Marine : Patmar et Forfusco, de l’action de l’Etat en mer au combat

Le succès de certaines opérations aéromaritimes et aéroterrestres repose parfois sur la complémentarité de deux cultures de marins accomplis dans leur métier : celle de la Patrouille maritime (Patmar) et celle de la Force maritime des fusiliers et commandos (Forfusco).

Cette impression ressort de deux conférences prononcées lors d’une visite organisée, les 5 et 6 octobre 2022 dans deux sites de la Marine nationale en Bretagne, par l’Association nationale des croix de guerre et de la valeur militaire. Sur la base aéronavale (BAN) de Lann-Bihoué, le capitaine de frégate commandant la flottille 23 F a présenté la Patmar et, à Lanester, le capitaine de frégate féminin, chef de cabinet de l’amiral commandant la Forfusco, a présenté cette dernière.

Patmar, vite, loin et en autonomie. La Patmar comprend deux flottilles (21 F et 23 F) totalisant chacune 240 marins et 10 à 14 avions Atlantique 2 (ATL2, photo). Un équipage se constitue en plusieurs années par la formation élémentaire, les qualifications avancées et la vie opérationnelle. Les missions varient de 5 heures à 1.000 milles marins (1.852 km) à 8 heures à 500 milles (926 km). Chaque ATL2 embarque un équipage de 14 personnes réparties entre le cockpit et la tranche tactique. Trois fonctions sont assurées par 4 marins dans le cockpit : le commandant de bord (officier), chef de mission ; le pilote (officier) ; les deux mécaniciens de bord conseillers techniques chargés de la conduite machine et de la préparation de l’avion et du chargement. La tranche tactique est occupée par 10 personnes : le coordonnateur tactique (officier) ; 3 techniciens responsables de la radio, de la guerre électronique et des transmissions satellitaires ; 3 navigateurs et radaristes ; 1 acousticien ; 1 photographe ; 1 opérateur de prises de vues vidéos. Le plus jeunes acquièrent de l’expérience, grâce au compagnonnage des anciens. Devenus officiers mariniers (sous-officiers), ils se répartissent en spécialités : les mécaniciens pour l’entretien des moteurs, de la cellule, des trains d’atterrissage, des systèmes hydrauliques et autres ; les électroniciens pour l’entretien des radios, du radar, des consoles et des systèmes d’armes et de navigation ; les armuriers pour le chargement des bouées acoustiques, des artifices pour signaux et de l’armement de l’avion. L’ATL2 emporte, en soute, 2 missiles air-mer AM39 Exocet, 6 torpilles MU90 et 4 bombes guidées laser de 125 ou 250 kg. Depuis 2014, la Patmar a déjà tiré 54 de ces bombes au cours des opérations « Chammal » au Levant et « Barkhane » en bande sahélo-saharienne. Dans la lutte anti-sous-marine, l’ATL 2 peut larguer jusqu’à 150 bouées acoustiques, actives ou passives, par mission. A terme, la Patmar disposera de 18 ATL2 rénovés et aux performances améliorées. Fin 2020, 3 avions et 5 équipages ont atteint une première capacité opérationnelle. Un an plus tard, 5 avions et 8 équipages ont été mis en service opérationnel.

Forfusco, capacité multi-milieux. Commandée par un contre-amiral, la Forfusco compte 18 unités et 2.600 marins, dont un état-major de 100 personnes. Par l’interdiction maritime au large et sur le littoral, les 1.800 fusiliers marins protègent notamment les ports de Cherbourg, Brest (y compris les BAN de Lanvéoc et Landivisiau et la base sous-marine de l’Ile Longue), Lorient (BAN de Lann-Bihoué et les Commandos Marine) et Toulon. Les 700 commandos Marine se répartissent en 6 unités à Lorient et 1 à Toulon pour les actions spéciales à terre et en mer. Leur cycle opérationnel de deux ans correspond au temps de commandement d’une unité : 4 mois de remise en condition opérationnelle, 4 mois de déploiement à Djibouti, 4 mois de disponibilité opérationnelle, 4 mois en opérations et 8 mois de disponibilité opérationnelle et de « régénération ». Embarquant sur les frégates, porte-hélicoptères amphibie, hélicoptères et sous-marins, ils disposent d’armements et équipements spéciaux.

Loïc Salmon

Marine nationale : la Patrouille maritime, en alerte permanente

Forces spéciales : création du commando Ponchardier de la Marine nationale

DGA : qualifications du mini-drone Marine et du parachute pour chuteurs opérationnels




Chef de guerre

Les forces spéciales interviennent à l’étranger pour capturer des adversaires, neutraliser des terroristes ou libérer des otages, souvent en milieu désertique ou semi-désertique en Afrique ou au Moyen-Orient.

Elles réalisent entre 50 et 100 missions par an. En raison de l’importance des besoins, les unités commandos des armées de Terre et de l’Air et de la Marine possèdent un corpus commun, pour agir en dehors de leur domaine d’origine en vue de mener à bien la plupart des opérations, même si les plus pointues nécessitent des spécialistes. Elles restent de trois à six mois dans une zone opérationnelle ou un pays en guerre, car une opération complexe nécessite plusieurs semaines de recherche de renseignement avant l’action proprement dite. En accord avec les plus hautes autorités de l’Etat qui tranchent entre deux options possibles, l’officier général commandant les opérations spéciales décide du déroulement d’une mission et du choix de l’unité qui interviendra. Une mission simple sur le papier s’avère en effet compliquée à exécuter sur le terrain. Chaque membre du même groupe possède une ou plusieurs spécialités. Cette polyvalence garantit le remplacement immédiat de ceux qui, pour une raison ou une autre, ne pourraient plus être opérationnels en mission. Un groupe d’une dizaine d’hommes peut ainsi cumuler le savoir-faire de vingt ou trente. Les équipements, à la pointe de la technologie et de l’innovation, permettent plus de rapidité, de légèreté et de mobilité, tout en offrant une meilleure protection et de plus larges possibilités d’action. Ainsi, le tireur d’élite peut être équipé d’un fusil de tir longue distance à canon court et muni d’un « silencieux ». Calibré pour des cartouches de 7,62 mm comme une mitrailleuse, ce fusil permet, en toute discrétion, d’arrêter un véhicule ou de tirer à travers un petit mur sans que la balle soit déviée. Partenaire indispensable dans une intervention, l’hélicoptère d’attaque Tigre dispose d’une grande puissance de feu par son canon, qui tire 37 obus de 30 mm en 3 secondes avec précision. Si la situation devient critique en cours de mission, le chef de groupe doit effacer rapidement tous les éléments d’information de ses équipements électroniques, garder de l’argent liquide et conserver son arme… ultime recours et protection ! Lucidité pendant le combat, confiance mutuelle et cohésion du groupe s’acquièrent par un long et rigoureux entraînement. Chacun doit apprendre un nombre considérable d’informations pour ne pas commettre d’erreurs sur le terrain. Pour ne pas risquer sa vie et celle de ses camarades, il doit maîtriser les techniques d’utilisation de différents types d’armement, d’explosifs, de radios, de matériels d’escalade et d’effraction à coups de bélier, de pied de biche ou à l’explosif. Ainsi, en dehors des missions, l’entraînement des commandos Marine se poursuit sur leur base de Lorient : tirs trois à cinq fois par semaine ; manœuvres en hélicoptère ou en bateau ; séances d’investigation de locaux ; simulations, de jour comme de nuit, d’assaut sur un navire ou de prises d’otages. S’y ajoutent les formations en secourisme, armement et menaces radiologique et chimique. Une mission pouvant en déclencher une autre, le « capital sommeil » doit être renouvelé dès que l’opportunité se présente pour être toujours prêt. Dans la préparation d’une mission, l’adversaire semble une entité théorique mais, sur le terrain, il devient des individus…qui peuvent implorer de les épargner.

Loïc Salmon

 « Chef de guerre », Louis Saillans. Mareuil Éditions, 190 pages. 19,90 €

Forces spéciales : outil complémentaire des forces conventionnelles

Forces spéciales : outil complémentaire des forces conventionnelles

Forces spéciales : opérations selon le droit de la guerre




Mali : le massif de l’Adrar, principale zone d’opération

Quelque 1.200 militaires français, 800 soldats tchadiens et un élément malien ont été déployés dans le massif montagneux de l’Adrar (Nord du Mali), refuge des islamistes. Plusieurs accrochages se sont produits à l’issue de l’opération de reconnaissance « Panthère IV » déclenchée le 18 février 2013. Le 27 février, le bilan s’établit à : 90 djihadistes tués par les Tchadiens et 40 par les Français ; 23 Tchadiens tués ; 1 Français tué et 2 légèrement blessés ; plus de 10 sites logistiques, 15 pick up et 1 véhicule blindé BRDM2 détruits ; un atelier de fabrication d’engins explosifs improvisés démantelé. Selon l’Etat-major des armées, les djihadistes sont très déterminés et conduisent leur action jusqu’au bout sans chercher à se  désengager, ce qui rend la situation particulièrement dangereuse. Deux canons Caesar de 155 mm ont été envoyés dans la région pour compléter l’appui feu aérien (voir plus loin). Panthère IV, terminée dès la localisation de l’adversaire, avait mobilisé 150 hommes des forces franco-maliennes, pour désorganiser les groupes djihadistes et démanteler leurs sanctuaires. Lors d’un accrochage le 19 février à 50 km au sud de la ville de Tessalit, le sergent-chef Harold Vormezeel (section de commandos parachutistes du 2ème Régiment étranger de parachutistes) est décédé à la suite de ses blessures. Un hommage snational lui a été rendu, trois jours plus tard aux Invalides à Paris, en présence du ministre de la Défense jean-Yves Le Drian. Panthère IV avait utilisé des moyens de renseignement (1 avion radar Atl 2 et 1 drone), d’appui aérien (2 chasseurs) et de transport (1 avion C160, 4 hélicoptères dont 1 « médicalisé » et des véhicules blindés). Il s’agit de concentrer rapidement les moyens aériens et terrestres pour fixer l’adversaire, une fois localisé, et de le neutraliser. Une patrouille aérienne est maintenue sur zone par des ravitaillements en vol, afin d’intervenir rapidement. Le transport d’essence se fait par la route. Mais en cas d’urgence, un hélicoptère peut recevoir, bord à bord, une partie du carburant du C160, qui conserve de quoi rentrer à sa base. L’hélicoptère permet de surveiller le maximum de terrain et d’aller vite. Actuellement, 4.000 militaires français et 6.000 soldats africains sont déployés au Mali ainsi que des moyens aériens pour : les frappes, 6 Rafale, 6 Mirage 2000D et 2 Mirage F1 CR ; le renseignement, 1 Atl2 et des drones ; l’appui, 1 AWACS pour la détection et le contrôle, 1 C135 pour le ravitaillement en vol et des avions de transport tactique C160, C130 et CN 235. En outre, treize avions de transport sont fournis par les Etats-Unis (3 C17), la Grande-Bretagne (1 C17), le Canada (1 C17), la Belgique (2 C130), l’Allemagne (2 C160 et 1 A 3010), l’Espagne (1 C130), le Danemark (1 C130) et les Pays-Bas (1 DC 10). Enfin, la Mission d’entraînement de l’Union européenne au Mali, destinée à former les troupes maliennes, devrait être opérationnelle fin mars.  Composée de 500 soldats (200 formateurs) de 20 pays, elle sera protégée par les forces françaises.

Loïc Salmon




Centrafrique : l’opération « Sangaris » un an après

Depuis leur intervention en République Centrafricaine le 5 décembre 2013, les forces françaises de l’opération « Sangaris » ont réussi à rétablir la sécurité dans la capitale Bangui et l’Ouest du pays. Leur commandant depuis le 17 juin 2014, le général Éric Bellot des Minières, a dressé un premier bilan devant la presse au cours d’une visioconférence, réalisée le 4 décembre 2014, entre Bangui et le ministère de la Défense à Paris. En un an, 9.000 soldats se sont succédé au sein de « Sangaris », qui déplore 3 morts et 120 blessés. Quelque 14 t de munitions et d’explosifs et 8.000 armes de guerre ont été saisis. « Le moral des troupes est bon », a souligné le général, qui l’a constaté à tous les niveaux. Par ailleurs, « la population, exaspérée, aspire à une paix durable. Les groupes armés ont perdu l’essentiel de l’adhésion de la population ». Les réfugiés estiment le niveau de sécurité suffisant pour envisager leur retour. En un an, leur nombre est passé de 100.000 à 20.000. Des pics d’insécurité demeurent, mais sont de plus en plus courts et de moins en moins violents. Il n’ y a pas de relents de djihadisme. L’action des groupes armés reste limitée et s’apparente plus au banditisme qu’à la lutte idéologique. L’activité économique a repris à Bangui et le contrôle douanier assure à nouveau des recettes fiscales importantes à l’État. Les soldats de « Sangaris » appuient ceux de la Mission multidimensionnelle intégrée des nations unies pour la stabilisation de la République Centrafricaine (MINUSCA) et ceux de la force de l’Union européenne en République Centrafricaine (EUFOR RCA). Le mandat initial de l’EUFOR RCA, qui devait se terminer mi-décembre, sera prolongée jusqu’en mars 2015. Cela permettra d’établir un calendrier de retrait de « Sangaris », en phase avec la montée en puissance de la MINUSCA. « Sangaris » densifie sa présence en diminuant le nombre de personnels sur le terrain, mais en accroissant celui des matériels pour renforcer les capacités aéromobiles et d’appui feu. A cet effet, , trois hélicoptères Tigre sont arrivés en novembre pour effectuer des missions d’attaques au sol, de reconnaissance et de protection, de jour comme de nuit. Ils complètent l’action des véhicules blindés de combat d’infanterie et des drones de reconnaissance au contact. Toutefois, la solution n’est pas seulement militaire, précise le général Bellot des Minières, et nécessite une approche plus globale avec l’action des organisations non gouvernementales sur le terrain et l’arrivée d’investisseurs industriels. Les autorités politiques de transition parcourent le pays pour adresser des messages d’apaisement à la population. Enfin, le Conseil national de transition réfléchit au mode de scrutin, en vue d’élections générales en été 2015.

Loïc Salmon

Centrafrique : passage de relais des forces Sangaris et EUFOR RCA à la MINUSCA

Mali : succès de la Mission européenne de formation et d’expertise




Armée de Terre : l’effet « Mali » sur le recrutement

L’intervention militaire française au Mali a eu un effet positif sur le recrutement des jeunes de 18-24 ans, a déclaré, le 28 février 2013 à Paris, le général de brigade Benoît Royal, sous-directeur recrutement à la Direction des ressources humaines de l’armée de terre. Celle-ci compte embaucher 10.000 militaires cette année, sur une population cible de 120.000 civils. Avec un budget de 800 €/jeune, elle arrive en quinzième position parmi les principaux employeurs, mais, en termes d’effectifs, à la deuxième derrière Mac Donald qui souhaite embaucher 20.700 jeunes. L’armée de Terre rencontre en effet de nombreuses difficultés structurelles : baisse générale des effectifs de la classe d’âge concernée ; effet répulsif des pertes humaines en Afghanistan ; perte de visibilité des militaires auprès de la population ; désertification militaire de zones sur le territoire national ; attentisme de la jeunesse ; contraintes du métier. Par ailleurs, les familles n’accompagnent plus leurs enfants dans les bureaux du Service d’information et de relations publiques de l’armée de terre. De plus en plus de parents n’ont pas connu le service national. Pour combler son déficit d’image,  elle recourt surtout à la publicité, de plus en plus chère mais indispensable : télévision, internet, réseaux sociaux, affichage et presse. La part d’internet parmi les origines des candidatures croît régulièrement : 31 % en 2010, 39 % en 2011, 43 % en 2012 et 53 % en 2013. Une campagne de spots télévisés entraîne 140.000 clics par semaine sur le site internet de recrutement, contre 40.000 sans spots. La campagne 2013 est la première où des scènes d’opérations sont reconstituées pour rechercher l’authenticité. Selon le général Royal, les jeunes réfléchissent sur l’idée qu’ils se font de l’armée de Terre et recherchent « un métier qui sert à quelque chose, qui ait du sens ». Environ 15 % des recrutés savent dans quelle arme ils veulent servir. Moins de 10 % des jeunes recrutés en 2012 étaient au chômage. La solde d’un engagé, nourri et logé, se monte à 1.200 € net par mois. Enfin, l’armée de Terre poursuit ses efforts de fidélisation du personnel. Le taux de dénonciation de contrat des engagés volontaires est en effet passé de 24,8 % en 2007 à 30 % en 2009 pour retomber à 23 % en 2012.

Loïc Salmon




US Marines

Le Corps des marines, ouvert aux femmes, dispose de ses propres moyens navals, aériens et terrestres pour intervenir à tout moment, en tout lieu et avec un préavis réduit, quand les Etats-Unis estiment leurs intérêts menacés.

Créée en 1775 à l’image des Royal Marines britanniques en prévision des batailles navales de la Révolution américaine, cette unité est rattachée à la Marine pour assurer la police à bord des navires, les tirs de précision et les opérations de débarquement de faible envergure. Pendant les guerres du Mexique (1846-1848), celle de Sécession (1860-1865) et celle contre l’Espagne (1898), la Marine américaine se transforme, abandonnant la voile au profit de la propulsion à vapeur. Les unités de marines, jugées obsolètes et superflues, risquent de disparaître. Toutefois, le territoire des Etats-Unis s’étendant jusqu’au Pacifique, les détachements de marines sont chargés de la défense des bases avancées et des opérations de police à terre. Lors de la première guerre mondiale, ils intègrent le Corps expéditionnaire américain. Ils y acquièrent l’expérience du combat terrestre en Europe et se forgent une réputation d’unité d’élite avec un esprit de corps unique, entretenus par leur bureau d’information et de promotion. Pendant la guerre des Boxers (Chine, 1900), des marines sont transférés des Philippines (colonie américaine de 1898 à 1946) à la Cité interdite de Pékin, aux côtés de militaires italiens, britanniques et japonais pour y protéger les délégations étrangères. Au début des années 1900, des marines sont envoyés à l’île de Cuba, annexée par les Etats-Unis de 1898 à 1902, pour assurer la police depuis la base navale de Guantanamo (encore sous contrôle américain). Dans les années 1920, le Corps des marines se spécialise dans les opérations amphibies. Pendant l’engagement des Etats-Unis dans la seconde guerre mondiale (1941-1945), ses effectifs doublent jusqu’à 100.000 hommes, pour effectuer de difficiles opérations amphibies de reconquête des îles du Pacifique tenues par l’armée impériale japonaise. Afin d’éviter une confrontation nucléaire pendant la guerre froide (1947-1991), les Etats-Unis et l’URSS s’affrontent en Corée (1950-1953) et au Viêt Nam (1965-1975). Les marines y subissent des pertes énormes. Lors d’une opération de maintien de la paix au Liban, un attentat suicide contre le quartier général américain à Beyrouth provoque la mort de 241 militaires américains, dont 220 marines. Les succès des opérations dans le golfe Persique en 1991 (Koweït) et 2003 (Irak) redorent le blason et remonte le moral des marines, durement éprouvés pendant la guerre du Viêt Nam. Enfin, des marines ont été déployés en Afghanistan entre 2009 et 2014, puis à nouveau en 2017.  Face aux menaces potentielles de la Russie, de la Chine ou de la Corée du Nord, les marines s’entraînent aujourd’hui au combat en milieu arctique. Déployés dans plusieurs zones du monde dans le cadre de forces combinées aériennes et terrestres, ils passent beaucoup de temps en mer et s’entraînent en permanence sur les navires de la Marine américaine. Ils peuvent employer dans la même journée et sur un seul théâtre : l’avion de combat furtif F35B Lightning II ; l’appareil de transport hybride V-22 Osprey à rotors basculants combinant les atouts de l’hélicoptère, pour le décollage vertical ou court et l’atterrissage, et de l’avion pour voler jusqu’à 565 km/h ; le char M1 Abrams ; l’aéroglisseur LCAC d’une vitesse de 74km/h pour l’assaut amphibie.

Loïc Salmon

« US Marines » par Colin Colbourn. Éditions E-T-A-I, 224 pages, 230 photos, 39,00 €.

« Catamaran 2014 » : exercice amphibie d’une force expéditionnaire interalliés

Bold Alligator 2012 : exercice amphibie interalliés à longue distance

Marines : outils politiques et de projection de puissance




Afghanistan, retraits annoncés

Le 23 juin 2011, la présidence de la République a annoncé un retrait progressif des 4.000 militaires français déployés en Afghanistan, peu après l’annonce, par le président américain Barack Obama, du rapatriement aux Etats-Unis de 10.000 soldats en 2011 et de 23.000 autres d’ici à la fin de l’été 2012. Dans un communiqué, elle indique partager l’analyse et les objectifs américains et que le retrait des forces françaises sera « progressif », « de manière proportionnelle » et « dans un calendrier comparable », en raison des « progrès enregistrés ».

De son côté, le Premier ministre François Fillon a déclaré que « la mort de Ben Laden et la désorganisation d’Al Qaïda, qui était un des objectifs de la campagne initiale conduite en Afghanistan, est un élément qui vient renforcer cette perspective ».

Enfin, lors d’un point de presse le même jour, le ministère de la Défense a indiqué que la sécurisation de la province de Surobi sera examinée au début de l’automne en concertation avec l’ONU et l’armée nationale afghane, qui prendra la suite des troupes françaises quand elle se sentira prête. « L’état-major fera des propositions opérationnelles à l’autorité politique », a précisé son porte-parole Laurent Teisseire. Il a aussi indiqué que le « surcoût » des opérations extérieures (Opex) atteint aujourd’hui 100 M€, contre 54 M€ il y a un mois et demi. Le budget des Opex est établi en fonction des opérations en cours et de celles qu’il est rationnellement possible d’anticiper. Les dépenses additionnelles sont couvertes par le budget général de la nation. Enfin, les stocks de munitions, utilisées en Afghanistan et en Libye, sont complétés par anticipation. Aucune comptabilité n’est rendue publique pour ne pas renseigner l’adversaire « d’aujourd’hui et de demain ».

Par ailleurs, entre le 10 mai et le 18 juin, six militaires sont morts en opérations en Afghanistan, portant à 62 le bilan des pertes françaises depuis le début de l’engagement.

Loïc Salmon




Armées de l’Air et de Terre : interopérabilité en transport tactique et aérolargage

Transport aérien tactique et livraisons par air, indispensables à toute opération militaire, exigent rigueur, minutie et partage de savoir-faire, face à tout type de menaces sur des terrains sommaires où le « sur mesure » est de mise.

Leurs particularités ont été présentées à la presse, le 4 mai 2017 à Paris, par le lieutenant-colonel Christophe Piubeni, commandant le Centre d’instruction des équipages de transport, et le colonel Nicolas Filser, commandant le 1er Régiment du train parachutiste (RTP).

Le transport tactique. Outre le remplissage de l’avion de fret et le largage de matériel et de vivres, le transport tactique inclut les opérations aéroportées, les poser d’assaut et l’évacuation de ressortissants, explique le lieutenant-colonel Piubeni, L’Agence européenne de défense a lancé le programme ETAP (European Tactical Airlift Program), qui inclut le cours « Multi Ship » de vol à plusieurs avions. Les stagiaires apprennent à aller au combat dans un environnement représentatif d’une opération aérienne en coopérations interarmées et interalliées, afin de contribuer à l’interopérabilité des forces aériennes européennes. Dans ce cadre, un exercice multinational (9-19 mai 2017) se déroule à partir de la base 123 d’Orléans avec : 3 équipages français, dont 1 sur A400M et 2 sur Casa CN235, ainsi que des officiers de renseignement ; 1 équipage allemand sur C160 Transall; 1 équipage espagnol sur C130 Hercules ; 1 équipage néerlandais sur C130 Hercules. Il s’agit d’améliorer leurs connaissances des opérations, leur aptitude à préparer et conduire des missions tactiques, en vue de préparer leur qualification « élément leader ». A cet effet, l’armée de l’Air mobilise : 1 escadron électronique sol (moyens d’écoute et de brouillage) ; 1 escadron de défense sol/air (systèmes SAMP-T et Crotale) ; 1 escadron de chasse avec des Rafale, Mirage 2000 et Alphajet ; des commandos parachutistes de l’air ; le Centre air de saut en vol ; le Centre national des opérations aériennes. S’y ajoutent : 1 avion de détection et de commandement AWACS ; 1 avion de guet aérien Hawkeye de la Marine Nationale ; 2 avions de chasse allemands Eurofighter ; 1 avion ravitailleur KC135 espagnol. L’armée de Terre déploie 100 parachutistes, des équipes de largage et de récupération ainsi qu’une équipe belge de contrôle de l’appui aérien.

La livraison par air. Polyvalente, efficace et adaptée aux situations d’urgence, la livraison par air donne la capacité d’entrer en premier sur un théâtre d’opérations, souligne le colonel Filser. Elle cumule diversité des modes, rapidité des moyens, multiplicité des acheminements et, lors des largages à très grande hauteur de personnels sous oxygène, invulnérabilité. Toutefois, elle dépend de la météorologie et de la disponibilité des avions. Le 1er RTP de Toulouse apporte un appui à la projection d’une force, à sa mise à terre et à son ravitaillement par voie aérienne. La maîtrise de tout le spectre de missions exige une formation de 10-15 ans. Le largage des colis de 50-225 kg (armement, munitions et carburant) s’effectue par les portes latérales. Les colis de 700-2.500 kg (véhicule blindé ou autre) sont largués par gravité (ouverture automatique du parachute) à des altitudes de 125 m à 10.000 m par la rampe arrière. Les très gros colis de 1,6-8 t sont largués par éjection, au moyen d’un petit parachute extracteur puis d’une voile jusqu’à 700 m2. Le conditionnement d’un bulldozer de 6,5 t nécessite 10 heures de travail. En 2016, le 1er RTP a effectué 49 missions pour le largage de 258 t de fret.

Loïc Salmon

Défense : les opérations aéroportées, capacités spécifiques selon les missions

Forces spéciales : ET «Poitou»/CPA10, binôme avions/commandos

Mali : la boucle du Niger contrôlée en 48 h par les forces franco-africaines




Géopolitique : la puissance aujourd’hui, résultat du hasard et de la méthode

La dynamique du changement dans les relations internationales se heurte à la résistance du statu quo. Inscrite dans la durée, la puissance nouvelle appartient aux Etats qui en comprennent les règles et savent en forger les instruments.

C’est ce qui ressort d’une conférence-débat, organisée le 16 avril 2019 à Paris, par le Conseil supérieur de la formation et de la recherche stratégiques. Y sont intervenus : Thierry Garcin, chercheur à l’Ecole doctorale de Paris Descartes ; Pierre Bulher, enseignant à l’Institut d’études politiques de Paris ; Ivan Sand, doctorant à l’Université Paris-Sorbonne.

Evolution des critères. Thierry Garcin définit la puissance comme le pouvoir en action et la stratégie comme le moyen pour arriver à un but. Cela nécessite un territoire, une population, le sentiment national d’appartenir à une communauté, une cohésion sociale, des ressources naturelles (hydrocarbures ou minerais), une vitalité économique et une volonté politique basée sur un projet politique. Dès 1960, Raymond Aron a défini la géopolitique comme l’imposition de la volonté d’un Etat sur les autres. Au début du XXème siècle en Europe, il était courant d’apprendre la langue de la nation voisine pour comprendre sa manière de penser. Sur le plan géographique, la mer, qui sert de vecteur à 80 % du commerce mondial en tonnage et à 75 % en valeur, prendra encore plus d’importance au cours des 15 prochaines années. Le chemin de fer, facteur du développement de l’Union soviétique, lui a permis d’acheminer soldats, armes et munitions pendant la seconde guerre mondiale. La vapeur sert encore à mouvoir les catapultes des porte-avions américain et français, instruments de projection de puissance (voir encadré). La conquête de l’espace a succédé à celle de l’air avec la mise en orbite de nombreux satellites. L’arme nucléaire a constitué une rupture stratégique, mais sans amener une vision globale du rapport de forces. La rivalité des Etats-Unis et de l’URSS a nécessité la modernisation permanente de l’arme de la terreur sans avoir à l’employer. En 1988, la reconnaissance, par les deux parties, qu’une guerre nucléaire n’était pas gagnable a débouché sur une maîtrise des armements, mise à mal en 2018 par leur retrait du Traité sur les forces nucléaires à portée intermédiaire. En outre, sont apparus les multiplicateurs de puissance : électronique, informatique, cyber et intelligence artificielle avec des recherches militaires et civiles.

Révolution numérique. Les technologies et innovations numériques ont conduit à de nouveaux instruments de la puissance, rappelle Pierre Bulher. Elles permettent la transmission d’informations à des coûts infimes alliant qualité et fiabilité, autorisent l’échange d’informations et donnent la capacité de traiter l’information en réseau. Elles exercent aussi un impact sur la création de la valeur économique. Ainsi, les entreprises transnationales gagnent de la productivité à tous les niveaux. Les établissements financiers prélèvent instantanément des commissions. Les industries et grands groupes obtiennent du pouvoir collectif. L’information est devenue un produit fini, que traitent les compagnies d’assurances, les agences de notations, les média et les agences de publicité. Les « gigadonnées », véhiculées en deux jours par internet, correspondent à la totalité de l’information produite depuis son invention. Cela nécessite une énorme capacité de stockage et de traitement. Ainsi, l’administration américaine a accès à toutes les données de ses ressortissants partout dans le monde et préparent les prochaines étapes d’internet, à savoir 3.0 et 4.0. Le cyberespace devient l’arène de la puissance et de la manipulation avec attaques de hackers, propagandes camouflées, « fake news » (informations tronquées), interférences dans les processus électoraux et enfin espionnage. La sécurité, fondement de la puissance, apparaît menacée, souligne Pierre Bulher. Parmi les entreprises de techniques, applications et services informatiques, les américaines en représentent la moitié, dont les dix plus grandes, puis arrivent les chinoises. Les Etats-Unis, principal pays en matière d’universités, centres de recherche et sociétés à capital-risque, parviennent à capter les élites scientifiques dans le monde. La Chine a devancé le Japon en quadruplant le nombre de ses chercheurs depuis 2015 et en doublant sa part dans la recherche et le développement (R&D), par rapport à son produit intérieur brut (PIB), et ses publications d’articles scientifiques. Arrivent ensuite la Corée du Sud avec environ 4,3 % de son PIB pour la R&D, l’Allemagne avec 3 %, la France avec 2,25 % et la Grande-Bretagne avec 1,7 %, soit moins que la moyenne européenne. Les Etats-Unis y ont investi 476 Md$ en 2017, soit autant que le tiers des dépenses des 28 pays membres de l’Union européenne (UE). Les GAFA (Google, Apple, Facebook et Amazon), tous à capitaux privés, ont acquis une avance nette et durable depuis le développement d’internet et investissent massivement en R&D, pour disposer continuellement d’innovations et conforter leur position dominante.

Retour de l’Etat. La puissance d’influence n’existe pas sans celle de coercition, souligne Thierry Garcin. Après les attentats terroristes du 11 septembre 2001, le gouvernement des Etats-Unis, seule puissance économique et politique, est intervenu en restreignant les libertés individuelles et en renflouant l’économie par le retour au protectionnisme et le bilatéralisme intermittent. Après la crise financière de 2008, l’UE a sauvé les pays de la zone euro. Avec le 2ème PIB mondial, la Chine manifeste sa puissance politique d’abord en mer de Chine puis ailleurs par les « nouvelles routes de la soie ». La Russie fait à nouveau sentir la sienne à l’Est de l’Europe et au Proche-Orient.

Loïc Salmon

Selon Ivan Sand, l’armée de l’Air prend une dimension géopolitique à l’échelle mondiale par l’utilisation de bases françaises à l’étranger et de bases de pays alliés. En effet, la projection aérienne permet d’agir vite, loin et en souplesse pour répondre à un objectif défini, en passant de la diplomatie à la coercition. En outre, les flux aériens alimentent les forces terrestres dans les conflits de longue durée. Les opérations entreprises entre 1945 et 2018 varient de quelques heures (Syrie, 2018) à plus de 10.000 jours (guerres de décolonisation, 1945-1962). Lors de l’expédition de Suez en 1956, la France et la Grande-Bretagne utilisent pour la première fois l’arme aérienne contre un pays indépendant, l’Egypte. En 1986, le raid sur la base aérienne de Ouadi Doum (Tchad), occupée par l’aviation libyenne qui soutient les forces rebelles tchadiennes, met en œuvre 12 Jaguar et 4 Mirage F1. Les avions ont décollé de Bangui (Centrafrique) et ont été ravitaillés en vol par 5 C 135F, partis de Libreville (Gabon) et auparavant réservés aux Forces aériennes stratégiques. Ce raid a été rendu possible grâce à des accords diplomatiques avec la Centrafrique et le Gabon. Lors des interventions multinationales dans le Golfe (1991), en Afghanistan (2001-2014) et au Levant contre Daech (depuis 2014), la France arrive en 2ème ou 3ème position en capacité de projection aérienne derrière les Etats-Unis, grâce à sa base aux Emirats arabes unis, au groupe aéronaval et à un accord avec la Jordanie.

Géopolitique : recomposition de l’ordre mondial et émergence de nouvelles puissances

Défense : augmentation des budgets mondiaux en 2018 et réaffirmations de puissance




Adversaire « hybride » : une menace élargie

Aujourd’hui, les belligérants manœuvrent entre actions d’éclat spectaculaires, manipulations (médias, réseaux sociaux et cybermenaces) et utilisation d’institutions étatiques instables. Ils profitent des failles et opportunités d’un monde en pleine mutation, interdépendant et technologiquement fragile.

Ce thème a été abordé lors d’un colloque organisé, le 10 février 2016 à Paris, par le Centre de doctrine d’emploi des forces de l’armée de terre. Y sont notamment intervenus : Patricia Adam, présidente de la commission de la défense nationale et des forces armées de l’Assemblée nationale ; le général de corps d’armée Didier Castres, sous-chef « opérations » de l’État-major des armées ; Élie Tenenbaum, Institut français des relations internationales ; le général de division Jean-François Parlenti, Centre interarmées de concepts, de doctrine et d’expérimentations.

Le système Daech. Le terrorisme salafiste, représenté par Al Qaïda et Daech, constitue un ennemi immédiat et pour longtemps, estime le général Castres. Les crises récentes en Irak, Syrie et Libye, interconnectées, ne peuvent être réglées successivement, mais doivent être traitées comme un « système » et par une stratégie globale, à savoir interarmées, interministérielle et internationale. Selon le général, pour empêcher que les différents foyers de Daech se rejoignent, il faut d’abord : cloisonner les zones, la Syrie et l’Irak de l’Égypte et la Libye de l’Égypte ; s’en prendre à ses flux financiers et d’armements dans un cadre international. Daech a fait passer ses effectifs de 7.000 combattants en juin 2014 à 37.000 début 2016. Il sera contenu par un appui à ses forces adverses, régulières et irrégulières, en termes de formation, équipement et aide au commandement. L’assistance aux pays voisins (Tunisie, Égypte et Sud de la Libye) confinera le développement de Daech, déjà capable de se fondre dans les populations et de décider où et quand entreprendre une action grâce à son réseau de renseignement. En face, les armées régulières doivent contrôler un espace de dimension variable et y effectuer des transferts de forces. A titre d’exemples, le théâtre du Kosovo s’étend sur  environ 11.000 km2, celui du Levant sur 550.000 km2, soit la superficie de la France, et celui de la bande sahélo-saharienne sur 2,4 fois la France. Daech est organisé en réseaux structurés, redondants et protégés par des moyens efficaces. Il appuie son action par des capacités bon marché : engins explosifs improvisés, armes chimiques, combats en zone urbaine, dissimulations dans les foules et combattants au suicide. Chaque semaine, près de 200 étrangers rejoignent ses rangs. Selon le général Castres, la riposte à Daech repose sur quatre principes. Il s’agit d’abord d’inverser le principe d’incertitude en prenant l’initiative et en gardant l’ascendant. La fréquence et l’intensité des opérations doivent se poursuivre jusqu’à la disparition de l’ennemi. Le principe d’ubiquité porte à agir partout où il se dévoile. Celui de foudroyance consiste à ne pas rater sa neutralisation quand il commet une faute. Enfin, il convient de ne pas lui laisser l’exclusivité de l’action dans le champ des perceptions, à savoir : contester, retourner et interdire sa propagande ; proposer une alternative aux populations, clé de la sortie de crise.

La guerre « hybride ». Selon Élie Tenenbaum, la guerre « hybride » consiste en une seule manœuvre de guerre « régulière » et « irrégulière », avec des applications distinctes au Levant et en Ukraine. La guerre régulière, qui implique chars, artillerie et ligne de front, comme relevant de l’État depuis le XVIème siècle, avec pour objectif la destruction de l’ennemi. La guerre irrégulière inclut la guérilla, la propagande et les guerres de libération nationale en Asie, Afrique, Amérique latine et même Europe. En 2005, deux officiers supérieurs américains analysent la situation militaire en Irak  comme une concentration de guerre civile, de terrorisme international et de risque de dissémination d’armes de destruction massive. En 2012 au Liban, l’armée israélienne est mise en difficulté par le mouvement paramilitaire chiite Hezbollah, adversaire asymétrique disposant pourtant d’une puissance de feu et de moyens techniques jusque-là utilisés par une armée nationale régulière. En Ukraine depuis 2014, la Russie soutient militairement le mouvement politique rebelle du Donbass. La menace hybride consiste à placer une armée régulière dans le dilemme insoluble de concentration de ses efforts sur un théâtre extérieur et leur dispersion pour protéger le territoire national, livré à la propagande et au terrorisme adverses. La force de l’adversaire réside dans sa capacité à passer, très vite, du stade de guerre irrégulière à celui de guerre régulière et inversement. La manœuvre révolutionnaire consiste à transformer un outil paramilitaire irrégulier et défensif en une armée régulière et offensive (Mao Tsé Toung en 1949 et Daech en 2014). La possession de missiles sol/air à courte portée, chars, mines antipersonnel et missiles antinavires procure un effet tactique à une armée irrégulière. S’y ajoute l’accès facile à des moyens techniques autrefois réservés aux services de renseignement des États : observation satellitaire par « Google Earth » et transmission de messages dans les pays visés par les réseaux sociaux.

Les vulnérabilités. L’instabilité du monde résulte de révolutions technologique et sociale, indique le général Parlenti, Le numérique place les opinions publiques au cœur des enjeux et provoque une addiction aux informations. La perception d’un monde plus confus et plus ambigu affecte les sociétés. Les violences vues à la télévision ou sur internet surprennent toujours, avec un décalage quant au sens des mots et à celui de la vie humaine. Il s’ensuit une érosion de la confiance en l’État et le sentiment que l’ennemi est partout et nulle part. Or, la puissance d’un État repose notamment sur sa diplomatie et ses assises juridique, économique et culturelle. Toute montée aux extrêmes de l’un des facteurs déséquilibre l’ensemble. L’immédiateté médiatique influe sur le raisonnement politique. Certains États saisissent alors l’occasion d’augmenter leur puissance ou de revenir sur la scène mondiale, en contournant le droit international. La guerre hybride leur paraît la plus adaptée pour parvenir à leurs fins, sans perdre leur statut ni déclencher une escalade difficilement maîtrisable.

Stratégie : au-delà de l’ennemi présent, imaginer celui de demain

Géopolitique : le chaos d’aujourd’hui, dérive logique de la mondialisation

CEMA : durcissement et aggravation des conflits, évolution des missions

Loïc Salmon

Selon Patricia Adam, Daech, monstre froid et manipulateur, est une organisation qui pratique la « guerre hybride », alliant bataille rangée au Levant, action psychologique, cyberguerre et terrorisme ciblé notamment sur la France. L’éradication de cet adversaire, qui suit une logique de  guerre totale, exige : la protection des citoyens par l’opération « Sentinelle » ; la reconquête de territoires pour empêcher sa prédation de richesses pétrolières et archéologiques (opérations « Chammal » et « Barkhane ») ; de redonner la sécurité aux pays du Levant et à leurs minorités. Les forces armées apportent leur appui aux forces de sécurité, mais les soldats ne sont pas officiers de police judiciaire. Si la frontière juridique entre défense et sécurité tombe, ce serait une victoire pour Daech, souligne Patricia Adam.