Moyen-Orient : pandémie du covid-19 et conflits en cours

Alors que le régime syrien nie la gravité du covid-19, au Liban, le mouvement politico-militaire Hezbollah y apporte une réponse sanitaire et sociale, tandis que celle de Daech repose sur une base idéologique.

Agnès Levallois et Jean-Luc Marret, maîtres de recherches à la Fondation pour la recherche stratégique (FRS), l’expliquent dans des notes publiées le 25 mars et le 13 avril 2020 à Paris.

La Syrie. Le gouvernement reconnaît, le 25 mars, le premier cas de contamination par le covid-19, en précisant qu’il s’agit d’une personne venant de l’étranger, indique Agnès Levallois. Jusqu’ici, il assurait que le virus n’avait pas atteint le territoire national, alors que la contamination avait déjà touché l’Irak, l’Iran, la Jordanie, le Liban et Israël. Les images d’agents municipaux désinfectant les rues de Damas semblent démontrer que le régime maîtrise la situation sanitaire, malgré la crise économique consécutive à neuf ans de guerre civile. Or le système de santé syrien n’est guère capable de gérer l’épidémie, remettant ainsi en question le retour à la normale de la vie quotidienne de la population. Le régime se maintient grâce à l’appui militaire de la Russie, de l’Iran et des milices chiites, dont le Hezbollah libanais. Il a réussi à repousser ses opposants jusque dans l’enclave d’Idlib (Nord-Ouest du pays). Les bombardements des forces armées syriennes entraînent un exode massif de la population civile, dont les exilés sont privés de leurs biens par décret du président Bachar al-Assad. Cette crise migratoire accentue la pression sur la Turquie et l’Europe. Le cessez-le-feu, négocié début mars par la Russie et la Turquie, doit notamment permettre à l’Organisation mondiale de la santé de procéder à des dépistages du covid-19 dans la région, d’autant plus exposée que les infrastructures de santé sont systématiquement détruites. En fait, le régime a tiré profit de l’émergence de l’Etat islamique (Daech) en 2014 sur une partie des territoires syrien et irakien, rappelle Agnès Levallois. Les pays occidentaux ont alors cessé d’exiger le départ de Bachar al-Assad. Son maintien au pouvoir devait garantir une certaine stabilité en Syrie, pendant la reconquête des territoires occupés par Daech par une coalition internationale de 70 nations dans le cadre de l’opération « Inherent Resolve », dont l’opération « Chammal » constitue le volet français.

Daech. Privé de territoire après sa défaite militaire, Daech ne peut conduire un « djihad sanitaire » en faveur exclusivement de musulmans sunnites de Syrie et d’Irak, estime Jean-Luc Marret. Faute d’effectifs et de moyens techniques suffisants, sa propagande a commencé par considérer le covid-19 comme un « châtiment divin » contre la Chine, Etat athée qui persécute sa minorité musulmane ouïghour. Ensuite, elle a accusé le « gouvernement infidèle de Chine » de minimiser sciemment l’étendue de la pandémie. Toutefois, Daech a élaboré des directives de sécurité prophylactiques pour ses sympathisants, en insistant sur la protection donnée par les vêtements islamiques féminins et la distance sociale entre les sexes. Il note que la pandémie pourrait empêcher les Etats, qu’il cible de ses menaces, de procéder à des opérations anti-terroristes. Il préfère concentrer les efforts de ses militants sur la recherche des moyens pour libérer ses djihadistes détenus en Syrie et en Irak. Dans le passé et sur les territoires qu’ils contrôlaient, Daech et l’organisation terroriste Al-Qaïda ont manifesté leur intérêt pour la recherche et le développement d’armes nucléaires, radiologiques, chimiques et même biologiques. Mais ils n’ont jamais pu en maîtriser les technologies les plus sensibles. Aucune information ne laisse à penser que Daech puisse recourir au covid-19 comme moyen improvisé et rustique de bioterrorisme en Europe. Toutefois en raison de son organisation décentralisée et de l’autonomie de ses réseaux à travers le monde, souligne Jean-Luc Marret, Daech pourrait utiliser certains individus psychologiquement fragiles pour effectuer des contaminations improvisées sur des cibles définies au préalable. Déjà en 2002-2003, Al-Qaïda s’était intéressé à la ricine (poison 6.000 fois plus toxique que le cyanure).

Le Hezbollah. Considéré comme organisation terroriste par de nombreux pays dont Israël, les Etats-Unis, la Grande-Bretagne et les Etats membres de l’Union européenne, le Hezbollah bénéficie des appuis d’une vaste diaspora libanaise et surtout de l’Iran. Au Liban même, rappelle Jean-Luc Marret, il gère des dispensaires, des hôpitaux et une vaste logistique de soutien de la population chiite et même au-delà. Ses opposants l’ont accusé d’avoir introduit le covid-19, via la Syrie ou l’Iran. Certains de ses membres qui s’étaient rendus à la ville religieuse de Qoms n’ont pas été mis en isolement à leur retour, malgré l’épidémie en Iran. Vu la défaillance de l’Etat libanais, le Hezbollah a déclaré avoir mobilisé 24.500 de ses membres et sympathisants, dont des professionnels de la santé et même le ministre de la Santé choisi par lui lors de la constitution du gouvernement libanais, pour lutter contre la pandémie. Les médias libanais en ont montré certains, vêtus d’un uniforme, gantés et masqués, en train de désinfecter les quartiers chiites de Beyrouth et de distribuer de la nourriture. Le Hezbollah a déclaré affecter certains moyens de sa guerre contre Israël à celle contre le covid-19 : un centre d’appels ; trois centres de confinement de 170 lits pouvant monter jusqu’à 1.000 ; 64 comités sociaux pour aider les familles nécessiteuses. Mais son action a été complétée par une division du travail entre communautés sunnite, chrétienne et druze. Ainsi, plusieurs organisations chrétiennes ont fourni des tests de dépistage, notamment pour les nombreux réfugiés, et le parti druze a offert des dons à plusieurs hôpitaux et a mis des zones de confinement à disposition des personnes contaminées.

Loïc Salmon

La population libyenne se trouve confrontée à la guerre civile et au covid-19, souligne Aude Thomas, chargée de recherche à la FRS, dans une note du 3 avril 2020. Le premier cas d’infection a été signalé le 24 mars, quelques heures après les bombardements des quartiers du Sud de Tripoli, menés par l’Armée nationale libyenne (ANL). Celle-ci est dirigée par le maréchal Khalifa Haftar, qui bénéficie de l’appui des Emirats arabes unis. En représailles, les forces armées du gouvernement d’union nationale (GUN) ont attaqué, sans succès, la base aérienne d’Al-Waztiyah (150 km à l’Ouest de Tripoli), qui fournit un soutien logistique aux zones contrôlées par l’ANL. Le GUN, soutenu par la Turquie, a instauré un couvre-feu partiel en Tripolitaine et dans le Sud du pays et fermé les écoles et commerces non essentiels. Les municipalités ont pris des mesures de désinfection des rues et bâtiments publics. Les déplacements ont été limités et les points de passage vers l’Algérie et la Tunisie fermés. Les Emirats arabe unis et la Turquie investissent des moyens militaires en Libye, à savoir soldats, officiers d’encadrement et drones. Récemment, des combattants syriens ont rejoint les rangs du GUN et même de l’ANL à la suite du rapprochement entre le maréchal Haftar et la Syrie. Les Etats européens et la Mission des nations unies en Libye tentent d’instaurer et de faire respecter une trêve humanitaire.

Défense : opération « Résilience » contre le covid-19

Proche-Orient : Israël, envisager tous les scénarios de riposte

Moyen-Orient : rivalités entre Arabie Saoudite, Iran et Turquie




Le fusil à tirer dans les coins

Comment parler des armes et des combats avec rigueur et précision, retrouver le sens originel de termes guerriers entrés dans le langage courant, sans oublier anecdotes et humour ?

Ce recueil de « curiosités militaires » apporte des réponses pour approfondir sa culture…ou élargir son érudition !

Les armes. Dans l’Antiquité, l’éléphant d’une hauteur de 3 m, d’un poids de 5 t et capable de courir à 30 km/h, terrorise les chevaux par son odeur et ses barrissements. Ce char d’assaut vivant, utilisé dans les armées perses puis macédoniennes, perdure jusqu’au IIème siècle avant JC. Au Moyen-Age, l’arbalète, permettant de tuer à distance sans risque, est considérée comme l’arme des lâches par les chevaliers. Pourtant son efficacité se trouvait réduite par un temps de rechargement trois fois supérieur à celui d’un arc. Toutefois, 1.000 ans plus tôt en Chine, une arbalète à répétition, d’une cadence de tir de 10 coups en 15 secondes, a duré jusqu’à la généralisation de l’arquebuse au XVIème siècle. Pendant les croisades, les chevaliers atteints de la lèpre devaient obligatoirement rejoindre l’ordre hospitalier et militaire de Saint-Lazare à Jérusalem pour soigner les malades et combattre les Sarrasins, qui redoutaient la contagion de ces « morts-vivants », véritables armes bactériologiques. L’idée du fusil à tirer dans les coins remonte à la seconde guerre mondiale. Le canon, muni d’un embout courbe, et une visée périscopique permettent à l’équipage d’un char allemand d’abattre les poseurs de mines magnétiques. Aujourd’hui, pour le combat urbain, une société israélienne a mis au point un fusil au canon pivotant de 90 ° et équipé d’une caméra vidéo pour tirer à l’abri d’un mur. Des armes portent encore le nom de leur inventeur, comme le revolver de Samuel Colt (1814-1862) et le fusil d’assaut de Mikhaïl Kalachnikov (1919-2013). Toutefois, le nom de quelques machines de guerre a sombré dans l’oubli : le « gastrophète », ancêtre grec de l’arbalète ; le « couillard », catapulte pour lancer de lourdes pierres, des boules d’argile incendiaires ou des charognes ; le « War Wolf », catapulte de 10 m de haut envoyant des projectiles de 150 kg à 190 km/h à 200 m ; « l’hélépole », très haute tour de bois mobile, protégée, avec une passerelle pour déverser des combattants à la hauteur du rempart d’une ville.

Les amazones. Au cours du XIXème siècle, les rois du Dahomey disposent d’un corps de 6.000 soldates, entraînées au maniement des armes et au combat et tenues de rester vierges. En 1983, le colonel libyen Kadhafi crée une académie militaire féminine pour le recrutement de 400 femmes belles, vierges, cultivées, élégantes et pratiquant les arts martiaux. A sa mort, il s’avère que sa garde permanente de 40 amazones constituait son harem. L’Anglaise Flora Sandes (1876-1956), pilote de course automobile et grande voyageuse, s’engage comme infirmière en Serbie pendant la Grande Guerre, qu’elle termine comme combattante et…capitaine de l’armée serbe !

Le « roi-sergent ». Le roi de Prusse Frédéric-Guillaume 1er (1688-1740), père du futur « despote éclairé » Frédéric II, crée un régiment d’infanterie composé exclusivement de soldats mesurant au moins 1,80 m, dont il exige qu’ils épousent des femmes de grande taille pour perpétuer sa « garde de géants de Potsdam ». Mais ces 3.000 hommes ne servent qu’à la parade. Le surnom du roi, qui le ridiculise de son vivant, vient de sa manie des détails des uniformes et des exercices militaires.

Loïc Salmon

« Le fusil à tirer dans les coins », Hughes Vial. Editions Pierre de Taillac, 192 pages, nombreuses illustrations, 19,90€. 

Histoires d’armes

Jeep militaires

Armée de Terre : des motos « baroudeuses » pour améliorer l’efficacité opérationnelle




Armée de Terre : pas de victoire sans le soutien de la nation

Affrontement de deux volontés et fondé sur des ressources matérielles et immatérielles, la victoire implique, pour l’armée de Terre, la poursuite de son mandat sur 20-30 ans et l’intégration des innovations d’usage immédiat.

Ce thème a été abordé au cours d’un colloque organisé, le 6 février 2018 à Paris, par le Centre de doctrine et d’enseignement du commandement de l’armée de terre. Un diplomate et deux généraux de haut rang y sont intervenus.

Le dilemme du temps. Le pouvoir politique veut des victoires rapides, car l’opinion publique se lasse des engagements militaires longs après ceux en Afghanistan (13 ans), en Centrafrique (3 ans) et au Sahel (depuis janvier 2013), explique le diplomate. Il voit sa propre communication contestée par le « complexe militaro-industriel » dans les médias…qui racontent la guerre à sa place ! L’incertitude du monde actuel estompe l’idée de « guerre juste » et donc de victoire militaire définitive. L’ennemi soviétique d’hier a été remplacé par le terrorisme islamiste, avec une vision du monde différente de celle des Etats démocratiques. Quoique ce dernier soit identifiable au Levant et au Mali, la difficulté d’une interposition internationale entre factions rivales conduit à un combat sans fin et une victoire impossible. Sans accompagnement économique massif, les effets pervers l’emportent sur la victoire. Ainsi en Libye, la réussite militaire franco-britannique de 2011 s’efface devant l’émergence des centres de transit de migrants clandestins et de trafics d’armes, comme en Irak depuis l’intervention américaine de 2003. Les contraintes budgétaires nécessitent de s’intégrer à une alliance, facteur de dépendance dans la prise de décision. En France, la fin du service militaire obligatoire et la recherche du « zéro mort » dans un conflit ont conduit à l’absence de prise de risques et donc de victoire. Or, souligne le diplomate, le monde doit reconnaître que la France porte un message, reste fidèle à son histoire et maintient son rang, le rôle de sa diplomatie étant de transformer la victoire aux yeux de tous en une paix durable. Les dirigeants politiques actuels n’ont connu ni le second conflit mondial ni les guerres de décolonisation. Mais conscients de l’Histoire ils s’imprègnent de la culture militaire par leurs fréquentes visites sur le terrain. Par ailleurs, aux Etats-Unis, les généraux sont reconnus comme les artisans de la victoire, alors qu’en France, cet honneur revient aux dirigeants politiques, en raison de la mauvaise image des militaires dans la nation après les guerres de décolonisation. Toutefois, les attentats terroristes de 2015 et 2016 ont eu pour conséquence de valoriser les services de renseignement, autrefois mal vus, et les militaires avec l’opération « Sentinelle ».

La constance et la patience. Le chef militaire doit concilier le temps de son action sur le terrain avec celui, très court, du pouvoir politique, et celui, très long, du diplomate et éviter qu’ils divergent, indique l’un des généraux. Cela passe d’abord par une réflexion sur les crises, toujours différentes, et la connaissance de leurs acteurs, pour ne pas appliquer à une crise nouvelle la solution de la précédente. La fascination pour les images de départs de navires et de déploiements d’avions et d’hélicoptères dans la gestion des crises occulte la nécessité de jouer sur tous les leviers et dans le temps long, surtout quand elles durent plus de dix ans (Kosovo, Irak, Afghanistan). Entre 2014 et 2017, la coalition internationale a largué 100.000 bombes contre Daech en Syrie et en Irak, soit cinq fois plus que sur Dresde en 1944. Par ailleurs, tout pays membre d’une coalition internationale doit rester lucide quant à son poids dans la décision opérationnelle. Ainsi, dans celle contre les talibans, la France n’a fourni que 2,5 % des effectifs pour contrôler 3 % du territoire afghan. Une erreur consiste à tenter de résoudre les crises une par une, en partant du principe qu’elles sont disjointes, alors qu’elles surviennent en réseau, comme en Libye, Irak et Syrie. L’action précipitée, sous le coup de l’émotion et de la pression médiatique, peut avoir de graves conséquences, comme le brusque afflux de 5.000 migrants clandestins en Méditerranée après la diffusion mondiale d’une vidéo montrant un enfant mort sur une plage. Enfin, précise le général, l’engagement politico-militaire ne peut reposer sur un consensus lent. Le pouvoir politique doit donner une directive claire et rapide sur les objectifs à atteindre, pour lesquels les militaires présentent des options d’action avec les risques encourus.

L’action durable. Autrefois, gagner la guerre consistait à remporter une grande bataille ou s’emparer d’une capitale pour détruire une idéologie. Aujourd’hui, souligne l’autre général, la liberté d’action s’impose à l’armée de Terre pour défendre les intérêts de la France dans un monde multipolaire, asymétrique et connecté. Elle doit pouvoir agir vite et loin, en toute circonstance, où il faut et autant que nécessaire, par une opération aéroportée ou amphibie. Cela implique maîtrise du renseignement, masse et épaisseur. Cela va de l’interopérabilité avec les armées des Etats baltes, à l’adversaire hybride dans la bande sahélo-saharienne et à la combinaison des forces armées avec celles de la sécurité intérieure (autorités civiles, douane et gendarmerie). En cas de coup dur, la résilience inclut action de communication, acte juridique et application de règles éthiques pour éviter la barbarie. La spécificité militaire (donner et recevoir la mort) nécessite endurance, aguerrissement et volonté du pouvoir politique de détruire l’ennemi. L’initiative sert à mener l’action pour exercer une influence et obtenir un effet final pertinent. Elle implique imposition du tempo à l’adversaire et réversibilité de l’action, car le temps militaire diffère de celui de la reconstruction. L’efficience repose sur une intervention brutale et décisive des forces spéciales et conventionnelles. Pour empêcher l’adversaire de prendre un ascendant tactique par l’emploi inattendu de moyens bon marché, comme un drone commercial armé de façon rudimentaire, l’achat d’une technologie de pointe « sur étagère » satisfait le besoin d’urgence opérationnelle. Par ailleurs, une intervention armée ne se justifie qu’avec le soutien de la population locale. Ainsi l’opération « Serval » au Mali (2013) l’a pris en compte dans le cadre d’une approche globale régionale, avec un appui international et le partage de renseignements sur place et en France.

Loïc Salmon

Le Centre de doctrine et d’enseignement du commandement de l’armée de terre anime la pensée militaire au profit de l’efficacité opérationnelle des forces terrestres. Il assure la formation des futurs décideurs à différents niveaux. L’enseignement militaire supérieur Terre prépare à l’exercice de hautes responsabilités ou de postes de direction exigeant un niveau élevé de qualifications scientifiques et techniques. Il enseigne le travail en état-major et en interarmées, au sein de quatre établissements : Ecole d’état-major pour jeunes capitaines et sous-officiers ainsi que pour les officiers candidats au concours d’entrée à l’Ecole de guerre ; Cours supérieur interarmes ; Enseignement militaire supérieur scientifique et technique ; Ecole supérieure des officiers de réserve spécialistes d’état-major.

Les diplomates, acteurs de la politique étrangère et représentants de la France

Armée de Terre : faire face à toutes menaces, ici et là-bas




Moyen-Orient : situation complexe et perspectives

Région stratégique et sous tension, le Moyen-Orient reste le théâtre de crises ou de conflits sans solution durable, malgré les récentes interventions de coalitions internationales conduites sous l’égide des États-Unis.

Il a fait l’objet d’une conférence-débat organisée, le 27 octobre 2016 à Paris, par l’Association nationale des auditeurs jeunes de l’Institut des hautes études de défense nationale et animée par Renaud Girard, grand reporter au Figaro, chroniqueur international et écrivain.

Visions occidentales. En 1991, la guerre du Golfe, entreprise pour libérer le Koweït envahi par l’armée irakienne, est suivie de la Conférence de Madrid en vue d’une paix entre Israël et les pays arabes. Cet espoir, concrétisé par les accords d’Oslo en 1993, est anéanti après l’assassinat du Premier ministre israélien Yitzhak Rabin deux ans plus tard par un extrémiste juif.  Pendant les deux mandats de George W.Bush (2001-2009), les néo-conservateurs américains ont imaginé un grand « Moyen-Orient démocratique », libéré des dictatures. Ils ont choisi l’Irak, pays très aphabétisé et qui, pensaient-ils, aspirait à la démocratie. Selon eux, l’Irak devait, après la chute de Saddam Hussein, répandre cette valeur par osmose parmi les nations arabes. La paix avec Israël s’ensuivrait, car les États démocratiques ne se font pas la guerre. En 2003, Renaud Girard se trouve à Bagdad pendant l’intervention de la coalition internationale conduite par les États-Unis contre l’Irak (à laquelle la France n’a pas participé). Il s’entretient avec le Premier ministre Tarek Aziz, qui lui déclare : « Nous n’avons pas d’armes de destruction massive ! » Une famille irakienne indique ne pas craindre les bombardements américains, car plus précis qu’en 1991, mais redoute l’anarchie. Quoique chiite et opposé au régime, son chef lui précise : « Nous ne sommes pas prêts pour la démocratie. » De fait, les élections qui suivent la guerre provoquent des clivages : les chiites votent pour les chiites, les sunnites pour les sunnites et les Kurdes pour les Kurdes. Les néo-conservateurs américains ont cru que le pire était la dictature, alors que c’est la guerre civile… qui éclatera en 2006, souligne Renaud Girard. Pour eux, la justice et la démocratie l’emportent sur la paix, tandis que les néo-réalistes pensent le contraire. Le « printemps arabe » de 2011 laisse augurer une démocratisation dans la région. Mais l’organisation islamique des « Frères musulmans » veut en profiter pour prendre le pouvoir. En Égypte, le président Mohamed Morsi, qui en est membre, nomme gouverneur de Louxor le chef d’un mouvement terroriste, qui y avait tué 60 touristes allemands quelques années auparavant. Après la première guerre mondiale, la France et la Grande-Bretagne exercent une tutelle sur les territoires arabes de l’ex-Empire ottoman. Après la seconde, elles s’en retirent pour donner naissance à la Syrie, au Liban et à l’Irak. De leur côté, les États-Unis ont conclu des accords avec l’Arabie saoudite (sunnite) et l’Iran (chiite). En 1956 après la nationalisation du canal de Suez et en accord avec l’URSS, ils mettent un terme à l’intervention militaire franco-israélo-britannique en Égypte. Après l’abandon du Chah en 1979, leurs relations avec Téhéran se sont détériorées jusqu’à l’accord sur le nucléaire iranien en 2015. Aujourd’hui, l’Occident préfère laisser les pays arabes s’organiser eux-mêmes.

Vers une nouvelle donne. Le Moyen-Orient est passé de la tolérance au fondamentalisme religieux, sous l’emprise d’Al Qaïda et de Daech, explique Renaud Girard. Longtemps, l’Empire ottoman n’a pas tenté d’éradiquer les autres religions. Mais au XIXème siècle, les puissances occidentales concluent avec lui des traités pour protéger les minorités chrétiennes. Le génocide arménien de 1915 sera motivé par des raisons politiques : le gouvernement turc reproche aux Arméniens d’être favorables à l’ennemi russe. La population grecque orthodoxe ne sera expulsée de Constantinople qu’en 1922. Aujourd’hui, les chrétiens ne constituent plus un facteur politique au Moyen-Orient, sauf au Liban où ils ont résisté pendant 15 ans aux Palestiniens. Autre caractéristique de la région, le sentiment national prime sur la solidarité religieuse tant que le régime est fort. Ainsi pendant sa guerre contre l’Iran (1980-1988), l’Irak de Saddam Hussein a pu compter sur la fidélité des soldats chiites. Mais aujourd’hui, l’influence de l’Iran y dépasse celle des États-Unis. Même si la monarchie saoudienne se fragilise, celles des Émirats arabes unis se maintiennent. En Syrie où l’armée a déjà perdu 80.000 hommes tués par Daech, le sentiment national reste fort parmi la bourgeoisie et les minorités chiite et alaouite. Si le régime de Bachar el-Assad avait accepté de rompre son alliance avec l’Iran, l’Arabie saoudite l’aurait soutenu, estime Renaud Girard. Selon le Haut commissariat des nations unies aux réfugiés, la guerre civile a, entre 2011 et février 2016, déplacé 13,5 millions de personnes, dont près de 4,6 millions dans les pays voisins surtout en Turquie, (2,5 millions), au Liban (1 million), en Jordanie (635.00) et en Irak (245.000). Dans le monde arabo-musulman, l’esprit national s’affaiblit dès que disparaît le dictateur qui se prétend le père de la nation, comme en Libye après Kadhafi et en Irak après Saddam Hussein. Toutefois, le Kurdistan ne devrait pas voir le jour, en raison des divisions entre les Kurdes eux-mêmes et de la volonté des grandes puissances de ne pas « casser » la carte du Moyen-Orient actuel. En matière d’intervention extérieure, les États-Unis préfèrent exercer une influence plutôt que d’envoyer des soldats sur le terrain. Pour eux, l’importance de cette région diminue, en raison de l’exploitation du gaz de schiste sur leur sol et de leur stratégie en Asie. Par contre, la Russie est devenue incontournable. Elle s’est réconciliée avec la Turquie et soutient la Syrie pour conserver un accès aux mers chaudes, avec la possibilité d’escales à Tartous. L’axe Moscou-Damas, solide depuis 50 ans, souligne sa fidélité à ses alliés, contrairement aux États-Unis qui ont abandonné Moubarak pendant la révolution arabe de 2011. Enfin, elle entend protéger les chrétiens d’Orient, dont les deux tiers sont orthodoxes.

Loïc Salmon

Israël : réagir à toute menace directe pour continuer à exister

Iran : acteur incontournable au Moyen-Orient et au-delà

Turquie : partenaire de fait au Proche et Moyen-Orient

En octobre 2016, le régime syrien dispose de 650 pièces d’artillerie anti-missiles, 1.000 missiles sol-air, 365 avions de combat et 2 frégates. Les États-Unis déploient 1.000 hommes et des avions F16 en Jordanie, 4 navires de guerre et des sous-marins en Méditerranée et utilisent 2 bases en Turquie (Ismir et Incirlik, armée de l’Air), 1 aux Émirats arabes unis (Marine), 1 au Qatar (Marine) et 1 à Bahreïn (Marine). La France déploie 700 hommes et 6 Rafale dans les Émirats arabes unis, 7 Mirage 2000 à Djibouti et le groupe aéronaval en Méditerranée. La Grande-Bretagne utilise la base aérienne d’Akrotiri à Chypre et déploie quelques navires en Méditerranée. L’OTAN dispose des bases d’Incirlik, de Naples, de Sigonella (Sicile) et de Souada (Crète). La Russie peut utiliser les bases syriennes de Tartous (Marine) et de Hmeimim (armée de l’Air). Parmi les cinq membres permanents du Conseil de sécurité de l’ONU, les États-Unis, la Grande-Bretagne et la France ont approuvé l’intervention de la coalition internationale en Irak et en Syrie, à laquelle la Russie et la Chine ont opposé leur veto.




Marine : une FGM projetable partout dans le monde

La Force des guerres des mines (FGM) participe à toutes les opérations de la Marine nationale, dans le cadre de ses missions de dissuasion, protection, projection et sauvegarde maritime. Son action a été présentée à la presse les 28 août et 12 juin 2014 à Paris. La FGM, qui est intervenue récemment dans des zones de mouillage en Libye et au Liban, peut également contrôler les accès de détroits, passages resserrés et donc les plus faciles à miner. Ainsi, en 2013, elle a projeté 1 état-major et 2 navires chasseurs de mines (CMT) dans le golfe Arabo-Persique et en océan Indien. Dans le cadre de la dissuasion nucléaire de la France, elle doit d’abord garantir l’accès aux ports militaires français : Brest où se trouve la base des sous-marins nucléaires lanceurs d’engins ; Toulon pour celle du porte-avions Charles-De-Gaulle, dont les Rafale  équipés des missiles de croisière air/sol moyenne portée emportent l’arme nucléaire préstratégique. La FGM protège aussi les grands ports civils et sécurise les littoraux français et de pays alliés, où sont encore enfouis plusieurs milliers d’engins explosifs datant des deux conflits mondiaux et peut-être encore en état de fonctionner. Ainsi, du 22 au 25 août 2014, le CMT Sagittaire a neutralisé 1 t de TNT au large de Cherbourg. Chaque année, plus de 2.000 engins explosifs et 25 t de munitions sont neutralisés. Il faudra encore une centaine d’années pour les détruire tous. Dans chaque zone d’opération maritime susceptible d’être minée, la FGM prépare et sécurise le déploiement des forces françaises avec 2 CMT. En outre, elle examine les épaves, neutralise, détruit ou enlève des engins explosifs (missions opérationnelles nedex) : mines de fond, mines à orin (photo), bombes, obus d’artillerie et roquettes. Pour lutter contre la pollution, ses plongeurs sont capables d’évoluer dans les eaux polluées. En 2013, la FGM a réalisé 180 nedex et traité 430 munitions à terre et 1.860 munitions sous la mer, dont environ 1.000 bombes de 250 kg. Elle compte : 1 état-major projetable, grâce à des conteneurs déployables ; 11 CMT ; 4 bâtiments-bases de plongeurs démineurs avec leurs vedettes d’intervention ; 1 navire d’expérimentation ; 3 bâtiments remorqueurs de sonars ; 1 centre d’exploitation des données. Ses 3 groupes de plongeurs démineurs (GPD), tiennent chacun une équipe d’alerte à 2 heures toute l’année et capable d’intervenir jusqu’à 80 m de profondeur. Ils sécurisent le littoral français selon leur capacité propre : « dépiégeage d’assaut » dans des opérations de vive force pour le GPD Manche ; ouverture d’un chenal d’assaut pour un débarquement pour le GPD Méditerranée ; intervention en eaux polluées, neutralisation et récupération de mines inconnues pour le GPD Atlantique. La FGM programme une dizaine d’entraînements majeurs chaque année et doit effectuer un déploiement dans le golfe Arabo-Persique au premier semestre 2015.

Loïc Salmon

Marine : projection rapide de deux chasseurs de mines

Bold Alligator 2012 : exercice amphibie interalliés à longue distance




ALAT : retour d’expérience opérationnelle

En cinq ans d’engagements en Afghanistan, en Libye, en Côte d’Ivoire, en République Centrafricaine et au Mali, l’Aviation légère de l’armée de terre (ALAT) a développé son savoir-faire et sa doctrine de l’aérocombat : vol tactique ou de combat, de nuit et au plus près du sol.

Un colloque sur ce sujet a été organisé, le 17 juin 2014 à Villepinte (banlieue parisienne), dans le cadre du salon des armements terrestres Eurosatory. Parmi les intervenants figurent : le général de brigade Laurent Kolodziej, à l’époque chef interarmes de l’opération « Serval » au Mali ; le général de brigade Michel Grintchenko, chef de l’état-major aéromobile au sein du Commandement des forces terrestres ; le général Sancho, commandant de l’ALAT espagnole.

Opération interarmes. Outil de guerre souple et réactif, l’hélicoptère de combat démultiplie la liberté d’action du chef, explique le général Kolodziej. L’aérocombat s’inscrit dans la manœuvre tactique, décidée par le chef interarmes, au contact de l’adversaire et à dominante arme blindée cavalerie ou infanterie mécanisée. Il permet de s’affranchir des distances, rend son emploi réversible et assure la surprise. Au Mali, intégré à un groupement tactique interarmes (GTIA) déployé sur une zone grande comme une fois et demi la Belgique, le groupe aéromobile apporte la plus-value de la combinaison des composantes de combat, la souplesse de l’articulation et une complémentarité des capacités (appui feu et logistique). Il permet l’acquisition du renseignement et l’agression dans la 3ème dimension. Il assure des actions d’opportunité : prendre pied sur un objectif lointain et difficile d’accès ; combiner le feu et la reconnaissance ; accélérer les approvisionnements en alimentation, eau et munitions. En outre, les mesures de coordination dans la 3ème dimension, qui excluent l’improvisation, sont acquises par la préparation opérationnelle de personnels certifiés et entraînés dans les régiments. La planification interarmées intègre les contraintes logistiques de l’avant : points d’appui sécurisés de la « plateforme opérationnelle désert » pour ne pas user trop vite hommes et machines ; maillage de points de ravitaillement et de maintenance des hélicoptères. Plus exposé que les troupes au sol en cas de crash, l’hélicoptère doit être rapidement sécurisé, avec la prise en compte de blessés parmi l’équipage et par une température extérieure pouvant monter à 55° C. Le déploiement de 3.000 hommes sur un vaste territoire exige l’intégration permanente d’un détachement ALAT au PC du GTIA, en vue d’agir vite, fort et loin : opération héliportée, raid dans la profondeur ou force de réaction rapide comme l’héliportage d’une compagnie (140 hommes) à une distance de 100 km en moins d’une heure. Il s’agit de pré-établir un dispositif cohérent, sans dévoiler sa manœuvre. Un groupe aéromobile permet souplesse et réactivité. Il peut se réarticuler au cas où la mission est reconfigurée en vol. Par exemple, quand l’adversaire n’est pas celui qu’on croyait ou n’est pas là où on le croyait. Capacité majeure du combat de haute intensité grâce à son ubiquité, l’aérocombat montre aussi à la population locale que la force « Serval » peut agir partout.

Fulgurance et continuité. Les récents engagements de l’ALAT ont mis en avant ses diverses facettes tactiques, indique le général Grintchenko : Afghanistan, puissance de feu de petits modules dans un espace restreint; Côte d’Ivoire, combat en zone urbaine et déstructuration d’une armée hostile et à rechercher ; Libye, briser un front et détruire 2 brigades ; Mali, immensité des zones d’action et grosse masse de manœuvre. Préparée en 3 jours avec des actions offensives de 3 mois, l’opération « Serval » dure depuis janvier 2013. Elle a engagé 20 hélicoptères, 1 avion, 50 véhicules et 300 personnels. L’hostilité de l’environnement atteint la limite du possible technique et humain : température, altitude, nuit noire et sable abrasif. L’entrée en premier, pour sécuriser les autorités maliennes, signifie pour les équipages : délai inconnu de l’arrivée des munitions, absence de PC et ignorance du lieu de logement. Ce combat semi itinérant exige de se déplacer toujours avec sa logistique et d’installer une « plateforme désert », permanente ou temporaire, à partir de rien et qui permettra de durer. La combinaison avec les troupes au sol prend en effet du temps… pendant lequel les réservoirs des hélicoptères se vident ! Le combat devient de haute intensité face à un adversaire fanatisé, initialement mobile puis en position de défense ferme dans son réduit. Les attaques en « meute » nécessitent de nombreux appareils, qui brûlent beaucoup de potentiel (heures de vol). Elles exigent aussi de l’intelligence collective pour déterminer les configurations multiples, afin de couvrir l’ensemble du spectre des missions. Le Tigre, très bien protégé, dispose d’une redoutable puissance de feu, terreur des djihadistes. La boucle décisionnelle, très courte, du commandement des hélicoptères, facilite une forte réactivité pour exploiter l’occasion. Par exemple, la découverte d’une préparation d’embuscade entraîne le déroutement d’un hélicoptère, qui ira tirer sur la  colonne djihadiste concernée avant qu’elle ne se mette en position. Les actions d’éclat alternent avec celles, plus humbles et constantes, pour assurer la continuité de l’action : rechercher un camion qui s’est perdu, secourir un véhicule en panne ou même un canon Caesar destiné à appuyer une unité. Les hélicoptères de nouvelle génération (Tigre et NH90) ont permis de gagner les batailles, souligne le général Grintchenko. Mais, dit-il, la guerre a été gagnée par ceux de l’ancienne génération (Puma et Gazelle), quoique plus vulnérables, qui ont apporté volume, rusticité et disponibilité avec un coût d’emploi acceptable.

Fiabilité du matériel. La Famet (ALAT espagnole) a mis 3 hélicoptères Tigre au service de la Force internationale d’assistance à la sécurité en Afghanistan entre mars et décembre 2013. Le général Sancho en a présenté un retour d’expérience, qu’il juge très satisfaisant avec un taux de disponibilité de 91% sur 8 mois. La Famet a couvert une zone de 450 km de large sur 550 km de long. Ses missions ont consisté notamment en escorte de convois (31 %), protection aérienne (23 %), reconnaissance et surveillance (8 %), renseignement (5 %) et opérations spéciales (5 %). La menace venait surtout des armes de petit calibre, et des lance-roquettes individuels utilisés comme armes anti-aéronefs et, dans une moindre mesure mais dont il fallait tenir compte, des missiles sol/air portatifs. Enfin, la Famet devrait disposer de 28 Tigre en 2025 et de 47 en 2040.

Loïc Salmon

« Serval » : manœuvre aéroterrestre en profondeur et durcissement de l’engagement

Libye : bilan du Groupe aéromobile dans l’opération Harmattan

L’histoire de l’Aviation légère de l’armée de terre 1794-2014

L’Aviation légère de l’armée de terre entretient des liens traditionnels et tactiques avec les troupes au sol, qui peuvent compter sur elle pour un appui feu ou une évacuation sanitaire. L’expérience acquise lui permet de réduire la prise de risques au strict nécessaire. Arme de mêlée, d’appui et de soutien, elle change le rapport de forces sur le terrain. Son appui feu démultiplie l’effet combiné air/sol. Enfin, le tir à vue évite les dégâts collatéraux, qui pourraient remettre la décision en cause.




Cyberespace : nouveau terrain d’affrontement international

Représentation d’un territoire lié à la technologie informatique, le cyberespace présente des aspects stratégiques : lieu commun à préserver mais aussi menace pour les usagers et même champ de bataille entre Etats.

La Chaire Castex de cyberstratégie a examiné les stratégies des Etats dans le cyberespace, au cours de la journée d’étude qu’elle a organisée le 18 avril 2013 à Paris. Sont notamment intervenus : Frédérick Douzet, titulaire de la chaire et directrice adjointe de l’Institut français de géopolitique, Université Paris 8; Jean-Loup Samaan, maître de conférences au département Moyen-Orient du Collège de défense de l’OTAN ; David Sanger, correspondant en chef du New York Times à la Maison Blanche ; Sophie Lefeez, doctorante en socio-anthropologie des techniques, Université Paris 1.

La menace informatique. Selon Frédérick Douzet, une prise de conscience est apparue dans les discours politiques et les médias américains après les attaques informatiques contre l’Estonie en 2007 et la Géorgie deux ans plus tard. Ces attaques, pour lesquelles la Russie a été soupçonnée, ont provoqué peu de dommages matériels graves, mais de sévères perturbations dans un contexte de tensions politiques fortes. La cyberguerre est entrée dans le domaine public avec, pour conséquences, la hausse du budget de la protection informatique aux Etats-Unis et la mise en place de l’Agence nationale de la sécurité des systèmes d’information en France. Les attaques multipliées contre les organismes gouvernementaux et les grandes entreprises (4.000 par an chez Alcatel) font craindre des risques d’espionnage industriel et de destruction de données et d’infrastructures vitales sur le territoire. Les attentats terroristes du 11 septembre 2001 avaient déjà montré la vulnérabilité des Etats-Unis à des guerres asymétriques. Ensuite, la Russie et la Chine ont manifesté leur volonté de projection de puissance. La représentation de la menace revêt une importance stratégique, car elle peut être instrumentalisée pour servir des intérêts. Plus la menace prend de l’importance et plus la légitimité populaire est indispensable pour financer des dispositifs sécuritaires onéreux dans un contexte budgétaire contraint. Les Etats-Unis sont passés de la guerre globale contre le terrorisme à celle contre l’ennemi asymétrique, capable de frapper n’importe où, sans préavis et sans être identifié à coup sûr. Les efforts de défense contre Al Qaïda ont été transférés vers la cyberguerre avec des moyens budgétaires accrus, du fait que des puissances adverses (Russie, Chine et Iran) peuvent accueillir des cyberattaquants. Le discours sur la cyberguerre est lié à la rivalité de pouvoir géopolitique : exagération de la menace chinoise (montée en puissance de la Marine et attaques informatiques) ; analogie avec la menace nucléaire ; risque de destruction des services de renseignement.

La saga « Stuxnet ». L’existence du ver israélo-américain « Stuxnet », utilisé contre les centrifugeuses iraniennes d’enrichissement nucléaire, a été révélée en 2012 par le quotidien américain New York Times. Il s’agissait d’une vaste opération dénommée en réalité « Olympic Games », déclenchée par l’administration Bush en 2006 et poursuivie par l’administration Obama en 2008. Jean-Loup Samaan présente le contexte : impasse du processus diplomatique avec l’Iran ; rumeur d’une opération aérienne préventive par Israël avec l’aide des Etats-Unis ; absence de consensus au sein de l’Union européenne, car la Grèce, l’Italie et l’Espagne ont besoin du pétrole iranien. Empêtrée dans la guerre d’Irak, l’administration Bush choisit la cyberattaque contre l’Iran. L’Agence de sécurité nationale (NSA), chargée de la lutte informatique, entreprend une vaste opération avec les services de renseignement israéliens, qui apportent une valeur ajoutée. Les recherches vont porter sur les centrifugeuses vendues à l’Iran et à la Corée du Nord par la Libye en 2003, après son abandon des armes de destruction massive. Mais, les Etats-Unis en ont récupéré quelques unes. La saga de ce qui sera plus tard connu sous le nom de « Stuxnet » se déroule en neuf phases : essai du programme dit NSA/Unit 8200 ; programme infiltré dans le système iranien ; collecte et transmission de données ; conception et propagation du ver ; propagation du ver dans le système de contrôle des centrifugeuses ; altération des opérations des centrifugeuses ; exportation involontaire du ver sur internet via l’ordinateur d’un ingénieur iranien et infection de 30.000 ordinateurs dans le monde ;  poursuite de l’opération avec une version améliorée du ver ; découverte du ver par les Iraniens, qui mettent au point un anti-virus. Les décideurs ont perdu le contrôle de l’opération lors du dérapage sur internet. D’après Jean-Loup Samaan, le Stuxnet s’apparente à un outil de diplomatie « coercitive » et une opération de sabotage aux objectifs stratégiques limités, dont il faut ensuite gérer l’escalade. Mais, dit-il, « une cyberattaque qui marche est celle dont on n’a jamais parlé » ! Enfin, David Sanger a souligné qu’Obama a développé un autre programme de Bush pour les opérations clandestines : les drones !

La supériorité technique. La recherche de la supériorité technique stimule l’industrie d’armement, conclut Sophie Lefeez à l’issue d’entretiens avec les concepteurs (Direction générale de l’armement) et fabricants d’armement. Il s’agit d’avoir un temps d’avance sur « l’autre », de ne pas chercher à l’imiter, mais de concevoir des systèmes d’armes plus évolués. Connaissance, vitesse, allonge et protection constituent les idées directrices. Par ailleurs, la supériorité de l’information permet d’obtenir la supériorité tactique. L’évolution technique définit l’efficacité opérationnelle, qui repose sur des moyens d’information accrus. Il s’agit d’aller plus vite, plus loin, plus haut et de détecter l’ennemi le premier. Pourquoi continuer dans cette voie s’interroge Sophie Lefeez ? « Parce que la technique rassure » !  Depuis la fin de la guerre froide (1991) et ses scénarios prévisibles, le monde fait face à une incertitude déstabilisante, avec la perte des anciens repères et la recherche de nouveaux. Le calcul des probabilités au moyen d’algorithmes doit permettre de maîtriser les risques, en vue du « zéro aléa » dans la détection de la menace.

Loïc Salmon

Le cyberespace : enjeux géopolitiques

Le journaliste américain David Sanger a publié deux livres sur l’administration américaine actuelle. Dans le second, intitulé « Obama : guerres et secrets », il dévoile des informations inédites sur le programme « Olympic Games » relatif à l’utilisation de l’arme informatique, par le gouvernement américain, contre le programme nucléaire iranien. Pour la première fois, un Etat a pu réaliser une cyberattaque de longue durée contre un autre Etat, en vue d’éviter un nouvel engagement militaire et de ne pas conduire une opération clandestine sur le terrain.

 




Armée de l’Air : anticiper et avoir un coup d’avance

L’opération « Serval » au Mali a combiné puissance aérienne et action terrestre. Bien entraînée, l’armée de l’Air y a démontré ses capacités d’intervention immédiate,  mais aussi de contrôle et commandement ainsi que de renseignement, surveillance et reconnaissance.

L’action de l’armée de l’Air a fait l’objet d’un colloque organisé, le 12 juin 2013  à Paris, par le Centre d’études stratégiques aérospatiales. Parmi les intervenants figurent : Etienne de Durand, directeur du Centre de sécurité de l’Institut français des relations internationales ; le général de brigade aérienne Jean-Jacques Borel, commandant des opérations aériennes de l’opération « Serval » au Mali ; le général de corps aérien Patrick Charaix, commandant des Forces aériennes stratégiques ; un lieutenant-colonel dont le nom n’a pas été divulgué, pilote de Rafale engagé lors de l’opération Serval.

Instrument de puissance. Depuis plus vingt ans, l’arme aérienne assure une marge de victoire considérable dans la gestion de crises : guerre du Golfe en 1991 ; interventions de l’OTAN au Kosovo (1999) et en Afghanistan (2001) celles des Etats-Unis et de leurs alliés en Irak (2003) ; celles de la France avec la Grande-Bretagne en Libye (2011) et seule au Mali (2013). Pendant cette période, sont apparus une plus grande précision des frappes, les drones et des capteurs de renseignement beaucoup plus performants. Etienne de Durand met en garde contre : le désinvestissement dans la capacité aérienne en raison du risque de sous-dimensionnement par rapport aux besoins nationaux et à l’adversaire potentiel ; l’habitude à la dissymétrie  par rapport aux moyens aériens adverses dans les conflits récents ; la prolifération des systèmes sol/air. « Nous n’envisageons plus de perdre des pilotes et même des avions ». Selon lui, l’enjeu pour la France est de conserver sa supériorité aérienne en 2020, en  raison de la diminution de l’implication militaire des Etats-Unis et de l’effondrement de la capacité aérienne en Europe. Les conditions d’emploi de l’armée de l’Air varient selon les théâtres où la France s’est engagée, explique le général Borel. En Afghanistan, beaucoup d’avions alliés ont été déployés en appui des troupes au combat au sol et pour ravitailler les bases avancées. Peu d’avions français se trouvaient sur place. En Libye, campagne initiée par la France et la Grande-Bretagne rejointes par une coalition, de nombreux avions français ont effectué des frappes de sécurisation du théâtre sur des objectifs fixes (bases arrière et dépôts de munitions) et au plus près du terrain. Au Mali, opération lancée par la France, la composante aérienne a commencé dès le début et durera jusqu’à la fin. Pour la première fois depuis longtemps, l’armée de l’Air, qui n’avait pas d’adversaire aérien, a mis toutes ses capacités en œuvre et sous commandement uniquement national : attaques dans la profondeur, soutien et appui feu rapproché. La première mission a consisté à arrêter la progression des colonnes djihadistes sur Bamako, en coordination avec les forces spéciales au sol. Pour la seconde, des chasseurs partis de métropole ont frappé les points de ravitaillement et les centres d’écoute de l’adversaire pour le déstabiliser, l’obliger à se replier vers le Nord et réduire sa capacité à se mouvoir et à commander. La complémentarité des capteurs et la fusion des renseignements servent à écouter, identifier et localiser pour déterminer les objectifs. Des frappes quasi simultanées (en moins de deux minutes) ont fait bénéficier les troupes au sol de l’effet de surprise. D’autres ont verrouillé les axes d’exfiltration (petites vallées) vers les pays voisins. Les vols peuvent durer 7-8 h avec plusieurs ravitaillements en vol. La structure du commandement opérationnel (organisation et préparation des vols) a été bâtie en dix jours. Un « corpus documentaire », rédigé en anglais selon le modèle OTAN, précise les communications à utiliser et permet d’intégrer rapidement les moyens alliés de transport et de ravitaillement en vol. La logistique, compliquée, nécessite des vols de plusieurs milliers de km à travers l’Afrique, avec 40 % de missions de nuit, pour délivrer 20 t/jour d’eau et de nourriture aux troupes au sol. S’y ajoutent la construction d’infrastructures de combat et l’entretien des pistes, conditions indispensables pour durer sur zone. Selon le général Borel, le rayon d’action (6.400 km) du futur avion tactique A-400 M aurait permis d’éviter le relais à Bamako des C-160 Transall (5.500 km).

Emploi dual. Le concept d’emploi de la Force aérienne stratégique (FAS) a évolué avec ses avions, indique le général Charaix. Le Mirage IV, avion dédié à la dissuasion et qui volait à Mach 2 avec une escorte, a été remplacé en 2008 par le Rafale, capable d’effectuer aussi des missions conventionnelles. Ainsi, la FAS a « prêté » des Rafale, qui ont réalisé 30 % des frappes en Libye, et des Mirage 2000 N de pénétration à très basse altitude qui ont effectué 50 % des missions de reconnaissance au Mali. Les avions ravitailleurs C-135, autrefois réservés à la FAS, ne lui consacrent plus que 5 % de leur activité. En Libye, ils ont réalisé 7 % des ravitaillements en vol et, au Mali, 87 % des ravitaillements en vol… et 100 % des pleins d’essence des camions-citernes !  La crédibilité de la FAS garantit à la France sa capacité d’entrer en premier sur un théâtre, souligne le général Chaix. La FAS, ayant acquis de nouvelles têtes nucléaires en 2010, modifie son processus de montée en puissance et donne la priorité au remplacement des vieux C-135 par des ravitailleurs multirôles A330 MRTT.

Frapper fort, loin et vite. L’intervention au Mali est décidée le vendredi 11 janvier. A 20 h à la base aérienne de Saint-Dizier, un chef de patrouille de Rafale reçoit l’ordre de préparer une mission de bombardement sur Gao à 4.000 km de là (6 h de vol) avec atterrissage le dimanche à N’Djamena, 2.000 km plus loin. Le samedi à 4 h du matin, quatre Rafale, chargés de 24 munitions de 250 kg guidées par GPS ou laser, décollent de Saint-Dizier, puis sont rejoints par trois C-135. En cours de route, ils sont informés de trois changements d’objectifs, dont le dernier 1 h 30 avant la frappe. Ils larguent 19 bombes sur 19 objectifs avec succès. Il faut rester le moins longtemps possible dans la zone visée, souligne le pilote, et s’assurer de bien identifier les objectifs, de limiter au maximum les dommages collatéraux et de respecter l’ordre des priorités. Chaque Rafale peut traiter six objectifs différents.

Loïc Salmon

Armée de l’Air, deux mois d’opérations en Libye

Opérations aériennes : la cohérence, clé du succès

L’armée de l’Air a tiré cinq enseignements majeurs de l’opération « Serval » : cohérence des structures de commandement et de conduite des opérations aériennes ; appréciation autonome de la situation ; réactivité, grâce à la capacité d’agir à partir de ses bases en France ou pré-positionnées ; projection de puissance par le ravitaillement en vol et le transport stratégique et tactique ; pour le personnel, importance de la formation (acquisition de nouvelles capacités) et de l’entraînement (maintien de ces capacités). Bientôt, la formation et l’entraînement s’effectueront en cours d’opérations.




La guerre : nécessité d’une cohérence militaire et politique

La guerre constitue un ensemble cohérent, qui commence par l’engagement du feu et débouche sur un état politique meilleur. Il s’agit de garder sa liberté d’action et d’entraver celle de l’adversaire.

Tel est le point de vue du général de division (2S) Vincent Desportes qui s’est exprimé le 11 février 2013 à Paris, lors d’une réunion organisée par l’Association des journalistes de défense.

Les opérations en Afghanistan, en Libye et au Mali. L’avantage est à l’attaquant et le rapport de forces n’a plus d’importance, estime le général. En Afghanistan, il a fallu déployer 130.000 hommes de l’OTAN contre 10.000 talibans. Le résultat n’est pas d’ordre tactique mais psychologique. L’emploi massif du feu a échoué en raison des dégâts collatéraux qui ont provoqué un divorce avec la population locale. Quoique les troupes françaises aient été considérées comme supplétives (« proxy forces ») par le commandement américain, « nous n’avons pas perdu la guerre au niveau tactique ». En Libye, l’intervention a été une bataille sans contrôle des dérives au sol. Le pays est devenu un « arsenal à ciel ouvert où se sont servis les mouvements djihadistes ».  Quelque 20.000 missiles ont disparu des implantations militaires libyennes. L’autorité du colonel Kadhafi suffisait pour contrôler le Sahel, poursuit le général Desportes, l’ordre politique, cassé, n’a pas été remplacé. Plus d’un an et demi après, le passage à une situation politique meilleure n’a pas été réalisé. « Quand on ne contrôle pas les conséquences de son entrée en guerre, il y a des dérives ». L’intervention au Mali constitue la deuxième bataille de Libye, estime le général. L’opération interarmées « Serval », « bien montée », a été déclenchée 4-5 heures après la décision du président de la République. Projeter 4.000 hommes nécessite beaucoup de monde derrière. Le poser d’assaut est une action compliquée qui exige une coordination avec les moyens aériens. La troisième dimension, qui inclut le renseignement (drones et avion radar ATL2) et l’appui feu immédiat (chasseurs), a donné une mobilité supérieure à celle de l’adversaire, dont les missiles sol/air n’ont pas fonctionné. Les hélicoptères jouent un rôle essentiel pour la projection de forces, car la guerre se gagne au sol pour stabiliser la situation. La présence de point d’appui (forces pré-positionnées) en Afrique a permis de limiter les dépenses de cette intervention qui coûte 2 M€/jour, souligne le général. Les quelque 3.000 hommes des forces spéciales ont permis d’accélérer la manœuvre. « L’effet pervers est de croire que les forces spéciales suffisent ». Conquérir des villes, comme Tombouctou et Gao, et les tenir font partie du métier des troupes conventionnelles. Des combats « disymétriques » ont lieu. L’adversaire, quoique culbuté, a pu se ressaisir. Il évite les villes et recourt aux attentats suicides et aux mines. Certains djihadistes ont appris la fabrication d’engins explosifs improvisés en Afghanistan. Le déploiement des forces françaises sur de grandes distances (plus de 1.500 km) les rend vulnérables à des harcèlements par des éléments adverses en petit nombre. Dans l’ensemble, explique le général Desportes, les forces africaines ne connaissent pas le terrain, sont sous-entraînées et sous-équipées et ne savent pas réagir rapidement. Seules celles du Tchad (2.000 hommes) peuvent stabiliser le Nord Mali. La Force internationale de soutien au Mali (Misma, 2.000 hommes) n’était pas encore sur place le 11 février. Les forces maliennes ne seront pas prêtes avant des mois. La Misma aura toujours besoin du soutien logistique et du renseignement des pays occidentaux (France et Etats-Unis), d’appui feu (France), de coordination et de planification. L’ONU prendra le relais quand cela deviendra une mission de maintien de la paix.  La volonté de retrait des troupes françaises existe, mais les circonstances imposeront le calendrier. « C’est l’ennemi qui fait la loi. Nous sommes là pour longtemps, déclare le général Desportes, qui estime que la France doit assumer ses responsabilités et « ne pas refaire la Libye ».

Perspectives pour la défense de la France. L’intervention au Mali a retardé la publication du Livre Blanc 2013 sur la défense et la sécurité nationale. Le général Desportes avertit qu’une diminution du budget de la défense mettrait en péril la cohérence de l’ensemble forces nucléaires et forces conventionnelles. De plus, le maintien en état du budget de la dissuasion se fera au détriment de celui des forces conventionnelles qui seront alors incapables d’assurer leurs missions. Or, dit-il, il existe un lien stratégique entre le nucléaire et le conventionnel. En vue d’un équilibre entre le nucléaire et le conventionnel, il suggère un arrangement avec la Grande-Bretagne pour assurer, à moindre coût, une permanence à la mer des sous-marins nucléaires lanceurs d’engins. Par ailleurs, la progressivité de l’action renforce sa crédibilité. La volonté politique d’utiliser l’arme nucléaire repose sur celle d’entreprendre une action militaire conventionnelle avant, comme celle au Mali. Il faut donc être capable d’agir en dessous du seuil nucléaire, sinon l’adversaire va pratiquer la stratégie du « fait acquis » pour contourner la dissuasion. Or, estime le général, la France a perdu son autonomie par rapport aux Etats-Unis en matière d’approvisionnement en munitions et de transport stratégique : « On ne fait que la guerre que nous laissent faire les Etats-Unis ». Quant à l’Europe de la défense, il considère que c’est « un rêve qui ne fonctionne pas », car les Etats membres n’ont pas la même perception de la menace. La stratégie étant l’interface entre les domaines politique et militaire, les hommes politiques ont tendance à se focaliser sur ce que le public voit à la télévision, selon le général Desportes qui estime « normal de maîtriser l’information ».  Enfin, il a noté que, lors d’une opération sécuritaire, les civils sont toujours réticents pour relever les militaires, mais « ça fait partie du métier des militaires ».

Loïc Salmon

Entré à l’Ecole spéciale militaire de Saint-Cyr en 1972, Vincent Desportes choisit l’arme blindée cavalerie. Titulaire d’un doctorat en histoire, d’un diplôme d’études approfondies de sociologie, d’un diplôme d’études spécialisées d’administration des entreprises, il est breveté de l’Ecole de guerre (1988-1990) et de l’United States Army War College (1998-1999), qui correspond au Centre des hautes études militaires en France.  Il a commandé le 501ème-503ème Régiment de chars de combat (1996-1998), le Centre de doctrine d’emploi des forces (2005-2008) et le Collège interarmées de défense (2008-2010). En outre, il a été attaché des forces terrestres à l’ambassade de France à Washington (2000-2003) et conseiller défense du Secrétariat général de la défense et de la sécurité nationale (2004-2005). Professeur associé à l’Institut d’études politiques de Paris, il est co-directeur de la collection « Stratégies & doctrines » aux éditions Economica. Le général de division (2S) Desportes est officier de la Légion d’Honneur, de l’Ordre national du Mérite et de la Legion of Merit (Etats-Unis).




Exotic 2012 : premier exercice de SIC en Retex d’Harmattan

Jusqu’au 25 juin 2012, la Marine nationale et les armées de Terre et de l’Air participent à « Exotic 2012 », premier exercice interarmées de systèmes d’informations et de communications (SIC) qui prend en compte le retour d’expériences (Retex) de l’opération « Harmattan » (Libye, 2011). En préparation depuis le 7 mai, Exotic 2012 (11-25 juin) met en œuvre, sur le plateau de Satory (région parisienne), des architectures de télécommunications pour simuler un déploiement installé sur les sites italiens de Poggio Renatico et de Sigonella. Il vise notamment à améliorer les performances des réseaux SIC, à identifier les systèmes peu satisfaisants en double bonds satellitaires et à proposer des axes d’évolution. L’exercice est conduit par la Direction interarmées des réseaux d’infrastructure et des systèmes d’information de la défense. Créée le 31 décembre 2003, celle-ci emploie 11.000 personnes sur le territoire métropolitain et en outre-mer et couvre tous les réseaux de communications (internet, téléphone etc.), la sécurité des systèmes d’information, la gestion des fréquences et le soutien des réseaux des forces nucléaires stratégiques. Elle assure la mise en œuvre et le soutien des SIC opérationnels des forces prépositionnées outre-mer et à l’étranger et de celles déployées en opérations extérieures.

L.S.