Marine nationale : agir face au dérèglement climatique

La connaissance des risques météo-climatiques permet d’anticiper les catastrophes naturelles et d’agir en adaptant la réflexion à l’action, notamment de la Marine nationale.

Nicolas Regaud, chercheur à l’Institut de recherche stratégique de l’Ecole militaire, et un capitaine de frégate du bureau stratégie et politique de l’Etat-major de la marine l’ont expliqué au cours d’une conférence-débat organisée, le 13 avril 2022 à Paris, par le Centre d’études stratégiques de la marine.

Dégradation accélérée. Le nombre de catastrophes naturelles a été multiplié par 5 au cours des 50 dernières années avec une intensité croissante des cyclones et ouragans, indique Nicolas Regaud. La température de la planète a augmenté de 1° C entre 1850 et 1900 et pourrait croître encore de 1,5° C d’ici à 2030, de 2° C vers 2050 et même de 3° C en 2100. A cette date, le risque de fragmentation de la banquise en Arctique et en Antarctique pourrait provoquer une hausse de 2 m du niveau de la mer. Toutefois, le réchauffement climatique et la montée des eaux déjà constatés varient selon les régions. Dans l’Arctique, cela a entraîné des perspectives pour le transport maritime, l’exploitation des ressources naturelles, dont les hydrocarbures, et l’accroissement de l’activité militaire russe depuis dix ans. Le changement climatique augmente la salinité et la désoxygénation des eaux, modifie le tracé des côtes et rend vulnérables des zones fertiles comme le delta du Nil et le Bengladesh. Il provoque des déplacements de ressources halieutiques et donc de la pêche illicite dans les zones économiques exclusives. Il induit des migrations internes et internationales de populations et amplifie les tensions et les violences politiques, dont pourraient profiter les groupes terroristes. En conséquence, l’OTAN prépare, pour 2024, un plan d’action sur les enjeux stratégiques de l’environnement et des mesures pour réduire les émissions des gaz à effet de serre. Etat archipel, la France maintient une présence militaire dans les zones subtropicales à risques climatiques. En métropole, le port de Brest, plus menacé que celui de Toulon, devra renforcer ses infrastructures concernant le transport maritime, la production d’électricité et les télécommunications.

Prévention et réactivité. Il faut observer et voir pour intervenir et conserver la supériorité opérationnelle, souligne le capitaine de frégate. Le navire logistique polaire Astrolabe (photo) du Service hydrographique et océanique de la marine ravitaille les Terres australes et antarctiques françaises et y effectue la police des pêches. Outre les 300 météorologues embarqués sur les autres bâtiments de la Marine, les timoniers sont formés à effectuer des relevés météorologiques. En 2018, le bâtiment de soutien et d’assistance métropolitaine Rhône a franchi pour la première fois le passage du Nord-Est (Arctique). Toutes les données climatiques ainsi récoltées sont envoyées à Météo-France. Les connaissances sur le dérèglement climatique s’améliorent, grâce à la coopération avec les pays riverains dans le golfe de Guinée et avec les Marines britannique, américaine, indienne, australienne, néo-zélandaise et chinoise dans la zone indopacifique. Par ailleurs, la composante navale de la dissuasion nucléaire nécessite des déplacements maritimes très lointains pour la protection des intérêts vitaux de la France. En effet, la convention de 1976 sur l’interdiction de techniques de modification de l’environnement à des fins militaires ne constitue pas une garantie absolue.

Loïc Salmon

Environnement : conséquences du changement climatique sur la sécurité internationale

Océan Indien : espace de coopération internationale

Marine nationale : le CEPPOL, outil contre la pollution en mer




Afrique : golfe de Guinée, zone de coopération stratégique

Présence de Marines non africaines et montée en puissance des capacités navales des pays riverains assurent la liberté de la navigation dans le golfe de Guinée, espace riche, à risques et sujet à une instabilité politique endémique.

La situation dans cette zone a été présentée au cours de deux interventions à Paris : le 4 novembre 2021 devant la presse, par le vice-amiral d’escadre Olivier Lebas, préfet maritime et commandant de la zone et de l’arrondissement maritime Atlantique (CECLANT) ; le 24 novembre, par le contre-amiral Xavier Petit, en charge des opérations de la Marine, lors d’une conférence organisée par le Centre d’études stratégiques de la Marine.

Intérêt international croissant. Outre la présence navale de la France par l’opération « Corymbe » depuis les années 1990, indique l’amiral Lebas, le golfe de Guinée est régulièrement fréquenté par des bâtiments militaires de l’Espagne, du Portugal, de l’Italie, de la Grande-Bretagne, du Danemark, du Brésil, des Etats-Unis et, récemment, de la Turquie et de la Russie. D’une superficie de 2,35 Mkm2, le golfe de Guinée se trouve en effet à la croisée des grandes routes maritimes et abrite d’importantes ressources pétrolières, halieutiques et minérales (voir encadré). Enjeu majeur pour l’Afrique de l’Ouest, la pêche illicite constitue la première menace de la zone. De plus, les actes de brigandage, dans les ports, et de piraterie, en haute mer, peuvent perturber la navigation commerciale et mettre en danger la vie des équipages et des passagers. Par ailleurs, le terrorisme, qui sévit dans le Nord, n’a aucun lien avec le brigandage et la piraterie des côtes. Les pirates s’équipent grâce aux recettes des trafics d’armes et de drogue et aux rançons versées par les armateurs. Surtout originaires du Nigeria, ils se replient jusqu’à 200 milles marins (370 km) vers le Sud, car l’adaptation de l’arsenal juridique à la piraterie réduit l’impunité et rend cette activité plus difficile. La coopération internationale doit permettre d’éradiquer cette menace.

Drogue, flux migratoires et piraterie. Selon l’amiral Petit, l’Afrique est devenue une zone de transit des narcotrafics de l’Amérique du Sud vers l’Europe et subit une forte consommation locale. Parti de Colombie, de Bolivie, du Pérou et du Brésil, le trafic de cocaïne circule par le Nigeria, le Bénin, le Togo, le Ghana, la Guinée, la Guinée-Bissau, le Sénégal, le Mali, le Niger, la Mauritanie, l’Algérie et la Libye. Les saisies de cocaïne en mer sont passées de 3,3 t (157 kg pour l’Afrique de l’Ouest) en 2017 à 5,6 t (278 kg) en 2018 et 20 t (16 t) en 2019. Les flux migratoires de l’Afrique, qui déstabilisent les Etats locaux, ont été multipliés par huit en six ans. Même si 90 %, soit 7,6 millions de personnes en 2020, restent internes, ceux vers l’Europe augmentent globalement. Les flux par terre sont tombés de 11.624 personnes en 2015 à 1.535 en 2020, mais ceux par mer sont passés de 5.312 personnes en 2015 à 40.326 en 2020. Quoiqu’en décroissance, les actes de piraterie et de brigandage se poursuivent. Selon le MICA Center, 200 actes de piraterie et de brigandage ont été signalés dans le monde en 2020. Le nombre de navires piratés dans le golfe de Guinée se monte à 71 (35 % du total), à savoir 42 au Nigeria, 16 au Ghana et 13 au Bénin. En 2020, ont été signalés : 45 vols dans les ports ; 114 actes de piraterie (approches, attaques et navires piratés) ; 142 enlèvements en mer (90 % du total mondial). Les pirates, armés de fusils d’assaut AK47, modifient leur mode d’action selon les saisons et disposent de moyens de ravitaillement pour agir au large. Quoique violents, ils prennent vite la fuite. La sécurité maritime repose sur la stratégie commune de l’architecture interrégionale de Yaoundé de 2013.

Concentration des moyens de lutte. Dans le golfe de Guinée, la France dispose des deux entités militaires pour le soutien logistique des opérations « Barkhane » et « Takuba » (opération européenne) au Sahel, à savoir les Forces françaises en Côte d’Ivoire (950 militaires) et les Eléments français au Sénégal (400 militaires et civils). Sur le plan maritime, indique l’amiral Lebas, CECLANT déploie, selon les cas, un patrouilleur de haute mer, un porte-hélicoptères amphibie, une frégate de surveillance ou un avion de surveillance maritime Falcon 50 M basé à Dakar. Dans le cadre de « Corymbe », la Marine nationale aura effectué, en 2021, de 20 à 30 patrouilles opérationnelles dites « Sagne » avec des bâtiments de surface, et près de 50 avec le Falcon 50 M, en coopération avec les Marines riveraines et les centres nationaux des opérations maritimes. L’année 2021 aura donné lieu à 25 exercices : 1 GANO (Grand African Nemo) ; 2 African Nemo (plus restreints) ; 4 Euromarsec (exercices européens de sécurité maritime) ; 18 Passex (exercices navals bilatéraux). Pour l’analyse et l’évaluation de la situation sécuritaire maritime, les centres britannique UKMTO et français MICA Center mettent en œuvre, depuis 2016, le mécanisme de signalement et d’alerte « MDAT-GoG » au profit des navires marchands qui le souhaitent. Depuis 2015, la France organise un symposium annuel des chefs d’état-major des Marine du golfe de Guinée pour le partage des retours d’expérience et de bonnes pratiques. Elle soutient l’Institut de sécurité maritime interrégional d’Abidjan (Côte d’Ivoire) et l’Ecole nationale à vocation régionale de Tica (Guinée équatoriale). Le 10 juin 2021, avec la Côte d’Ivoire, elle a inauguré l’Académie internationale de lutte contre le terrorisme. Avec l’Union européenne (UE), la France participe au mécanisme « Présences maritimes coordonnées » concernant les moyens navals déployés et les actions de coopération. Dans le cadre de l’Initiative européenne d’intervention, le Danemark a lancé, en 2020, un groupe de travail sur la coopération opérationnelle entre les pays européens impliqués dans la région, en dehors du cadre de la Politique de défense et de sécurité commune. Enfin, le forum international « G7++ Friends of the Gulf of Guinea », composé de l’UE et des 19 Etats riverains, met en œuvre la coordination des actions internationales dans la région. La France et le Ghana l’ont présidé en 2019, suivis des Etats-Unis et du Gabon en 2020 et de la Grande-Bretagne et du Sénégal en 2021.

Loïc Salmon

Les routes maritimes du golfe de Guinée acheminent 10 % de la production mondiale de marchandises, 15 % du pétrole et 30 % de l’uranium. Elles permettent 90 % des échanges des 19 Etats riverains par des trafics mêlant haute mer et cabotage sur 5.700 km de côtes. Le golfe de Guinée dispose de 4.000 milliards de m3 de réserve de gaz naturel et abrite environ 50 % de la production pétrolière du continent africain (10 % du total mondial), dont 40.000 barils/jour sont perdus à cause des actes illicites. Chaque année, la pêche se monte à 1 million de tonnes, dont 40 % proviennent de la pêche illicite représentant une perte 1,5 Md$ pour les Etats de la zone. Le golfe de Guinée abrite 80.000 ressortissants français (en progression de 5 % à 10 % depuis 2010) et 400.000 Européens, surtout des personnels des grandes entreprises des secteurs pétrolier, bancaire, des télécommunications et de l’audiovisuel. Y transitent 12 % du pétrole importé en France et 10 % à 12 % de celui destiné à l’Union européenne.

Afrique : exercice majeur sur la sécurité maritime régionale

Golfe de Guinée : sécurité et sûreté en mer et à terre

Défense : montée en puissance de l’Initiative européenne d’intervention




Armée de Terre : pas de victoire sans le soutien de la nation

Affrontement de deux volontés et fondé sur des ressources matérielles et immatérielles, la victoire implique, pour l’armée de Terre, la poursuite de son mandat sur 20-30 ans et l’intégration des innovations d’usage immédiat.

Ce thème a été abordé au cours d’un colloque organisé, le 6 février 2018 à Paris, par le Centre de doctrine et d’enseignement du commandement de l’armée de terre. Un diplomate et deux généraux de haut rang y sont intervenus.

Le dilemme du temps. Le pouvoir politique veut des victoires rapides, car l’opinion publique se lasse des engagements militaires longs après ceux en Afghanistan (13 ans), en Centrafrique (3 ans) et au Sahel (depuis janvier 2013), explique le diplomate. Il voit sa propre communication contestée par le « complexe militaro-industriel » dans les médias…qui racontent la guerre à sa place ! L’incertitude du monde actuel estompe l’idée de « guerre juste » et donc de victoire militaire définitive. L’ennemi soviétique d’hier a été remplacé par le terrorisme islamiste, avec une vision du monde différente de celle des Etats démocratiques. Quoique ce dernier soit identifiable au Levant et au Mali, la difficulté d’une interposition internationale entre factions rivales conduit à un combat sans fin et une victoire impossible. Sans accompagnement économique massif, les effets pervers l’emportent sur la victoire. Ainsi en Libye, la réussite militaire franco-britannique de 2011 s’efface devant l’émergence des centres de transit de migrants clandestins et de trafics d’armes, comme en Irak depuis l’intervention américaine de 2003. Les contraintes budgétaires nécessitent de s’intégrer à une alliance, facteur de dépendance dans la prise de décision. En France, la fin du service militaire obligatoire et la recherche du « zéro mort » dans un conflit ont conduit à l’absence de prise de risques et donc de victoire. Or, souligne le diplomate, le monde doit reconnaître que la France porte un message, reste fidèle à son histoire et maintient son rang, le rôle de sa diplomatie étant de transformer la victoire aux yeux de tous en une paix durable. Les dirigeants politiques actuels n’ont connu ni le second conflit mondial ni les guerres de décolonisation. Mais conscients de l’Histoire ils s’imprègnent de la culture militaire par leurs fréquentes visites sur le terrain. Par ailleurs, aux Etats-Unis, les généraux sont reconnus comme les artisans de la victoire, alors qu’en France, cet honneur revient aux dirigeants politiques, en raison de la mauvaise image des militaires dans la nation après les guerres de décolonisation. Toutefois, les attentats terroristes de 2015 et 2016 ont eu pour conséquence de valoriser les services de renseignement, autrefois mal vus, et les militaires avec l’opération « Sentinelle ».

La constance et la patience. Le chef militaire doit concilier le temps de son action sur le terrain avec celui, très court, du pouvoir politique, et celui, très long, du diplomate et éviter qu’ils divergent, indique l’un des généraux. Cela passe d’abord par une réflexion sur les crises, toujours différentes, et la connaissance de leurs acteurs, pour ne pas appliquer à une crise nouvelle la solution de la précédente. La fascination pour les images de départs de navires et de déploiements d’avions et d’hélicoptères dans la gestion des crises occulte la nécessité de jouer sur tous les leviers et dans le temps long, surtout quand elles durent plus de dix ans (Kosovo, Irak, Afghanistan). Entre 2014 et 2017, la coalition internationale a largué 100.000 bombes contre Daech en Syrie et en Irak, soit cinq fois plus que sur Dresde en 1944. Par ailleurs, tout pays membre d’une coalition internationale doit rester lucide quant à son poids dans la décision opérationnelle. Ainsi, dans celle contre les talibans, la France n’a fourni que 2,5 % des effectifs pour contrôler 3 % du territoire afghan. Une erreur consiste à tenter de résoudre les crises une par une, en partant du principe qu’elles sont disjointes, alors qu’elles surviennent en réseau, comme en Libye, Irak et Syrie. L’action précipitée, sous le coup de l’émotion et de la pression médiatique, peut avoir de graves conséquences, comme le brusque afflux de 5.000 migrants clandestins en Méditerranée après la diffusion mondiale d’une vidéo montrant un enfant mort sur une plage. Enfin, précise le général, l’engagement politico-militaire ne peut reposer sur un consensus lent. Le pouvoir politique doit donner une directive claire et rapide sur les objectifs à atteindre, pour lesquels les militaires présentent des options d’action avec les risques encourus.

L’action durable. Autrefois, gagner la guerre consistait à remporter une grande bataille ou s’emparer d’une capitale pour détruire une idéologie. Aujourd’hui, souligne l’autre général, la liberté d’action s’impose à l’armée de Terre pour défendre les intérêts de la France dans un monde multipolaire, asymétrique et connecté. Elle doit pouvoir agir vite et loin, en toute circonstance, où il faut et autant que nécessaire, par une opération aéroportée ou amphibie. Cela implique maîtrise du renseignement, masse et épaisseur. Cela va de l’interopérabilité avec les armées des Etats baltes, à l’adversaire hybride dans la bande sahélo-saharienne et à la combinaison des forces armées avec celles de la sécurité intérieure (autorités civiles, douane et gendarmerie). En cas de coup dur, la résilience inclut action de communication, acte juridique et application de règles éthiques pour éviter la barbarie. La spécificité militaire (donner et recevoir la mort) nécessite endurance, aguerrissement et volonté du pouvoir politique de détruire l’ennemi. L’initiative sert à mener l’action pour exercer une influence et obtenir un effet final pertinent. Elle implique imposition du tempo à l’adversaire et réversibilité de l’action, car le temps militaire diffère de celui de la reconstruction. L’efficience repose sur une intervention brutale et décisive des forces spéciales et conventionnelles. Pour empêcher l’adversaire de prendre un ascendant tactique par l’emploi inattendu de moyens bon marché, comme un drone commercial armé de façon rudimentaire, l’achat d’une technologie de pointe « sur étagère » satisfait le besoin d’urgence opérationnelle. Par ailleurs, une intervention armée ne se justifie qu’avec le soutien de la population locale. Ainsi l’opération « Serval » au Mali (2013) l’a pris en compte dans le cadre d’une approche globale régionale, avec un appui international et le partage de renseignements sur place et en France.

Loïc Salmon

Le Centre de doctrine et d’enseignement du commandement de l’armée de terre anime la pensée militaire au profit de l’efficacité opérationnelle des forces terrestres. Il assure la formation des futurs décideurs à différents niveaux. L’enseignement militaire supérieur Terre prépare à l’exercice de hautes responsabilités ou de postes de direction exigeant un niveau élevé de qualifications scientifiques et techniques. Il enseigne le travail en état-major et en interarmées, au sein de quatre établissements : Ecole d’état-major pour jeunes capitaines et sous-officiers ainsi que pour les officiers candidats au concours d’entrée à l’Ecole de guerre ; Cours supérieur interarmes ; Enseignement militaire supérieur scientifique et technique ; Ecole supérieure des officiers de réserve spécialistes d’état-major.

Les diplomates, acteurs de la politique étrangère et représentants de la France

Armée de Terre : faire face à toutes menaces, ici et là-bas




Menaces hybrides : conflits, climat et effets médiatiques

Conflits, terrorisme et catastrophes naturelles provoquent des crises de grande ampleur, par suite de leur résonance médiatique dans un monde de plus en plus interdépendant.

Ce thème a été abordé lors d’un colloque organisé, le 30 novembre 2017 à Paris, par le Conseil supérieur de la formation et de la recherche stratégiques. Y ont notamment participé : Louise Shelley, professeure à l’université américaine George Mason (affaires publiques) ; Renaud Girard, correspondant de guerre depuis 33 ans pour le journal Le Figaro.

Concomitances. Les interférences entre mondialisation débridée, cybercriminalité, conflits internes et changement climatique provoquent révoltes, misère et sècheresse avec leurs conséquences politiques, explique Louise Shelley. Depuis le début de la guerre civile en Syrie en mars 2011, 475.000 personnes ont été tuées et 14 millions blessées ou déplacées. Le dérèglement climatique a touché 5 millions de paysans depuis 2000 dans ce qui était, autrefois, le « croissant fertile » : Territoires palestiniens ; Israël ; Jordanie ; Liban ; Syrie, Nord et Est de l’Irak ; Ouest de l’Iran. Dès 1970, le président syrien Hafez-el Assad (père de Bachar) a interdit le creusement de nouveaux puits, entraînant un commerce illégal de l’eau qu’il a fallu puiser plus profondément. Chassés par la sècheresse, les paysans ruinés se sont regroupés dans des ghettos à la périphérie des villes. Il s’en est suivi pénurie d’infrastructures d’accueil, chômage, criminalité et émeutes. Ensuite, sont arrivés les réfugiés fuyant la guerre civile en Syrie et en Irak pour aller vers la Turquie, la Méditerranée et l’Europe. Ces derniers deviennent l’objet de trafics par des « passeurs », auprès desquels ils se sont endettés et qui les vendent comme esclaves pour se rembourser. Ceux qui parviennent à atteindre l’Europe créent une crise dans les pays peu équipés pour les accueillir. En outre, les trafics de drogue, d’antiquités, de pétrole et d’armes financent les organisations terroristes Daech et Al Nosra (affiliée à Al Qaïda). Les antiquités volées sont expédiées en contrebande vers les Etats-Unis et l’Europe. Depuis 30 ans, le commerce d’objets volés au Levant s’est diversifié par la vente en ligne sur internet, où les trafiquants utilisent algorithmes malveillants et liens anonymes. En 2017, le vol d’antiquités, de mots de passe et d’argent de comptes bancaires a touché 89 pays pour un montant estimé à 5 Mds$. Par ailleurs, souligne Louise Shelley, l’accord de Paris sur le climat (décembre 2015) a débouché sur un marché du carbone, dont une partie a été détournée par des banques et des organisations criminelles au détriment de l’Union européenne (environ 5 Mds€). La croissance démographique a induit une spéculation sur les ressources limitées, comme l’eau et le poisson. La surpêche industrielle sur les côtes africaines menace la survie des pêcheurs riverains. Les organisations criminelles avaient commencé leurs activités dans les ports de New York, Marseille, Vladivostok et Naples (mafia). Aujourd’hui, le déchargement à temps des biens périssables reste vital pour assurer une partie de leurs revenus. Les nouvelles technologies appartiennent surtout au secteur privé, qui s’intéresse aux bénéfices à en tirer. Le commerce légal pourrait être sécurisé par un partenariat plus efficace entre les secteurs privé et public. Mais les plates-formes de commerce illicite se trouvent aux Etats-Unis, guère enclins à les réglementer.

Médias. Dans un conflit asymétrique, l’instrumentalisation des médias occidentaux par une organisation insurrectionnelle constitue une arme du « faible » face au « fort », estime Renaud Girard à l’appui d’exemples récents. En 1998, l’organisation paramilitaire « Uceka » (Armée de libération du Kosovo), qui a récupéré des armes lors de la faillite de l’Etat albanais l’année précédente, s’empare du Sud de la Serbie peuplée en majorité d’Albanophones. Elle publie une édition en anglais de son journal de propagande destinée aux journalistes occidentaux, qu’elle emmène sur le terrain. Elle réussit à faire passer le message : « Si vous ne faîtes rien, il y aura un nouveau Srebrenica (massacre de 8.000 hommes et adolescents par une milice serbe en 1995) ». Pendant plus d’un an, l’Otan va bombarder la Serbie et y envoyer des forces spéciales pour obtenir le départ de la population serbe du Kosovo, qui fera reconnaître son indépendance par 76 pays en 2011. En 2006, le mouvement politico-militaire libanais Hezbollah, soutenu par l’Iran, va retourner la situation en sa faveur de la même façon. Il attaque la frontière israélienne, tue 8 soldats et en capture 2, qu’il compte échanger contre une terroriste de l’Armée rouge japonaise condamnée pour un attentat à l’aéroport de Tel Aviv en 1972. Le gouvernement israélien déclare vouloir récupérer les prisonniers et mettre un terme à l’activité du Hezbollah au Liban. Ce dernier tire 3.978 missiles sur Israël pendant une guerre de 34 jours, au cours de laquelle 119 militaires israéliens sont tués. Malgré des pertes très supérieures, le Hezbollah n’a pas cédé. Le ressenti dans les médias occidentaux devient : « Il n’a pas perdu la guerre contre Israël, donc il l’a gagnée ! » En 2008, le Hezbollah a renforcé sa puissance au Liban et va jouer la modération. Grâce à lui, l’Iran dispose d’un corridor vers la Méditerranée. En 2017, pendant la guerre contre l’Etat islamique (Daech), le « fort » reprend à son compte la tactique du « faible ». Les journalistes occidentaux seront intégrés dans des sections des armées de la coalition internationale pour couvrir la reconquête de Mossoul. Ce n’est pas le cas en Syrie lors de la reprise d’Alep, présentée comme un « monstrueux bombardement par les Russes, qui sont des sauvages ». La reconquête de Mossoul causera pourtant beaucoup plus de destructions et de morts parmi les civils que celle d’Alep, mais sera qualifiée de « guerre de libération ». Le terrorisme apparaît historiquement comme l’arme du « faible ». Selon Renaud Girard, le peuple palestinien a commis l’erreur d’y recourir à plusieurs reprises sans instrumentaliser les médias occidentaux, après l’émotion suscitée par les massacres de ses ressortissants dans les camps de Chabra et Chatila au Liban (1982) par la milice chrétienne des Phalanges que l’armée israélienne, présente, avait laissé passer.

Loïc Salmon

Stratégie : les menaces sans frontières d’aujourd’hui

Adversaire « hybride » : une menace élargie

Selon une déclaration du ministre des Affaires étrangères Jean-Yves Le Drian lue lors du colloque, une redistribution de la puissance se manifeste à l’échelle mondiale avec une recomposition des rapports de forces internationaux et les risques de ruptures et de surprises stratégiques. Des stratégies conflictuelles apparaissent dans les espaces marin, extra-atmosphérique et cyber. Les crises se multiplient aux points de jonction des puissances d’influence. L’idéologie devient un champ de bataille. Malgré sa destruction militaire, le djihadisme de Daech distille sa vision totalitaire dans les esprits. Grâce à la liberté de communication et la révolution numérique, l’intimidation stratégique menace les démocraties par la diffusion de fausses nouvelles. L’hybridation des crises au Sahel et au Levant souligne la nécessité d’un recalibrage des forces et des moyens de renseignement, mais avec un risque de dérapage par certains Etats.




Migrations : mouvements naturels et problèmes sécuritaires

Face à la crise que connaît l’Europe depuis 2015, l’immigration, quoique conçue comme une charge, pourrait constituer une chance pour les pays d’accueil. Les organisations internationales de l’ONU y travaillent.

Du 26 au 29 mars 2017, un groupe d’auditeurs de l’Association nationale des auditeurs de l’Institut des hautes études de défense nationale (AA-IHEDN) s’est rendu à Genève, siège notamment de l’Organisation internationale pour les migrations (OIM), du Haut-commissariat des Nations unies pour les réfugiés (UN HCR), du Haut-commissariat aux droits de l’homme (HCDH) et du Comité international de la Croix Rouge (CICR).

La « Genève internationale ». Dans l’Histoire, la position de Genève en Suisse, pays neutre, a toujours favorisé les négociations et la recherche de solutions aux problèmes internationaux. En outre, Genève est intimement liée à la création du CICR après la bataille de Solférino en 1859 pour protéger les victimes des conflits armés et des situations de violence. Le CICR a ensuite développé le Droit international humanitaire et incité les gouvernements à le respecter, sans toutefois empiéter sur le Droit de la guerre. Avec les conventions de Genève (1949) et les protocoles additionnels (1977), le CICR s’est vu confier « une quasi mission de service public international » en matière de Droit de la guerre et de Droit international humanitaire. Diverses institutions de l’ONU se sont développées en parallèle à cette institution privée de droit suisse. En outre, il existe une différence entre migrants économiques et réfugiés demandeurs d’asile, qui implique des solutions différentes et adaptées.

Phénomène récurrent et mondial. Les migrations ne sont ni une nouveauté, ni une spécificité européenne. Le développement des moyens de communication leur donne aujourd’hui une résonance amplifiée et suscite la recherche de solutions à tous les niveaux, notamment dans le cadre d’organisations intergouvernementales régionales (OCDE et Union européenne). Les migrants et réfugiés sont au centre des préoccupations des gouvernements européens depuis quelques années, par suite des conflits au Moyen-Orient et du terrorisme en Europe. En parlant de « flots de réfugiés », les médias ont affolé les opinions publiques, entraînant peur et rejet, incompatibles avec une politique d’intégration réussie. Cette vision occulte une réalité plus globale dans le temps et dans l’espace. Les organisations internationales mentionnées ci-dessus multiplient leurs efforts dans le monde entier pour aider les populations concernées par des conflits intérieurs ou extérieurs. Il y aurait donc un espoir de régler un problème souvent présenté comme insoluble. Cependant, les menaces économiques, démographiques et climatiques futures nécessitent la prise en compte des migrations dans un cadre de politiques étatiques sur le long terme. Les organisations indiquées plus haut tentent de répondre à l’urgence : accueillir et protéger. Les deux étapes suivantes concernent le long terme : promouvoir et intégrer. Cela relève des gouvernements des pays d’accueil et de l’implication de leurs populations. Les migrations contrôlées et bien gérées dans les grandes nations d’immigration présentent un côté « enrichissant » dans tous les sens du terme, notamment au Canada, aux Etats-Unis, en Amérique latine et en Australie. Toutefois, certains pays mettent en place des politiques d’« immigration choisie », guère compatibles avec la « liberté de circulation » prônée notamment en Europe. Les organisations internationales se sont vu confier des missions par les Etats et agissent de concert avec des organisations non gouvernementales. Mais elles ne peuvent aller au-delà de leurs mandats et des moyens fournis par les Etats, les directives d’action et les financements devant aller de pair avec les missions.

Absence de solidarité internationale. Le réalisme conduit à regretter que les Etats n’assument pas leurs engagements et donc empêchent la promotion de solutions efficaces sur le long terme. La politique de l’Union européenne (UE) face aux réfugiés a manqué d’anticipation. Dès 2014, le HCR, l’a prévenue de l’arrivée prochaine de réfugiés syriens en provenance de pays de premier asile, saturés, à savoir le Liban, la Jordanie et la Turquie. Pourtant, elle n’a pris aucune mesure préparatoire. De plus, l’absence de solidarité entre Etats membres, voire la tendance à être le moins accueillant possible, a entraîné de graves conséquences : mauvais enregistrements des réfugiés et des demandeurs d’asile ; mauvaises prises en charge, notamment pour les mineurs non accompagnés ; décisions difficiles à faire appliquer comme les cas des personnes déboutées du droit d’asile. Les Etats membres de l’UE n’ont pris aucune position commune. En outre, une fracture Est-Ouest s’est manifestée, notamment entre les positions de la Hongrie et de la Pologne par rapport à celle de l’Allemagne. La crise des réfugiés n’est en fait qu’une facette de la crise des institutions européennes et de l’Espace Schengen. En 2016, sur 35,1 millions de personnes vivant dans l’UE, environ 7 % sont originaires de pays « tiers ». Le niveau de développement de l’UE est très supérieur à ceux du Liban, de la Turquie et de la Jordanie, qui accueillent depuis des années des camps de réfugiés « transitoires », devenus permanents et sans aucun avenir. Elle pourrait probablement accueillir et intégrer, plus et mieux, en mettant en place des mesures légales d’identification et de prévention, sans pour autant remédier à toute la misère du monde. Mais par manque de cohésion et donc de solidarité, elle n’a pas su mettre en œuvre une politique commune, estime le groupe d’auditeurs de l’AA-IHEDN. Au-delà de la crise européenne, ils rappellent que 90% des réfugiés restent dans les pays en développement. Gérer efficacement le problème dans le monde suppose aussi la mise en œuvre de politiques de développement, visant à la formation et à l’emploi dans des pays aux institutions stables et fiables, même si éducation et développement favorisent souvent les migrations, car les plus pauvres ne « bougent » pas. C’était le projet de « Pacte mondial des Nations unies pour des migrations sûres » lancé en 2000, d’où les Etats-Unis se sont retirés.

Elizabeth Crémieu et Hélène Mazeran

Moyen-Orient : crises, Daech et flux de migrants en Europe

Selon le département pour les affaires économiques et sociales du HCR, les personnes « en mobilité » dans le monde totalisent un milliard d’individus. Environ 25 % sont des migrants internationaux et 75 % des migrants sur leur territoire national. Parmi ces derniers, 40 millions sont des déplacés pour cause d’insécurité. Le nombre de réfugiés est passé de 15,9 millions en 2000 à 21,3 millions en 2015 et celui des migrants de 172,7 millions en 2000 à 243,7 millions en 2015. D’après l’Office fédéral des migrations et des réfugiés, l’Allemagne a accordé 137.136 demandes d’asile en 2015 et 256.136 en 2016. Selon l’Office de protection des réfugiés et apatrides, la France a accepté 19.506 demandes d’asile en 2015 et 26.351 en 2016. Les réponses aux demandes d’asile peuvent intervenir dans l’année qui suit le dépôt. Le délai moyen a été de 8,5 mois en France contre 5,5 mois en Allemagne.




Moyen-Orient : crises, Daech et flux de migrants en Europe

Le règlement politique des crises au Moyen-Orient nécessite une réelle volonté des pays occidentaux et des succès militaires contre Daech. L’accueil de 5 à 6 millions de migrants syriens et irakiens, perçus comme des réfugiés, se fait difficilement dans les pays voisins et ceux du Nord de la Méditerranée.

Ces thèmes ont été abordés lors d’une conférence-débat organisée le 2 novembre 2015 à Paris, par le Forum du futur et l’association Minerve EMSST. Y sont intervenus : l’ambassadeur Jean de Ponton d’Amécourt, ancien directeur de la Délégation des affaires stratégiques du ministère de la Défense ; le général de division (2 S) Vincent Desportes, professeur associé à l’Institut d’études politiques de Paris ; Blandine Kriegel, professeur des universités et ancienne présidente du Haut Conseil à l’intégration.

L’évolution géopolitique. L’origine des crises d’aujourd’hui au Moyen-Orient remonte à l’humiliation de la colonisation européenne dans le monde musulman, depuis le XIXème siècle, et qui a été accentuée par les interventions américaines en Afghanistan en 2001 et en Irak en 2003, estime l’ambassadeur Ponton d’Amécourt. Le terrorisme, inspiré du fondamentalisme religieux né en Arabie saoudite, s’est propagé en Tchétchénie, Afghanistan, Irak et Syrie et se développe avec l’organisation Daech, autoproclamée « État islamique ». Sous l’influence de la télévision et d’internet, le « printemps arabe » de 2011, conséquence de la pauvreté et de l’exaspération provoquée par la corruption des élites, a provoqué la chute des présidents Moubarak en Égypte et Ben Ali en Tunisie. Hyperpuissance à la fin de la guerre froide (1991), les États-Unis se trouvent aujourd’hui dans un monde « a-polaire », où aucun pays ne l’emporte. Toutefois, leur économie a retrouvé la croissance et le plein emploi, grâce notamment à la chute, chez eux, du prix du gaz comprimé utilisé comme carburant. Leur budget militaire représente 50 % du total des budgets militaires dans le monde. Dans les relations internationales, ils pratiquent le « smart power », qui combine une armée forte avec des alliances, partenariats et institutions pour étendre leur influence et légitimer leur pouvoir. En fait, leur politique étrangère est dirigée par le Congrès qui contrôle les agences fédérales, pourtant soumises à l’autorité directe du président. Après l’échec de leur intervention en Afghanistan, les États-Unis veulent éviter de nouvelles guerres. Le Pakistan, troisième pays musulman du monde et puissance nucléaire, redoute que l’Inde y exerce son influence, si la situation se stabilise, et finance les talibans installés sur son territoire, à Peshawar et au Baloutchistan. En 2012, les États-Unis réagissent à l’usage de l’arme chimique par le régime syrien, mais renoncent à intervenir. En 2014, ils effectuent des frappes aériennes contre Daech en Syrie et en Irak, et envoient, via l’Arabie saoudite, des équipements non-létaux aux troupes irakiennes et des forces spéciales pour les former. De son côté, la Russie a négocié la destruction de l’arsenal chimique de la Syrie et y a renforcé sa présence militaire dans la base aérienne de Lattaquié et le port de Tartous. Dès 2012, elle a opposé son veto, comme la Chine, à toute résolution du Conseil de sécurité de l’ONU condamnant la Syrie. Elle s’érige comme défenseur des minorités russes extérieures et des chrétiens d’Orient (encadré), lutte contre l’islamisme dans le Caucase et en Tchétchénie, conteste les valeurs occidentales et entend retrouver le rang de l’URSS. La Russie a négocié un accord sur l’industrie nucléaire iranienne, qu’ont entériné les États-Unis, la Grande-Bretagne, l’Allemagne et la France. Très engagé en Syrie et en Irak pour soutenir les chiites, l’Iran est devenu un acteur incontournable à tout règlement politique. Il dénie à l’Arabie saoudite, sa rivale sunnite, la garde des lieux saints de l’islam et reste pour Israël sa principale menace. La Turquie considère comme dangereux pour elle la constitution d’un État kurde. La désintégration des frontières étatiques avec l’émergence d’un « Kurdistan » provoquerait un chaos, dont ne veulent ni la Syrie, ni la Turquie, ni l’Iran, ni la Russie, estime l’ambassadeur. Pour régler les crises au Moyen-Orient, les États-Unis assument le minimum, à savoir l’emploi de forces spéciales et des négociations avec la Russie. Ils s’intéressent surtout au cyber et aux pays du Pacifique, avec qui ils négocient des accords de commerce extérieur.

La nouvelle donne militaire. La dérive technologique et la désignation d’un ennemi tiennent lieu de stratégie aux États-Unis, estime le général Desportes. Ils ont dépensé 1.000 Md$ en Afghanistan entre 2001 et 2015, puis 3.000 Md$ en Irak. Leur politique de formation de troupes locales a échoué au Viêt Nam, en Afghanistan et en Irak, où il faudrait environ 150.000 combattants au sol pendant un an pour reconquérir les vallées du Tigre et de l’Euphrate, selon le général. Pour frapper l’État islamique, leurs avions décollent désormais de la base turque d’Incirlik, mais ont longtemps épargné les files de camions citernes… qui franchissaient la frontière turque pour la contrebande de pétrole ! La coalition menée par les États-Unis a effectué 2.000 frappes aériennes en un an, contre 1.000 en un mois par la Russie. En raison de ses 20 millions de ressortissants musulmans, celle-ci veut maintenir sa présence en Méditerranée, pour contrer globalement la menace islamiste après le retrait de l’OTAN d’Afghanistan. Dans le but de redevenir un acteur majeur dans les relations internationales, elle a joué de la surprise en Crimée, en Ukraine et au Moyen-Orient.

L’urgence des migrations. Daech tue aveuglément et s’attaque à la sécurité, premier des droits de l’Homme, rappelle Blandine Kriegel. Les migrants syriens et irakiens, qui ont vu à la télévision ou sur internet le mode de vie, prospère et libre, des Occidentaux, se précipitent en masse vers l’Union européenne, terre d’asile. Les anciens États membres, proches en matière d’accueil, d’égalité des chances et de droits sociaux, sont davantage prêts à les accepter que les nouveaux, qui n’ont pas participé à ce processus de convergence. Blandine Kriegel préconise de renforcer la politique d’intégration dans un cadre européen, en assurant d’abord une formation linguistique et civique aux migrants, tout en prenant en compte l’histoire de leurs pays d’origine. Il convient de revaloriser les droits de la personne mais de combattre ceux qui veulent détruire la cité démocratique, conclut-elle.

Loïc Salmon

Iran : retour difficile sur la scène internationale

Opex : difficultés à caractériser l’ennemi et à circonscrire le cadre d’opérations

Les chrétiens d’Orient sont estimés à plus de 11 millions de personnes. Parmi eux,  les orthodoxes sont les plus nombreux et regroupés au sein des patriarcats de Constantinople, d’Antioche, d’Alexandrie et de Jérusalem, du catholicossat de Géorgie et de l’archevêché de Chypre. Les catholiques dépendent des patriarcats copte-catholique, arménien-catholique, grec-catholique melkite, maronite et chaldéen. La répartition globale des chrétiens, au sens large, dans les populations du Moyen-Orient varie selon les pays : Arménie, 100 % ; Chypre, 68 % ; Géorgie, 63 % ; Liban, 40 % ; Égypte, 10% ; Jordanie, 6 % ; Syrie, 3 % ; Israël, 2 % ; Territoires palestiniens, 2 % ; Irak, 1 -2 % ; Iran, 0,3 % ; Turquie, 0,1 %.




Marine nationale : opérations de sûreté maritime en coopération avec Frontex

La Marine participe, avec les Douanes et la Direction centrale de la police aux frontières, aux missions de contrôle des flux migratoires en mer de l’agence européenne Frontex qui gère la coopération opérationnelle aux frontières extérieures de l’espace Schengen. Les Etats côtiers exercent leur souveraineté sur leurs eaux territoriales jusqu’à 25 km au large. Au-delà, la haute mer est régie par le droit international qui garantit la liberté de navigation. La Marine doit lutter contre les filières d’immigration illégale tout en portant assistance aux naufragés sur de vastes zones. Ainsi, la Méditerranée s’étend sur 4.000 km du détroit de Gibraltar à la côte libanaise. Il faut 3 jours de mer pour aller des Canaries à Gibraltar, 3 à 4 jours de Gibraltar à l’île de Lampedusa, au large de la Sicile, et autant de Lampedusa aux détroits turcs. Depuis 2002, la France met en œuvre le réseau « Spationav », constitué de la chaîne sémaphorique, des centres régionaux opérationnels de surveillance et de sauvetage et du Centre opérationnel de la marine. L’espace Scpπhengen va des Canaries au Bosphore, soit près de 5.000 km. Frontex, qui a son siège à Madrid, coordonne la surveillance des frontières par un réseau d’échange européen d’information et de coordination des patrouilles et le montage d’opérations conjointes avec les Marines française, italienne, espagnole et des autres pays membres de l’Union européenne sur zone. Touts les opérations de détection, d’interception, de sauvetage ou de reconduite au point de départ se font en coordination avec les Etats côtiers, conformément à des accords bilatéraux. La Marine française, qui assure aussi des patrouilles permanentes entre Toulon et la Corse, participe aux opérations Frontex depuis 2006 avec ses bâtiments et avions de surveillance pour des patrouilles de 1 à 2 mois par an. Ainsi, le 16 septembre 2013 à proximité de Gibraltar, une opération conjointe franco-espagnole avec le patrouilleur de surveillance océanique L’Adroit a permis de détecter des migrants, interceptés ensuite par des moyens navals algériens. Le 19 septembre 2012, le bâtiment hydrographique Laplace a sauvé 5 naufragés à 36 km au large de Cabo Cervera (Espagne), qui ont été remis à la Guardia Civil espagnole. En septembre 2008 au large de la Sicile, le patrouilleur français Arago a recueilli des migrants entassés dans un petit bateau (photo). La Marine exerce aussi un contrôle des flux migratoires illégaux dans les départements et territoires d’outre-mer. À Mayotte, elle procède à 450 interceptions par an, soit environ 12.000 personnes en situation irrégulière venues des Comores… distantes de 60 km !

Loïc Salmon

Marine nationale : permanence, Opex et police en mer

Piraterie maritime : l’action d’Europol