vie. Le suivi technique est assuré à Creil, par le Centre militaire d’observation par satellite, et le contrôle opérationnel par la Direction du renseignement militaire. Les utilisateurs demandent des images en vue d’analyse, selon le cycle priorisation/hiérarchisation, production et livraison (photo). La qualité d’image, unique en Europe, et l’imagerie stéréoscopique résultent d’innovations pour les plans focaux et la fabrication du téléscope de grand diamètre. Capable de prendre 800 vues/jour avec recherche et analyse automatique par l’intelligence artificielle, le satellite CSO acquiert, au cours d’un seul survol, de nombreuses images sur la même zone géographique. Il mesure sa position et corrige lui-même sa trajectoire par calcul des manœuvres à effectuer et activation du système de propulsion.

Atouts opérationnels. Le CSO complet appuiera les opérations militaires, de jour comme de nuit, sur une zone de crise en simplifiant le travail des opérateurs et analystes au sol. Réactif grâce au réseau mondial de stations au sol, il s’adaptera au rythme des opérations, qui réclament des données précises et récentes de localisation. Il permettra de constituer des dossiers de ciblage, par le suivi des sites d’intérêt militaire, de contrôler le respect des traités internationaux et d’évaluer les menaces. Celles-ci s’exerceront au sol, dans l’espace (éblouissement par arme à énergie dirigée) ou sur la liaison sol-espace (cyberattaques). Elles incluront l’espionnage, le sabotage, le déni de service et la neutralisation d’un satellite. Les menaces futures, plus graves, et les vulnérabilités de CSO seront prises en compte. Actuellement, 750.000 débris (supérieurs à 5 cm) en orbite peuvent compromettre la capacité d’action militaire. L’imagerie optique d’Hélios 2 et de CSO se complète par l’imagerie radar, grâce à des accords bilatéraux d’échange avec l’Italie (système Cosmo-Skymed puis CSG) et l’Allemagne (SAR-Lupe puis SARah). Un accord avec la Suède permet à CSO d’utiliser sa station sur le cercle polaire, toutes les 90 minutes. La Belgique a conclu un accord d’accès aux images CSO et des négociations sont en cours avec d’autres pays européens. Enfin, le nombre de satellites en orbite, de 1.500 en 2018, passera à 6.000-7.000 en 2025.

Loïc Salmon

Espace exo-atmosphérique : compétition stratégique

Guyane : zone stratégique sur le continent sud-américain

DRM : des moyens de haute technologie pour le recueil de renseignements




Armée de Terre : opérations et relations internationales

La France n’agissant pas seule dans le monde, le « partenariat militaire opérationnel » a remplacé l’ancienne « coopération militaire » pour aller jusqu’à l’engagement armé si nécessaire.

Cette question a été abordée au cours d’un colloque organisé, le 27 novembre 2019 à Paris, par l’Etat-major spécialisé pour l’outre-mer et l’étranger. Y sont notamment intervenus : le général de corps d’armée François-Xavier Le Pelletier de Woillemont, secrétaire général adjoint de la défense et de la sécurité nationale ; Hervé de Charette, ancien ministre des Affaires étrangères (1995-1997) ; Bertrand Badie, professeur à l’Institut d’études politiques de Paris et au Centre d’études et de recherches internationales ; le colonel des troupes de marine Thomas Pieau, projeté sur les théâtres d’opérations en Bosnie, en Afghanistan et au Liban ; le capitaine Charles Allègre, officier adjoint à la compagnie permanente du 9ème Régiment d’infanterie de marine en Guyane.

L’action militaire. L’interculturalité permet aux forces armées françaises de combattre au loin dans un environnement, sinon favorable, du moins peu hostile, souligne le général Le Pelletier de Woillemont. Elle transforme les procédures, la doctrine et l’entraînement pour agir mieux ensemble entre partenaires et alliés, acquérir l’expérience opérationnelle et la partager pour anticiper l’action de l’adversaire. Elle évite une forme d’isolement physique, linguistique et culturel, pour remplir la mission avec efficacité. Elle permet l’équilibre entre protection des soldats et proximité avec la population. Ainsi l’opération « Barkhane » dans la bande sahélo-saharienne implique 5 pays avec 5 cultures différentes, unifiées par la langue française. La France y agit pour assurer sa propre sécurité et celle de populations locales qu’il convient de respecter. La solidité d’une armée, rappelle le général, repose sur sa chaîne hiérarchique et sa capacité à tenir le terrain au contact. Les soldats français combattent donc ensemble avec leurs partenaires africains. Pour vivre au milieu d’autres cultures, les missions de longue durée (2-4 ans) sont préférables aux affectations de 4 mois de diverses unités, qui tournent trop vite au sein de « Barkhane ». Il incombe aussi aux armées africaines de « gagner les cœurs et les esprits », car les forces françaises partiront un jour. S’y ajoute le risque que les unités françaises soient gagnées à la cause des populations au sein desquelles elles vivent. Par ailleurs, indique le général, la France, dont la culture n’est plus dominante, promeut certaines valeurs universelles comme l’état de droit, le multilatéralisme et la dignité humaine. Or, parallèlement au besoin d’enracinement dans une société, se profilent les affirmations d’identité, de culture et de rapport de forces.

Le travail en amont. Depuis 2008, les troupes françaises sont mises en situation d’interculturalité aux niveaux individuel et collectif, indique le colonel Pieau. L’adaptation se fait en fonction des besoins à partir du plus petit échelon pour éviter les maladresses. L’état-major prépare l’approche tactique selon des méthodes de comportement validées par le chef, qui négocie avec les autorités locales. Une observation décalée permet une analyse plus fine, sachant que la conquête des cœurs et des esprits s’inscrit dans la durée.

L’action diplomatique. Pour défendre ses intérêts, la France prend en compte l’identité de ses interlocuteurs, dont la connaissance lui permet de se faire reconnaître par eux et de respecter leurs différences et particularités, indique Hervé de Charette. Elle doit privilégier l’ouverture sur le monde et éviter l’arrogance pour y conserver son influence et sa place. Parler avec tout le monde implique de ne pas placer les valeurs occidentales au-dessus des autres, mais ne signifie pas renoncer à celles d’une portée universelle, comme les droits de l’Homme. Une dimension affective entre dans la politique étrangère, comme l’a montré l’action de la diplomatie française en 1996, lors de l’opération israélienne « Raisins de la colère » contre le Liban, dans un contexte de tensions avec les organisations politico-militaires Hamas et Hezbollah. Adepte de la « diplomatie militaire », Israël recourt à la force chaque fois qu’il le juge nécessaire pour atteindre ses objectifs. Or, la France attache de l’importance à la souveraineté du Liban, sa première carte d’influence dans la région, pour relancer sa politique arabe et méditerranéenne. Une équipe de diplomates chevonnés, dirigée par le ministre des Affaires étrangères (Hervé de Charette), fait la navette pendant 15 jours entre Tel Aviv, Beyrouth, Damas et Le Caire. Elle obtient un cessez-le feu…qui va durer 4 ans ! Ce succès repose sur la longue expérience de la diplomatie française au Moyen-Orient. La solution a nécessité un dialogue avec la Syrie, qui encourageait le Hezbollah, et avec l’Iran, son principal fournisseur d’armement et inspirateur religieux. Les Etats-Unis considéraient Israël comme leur seul interlocuteur dans la région et refusaient l’intervention d’un pays tiers, mais n’avaient plus de relations diplomatiques avec l’Iran. La France avait accepté d’avance d’en subir les conséquences éventuelles.

La reconnaissance internationale. Le système westphalien (1648) a instauré la reconnaissance mutuelle des Etats sur les plans juridique, politique (leur rôle à jouer) et culturel (égalité et découverte de l’autre), explique Bertrand Badie. Toutefois, il s’ensuit une compétition entre Etats, en rivalité permanente, et un classement hiérarchique. L’entrée de l’idée d’universalité dans l’histoire philosophique européenne a débouché sur l’évangélisation puis la colonisation. En Occident, la découverte de l’altérité s’est manifestée par la solidarité aux niveaux national (XIXème siècle), puis international (XXème siècle). Ensuite, la mondialisation de l’interculturalité a entraîné interdépendance et migrations. La culture, dont la définition varie avec le temps, a servi d’emblème. Lors des décolonisations, l’imposition de systèmes étatiques étrangers a suscité un sentiment d’aliénation de leur propre culture au sein des anciennes colonies. Le passé structure les comportements sociaux. L’altérité a été perturbée par l’humiliation du « dominé », paramètre incontournable des relations internationales, souligne Bertrand Badie. Elle entraîne des diplomaties de la revanche, où l’humilié va chercher à imposer l’humiliation à son tour, et de la réparation par l’ancien pays dominateur.

Loïc Salmon

Les distances et les difficultés de communication imposent la culture de l’autonomie, estime le capitaine Allège (photo), à l’issue d’une étude comparative des missions de combat au Tonkin (journaux de marche 1945-1954) et de lutte contre les orpailleurs clandestins en Guyane (son propre carnet de bord). Milieu difficile, la forêt équatoriale mettant hommes et matériel à rude épreuve, il s’agit d’apprendre de ceux qui y vivent en permanence et d’adapter la logistique. Pour comprendre sa manière de réagir, il faut se mettre à la place de l’adversaire, rustique et qui maîtrise ce milieu. Le succès de la mission dépend de sa durée et du soutien de la population locale, composante essentielle de la mission. Le rapport humain facilite le recrutement local et permet de transformer un adversaire en allié potentiel…à condition de savoir l’utiliser !

Armée de Terre : prise en compte de « l’interculturalité »

Opex, des vies pour la France

Armée de Terre : gagner la paix après l’intervention en Opex

 

 




Défense : opération « Résilience » contre le covid-19

Le ministère des Armées a déclenché l’opération « Résilience » dès le 18 mars 2020, pour contribuer à la lutte quotidienne contre l’épidémie de covid-19 (coronavirus), tout en maintenant ses activités de défense et de sécurité.

Les mesures sanitaires de prévention sont appliquées au sein de chaque unité, direction et service pour limiter la propagation du covid-19 au sein des armées. Les plans de continuité des activités sont déclinés pour assurer la permanence des missions : dissuasion nucléaire, en mer et dans les airs ; lutte contre le terrorisme sur le territoire national (opération « Sentinelle ») et sur les théâtres d’opérations extérieurs (« Barkhane » au Sahel et « Chammal » au Levant) ; protection de l’espace aérien et des satellites ; surveillance et sauvegarde maritimes ; lutte contre les trafics. Les relèves ont lieu tous les 15 jours. Des hélicoptères ont évacué des patients français vers des hôpitaux allemands et suisses.

Moyens déployés. L’opération « Résilience » déploie 40.000 militaires sur le territoire national et en opérations extérieures et met 12.000 pompiers militaires à la disposition du ministère de l’Intérieur. Pendant la semaine du 21 au 27 mars, le Service de santé des armées (SSA) a monté à Mulhouse (département du Haut-Rhin) un « élément militaire de réanimation » avec des équipements médicaux lourds et du personnel soignant venu de toute la France : 30 lits de réanimation pour des patients intubés et ventilés ; 83 personnels du SSA et 8 auxiliaires santé du Régiment médical de l’armée de Terre ; 30 personnes chargées de la logistique ; 182 t de matériel dans 23 conteneurs. En outre, « Résilience » a mobilisé : le porte-hélicoptères amphibie Tonnerre, qui dispose d’un hôpital embarqué avec deux salles d’opération et 69 lits médicalisés ; l’avion polyvalent A330 Phénix, équipé du module MORPHEE (MOdule de Réanimation pour Patient à Haute Elongation d’Evacuation). Ce dernier, basé à Istres (photo), a évacué 6 patients de Mulhouse vers les hôpitaux militaires de Marseille et Toulon, puis 6 autres de Mulhouse vers le centre hospitalo-universitaire (CHU) de Bordeaux et enfin 6 nouveaux patients de Mulhouse vers les CHU de Brest et Quimper. Des moyens logistiques militaires ont acheminé des masques vers des stockages dédiés dans tous les départements de la Région Auvergne-Rhône-Alpes. Parti de Toulon, le Tonnerre a embarqué 12 patients à Ajaccio (Corse) à destination de Marseille pour une prise en charge par les hôpitaux de la Région de Provence-Alpes-Côte d’Azur. Sur l’île de La Réunion, le Régiment du service militaire adapté à mis en place une structure modulaire d’accueil pour le CHU de Saint-Pierre.

Recherche biomédicale. En janvier, l’Institut de recherche biomédicale des armées (IRBA) participe à la sécurisation du rapatriement des ressortissants français en Chine. Depuis le 11 mars, il met en œuvre une chaîne de diagnostic à grande capacité pour la Force océanique stratégique et le SSA. En outre, les experts de l’IRBA délivrent des formations sur les sites de Creil, de Balard, d’Istres et de l’élément militaire de réanimation de Mulhouse : procédures d’habillage/déshabillage ; délimitation de zones ; port des équipements de protection individuelle. Ils évaluent les procédés de désinfection : rédaction de procédures ; évaluation du risque résiduel ; prélèvements environnementaux analysés par le Centre de maîtrise radiologique, biologique et chimique de la Délégation générale de l’armement.

Loïc Salmon

Service de santé : médecine de guerre, efficacité maximale

Service de santé : renforcement des capacités biomédicales

Opex : la chaîne de santé, une course contre le temps




Défense : les infrastructures, de la construction à l’expertise

Le Service d’infrastructure de la défense (SID) intervient, partout et en tout temps, pour assurer la résilience du ministère des Armées, des hébergements aux grands programmes d’armement et sites nucléaires.

Son directeur central, le général de corps d’armée Bernard Fontan, l’a présenté à la presse, au cours d’une visioconférence à Paris le 27 mai 2021.

Eventail complet de capacités. Placé sous l’autorité du Secrétariat général pour l’administration, le SID construit et adapte les infrastructures des forces armées, directions et services, en métropole, outre-mer et opérations extérieures (Opex). Outre la maintenance lourde des infrastructures communes, il réalise celles destinées à l’entraînement des forces et à la collecte de données. En Opex, il met en œuvre centrales électriques, installations pyrotechniques, centres médico-chirurgicaux et unités de traitement de l’eau (captage, filtrage, distribution, retraitement des eaux usées et leur rejet dans la nature). Ses 6.600 personnels (67 % civils et 33 % militaires) traitent 4.100 immeubles et 2,7 Mdsm2 de terrain, 30,5 Mm2 de surface bâtie et 230 M€ d’achat d’énergie. Leurs domaines de compétences incluent les ports, installations nucléaires, centres de traitement des déchets, monuments historiques et forêts.

Programmes majeurs. Dans le cadre de la loi de programmation militaire 2019-2025, le SID réalise notamment les infrastructures d’accueil et de soutien des sous-marins d‘attaque Barracuda à Toulon et les travaux à l’Ile Longue (Brest), base de la Force océanique stratégique. Pour l’armée de l’Air et de l’Espace, il adapte les infrastructures des bases de Mont-de-Marsan et d’Orange pour le soutien des avions de chasse Rafale. Il reconfigure la base d’Istres pour l’accueil des Airbus A330 MRTT de la 31ème Escadre aérienne de ravitaillement et de transport stratégique dédiée à la dissuasion nucléaire. Pour l’armée de Terre, le SID réalise les infrastructures relatives au programme de combat collaboratif Scorpion (écoles, centres de maintenance et régiments).

Organisation. Créé en 2011, le SID a réalisé un maillage fin du territoire, indique le général Fontan. Son réseau s’articule autour d’une direction centrale, d’un centre d’expertise et d’un centre national de production à Versailles et de sept établissements répartis en métropole. Ces derniers comprennent 49 unités de soutien au plus près des bases de défense, qui disposent d’antennes pour soutenir les régiments, bases aériennes et navales ainsi que les centres de la Direction générale de l’armement. A ces quelque 200 sites s’ajoutent les unités implantées hors du territoire métropolitain, à savoir à Cayenne (Guyane), Fort-de-France (Martinique), Nouméa (Nouvelle-Calédonie), Papeete (Polynésie française), Saint-Denis (La Réunion), Abou Dhabi (Emirats arabes unis), Abidjan (Côte d’Ivoire), Dakar (Sénégal), Libreville (Gabon) et Djibouti. Le SID suit les consommations d’énergie et optimise les contrats d’achat d’électricité et de gaz. Il assure la transition énergétique globale en identifiant les sites les plus gourmands, afin de diminuer leur consommation, respecter les objectifs de réduction des émissions de gaz à effet de serre et de recourir aux énergies alternatives. Cela implique le remplacement des chaudières à gaz, l’arrêt du charbon en 2024 et l’installation de panneaux photovoltaïques. Depuis 2017, le SID recrute plus de 400 personnes par an. Son budget est passé de 1,5 Md€ en 2015 à 2,1 Mds€ en 2020.

Loïc Salmon

Défense : relance de la politique immobilière des armées

La sûreté nucléaire des installations de défense

Défense : la stratégie énergétique, un atout opérationnel pour la résilience




Marine nationale : le CEPPOL, outil contre la pollution en mer

Le Centre d’expertises pratiques de lutte antipollution (CEPPOL) propose, expérimente et détermine les spécificités de contrats d’assistance impliquant armateurs, sociétés de classification et assureurs.

Son commandant, un capitaine de frégate, a présenté cette lutte au cours d’une conférence organisée, le 30 mars 2022 à Paris, par le Centre d’études stratégiques de la marine.

Veille et actions. Les quantités de produits polluants, en majorité des hydrocarbures, déversés dans la mer augmentent. La pollution dure de quelques jours, par évaporation ou dispersion par émulsion/eau huile, à plusieurs mois par la biodégradation des goudrons et jusqu’à des années en cas de sédimentation au fond de la mer. Les nappes de pétrole de 20 à 30 m de diamètre contiennent 90 % d’eau, qu’il faudra rejeter à la mer. Le reliquat (photo) sert de combustible aux centrales électriques thermiques. Quand un pétrolier ou un chimiquier se signale en détresse, des drones permettent de détecter les fuites éventuelles d’hydrocarbures ou de produits dangereux. La lutte contre la pollution maritime présente des parallèles avec une opération militaire, indique le capitaine de frégate. Un comité d’experts anticipe, pendant deux à cinq jours, les actions à mener grâce à la surveillance de ces navires, par des moyens navals, aériens et satellitaires, leur dérive prévisible, l’analyse de leur comportement et leur vieillissement. En cas d’alerte, un aéronef arrive sur zone dans les deux heures et un navire antipollution dans les 24 heures. La logistique opérationnelle évalue ce qu’il est possible de faire dans les quatre jours : recherche des moyens ; mouvements des matériels ; soutien technique en cas d’avarie. Les techniques de lutte varient selon le degré de pollution. S’il est très faible, l’évaporation, la dispersion et la dissolution naturelle suffiront. L’observation constante permet d’agir dans de bonnes conditions techniques et météorologiques pour préserver la population et les usagers de la mer. L’action à la source de la pollution consiste à alléger le navire en difficulté, par un transbordement de sa cargaison sur un autre, le ceinturer par un barrage flottant et pomper les produits polluants à partir de la brèche détectée, qui sera colmatée. L’action sur le produit polluant consiste en : une dispersion, variable selon ses caractéristiques et les zones ; un confinement, pour le récupérer ou le « chaluter » (photo) ; un brassage, s’il s’agit de gazole ou d’un produit chimique volatile non dangereux. Enfin, la protection des cibles de la pollution nécessite le déclenchement du plan ORSEC, au niveau départemental et de la zone de défense (plan Polmar terre).

Organisation nationale. Les sociétés de classification certifient la tenue des navires à la mer. En cas d’accident, l’armateur doit réagir en premier auprès de son assureur. La Marine intervient gratuitement pour sauver des vies humaines, mais facture son assistance au navire pollueur. L’action de l’Etat en mer relève du Premier ministre, qui dispose du Comité interministériel de la mer (12 ministres) et du Secrétariat général de la mer. L’amiral préfet maritime de zone dirige les opérations de secours et les interrompt lorsqu’il n’y a plus d’espoir. Le plan ORSEC maritime place la lutte contre la pollution après les recherche et sauvetage et l’assistance aux navires en difficulté. La Marine forme 150-200 personnels à cette lutte et organise un entraînement majeur chaque année en métropole et tous les deux ans en outre-mer.

Loïc Salmon

Marine nationale : le « MICA Center », compétence mondiale

Manche et mer du Nord : l’urgence et la gouvernance

Afrique : exercice majeur sur la sécurité maritime régionale