Marine nationale : opération « Arromanches » en Méditerranée et océan Indien

Pour la première fois, le porte-avions Charles-de-Gaulle a été placé sous contrôle opérationnel américain et a assuré la permanence aéronavale d’une coalition engagée dans le golfe Arabo-Persique. L’opération « Arromanches » (janvier-mai 2015) a été présentée à la presse le 7 mai 2015, au cours d’une visioconférence entre le ministère de la Défense à Paris et le contre-amiral Éric Chaperon, commandant la « Task Force 473 » (TF 473), à bord du Charles-de-Gaulle. Au cours de son déploiement, la TF 473 a participé à l’opération « Chammal » à proximité de l’Iran (23 février-18 avril), de concert avec 2 frégates britanniques ainsi que 3 frégates et 1 porte-avions et américains. Outre le Charles-de-Gaulle, la TF 473 a mis en œuvre 2.600 personnels, 12 Rafale, 9 Super Étendard Modernisés, 1 avion de guet aérien Hawkeye, 4 hélicoptères, la frégate de défense aérienne Chevalier-Paul, la frégate britannique anti-sous-marine Kent intégrée à son dispositif, le pétrolier-ravitailleur Meuse, le sous-marin nucléaire d’attaque Améthyste, l’état-major de la TF 473 et un avion de patrouille maritime Atlantique 2. Chaque jour, son aviation embarquée a réalisé 10 à 15 missions de combat dans la profondeur de l’ensemble du territoire irakien, avec des vols de 6 h et à plus de 1.000 km du Charles-de-Gaulle. La disponibilité des Rafale a été de 84 %, un peu moins pour les Super Étendard Modernisés. « La coalition fait tout pour éviter les dommages collatéraux », souligne l’amiral. Selon lui, l’avancée de l’organisation terroriste Daech a été arrêtée, mais l’engagement sera encore long pour les avions de l’armée de l’Air française encore là-bas. En 4 mois de déploiement, la TF 473  aura passé 100 jours à la mer. Mission de présence opérationnelle dans des zones d’intérêt stratégique, l’opération « Arromanches » avait pour but de sécuriser les espaces maritimes et d’offrir aux autorités politico-militaires des options de diplomatie, de défense et de renseignement au Moyen-Orient. En janvier, la TF 473 a participé à des exercices et des patrouilles opérationnelles, en Italie et en Grèce, avec la force navale multinationale de l’OTAN en Méditerranée, composante maritime de sa Force de réaction rapide. Après avoir franchi le canal de Suez (26 janvier), elle a été intégrée à l’exercice « White Shark » avec les forces armées d’Arabie saoudite. Après « Chammal », elle a participé à l’exercice « Vanura » (28 avril-2 mai), avec la Marine indienne, très intéressée par les performances des Rafale Marine. L’Inde a en effet commandé 36 Rafale en avril 2015, après trois ans de négociations exclusives.

Loïc Salmon

Marine et Diplomatie

Marines : coopérations accrues dans les dix prochaines années

OTAN : améliorer la disponibilité et la réactivité




Marine nationale : en opérations sur toutes les mers

En posture permanente de sûreté, la Marine agit, dès le temps de paix, sur l’espace marin de liberté stratégique et de manœuvre. Responsable de l’action de l’État en mer, elle participe aussi aux opérations sur les théâtres extérieurs.

Ce thème a fait l’objet d’une conférence-débat organisée, le 15 avril 2015 à Paris, par le Centre d’études stratégiques de la marine. Y sont notamment intervenus : la contre-amirale Anne Cullerre, sous-chef d’état-major « Opérations aéronavales » ; le capitaine de vaisseau (R) Lars Wedin, chercheur à l’Institut français d’analyse stratégique ; le capitaine de vaisseau Jacques Rivière, chef du bureau « Opérations aéronavales ».

Enjeux et menaces. Outre ses ressources halieutiques et son importance pour le transport de marchandises dans le monde (90 % des échanges), la mer devient un enjeu énergétique, explique le capitaine de vaisseau Wedin. Le parc d’environ 170.000 plates-formes de production d’hydrocarbures (pétrole et gaz) s’accroît de 400 unités par an. S’y ajoutent les éoliennes et hydroliennes (sous-marines), génératrices d’électricité. Or, ces infrastructures affectent l’emploi des radars et les trajectoires de manœuvre des navires marchands pour les éviter. Ces entraves à la circulation maritime se répercutent sur la liberté de navigation. Certains pays riverains, notamment en mer de Chine, créent des zones d’interdiction pour les protéger, notamment des organisations terroristes susceptibles d’utiliser vedettes rapides ou sous-marins de poche pour les endommager, avec des conséquences écologiques et médiatiques. Le commandant Wedin en déduit une stratégie maritime pour le XXIème siècle avec ses composantes économique, financière, industrielle, de défense (OTAN et accords bilatéraux), diplomatique et morale, à savoir la prise en compte de l’importance de la mer par l’opinion publique. L’amirale Cullère rappelle que tous les pays commerçants disposent de Marines militaires pour défendre leurs intérêts maritimes. Ainsi, la Chine et les pays d’Asie du Sud-Est développent leur Marine pour s’assurer la maîtrise des mers environnantes. La guerre froide (1947-1991) semble de retour. Si un bâtiment étranger se rapproche trop près de la Crimée, des unités russes vont immédiatement à sa rencontre. La Russie reconstruit en effet sa Marine, qui montre son pavillon en océan Indien et en Méditerranée. Parallèlement, des avions russes se manifestent le long des côtes atlantiques, indique le capitaine de vaisseau Rivière.

Missions permanentes. Pour garantir la crédibilité de la dissuasion nucléaire, le programme « Cœlacanthe » poursuit la modernisation de la Force océanique stratégique par la mise au format du missile balistique M51 du 3ème SNLE. Pour participer à la protection de ses 80.000 ressortissants français dans le golfe de Guinée, l’opération « Corymbe » combine surveillance maritime et coopération avec les pays riverains pour la prise en charge de leur propre sécurité dans leurs eaux territoriales, explique l’amirale Cullerre. Sur le territoire national (métropole et outre-mer), l’action de l’État en mer (55 missions) inclut la protection des approches maritimes (sémaphores et renseignement). En 2014, 350 personnes ont été secourues, 500 kg de cocaïne saisis et 2.000 engins explosifs neutralisés. En outre, 3.280 marins et gendarmes maritimes ont assuré la sécurité d’enceintes militaires et des installations de la dissuasion. Début 2015, la Marine n’a donc pu fournir de personnels au-delà d’un mois à l’opération « Sentinelle » en Ile-de-France (10.000 personnels mobilisés). En conséquence, l’État-major des armées réfléchit aux nouveaux formats de la défense maritime, opérationnelle et aérienne du territoire. La France participe déjà à la lutte contre l’immigration clandestine dans le cadre de la mission européenne Frontex (renseignement et récupération de naufragés). La France dispose du plus grand réseau d’attachés de défense du monde. Les Commandements supérieurs en Nouvelle-Calédonie (armée de Terre) et en Polynésie française (Marine) remplissent, au sein des pays de l’Asie du Sud-Est et du Pacifique, des missions de rayonnement, mais avec de plus en plus de difficultés car les moyens financiers diminuent. Les escales de deux frégates de surveillance y contribuent, notamment aux Mexique, Chili, Pérou et en mer de Chine. Si le ministère des Affaires étrangères décide, par exemple, l’envoi de secours aux victimes d’un cyclone aux Philippines, la Marine peut déjà en réaliser la planification sur place. En raison de la présence d’entreprises françaises (CMA et Total) dans la région, des bâtiments militaires français  s’y rendent, mais sans prendre parti dans les litiges territoriaux entre les pays riverains et la Chine, qui se pose en rivale des États-Unis. Par ailleurs, la Marine américaine doit assurer, en permanence, l’ouverture des détroits de Bab-el-Mandeb et d’Ormuz, où la Grande-Bretagne a envoyé des unités et la France un chasseur de mines en avril 2015.

Opérations ponctuelles. Avec ses bâtiments, aéronefs (avion radar Atlantique 2 ou Falcon 50 notamment) et commandos (forces spéciales), la Marine participe aux opérations extérieures, dans un cadre interarmées et en coalition : « Chammal » contre Daech en Irak, « Atalante » contre la piraterie en océan Indien et « Serval » puis « Barkhane » dans la bande sahélo-saharienne. Elle dispose de : 3 bases navales à Cherbourg, Brest et Toulon ; 4 stations navales au Sénégal, en Côte d’Ivoire et au Gabon ; 2 bases interarmées à Djibouti et aux Émirats arabes unis. L’opération « Corymbe » dans le golfe de Guinée est dirigée par l’amiral préfet maritime de Brest, également commandant en chef pour l’Atlantique, en coordination avec ses homologues au Sénégal, en Côte d’Ivoire et au Gabon. Auparavant uniquement effectuées en liaison directe avec la présidence de la République, les projections de forces sur des théâtres extérieurs intègrent la communication opérationnelle, en raison de l’accélération du temps « politico-médiatique », souligne l’amirale Cullerre. En échange du soutien des États-Unis à la France en matière de renseignement et de ravitaillement en vol pendant les opérations « Harmattan » (Libye, 2011) et « Serval » (Mali, 2013), le groupe aéronaval français a assuré la relève d’un porte-avions américain au cours de l’opération « Chammal » (Irak, avril 2015).

Loïc Salmon

Asie-Pacifique : rivalités et négociations sur les enjeux stratégiques

L’océan Indien : espace sous tension

Golfe de Guinée : zone de crises pour longtemps

Avec 11 Mkm2 de zones économiques exclusives réparties sur 7.000 km de côtes sur tous les océans, la France dispose du 2ème domaine maritime mondial, après les États-Unis. Sa Marine compte : 10 sous-marins, dont 6 d’attaque (SNA) et 4 lanceurs d’engins (SNLE) ; 42 bâtiments de combat et de soutien ; près de 200 avions de chasse, de patrouille et de surveillance ainsi que des hélicoptères ; 15 unités de fusiliers et commandos Marine ; 34.000 hommes et femmes, dont 3.000 civils. Le taux de féminisation atteint 13,8 %. Dès 2017, l’équipage du premier SNA Barracuda intégrera 3 officiers féminins. Toutes les spécialités sont ouvertes aux femmes, y compris celles de pilote de chasse embarquée et de commando Marine, si elles réussissent les mêmes tests que les hommes.




Sécurité : corruption et évasion fiscale, conséquences lourdes

Elément à part entière des relations économiques locales et internationales, l’argent « sale », issu de la corruption ou de l’évitement de l’impôt, sert à financer le terrorisme et les activités criminelles.

Ce thème a fait l’objet d’une conférence-débat organisée, le 20 mars 2018 à Paris, par l’Institut de relations internationales et stratégiques (IRIS). Y sont intervenus : le magistrat Eric Alt, vice-président de l’association Anticor ; Carole Gomez, chercheuse à l’IRIS et co-auteure du livre « Argent sale. A qui profite le crime ? » ; Eric Vernier, chercheur associé à l’IRIS et spécialiste du blanchiment de capitaux.

Complexification croissante. La définition de l’argent « sale » varie, car, même gagné de façon légale, il peut être considéré comme « noir » ou « gris » selon les pays et les époques, explique Carole Gomez. Cela permet de dissimuler l’origine des fonds à réinjecter dans les circuits économiques licites (blanchiment). Depuis l’Antiquité, les pouvoirs publics veulent gommer l’origine peu recommandable de certains fonds, afin de les faire rentrer dans les caisses de l’Etat. Ainsi, l’empereur romain Vespasien (9-79 après JC) avait taxé la collecte d’urine, qui servait à fixer la peinture. A son fils, le futur empereur Titus, qui s’en étonnait, il avait répondu : « L’argent n’a pas d’odeur ». Au Moyen-Age et à la Renaissance, les dirigeants politiques ont tenté de lutter contre la corruption, sans grand succès. Au XXème siècle et jusque dans les années 1990, les pots-de-vin versés pour emporter un marché étaient déductibles du chiffre d’affaires de l’entreprise concernée. L’argent sale provient des partis politiques, des groupes criminels, de la contrefaçon ou de trafics divers (drogue, prostitution et racket) pour alimenter des activités illégales. Transparency International, organisation non gouvernementale allemande anti-corruption étatique, établit des classements par pays mais selon des critères peu pertinents, précise Carole Gomez. Ainsi, certains pays comme le Soudan et la Syrie sont toujours mal traités et d’autres très bien, comme les pays scandinaves…dont certaines personnalités politiques ont pourtant placé des fonds dans les paradis fiscaux ! Ces derniers, qui permettent d’échapper à l’impôt, déresponsabilisent les particuliers qui en ignorent les dangers sous-jacents. Les flux d’argent sale se sont accrus avec la mondialisation et le développement de la technologie : la « crypto-monnaie » (argent électronique) a vu le jour en 1997. Les Etats et organisations internationales se sont rendus compte du danger, mais avec retard. Par ailleurs, les média renforcent l’idée de l’augmentation des flux en jeu. Toutefois, la crise économique persistante a rendu la société civile moins tolérante. La connaissance approfondie de ses mécanismes constitue un outil efficace contre l’argent sale. Mais les mesures de prévention et les actions des « lanceurs d’alerte » auront toujours un temps de retard.

Du « sale » au « propre ». Le blanchiment d’argent n’est jamais abordé dans les réunions du G-20 (19 pays et l’Union européenne), souligne Eric Vernier. L’argent du crime est estimé à 2.000 Mds$, soit autant que le produit intérieur brut du continent africain, et dont la moitié passe par les circuits bancaires. Le GAFI (Groupe d’action financière contre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme) établit une liste de pays non coopératifs, mais qui se vide au cours des années et n’inquiète guère la Russie, la Chine, Israël, le Liban, Singapour, Hong Kong ou l’Etat américain du Delaware. Selon des organisations non gouvernementales (ONG), seulement 1 % des avoirs des anciens dictateurs est retrouvé. Ainsi, des avocats recherchant ceux du colonel Kadhafi après sa chute (2011) en ont trouvé 800 M$ dans une banque sud-africaine. Les paradis fiscaux ne profitent qu’aux non-résidents, la France en étant un pour les riches Qataris, estime Eric Vernier. Les ONG spécialisées en dénombrent une soixantaine dans le monde. L’Union européenne (UE) a établi une liste de 17 pays, réduite à 7 après la publication des « Panama Papers » en avril 2016. Cette liste exclut une vingtaine d’Etats européens, dont les Pays-Bas, Malte, Chypre, Gibraltar, la Belgique et la Suisse. Les pays en développement qui acceptent des entreprises multinationales chez eux n’y figurent pas. Depuis, des sociétés extraterritoriales et tout à fait légales sont parvenues à des « arrangements ». Ainsi la société suisse de services financiers UBS a payé 2 Mds$ pour éviter une enquête sur le blanchiment d’argent. La Suisse doit donner les noms de 40.000 clients à la France…qui ne les réclame pas. Barons de la drogue d de la Colombie et du Mexique, hommes politiques et chefs d’entreprises de divers pays ont bénéficié des mêmes montages et avantages financiers. La publication des « Paradise Papers » (novembre 2017) a mis au jour un véritable « système de fraude fiscale », souligne Eric Vernier. Par exemple, un sportif français de haut niveau peut acheter légalement un bateau à Malte sans avoir à payer la taxe à la valeur ajoutée en France. Grâce à des montages sophistiqués, une société française, ayant pignon sur rue, aide des petites entreprises de commerçants ou d’artisans à s’installer en Grande-Bretagne pour éviter l’impôt. Dans le même but, l’agence de location de logements AirBnB propose à des particuliers d’ouvrir un « compte parabancaire » (non soumis aux obligations des banques) à Gibraltar, lequel ne sera pas déclaré aux autorités françaises. Les locations à Paris atteignent plusieurs centaines de millions d’euros par an. Selon Eric Vernier, les nouvelles technologies permettent aux marchés financiers supranationaux d’augmenter les fraudes, mais aussi de lutter contre.

Riposte possible. Au sein même de l’UE, certains Etats proposent des « optimisations fiscales » aux ressortissants des autres pays membres, rappelle Eric Alt. Toutefois, la coopération entre société civile et législateur a conduit à une loi sur la vigilance des sociétés mères et de leurs filiales. Des ONG comme Transparency International, Sherpa et Anticor ont obtenu l’agrément de se porter partie civile. Enfin, le parquet financier compte des personnalités qui prennent des décisions courageuses, conclut Eric Alt.

Loïc Salmon

Le service de renseignement « Tracfin » dépend du ministère des Finances. La cellule d’analyse stratégique exploite les informations disponibles, en vue d’identifier les tendances en matière de blanchiment des capitaux et de financement du terrorisme. Le département d’analyse, du renseignement et de l’information suit les déclarations relatives au soupçon et assure les relations internationales. Le département des enquêtes effectue les investigations approfondies sur tous les types de blanchiment. Le pôle juridique et judiciaire remplit des missions d’expertise et de conseil pour caractériser des faits susceptibles de constituer une infraction. Il travaille en liaison avec la Police nationale, la Gendarmerie nationale et l’Office de répression de la grande délinquance financière. La mission des systèmes d’information s’occupe du fonctionnement et de l’évolution des moyens informatiques de Tracfin.

Sécurité : la contrefaçon et ses conséquences économiques, sanitaires et criminelles

Afrique : fraude et corruption des agents publics, des fléaux difficiles à éradiquer




Marine : interopérabilité et résilience, plus vite et plus fort

Avec ses innovations technologiques et ses talents, la Marine se prépare aux futures interventions en interarmées et en coalition. L’Europe va se projeter au-delà de la Méditerranée, jusqu’à l’arc Iran-Pakistan et l’Afrique.

L’amiral Pierre Vandier, chef d’état-major de la Marine (CEMM), l’a expliqué au cours d’une rencontre organisée, le 8 mars 2022 à Paris, par l’Association des journalistes de défense.

Bouleversement géopolitique. Le monde vient d’entrer dans une logique de puissance remettant en cause l’architecture de sécurité internationale, souligne le CEMM. L’intervention russe en Ukraine ne constitue pas une crise, comme au Proche-Orient, mais un changement profond sur les plans militaire et économique affectant les approvisionnements en pétrole, gaz (russe) et blé (russe et ukrainien). Elle ne se réduit pas à la mer Noire, mais s’inscrit dans un ensemble cohérent du port de Sébastopol (Crimée) à celui de Mourmansk (Nord du cercle polaire arctique). Déployé en Méditerranée orientale en support de la mission OTAN, le groupe aéronaval lance deux patrouilles de chasseurs Rafale et une de l’avion de guet aérien Hawkeye chaque jour. Un Rafale peut effectuer un aller-retour jusqu’en Roumanie en 1h30. Un sous-marin nucléaire d’attaque se trouve en océan Indien et la frégate de surveillance Vendémiaire en mer de Chine. Selon le document Brèves Marines (octobre 2021) du Centre d’études stratégique de la marine, des Etats historiquement maritimes renforcent leurs capacités en sous-marins et navires de surface et de débarquement. Plusieurs puissances émergentes, dont la Turquie, acquièrent des capacités de protection, d’intervention et parfois de projection océanique. En outre, l’Asie rassemble 55 % des sous-marins en service dans le monde, d’abord en Chine, au Japon, en Corée du Sud, en Australie, en Inde et au Pakistan, puis au Viêt Nam, en Birmanie, en Thaïlande et au Bangladesh. Faute de pouvoir mettre en œuvre un porte-avions, des Etats se dotent de bâtiments d’assaut amphibies.

Combat aéromaritime. L’exercice « Polaris 2021 » a permis de renforcer les capacités en combat aéromaritime de haute intensité. Du 18 novembre au 3 décembre 2021 sur les façades méditerranéenne et atlantique, il a mobilisé plus de 6.000 militaires français (130 soldats de l’armée de Terre) et étrangers et, notamment, le porte-avions nucléaire Charles-de Gaulle et le porte-hélicoptères amphibie Tonnerre. « Polaris 21 » a provoqué un changement de la manière de penser, estime le CEMM. Il a mis en œuvre deux forces symétriques, qui ont dû gérer leurs ressources en pétrole et en munitions et innover sur le plan tactique. Les commandants d’unités ont dû utiliser de nouvelles technologies et de nouveaux concepts, afin de surprendre l’adversaire pour conserver leur liberté d’action. Habitué à se préparer à la guerre selon une doctrine et par l’entraînement, le chef d’aujourd’hui doit faire face à l’incertitude, l’imprévu et la vulnérabilité consécutive à une perte de communication par satellite ou un dysfonctionnement du GPS, indispensables aux missiles de croisière. Il s’agit de maintenir le combat au même niveau, mais en mode dégradé, grâce à la résilience globale où chaque opérateur doit pouvoir être remplacé par un autre. Des marins « ambassadeurs internes » expliquent à d’autres marins comment changer de métier en cours de carrière. Sur le plan technique, le drone naval mode hélicoptère, véritable œil déporté, sera expérimenté mi-avril pendant la mission « Jeanne d’Arc 2022 ».

Loïc Salmon

Ukraine : soutiens OTAN et UE, sanctions contre la Russie

Union européenne : penser les opérations maritimes futures

Marine : « Jeanne d’Arc 2022 », océan Indien et golfe de Guinée




Marine : GAN et « Mission Jeanne d’Arc » en océan Indien

Le groupe aéronaval (GAN) et l’Ecole d’application des officiers de marine (« Mission Jeanne d’Arc ») se déploient en océan Indien entre avril et juin 2019.

Leurs périples respectifs ont été présentés le 21 février 2019 à Paris.

« Mission Clemenceau ». Avant son départ, le GAN a validé sa capacité à conduire des opérations lors de l’exercice « Fanal » en Méditerranée occidentale, pendant deux semaines de février. Le porte-avions Charles-de-Gaulle, escorté de frégates française, espagnole et italienne et d’un destroyer américain, a couvert l’ensemble du combat naval : projection de puissance ; maîtrise des espaces aéromaritimes ; luttes anti-sous-marine, anti-aérienne et antinavires. Son groupe aérien se compose de 20 Rafale et 2 avions de guet aérien Hawkeye, de 2 hélicoptères Dauphin et d’un hélicoptère Caïman Marine. Il a procédé à 250 catapultages et appontages et divers entraînements, du pistage d’un sous-marin au sauvetage d’un pilote éjecté dans une zone de combat. Parti de Toulon début mars, le GAN entame sa « Mission Clemenceau » au Levant et en océan Indien jusqu’en juillet : pré-positionnement stratégique en Méditerranée orientale (mars-avril) ; franchissement du canal de Suez et du détroit de Bab-el-Mandeb pour un pré-positionnement similaire dans les zones Ouest et Est de l’océan Indien (avril, mai et juin). Ce déploiement s’adapte en fonction de situation des missions et des opérations. La « Mission Clemenceau » vise à : renforcer l’appréciation de situation ; développer l’interopérabilité et la coopération militaire ; renforcer des partenariats stratégiques ; réaffirmer la présence de la France dans ses zones d’intérêt ; intervenir en cas de menace sur la sécurité régionale. Le GAN doit se rendre à Singapour, mais pas en mer de Chine. Il pourrait participer à l’opération « Chammal » au Levant, dès l’arrivée de son groupe aérien sur zone. Des exercices bilatéraux sont prévus : dans le golfe du Bengale avec la Marine indienne (mai) puis avec les Marines japonaise, américaine et australienne (juin) ; en mer Rouge avec la Marine égyptienne (juillet). Outre le Charles-de-Gaulle, le GAN compte : 4 frégates, multi-missions Provence et Languedoc, anti-sous-marine Latouche-Tréville et de défense aérienne Forbin avec leurs 5 hélicoptères embarqués ; le bâtiment de commandement et de ravitaillement Marne ; un sous-marin nucléaire d’attaque. Un avion de patrouille maritime ATL2, des frégates danoise, britannique et portugaise et des bâtiments américain et australien apportent leur concours.

« Mission Jeanne d’Arc ». L’Ecole d’application des officiers de marine se compose du porte-hélicoptères amphibie Tonnerre et de la frégate furtive La-Fayette. Elle embarque 130 officiers en formation (15 étrangers) et reçoit les concours de : l’armée de Terre jusqu’à Djibouti, avec 2 hélicoptères Gazelle, 150 passagers et leurs véhicules ; 2 hélicoptères Cougar espagnols ; 1 appareil de transport hybride V22 Osprey du Corps américain des marines (USMC). Entre février et juillet, la « Mission Jeanne d’Arc » effectue d’abord une préparation opérationnelle interarmées et interalliés en Méditerranée orientale, pour la protection des approches maritimes. Des exercices amphibies sont prévus : avec les forces égyptiennes en mars, puis djiboutiennes (mars) en mer Rouge ; au Brésil (mai), puis aux Etats-Unis (juin) dans l’océan Atlantique. La gestion de crise humanitaire sera traitée en avril à Mayotte (océan Indien), puis en juin aux Antilles (océan Atlantique) avec la Marine néerlandaise. L’exercice final se déroule près de Toulon (juillet).

Loïc Salmon

Marine nationale : mission « Arromanches 3 » du GAN en Méditerranée orientale

L’océan Indien : espace sous tension

Marine nationale : « Jeanne d’Arc 2018 », missions opérationnelles et de formation




Ukraine : le volet français de la défense du flanc Est de l’Europe

Depuis le début du conflit entre la Russie et l’Ukraine le 24 février 2022, la France contribue à la posture défensive de l’OTAN, de la Norvège à la Bulgarie.

Les colonels Pascal Ianni (Etat-major des armées) et Stéphane Spet (armée de l’Air et de l’Espace) l’ont expliqué à la presse, le 10 mars 2022 à Paris.

Le théâtre ukrainien. La Russie prévoyait une offensive courte et rapide, souligne le colonel Ianni. Faire manœuvrer 150.000 hommes demande du temps et nécessite une logistique énorme, en essence et munitions, calculée pour la première partie de la guerre. Une progression rapide sur une longue distance consomme beaucoup de carburant. Or en Ukraine, la logistique russe, basée traditionnellement sur le chemin de fer, a dû utiliser des camions. Les troupes russes, massées à la frontière ukrainienne, l’ont franchie en totalité et doivent y acheminer leurs propres ressources. En revanche, les forces ukrainiennes se battent chez elles et continuent de leur causer des pertes sévères, estimées déjà à 4.000 morts selon les services de renseignement américains. Les chiffres diffusés par les belligérants manquent de crédibilité, car manipulés dans le cadre de la guerre de l’information. En général, l’attaquant au sol doit disposer de trois fois plus de combattants que la défense adverse pour pouvoir l’emporter. Après deux semaines de combats, la « pause opérationnelle » des troupes russes, mais pas des bombardements, doit logiquement durer jusqu’à l’arrivée des réserves sur les différents fronts.

Le dispositif français. La France apporte un soutien militaire à l’Ukraine, rappelle le colonel Ianni. Les entretiens téléphoniques du président de la République, du chef d’Etat-major des armées et de l’amiral commandant en chef pour la Méditerranée se poursuivent avec leurs homologues russes pour la « déconfliction », actions de coordination pour réduire les risques d’accidents susceptibles de conduire à une escalade militaire. Au Sud où la France dispose de sa capacité autonome d’appréciation de la situation pour affirmer sa liberté d’action, les groupes aéronavals français et américain se coordonnent en Méditerranée orientale. Conformément au dispositif de vigilance renforcée de l’OTAN, un avion d’alerte avancée E-3F Awacs, parti de la base d’Avord, effectue des missions de défense aérienne et de renseignement à la frontière bulgare. En Roumanie, la mission « Aigle » de réassurance terrestre est menée par 500 militaires issus des 27ème Bataillon de chasseurs alpins, 126ème Régiment d’infanterie, 4ème Régiment de chasseurs et 4ème Régiment d’artillerie de montagne. A la frontière polonaise, 2 avions de chasse Rafale (partis de Mont-de-Marsan) et 1 avion-ravitailleur Phénix (parti d’Istres) renforcent la défense aérienne. En Norvège, des éléments français des trois armées participent aux exercices OTAN « Brilliant Jump 22 » et « Cold Response 22 » de dissuasion et de posture défensive, prévus de longue date. En outre, la frégate multi-missions Languedoc poursuit sa patrouille en mer de Norvège. Pour protéger et contrôler l’espace aérien des Etats baltes, indique le colonel Spet, 100 militaires et 4 Mirage 2000-5 participent à police du ciel de l’OTAN. Ce dispositif alterne les semaines de permanence opérationnelle avec celles d’entraînement en Lituanie. Toutes ces missions sont pilotées par le Centre air de planification et de conduite des opérations de Lyon-Mont Verdun. Enfin, le Centre national des opérations aériennes (même base) interdit le survol de la France à tous les aéronefs civils des compagnies aériennes russes ou affrétés par des ressortissants russes.

Loïc Salmon

Ukraine : sous-estimations stratégiques de la Russie

Ukraine : soutiens OTAN et UE, sanctions contre la Russie

OTAN : réaffirmation des défense collective, gestion des crises et sécurité coopérative




Marine nationale : l’aéronavale, tournée vers les opérations

Veiller et combattre constituent les missions permanentes des 200 aéronefs et des 5.000 marins du ciel qui, en outre, sauvent 300 vies humaines par an.

Le contre-amiral Guillaume Goutay, commandant la Force de l’aéronautique navale, l’a expliqué au cours d’une conférence organisée, le 29 janvier 2020 à Paris, par le Centre d’études stratégiques de la marine.

Atouts aériens. Profitant de la liberté de la haute mer pour conduire une opération aéromaritime, les forces navales à la mer utilisent la troisième dimension, qui leur donne un préavis sur l’ennemi, souligne l’amiral. Depuis 1912, l’aéronautique navale française a perdu 1.600 personnels, morts au combat ou en vol d’expérimentation. Les Rafale, équipés du missile ASMPA (air-sol moyenne portée), et les avions de guet aérien Hawkeye du groupe aéronaval (GAN) contribuent à la mise en œuvre de la dissuasion nucléaire. L’avion de patrouille maritime ATL2 et les hélicoptères embarqués sur les frégates empêchent toute intrusion au large de la base de la Force océanique stratégique à Brest. Depuis six ans, l’aviation navale intervient dans toutes les opérations extérieures avec les missions « Arromanches 1,2 et 3 » en Libye et au Levant (2014-2016), « Clemenceau » en Méditerranée et océan Indien (2019) et « Foch » au Levant (2020, encadré). En mer, le GAN effectue 60 sorties aériennes/jour en moyenne pour des missions de renseignement ou de combat jusqu’à 1.000 km à l’intérieur des terres. Le Hawkeye détecte tous les éléments mobiles, sur l’eau et dans les airs, sur une zone équivalente à la superficie de la France. Instrument politique et diplomatique majeur dans la durée et en autonomie, il fait peser sur Daech (Levant) une présence militaire par des cycles d’intervention de 3-4 semaines avec 1 semaine de « régénération ». Adapté aux missions aéroterrestres, un ATL2, déployé en permanence dans l’opération « Barkhane » au Sahel, permet la collecte de renseignements, l’appréciation de la situation ou le guidage de frappes. Par ailleurs, la lutte contre les trafics illicites, l’immigration clandestine et le terrorisme par la mer ou sur les côtes s’intensifie depuis 2014. Un avion Falcon 50 de surveillance maritime est déployé en Méditerranée et un autre dans les départements et territoires d’outre-mer. En complément, un dispositif d’hélicoptères est mis en œuvre, notamment pour la surveillance des 6.000 km de côtes métropolitaines, le sauvetage, les évacuations médicales et l’action de l’Etat en mer. En Asie du Sud-est, en mer de Chine méridionale, en Atlantique et dans le grand Nord, le déploiement d’une frégate et de son hélicoptère embarqué permet de recueillir des renseignements, en vue d’anticiper une crise puis de la prévenir. Depuis 2016, les pilotes d’aéronefs constatent la résurgence de la contestation maritime, en surface et sous la mer, de la part de la Chine, de la Russie et d’organisations non-étatiques. L’amiral Goutay pressent un durcissement des conditions d’engagement en mer avec des préavis plus courts, d’ici à une dizaine d’années.

Ressources humaines limitées. Parmi les 200 aéronefs, 50 des 110 avions sont disponibles quotidiennement, indique l’amiral Goutay. Depuis 2001, les missions opérationnelles représentent 60 % de leur activité, contre 40 % pour l’entraînement. Seules les Marines américaine et française disposent de porte-avions à catapultes et brins d’arrêt. Cette technologie, qui nécessite dix ans pour en acquérir le savoir-faire, crée un niveau élevé de confiance réciproque. Ainsi, lors de la mission « Chesapeake » aux Etats-Unis en 2018, 350 marins, dont 27 pilotes, 1 Hawkeye et 13 Rafale se sont notamment entraînés sur le porte-avions George H.Bush. Depuis les années 1990, une école française de chasse embarquée, installée aux Etats-Unis, forme, pendant 18 mois, 10 pilotes par an, qui obtiennent leur qualification porte-avions à l’issue de 12 appontages. Après une formation initiale de 3 ans pour les missions de renseignement et de bombardement, un pilote de chasse la complète par un perfectionnement de 4 ans pour devenir chef de patrouille. Le passage de l’entraînement à la mission opérationnelle s’avère difficile, car la prise de risques et de décision du pilote de chasse diffère de celle du pilote d’un avion commercial ou d’un ATL2. D’abord marins, tous les personnels de l’aéronavale comprennent la nécessité de l’humilité, de la sécurité des vols et du partage du retour d’expérience entre les équipages, y compris avec ceux de l’armée de l’Air. L’aéronavale française, féminisée à 14 %, compte 500 pilotes pour ses Hawkeye, Rafale, ATL2 et hélicoptères. Elle inclut d’autres familles de métiers : la maintenance des moteurs, de l’avionique et de l’armement ; le contrôle aérien et la préparation des opérations aviation. La moyenne d’âge y atteint 32 ans, contre 29 ans pour l’ensemble de la Marine. Cette dernière, comme l’armée de l’Air et les industriels, doit trouver des compétences et assurer formation et mises à niveau. Pour compenser le départ des anciens, partis poursuivre une carrière civile, elle doit stabiliser les flux d’entrée. Or, avec la remontée en puissance des armées engagée depuis 2015, l’aéronavale peine à recruter des jeunes, dont 25 officiers sous contrat par an, face à la concurrence du secteur privé…et de l’armée de l’Air ! Quoique la formation (14 mois) des techniciens soit mutualisée avec l’armée de l’Air, l’aéronavale perd souvent les siens vers l’âge de 25-27 ans, en raison notamment des contraintes liées au service à la mer.

Perspectives. L’aéronavale va recevoir le Rafale standard F3r équipé du missile Météor (air-sol longue portée), qui sera remplacé par le Rafale standard F4 vers 2025, indique l’amiral Goutay. A cette date, les hélicoptères embarqueront des drones. Vers 2030, le drone MALE (moyenne altitude longue endurance) européen complètera la surveillance maritime avec les satellites. Enfin, le SCAF (système de combat aérien futur) franco-allemand devrait entrer en service ainsi vers 2035 ainsi que les drones embarqués sur le porte-avions de la prochaine génération.

Loïc Salmon

Le groupe aéronaval (GAN) a quitté Toulon le 21 janvier 2020 dans le cadre de la mission « Foch » d’une durée de trois mois. Le premier volet, en Méditerranée orientale, concerne l’appui de l’opération « Chammal », composante française de la coalition internationale contre Daech. Le second, en Atlantique et en mer du Nord, porte surtout sur des exercices de coopération avec les alliés de l’OTAN pour maintenir un haut niveau d’interopérabilité. Au départ, le GAN compte : le porte-avions Charles-de-Gaulle avec 18 Rafale marine, 2 avions de guet aérien E-2C Hawkeye, 1 hélicoptère Caïman marine et 2 hélicoptères Dauphin ; la frégate multi-missions (FREMM) Auvergne ; la frégate de défense aérienne (FDA) Chevalier-Paul ; le bâtiment de commandement et de ravitaillement (BCR) Var ; la frégate grecque Spetsai ; un sous-marin d’attaque. Sont prévus de participer partiellement à la mission « Foch » : les BCR Somme et Marne ; les FREMM Bretagne et Normandie ; la frégate furtive Surcouf ; la frégate anti-sous-marine La-Motte-Piquet ; un avion de patrouille maritime ATL 2 ; différents bâtiments d’Espagne, du Portugal, de Belgique, des Pays-Bas et d’Allemagne.

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Marine nationale : le CEPPOL, outil contre la pollution en mer

Le Centre d’expertises pratiques de lutte antipollution (CEPPOL) propose, expérimente et détermine les spécificités de contrats d’assistance impliquant armateurs, sociétés de classification et assureurs.

Son commandant, un capitaine de frégate, a présenté cette lutte au cours d’une conférence organisée, le 30 mars 2022 à Paris, par le Centre d’études stratégiques de la marine.

Veille et actions. Les quantités de produits polluants, en majorité des hydrocarbures, déversés dans la mer augmentent. La pollution dure de quelques jours, par évaporation ou dispersion par émulsion/eau huile, à plusieurs mois par la biodégradation des goudrons et jusqu’à des années en cas de sédimentation au fond de la mer. Les nappes de pétrole de 20 à 30 m de diamètre contiennent 90 % d’eau, qu’il faudra rejeter à la mer. Le reliquat (photo) sert de combustible aux centrales électriques thermiques. Quand un pétrolier ou un chimiquier se signale en détresse, des drones permettent de détecter les fuites éventuelles d’hydrocarbures ou de produits dangereux. La lutte contre la pollution maritime présente des parallèles avec une opération militaire, indique le capitaine de frégate. Un comité d’experts anticipe, pendant deux à cinq jours, les actions à mener grâce à la surveillance de ces navires, par des moyens navals, aériens et satellitaires, leur dérive prévisible, l’analyse de leur comportement et leur vieillissement. En cas d’alerte, un aéronef arrive sur zone dans les deux heures et un navire antipollution dans les 24 heures. La logistique opérationnelle évalue ce qu’il est possible de faire dans les quatre jours : recherche des moyens ; mouvements des matériels ; soutien technique en cas d’avarie. Les techniques de lutte varient selon le degré de pollution. S’il est très faible, l’évaporation, la dispersion et la dissolution naturelle suffiront. L’observation constante permet d’agir dans de bonnes conditions techniques et météorologiques pour préserver la population et les usagers de la mer. L’action à la source de la pollution consiste à alléger le navire en difficulté, par un transbordement de sa cargaison sur un autre, le ceinturer par un barrage flottant et pomper les produits polluants à partir de la brèche détectée, qui sera colmatée. L’action sur le produit polluant consiste en : une dispersion, variable selon ses caractéristiques et les zones ; un confinement, pour le récupérer ou le « chaluter » (photo) ; un brassage, s’il s’agit de gazole ou d’un produit chimique volatile non dangereux. Enfin, la protection des cibles de la pollution nécessite le déclenchement du plan ORSEC, au niveau départemental et de la zone de défense (plan Polmar terre).

Organisation nationale. Les sociétés de classification certifient la tenue des navires à la mer. En cas d’accident, l’armateur doit réagir en premier auprès de son assureur. La Marine intervient gratuitement pour sauver des vies humaines, mais facture son assistance au navire pollueur. L’action de l’Etat en mer relève du Premier ministre, qui dispose du Comité interministériel de la mer (12 ministres) et du Secrétariat général de la mer. L’amiral préfet maritime de zone dirige les opérations de secours et les interrompt lorsqu’il n’y a plus d’espoir. Le plan ORSEC maritime place la lutte contre la pollution après les recherche et sauvetage et l’assistance aux navires en difficulté. La Marine forme 150-200 personnels à cette lutte et organise un entraînement majeur chaque année en métropole et tous les deux ans en outre-mer.

Loïc Salmon

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Marine nationale : « Jeanne d’Arc 2018 », missions opérationnelles et de formation

Outre son volet « entraînement », le voyage annuel du Groupe école d’application des officiers de marine (GEAOM), dit « Mission Jeanne d’Arc », constitue un outil de connaissance et d’anticipation et un ensemble de moyens visibles pour intervenir loin.

Le GEAOM est déployé du 26 février au 20 juillet 2018 dans le Sud de la Méditerranée, la mer Rouge et les océans Indien et Pacifique. Il compte le bâtiment de projection et de commandement (BPC) Dixmude, la frégate Surcouf et 5 hélicoptères (1 Alouette III Marine, 2 Gazelle de l’armée de Terre et 2 Wildcat de la Marine britannique). Son commandant, le capitaine de vaisseau Jean Porcher, s’est entretenu avec la presse, le 7 juin à Paris, en visioconférence à bord du BPC.

Les opérations. Le déploiement dans des zones d’intérêt stratégique pour la France permet un soutien naval à sa diplomatie, une interopérabilité militaire et une coopération internationale pour conduire une action militaire de haute intensité ou une opération de gestion de crise humanitaire. La préparation opérationnelle a inclus un exercice amphibie en Corse en février, puis des entraînements avec les forces maritimes libanaise, israélienne et égyptienne. En mars, l’exercice amphibie majeur « Wakri 18 » a mobilisé 300 militaires du 3ème Régiment d’infanterie de marine et du 5ème Régiment interarmes d’outre-mer, les moyens interarmées des forces françaises stationnées à Djibouti et 45 « marines » américains. En mai, le GEAOM a participé à l’exercice de soutien humanitaire « Komodo 2018 », qui a nécessité 35 navires et 27 aéronefs de 42 autres pays au large de l’île indonésienne de Lombok. En outre, il s’est entraîné avec les Marines de l’Inde, de Malaisie, de l’Indonésie, de Singapour, du Viêt Nam et de l’Australie, partenaires stratégiques de la France. En effet, environ 1,5 million de ressortissants des départements et territoires d’outre-mer et 200.000 expatriés résident dans la zone Indo-Pacifique. Les escales, équilibrées avec les différents pays de la zone, sont préparées en amont par la Direction des relations internationales et de la stratégie. En tant que membre permanent du conseil de sécurité de l’ONU, la France contribue au respect de la liberté de navigation en mer de Chine méridionale. La « Mission Jeanne d’Arc » s’y est rendue en mai, avec des observateurs européens (militaires, réservistes et universitaires) pour montrer ce qui s’y passe et comment elle agit. Elle a patrouillé autour des atolls et îlots artificiels, où la Chine construit des ports et des aéroports, et y a recueilli des renseignements par radar, photos, caméras, drones et hélicoptères. Les échanges, courtois, avec les navires chinois, se sont faits selon le code de communication « Q », commun à 11 pays asiatiques, pour éviter toute incompréhension fâcheuse.

La formation « in situ ». Le GEAOM embarque 131 officiers-élèves, 35 cadres, 60 stagiaires (administrateurs des Affaires maritimes, médecins, sous-lieutenants de Saint-Cyr Coëtquidan, ingénieurs de l’armement et élèves de l’EDHEC), 25 marins de la flottille amphibie, 21 fusiliers marins, 7 membres du détachement drone, 9 commissaires « Marine », 10 officiers étrangers et 36 marins britanniques (pilotes d’hélicoptères, techniciens et soutien). Les missions de ces derniers portent sur le renforcement de la capacité « porte-hélicoptères d’assaut » du BPC et le partage de savoir-faire amphibie, pour intensifier l’intégration des forces armées franco-britanniques.

Loïc Salmon

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Marine nationale : opération « Agénor » et missions « Foch » et « Jeanne d’Arc »

L’opération « Agénor », dans le golfe Arabo-Persique et le détroit d’Ormuz, et les missions « Foch » du groupe aéronaval, en Méditerranée orientale, et « Jeanne d’Arc » de l’Ecole d’application des officiers de marine, dans les océans Indien et Pacifique, ont été présentées à la presse à Paris le 27 février 2020.

L’opération « Agénor ». Volet militaire de l’initiative européenne « European led Maritime Situation Awareness in the Straight of Hormuz » (EMASOH), « Agénor » a atteint sa pleine capacité opérationnelle le 25 février. Nation-cadre, la France s’appuie sur ses forces stationnées dans la base navale d’Abou Dhabi, où se trouve l’état-major tactique constitué de représentants des Etats contributeurs et d’officiers de liaison. Les frégates française Forbin et néerlandaise De-Ruyter sont placées sous le contrôle opérationnel et le commandement tactique de l’opération. EMASOH doit donner une appréciation autonome de situation à ses huit membres, à savoir l’Allemagne, la Belgique, le Danemark, la France, la Grèce, de l’Italie, les Pays-Bas et le Portugal. « Agénor » assure la surveillance de l’activité maritime et la sécurité en mer pour garantir la liberté de navigation, conformément à la convention des Nations unies sur le droit de la mer. En outre, elle contribue à la désescalade des tensions et reste ouverte à d’autres pays désireux d’y participer. En 2019, de nombreux incidents, maritimes ou non, ont été observés dans la région, portant atteinte à la sécurité des navires et des équipages européens et étrangers.

La mission « Foch ». Le groupe aéronaval (GAN) participe à l’opération « Chammal », volet français de l’opération américaine « Inherent Resolve » menée dans le cadre de la coalition internationale contre Daech en Irak et en Syrie. Depuis les premiers vols sur le théâtre le 29 janvier, il contribue à l’appréciation autonome de la situation sur zone. Son groupe aérien s’entraîne avec des partenaires régionaux et alliés. Ainsi, le16 février, les Rafale marine et les Rafale de l’armée de l’Air égyptienne se sont affrontés à environ 200 km du porte-avions Charles-de-Gaulle dans un scénario de deux contre deux, alternant les missions « DCA » (position de défense d’une zone et prise en charge de la menace) et « OCA » (mission offensive de reprise d’une zone). Un avion de guet aérien E2C-Hawkeye égyptien et un Rafale marine ravitailleur ont participé à l’exercice. Le 18 février, des exercices similaires se sont déroulés avec deux Eurofighter Typhoon britanniques. La veille, dix Rafale marine ont mené un entraînement mutuel de défense aérienne en « milieu contraint » avec la République de Chypre. Enfin depuis le 28 janvier, la frégate grecque Psara a pris la suite de la frégate Spetsai, qui a accompagné le GAN depuis son départ, afin d’approfondir leur interopérabilité.

La mission « Jeanne d’Arc ». L’Ecole d’application des officiers de marine a quitté Toulon le 26 février pour la mission « Jeanne d’Arc » (cinq mois). Composée du porte-hélicoptères amphibie Mistral et de la frégate furtive Guépratte, elle embarque 1 groupement tactique, 2 hélicoptères Gazelle de l’armée de Terre et 1 hélicoptère NH90 italien. Près de 550 militaires français et étrangers participent à cette mission, dont 138 officiers-élèves incluant des ressortissants d’Australie, de Belgique, du Brésil, d’Egypte, d’Ethiopie, d’Indonésie et du Maroc. En océan Indien, la mission « Jeanne d’Arc » sera intégrée à la « Force opérationnelle combinée 150 » de lutte contre les trafics illicites contribuant au financement du terrorisme.

Loïc Salmon

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