Exposition « Napoléon stratège » aux Invalides

La stratégie prend en compte les paramètres militaire, économique, diplomatique et médiatique d’une guerre, en vue d’atteindre un objectif politique. Napoléon Bonaparte (1769-1821) l’a incarnée, par son génie et sa grande capacité de travail.

Au début de l’exposition qui lui est consacré, quelques bustes en marbre rappellent ses modèles : le Macédonien Alexandre le Grand (356-323 avant JC), qui a conquis l’Empire perse et atteint l’Indus ; le Carthaginois Hannibal (247-183 avant JC), qui fit trembler Rome après avoir franchi les Pyrénées et les Alpes ; le Romain Jules César (101-44 avant JC) qui, après avoir conquis la Gaule, prépara la transformation de la République en Empire ; le Prussien Frédéric II (1712-1786), qui a su combiner mouvements, manœuvres et résolution contre une armée plus forte que la sienne. Leurs exploits se reflèteront dans le destin de Napoléon.

Trois fois chef. Napoléon cumule les fonctions de chef de l’Etat, commandant en chef des armées et général en chef sur les champs de bataille. Premier consul (1799-1804) puis empereur des Français (1804-1815), il dirige une France qui comptera jusqu’à 130 départements, promulgue les lois et définit la politique extérieure. Il commande ce qui deviendra la « Grande Armée », l’organise, l’équipe et l’entraîne comme il l’entend. Il dispose d’une totale liberté d’action pour conduire la guerre et négocier la paix. Il fixe aux généraux et diplomates des objectifs qui servent au mieux ses buts politiques. Contrairement à Louis XIV, il dirige lui-même l’armée en campagne. Toutes ses victoires confortent ces trois fonctions. Premier consul à la suite d’un coup d’Etat en 1799, Bonaparte veut apporter la paix en mettant un terme aux troubles de la Révolution française. Par les traités de Campo-Formio (1797), de Lunéville (1801) et d’Amiens (1802), il conclut ses campagnes militaires d’Italie (1796-1797) et d’Egypte (1798-1801). Victoires et paix légitiment son rôle de chef de l’Etat, héritier de la Rome antique. Empereur, sacré pour reprendre la tradition monarchique française depuis Louis 1er le Débonnaire (816), il souhaite étendre l’influence de la France et son pouvoir en Europe occidentale par des accords ou des guerres victorieuses. Il n’a pas eu le temps de théoriser sa contribution à l’histoire de la stratégie. D’autres s’en chargeront, surtout le Prussien Clausewitz (1780-1831) et le Suisse Jomini (1779-1869), dont les travaux seront étudiés par des hommes politiques et des généraux, dont certains entreront ensuite en politique. Clausewitz inspirera, directement ou indirectement, les généraux allemands Moltke (guerre franco-prussienne de 1870-1871), Ludendorff (première guerre mondiale, 1914-1918) et Rommel (seconde guerre mondiale,1939-1945), les dirigeants politiques Lénine (fondateur de l’Union soviétique, 1922-1991) et Mao Tsé-Toung (fondateur de la République populaire de Chine en 1949), le général vietnamien Giap (guerre d’Indochine, 1946-1954) et même les généraux français Foch (première guerre mondiale) et De Gaulle (seconde guerre mondiale). De son côté, Jomini va influencer, directement ou indirectement, les généraux américains Lee, Grant et Sherman (guerre de Sécession, 1860-1865), Pershing (première guerre mondiale), Patton, Mac Arthur, Marshall et Eisenhower (seconde guerre mondiale) et enfin Schwarzkopf (guerre du Golfe, 1990-1991). Le chef d’état-major des armées des Etats-Unis (1989-1993), puis secrétaire d’Etat (2001-2005), Powell s’inspirera de Clausewitz et de Jomini.

Formation et apprentissage. Le jeune « Napoléone de Buonaparte », né en Corse un an après sa cession à la France par la République de Gênes, est admis à l’Ecole militaire de Brienne (1779-1784) puis à celle de Paris (1785), où il étudie l’histoire, les mathématiques, la géographie et l’art de la guerre. Il en sort à 16 ans avec le brevet de sous-lieutenant d’artillerie, signé de Louis XVI. Intéressé par les sciences naturelles et la géographie durant sa scolarité, il emmènera des savants lors de l’expédition d’Egypte (1798). Lecteur insatiable, il étudie, après les cours, les campagnes des grands capitaines de l’Histoire et celles des chefs de guerre et théoriciens militaires de son temps. Ainsi, le « Traité général de tactique » de Guibert, vétéran de la guerre de Sept Ans (1756-1763), l’influence durablement sur la manœuvre, l’utilisation du feu, l’organisation et le déplacement des armées. Il lit aussi des ouvrages politiques dont « Le Prince de Machiavel (1469-1527), analyse pragmatique du pouvoir et de ses mécanismes. L’armée française s’est distinguée au cours de la guerre d’indépendance américaine (1778-1781) et dispose du nouveau système d’artillerie « Gribeauval » et du fusil à silex modèle 1777. Considérée comme l’une des meilleures d’Europe, elle bénéficie de la levée en masse puis de la conscription sous la Révolution pour aligner des effectifs inégalés. Après avoir francisé son nom, Bonaparte, promu capitaine, commande l’artillerie lors du siège de Toulon (1793), ville royaliste soutenue par la flotte britannique, et contribue à sa reconquête. A 27 ans, nommé à la tête de l’armée française d’Italie (45.000 hommes), il remporte de brillantes victoires, marche sur Vienne et impose la paix à l’Autriche…sans en référer au gouvernement français. En 1798, il commande l’expédition militaire et scientifique chargée de conquérir l’Egypte, qu’il va gouverner pendant un an. Il a alors acquis suffisamment d’expériences militaire, diplomatique et politique pour s’estimer capable de prendre le pouvoir en France…à 30 ans !

Planification et mobilité. Pour Napoléon, une campagne se prépare par la connaissance de l’ennemi (livres et rapports d’espions) et de son armée en détail (intendance, habillement, munitions, service de santé). Celle-ci, peu chargée, doit être capable de se déplacer rapidement pour créer la surprise. Il s’agit de vaincre l’ennemi militairement par la bataille et la prise de sa capitale, puis politiquement en lui imposant ses conditions de paix. Il remporte des victoires décisives à Arcole (1796), aux Pyramides (1798), à Marengo (1800), à Austerlitz (1805), Iéna (1806), Eylau (1807), Friedland (1807) et Wagram (1809). Mais la victoire de la Moscowa et la retraite de Russie (1812), trop coûteuses en hommes, annoncent les défaites de Leipzig (1813) et Waterloo (1815). En outre, l’Empereur a toujours laissé trop peu d’initiative à ses généraux.

Loïc Salmon

Napoléon stratège

Exposition « Napoléon et l’Europe » aux Invalides

Exposition « Napoléon à Sainte-Hélène » aux Invalides

L’exposition « Napoléon stratège » (6 avril-22 juillet 2018), organisée par le musée de l’Armée, se tient aux Invalides à Paris. Outre des gravures, tableaux, documents, armes et objets, elle présente des témoignages sonores reconstitués à partir de lettres et mémoires de soldats et d’officiers. Des dispositifs multimédias permettent de comprendre les raisonnements stratégique et tactique de l’Empereur lors de ses victoires et ceux de ses adversaires lors de ses défaites. L’un facilite la compréhension de l’efficacité de la chaîne de commandement, en fonction des circonstances de la bataille. Un autre explique la justesse du choix, par Napoléon, des chefs militaires les plus aptes à remplir une mission correspondant à leurs qualités. Renseignements : www.musee-armee.fr




Napoléon stratège

Napoléon a indirectement enseigné l’art de la guerre à ceux qu’il a affrontés et battus, favorisant ainsi leurs propres victoires ultérieures avec des conséquences politiques. La capitulation de Paris en 1814 a entraîné sa première abdication et la défaite de Waterloo, en 1815 après les Cent-Jours, la seconde.

L’archiduc autrichien Charles (1771-1847) combat, sans succès, le jeune général Bonaparte pendant la campagne d’Italie (1797). Président du Conseil de guerre en 1801, il propose un plan détaillé de la réorganisation globale de l’armée. Nommé ministre de la Guerre et de la Marine, il procède à de nombreuses réformes, inspirées de celles mises en œuvre en France depuis la Révolution. Généralissime, il est vaincu par Napoléon à Eckmühl (1809), puis remporte la victoire d’Essling un mois plus tard. Cette première grande défaite de l’armée napoléonienne est compensée, après quelques jours, par la victoire de Wagram. L’archiduc prend alors une retraite anticipée (à 38 ans !) et rédige ses réflexions dans un ouvrage sur la stratégie, dont Napoléon entendra parler lors de son exil à Sainte-Hélène. Bien qu’il ait effectué l’essentiel de sa carrière contre l’Empire ottoman, le général russe Koutouzov (1745-1813) est rappelé en 1805 à la tête d’une avant-garde pour soutenir les troupes autrichiennes. Malgré une infériorité numérique, Napoléon remporte alors la grande victoire d’Austerlitz le 2 décembre, jour anniversaire de son sacre. En juin 1812 lors de la campagne de Russie, Koutouzov, nommé commandant en chef des forces russes, affronte la Grande Armée à Borodino en septembre. Cette bataille, connue en France sous le nom de la Moscowa, est gagnée par Napoléon au prix de lourdes pertes. Elle lui ouvre les portes de Moscou, désertée par ses habitants. L’incendie de leur capitale par les Russes contraint l’armée impériale à la retraite. La rigueur de l’hiver et la tactique de harcèlement par les cosaques et les partisans, choisie par Koutouzov, achèvent de la décimer. Le général anglais Wellington (1769-1852) a séjourné neuf ans en Inde britannique, où il a compris l’étroite imbrication entre buts militaires et ambitions politiques. Pendant la guerre d’Espagne (1808-1814), les nations européennes coalisées contre la France lancent une contre-offensive à partir du Portugal. Nommé à la tête du corps expéditionnaire britannique en 1809, Wellington sait exploiter les erreurs des généraux et maréchaux français en l’absence de Napoléon, reconnaissant qu’il aurait été battu dans le cas contraire. Il l’affronte directement à Waterloo, rassuré par l’arrivée imminente de renforts prussiens. Sa réputation de vainqueur de l’Empereur servira la carrière diplomatique et politique de Wellington, qui deviendra Premier ministre (1828 à 1830). Le général prussien Blücher (1742-1819) contribue, en 1813, à transformer un simple conflit entre la Prusse et la France en une guerre de libération de l’Allemagne entière de l’hégémonie française. La victoire des Coalisés à Leipzig à l’issue de la « Bataille des Nations », la même année, brise le contrôle de Napoléon sur l’Europe centrale. Comme lui, Blücher avait compris qu’une bataille, susceptible d’emporter la décision, ne doit être livrée que dans de bonnes conditions. Pendant ses campagnes de 1813-1815, ses manœuvres audacieuses et inattendues déconcertent l’Empereur, obligé de réagir au lieu de prendre l’initiative. Il ressemble au général Bonaparte de la campagne d’Italie !

Loïc Salmon

Exposition « Napoléon stratège » aux Invalides

Napoléon à Sainte-Hélène, la conquête de la mémoire

« Napoléon stratège », ouvrage collectif. Éditions Lienart/Musée de l’Armée, 304 pages, 29 €




Churchill De Gaulle

De leur rencontre en 1940 à leurs héritages, de leur « mésentente cordiale » à leur admiration réciproque, le catalogue de l’exposition « Churchill-De Gaulle » retrace le parcours de ces personnages historiques.

Leur heure de gloire sonne le 9 juin 1940, quand Winston Churchill (65 ans), qualifié dans ses mémoires de « romantique » par Charles De Gaulle (49 ans), rencontre celui qu’il appellera plus tard « l’Homme du Destin ». Dans son enfance, Winston souffre du manque d’affection de ses parents. Son père, grand aristocrate, ne pense qu’à sa carrière politique, et sa mère, riche héritière américaine, est accaparée par ses amants. Charles naît dans une famille bourgeoise de Lille. Son père, professeur, lui fait découvrir l’Histoire  et sa mère voue à la patrie une passion égale à sa piété religieuse. Élève exemplaire, Charles se transforme en  intellectuel doté d’une solide formation classique, alors que Winston, « cancre » aux lectures éclectiques et hétéroclites, devient un autodidacte brillant. Nantis d’une mémoire phénoménale, tous deux partagent la même passion pour le métier des armes et l’histoire militaire de leurs pays respectifs et entament une carrière militaire. Pour Churchill, ce ne sera qu’un tremplin pour réussir très jeune en politique, où De Gaulle, soldat par vocation, n’entrera que par défaut et sur le tard. Ce dernier portera des jugements mitigés sur Napoléon, que le premier admirera profondément toute sa vie. Leur formation initiale d’officier les prépare à servir l’État avec passion. La première guerre mondiale est leur première expérience commune. Premier Lord de l’Amirauté dès 1911, Churchill  a modernisé la flotte, amélioré les conditions de vie des marins et créé une aviation navale, mais porte, en 1915, la responsabilité de l’échec de l’expédition des Dardanelles. Il rejoint alors le front en Flandre, de novembre 1915 à mai 1916. Le lieutenant De Gaulle, trois fois blessé et fait prisonnier en 1916, ne sera libéré que le 11 novembre 1918. Une vingtaine d’années plus tard, l’accès aux responsabilités suprêmes les transforme en chefs de guerre, où le pouvoir civil décide en dernier ressort en matière militaire. Tout en reconnaissant en De Gaulle « la France en lutte »,  le gouvernement britannique maintient des contacts avec celui de Vichy en 1940 et 1941. La méfiance entre le général et le Premier ministre s’installe après l’échec du débarquement à Dakar en 1940 et les conquêtes, réalisées uniquement sous commandement britannique, de la Syrie (sous tutelle française) en 1941 et de Madagascar (colonie française) en 1942. Elle sera exacerbée après l’entrée en guerre des États-Unis en 1941, dont le président, Franklin Roosevelt, ignore De Gaulle. Comme pour le débarquement en Afrique du Nord en 1942, Roosevelt refuse de l’associer aux préparatifs de celui du 6 juin 1944 en Normandie. Toutefois, l’accueil enthousiaste des Français réservé au général le 14 juin incite Roosevelt à reconnaître le chef du gouvernement provisoire de la République française en octobre. Le 11 novembre suivant, Churchill et De Gaulle descendent ensemble les Champs-Élysées (photo) et s’inclinent devant la statue de Clemenceau, la tombe du maréchal Foch et le tombeau de Napoléon. A son retour au pouvoir en 1958, De Gaulle exprimera sa reconnaissance à Churchill en lui décernant la croix de la Libération. Ce dernier aurait déclaré un jour que la croix de Lorraine…aurait été « la plus lourde » des croix qu’il ait eu à porter !

Loïc Salmon

Exposition « Churchill-De Gaulle » aux Invalides

Les généraux français de 1940

Maréchaux du Reich

« CHURCHILL DE GAULLE », ouvrage collectif de 35 auteurs. Fondation Charles De Gaulle, Musée de l’Armée et Éditions de La Martinière, 288 pages, 28 €




Exposition « Churchill-De Gaulle » aux Invalides

Cette exposition retrace les destins, hors du commun, de ceux qui ont incarné la résistance pendant le second conflit mondial et dirigé leur pays au début de la guerre froide : Winston Churchill (1874-1965) en Grande-Bretagne et Charles De Gaulle (1890-1970) en France.

A cette occasion, le musée des blindés de Saumur a prêté deux chars de 1940, placés de chaque côté de l’entrée du porche de la façade des Invalides. Le char lourd français BI bis a équipé les bataillons commandés au feu par le colonel De Gaulle. Le nouveau char lourd britannique Matilda II affrontera plus tard l’Afrikakorps du maréchal Rommel. Deux halls retracent le contexte historique. Extraits d’actualités cinématographiques et documents sonores font revivre le général français « à titre temporaire » et le « bouledogue » britannique. L’exposition commence avec l’enfance de ces chefs et se termine par leurs obsèques présentées simultanément, solennelles pour Churchill (30 janvier 1965) et très simples pour De Gaulle (12 novembre 1970). Leur existence aura été partagée entre le métier des armes, la politique et l’écriture.

Les soldats. Le lieutenant Winston Churchill choisit la cavalerie à sa sortie de l’École royale militaire de Sandhurst. Il reçoit le baptême du feu en 1895  à Cuba…au service des forces loyalistes espagnoles pour mater une révolte ! Deux ans plus tard, il sert dans le Nord de l’Inde et obtient son premier commandement au feu contre des tribus afghanes. Pendant la guerre des Madhistes au Soudan, il prend part à la bataille d’Omdurman (2 septembre 1898), l’une des dernières charges de cavalerie de l’histoire militaire britannique. Il participe ensuite à la très meurtrière guerre des Boers (1899-1900) contre l’État libre d’Orange et la République du Transvaal. Capturé, il parvient à s’évader et à rejoindre l’unité de cavalerie « South African Light Horse ». Sa tête est même mise à prix par les Boers pour 25 £, somme importante pour l’époque. Premier lord de l’Amirauté en 1914, Churchill doit démissionner l’année suivante après la bataille désastreuse des Dardanelles. Il revêt alors l’uniforme de lieutenant-colonel pour se battre dans les tranchées des Flandres. Il y rencontre son cousin, le 9ème duc de Malborough. Tous deux échappent à la mort au cours d’un bombardement et gravent leurs initiales sur un éclat d’obus. A l’été 1940, Churchill, Premier ministre, met sur pied un service secret d’action subversive, le « Special Operations Executive » (SOE), composé de deux sections : la « F » avec une organisation et un commandement uniquement britanniques ; la « RF » pour coopérer avec son homologue gaulliste, le « Bureau central de renseignements et d’actions » (BCRA). Entré à Saint-Cyr en 1908, le lieutenant Charles De Gaulle est affecté en 1912 au 33ème Régiment d’infanterie, commandé par le colonel Philippe Pétain. Il reçoit le baptême du feu à la bataille de Dinant, en 1914. Blessé pour la  troisième fois à Verdun en 1916, il est capturé par les Allemands. Malgré cinq tentatives d’évasion, il reste prisonnier jusqu’à la fin de la guerre. Dans les années 1920 et 1930, il sert en Pologne, dans l’armée française du Rhin et au Levant. Devenu colonel, il ne parvient pas à faire adopter son projet de corps blindé mécanisé par sa hiérarchie. Après l’appel du 18 juin 1940, le tribunal de Clermont-Ferrand le condamne par contumace « à la peine de mort, à la dégradation militaire et à la confiscation de ses biens » (2 août).

Les hommes politiques. Élu député du parti Conservateur en 1900, Churchill occupe divers postes ministériels importants, avant et après la Grande Guerre, jusqu’en 1929. A nouveau Premier lord de l’Amirauté en 1939, il devient Premier ministre en 1940. En juin, il rencontre De Gaulle, alors sous-secrétaire d’État à la Guerre et à la Défense nationale dans le gouvernement Raynaud et envoyé à Londres pour négocier l’aide britannique, afin de pouvoir continuer la guerre. A l’annonce radiodiffusée de l’armistice français, Churchill l’autorise à utiliser le micro de la BBC pour lancer un appel à la résistance. Les deux hommes concluent un accord sur la constitution de la « France Libre », mouvement militaire et entité politique représentant la France, avec son siège à Londres. La plupart des volontaires français combattent aux côtés des armées britanniques. A Brazzaville, De Gaulle institue un « Conseil de défense de l’Empire », afin d’établir des relations d’État à État avec le gouvernement britannique. L’image de chacun se dessine. Churchill se caractérisera par le chapeau, le gros cigare, le nœud papillon et le pistolet mitrailleur. Quant à De Gaulle, sa voix entendue régulièrement à la BBC sera vite associée à un général en uniforme. Malgré le bombardement de la flotte française de Mers-El-Kébir par la Marine britannique (3 juillet 1940) et l’échec de la tentative de ralliement de Dakar par une flotte anglo-française libre (23-25 septembre), Churchill et De Gaulle conservent leur confiance réciproque. Par la suite, leurs relations seront tendues et même au bord de la rupture. Finalement, grâce à l’unification de la Résistance et au soutien populaire, De Gaulle s’impose et écarte le risque d’une guerre civile en France. En 1944, celle-ci se voit attribuer une zone d’occupation en Allemagne. Le 26 juillet 1945, Churchill perd les élections. Six mois plus tard, De Gaulle démissionne du gouvernement provisoire de la République française. Le premier revient au pouvoir de 1951 à 1955 et le second de 1958 à 1969.

Les écrivains. Contre tous les usages, Churchill mène une double carrière d’officier et de correspondant de guerre pendant cinq ans (1895-1900). Ses articles assurent sa renommée en Grande-Bretagne et lui inspirent la rédaction de plusieurs livres, dont il tire l’essentiel de ses revenus. Après 1945, il écrit le premier tome de « La seconde guerre mondiale », qui en comptera six. Il reçoit le prix Nobel de littérature en 1953. De Gaulle publie son premier livre en 1938 : « La France et son armée », rédigé dix ans plus tôt à la demande du maréchal Pétain. Il se remet à l’ouvrage après la guerre et publie ses « Mémoires de guerre » entre 1954 et 1959. Churchill travaille avec une équipe de chercheurs et dicte, la nuit, à sa secrétaire qui tape à la machine. De son côté, De Gaulle écrit à la main et rature beaucoup. Deux ou trois personnes effectuent des recherches et vérifient l’exactitude des événements. Sa fille Élisabeth tape l’épreuve finale, qu’il aura réécrite… plus lisiblement !

Loïc Salmon

Churchill De Gaulle

Parachutée au clair de lune

L’exposition « Churchill-De Gaulle » (10 avril-26 juillet 2015), organisée par le musée de l’Armée avec le concours de la Fondation Charles De Gaulle, se tient aux Invalides à Paris. Elle rassemble photos, tableaux, documents, affiches, lettres, uniformes, appareils et objets provenant notamment du Churchill Archives Centre de Cambridge et du musée de l’Ordre de la Libération. Parallèlement, ont été programmés : des conférences en avril et mai ; un cycle cinématographique « Churchill-De Gaulle » du 4 au 8 juin ; des concerts d’avril à juin dans la cathédrale Saint-Louis des Invalides, pour rappeler la fin de  la seconde guerre mondiale et découvrir les grands compositeurs du XXème siècle, de Benjamin Britten au « Beatle » Paul Mc Cartney. Renseignements : www.musee-armee.fr




Exposition « Napoléon à Sainte-Hélène » aux Invalides

Napoléon, empereur vaincu et déchu, a remporté sa dernière bataille, celle de sa légende, sur une île perdue de l’Atlantique Sud où il a façonné son exil.

L’exposition retrace sa vie, de la défaite de Waterloo le 18 juin 1815 à sa mort le 5 mai 1821. Chateaubriand, son adversaire politique et écrivain de renom, lui rendra cet hommage posthume dans ses « Mémoires d’outre-tombe » publiés en 1845-1850 : « Enfin  le 5 à six heures et moins onze du soir, au milieu des vents, de la pluie et du fracas des flots, Bonaparte rendit à Dieu le plus puissant souffle de vie qui jamais anima l’argile humaine ».

Un exil à l’antique. Le 21 juin 1815, pour protéger la France d’une invasion imminente, Napoléon abdique en faveur de son fils, le roi de Rome âgé de 5 ans, et propose de redevenir simple général. Fouché, son ancien ministre de la Police limogé en 1810 et qui a constitué un gouvernement provisoire, lui indique la route de l’exil. L‘Empereur signe son acte d’abdication le lendemain. Il réunit une suite de quelques personnes et envisage de partir pour l’Amérique. Vêtements, vaisselle et argenterie sont empaquetés au hasard des trouvailles. Toutefois, le soutien populaire que suscite sa présence à Paris inquiète le gouvernement. Il se poursuit le long de son trajet jusqu’au port de Rochefort. Là, Napoléon dispose de deux frégates, mais la rade est bloquée par une escadre anglaise aux ordres du capitaine de vaisseau Maitland, commandant le navire de ligne Bellerophon. Fouché a promis des sauf-conduits…qui n’arrivent pas ! Le lieutenant de vaisseau Besson, attaché à l’état-major de Rochefort, propose à l’Empereur un plan d’évasion pour forcer le blocus de nuit, en se cachant à bord du navire marchand La-Magdalena qui transporte de l’eau-de-vie. Toutefois, Napoléon refuse de fuir en catimini. Il veut conserver la dignité de son rang, à savoir celui d’un chef d’État qui a marqué d’une empreinte durable villes, lois et religions, a possédé 47 palais et allié les siens aux plus grandes familles d’Europe. Né en 1769 pendant le « Siècle des Lumières », Napoléon s’inspire des grands personnages de l’Antiquité. Il compare alors son sort à celui du stratège athénien Thémistocle qui, banni de son pays, trouva asile auprès du roi de Perse Artaxerxès 1er, fils de Xerxès qu’il avait vaincu à Salamine (480 avant J.-C.). Le 14 juillet, il signe sa reddition au prince-régent d’Angleterre, futur George IV, et embarque avec sa suite sur le Bellerophon. Arrivé au port de Plymouth, Napoléon se promène sur le pont du navire, car aucun Français ne peut descendre à terre. Des centaines de curieux se rassemblent pour apercevoir « l’homme au petit chapeau ». Dans la presse britannique fascinée, les avis sont partagés : les uns veulent anéantir « l’Ogre », les autres invoquent « l’Habeas Corpus », institution anglo-saxonne qui garantit, depuis 1679, à tout citoyen de savoir pourquoi il a été arrêté, afin d’éviter les détentions arbitraires. Le 31 juillet, Napoléon apprend sa destination finale : l’île de Sainte-Hélène. Transféré sur le Northumberland, il ne garde que sept personnes auprès de lui : le comte Bertrand, grand maréchal du Palais ; les généraux Gourgaud et Montholon, aides de camp ; le comte de Las Cases, chambellan ; les serviteurs Marchand, Ali et Cipriani ; le docteur irlandais O’Meara, chirurgien du Bellerophon devenu son médecin personnel.

Une captivité contrastée. L’exposition fait entrer dans l’intimité de celui qui entend rester « l’Empereur Napoléon 1er » et que les Anglais traitent en simple « général Buonaparte ». Des dispositifs en 3 D permettent de découvrir sa résidence, la ferme de Longwood Old House. Ses appartements occupent 180 m2 sur une surface totale de près de 1.000 m2. Une véranda et un vestibule ont été ajoutés à l’entrée. Les communs ont été prolongés pour loger sa suite… et l’officier de liaison britannique. Insalubre, la maison a été meublée par des récupérations auprès des notables locaux et des achats aux bateaux de passage. Cette rusticité côtoie les vestiges des palais impériaux apportés dans les bagages : son épée portée à Austerlitz (1805) ; pendule ; service à déjeuner rappelant ses campagnes et sa gloire passée ; couverts en vermeil à ses armes ; lavabo en argent sur trépied à cols de cygne ; portraits miniatures de sa mère Maria-Letizia, de sa première épouse Joséphine et de son fils. Le gouverneur de l’île, Hudson Lowe, lui donnera un globe céleste, avec étoiles et nébuleuses, et un autre terrestre présentant les routes des grands navigateurs du XVIIIème siècle, La Pérouse, Vancouver et Cook. Ce sera sa seule délicatesse, car ses rapports avec Napoléon deviendront exécrables, en raison des vexations qu’il lui inflige. Ce dernier exige le respect de l’étiquette impériale pour son service, reçoit ses visiteurs dans sa salle de billard, s’informe par les journaux venus par bateau et fait passer des messages à l’insu du gouverneur. Dans son jardin où il prend un peu de fraicheur, il effectue lui-même des travaux et échappe à la surveillance des sentinelles. Des passants tentent de l’y apercevoir. Il se pose ainsi en successeur du général romain Cincinnatus (519-430 avant J.-C.), qui avait renoncé au pouvoir pour cultiver la terre. Toutefois, souffrant d’hépatite, sa santé se dégrade dès 1817. Il s’éteint sur un lit de fer, utilisé lors de ses plus grandes victoires. Dans son testament rédigé les 15 et 16 avril 1821, il évoque son legs moral et politique à la France et aux générations futures. Un codicille exprime son désir de reposer « sur les bords de la Seine au milieu de ce peuple français (qu’il a) tant aimé ».

Une légende voulue. Sa mort sera vue comme un événement politique, qu’il avait préparé par l’écriture. « Je veux écrire les grandes choses que nous avons faites ensemble », avait-il dit à ses grognards lors de son départ pour l’île d’Elbe en 1814. Il s’y met à Sainte-Hélène et dicte beaucoup, de jour comme de nuit, à son entourage : Bertrand, Gourgaud, Las Cases père ou fils, Montholon et O’Meara. Prenant exemple sur Alexandre le Grand et César, il détaille et explique les événements de sa propre carrière, en vue d’une œuvre d’histoire. Le texte est relu et amendé plusieurs fois, jusqu’à ce que l’Empereur se déclare satisfait. Les publications se multiplient, avec succès, après sa mort : « Napoléon en exil » d’O’Meara (1822), « Le Mémorial de Sainte-Hélène » de Las Cases (1823) et les « Mémoires » de Bertrand (1949) et de Marchand (1955). L’engouement napoléonien perdure depuis le « Retour des Cendres » aux Invalides en 1840 !

Loïc Salmon

L’exposition « Napoléon à Sainte-Hélène, la conquête de la mémoire » (6 avril-24 juillet 2016), organisée par le musée de l’Armée, se tient aux Invalides à Paris. Outre des gravures, tableaux, documents, armes et objets, elle présente le mobilier qui entourait l’Empereur à sa mort. Ces meubles ont été restaurés, grâce aux efforts de la Fondation Napoléon, du ministère des Affaires étrangères, des Domaines nationaux de Sainte-Hélène, du ministère de la Culture, du musée national des Châteaux de Malmaison et Bois-Préau, du gouvernement de Sainte-Hélène et de souscripteurs particuliers. Ont également été programmés des conférences en mai 2016, des projections de films en juin et des concerts en la cathédrale Saint-Louis des Invalides jusqu’en juin. Renseignements : www.musee-armee.fr




Napoléon à Sainte-Hélène, la conquête de la mémoire

« C’est un tombeau, une tombe, une pyramide, un cimetière, un sépulcre, une catacombe, un sarcophage, un minaret et un mausolée » ! Sainte-Hélène, ainsi décrite en 1839 par le naturaliste anglais Charles Darwin, est une île volcanique de 122 km2, située à 2.000 km du Sud de l’Angola et découverte par les Portugais en 1502. Cette « maison à mi-chemin au beau milieu du grand océan » sur la route commerciale des Indes, sera annexée par l’English East India Company en 1659. Inhabitée, elle sera colonisée par des civils britanniques, des esclaves africains et une population chinoise. A partir de 1815, Napoléon vient y vivre ses dernières années. Sous la pression des autres capitales européennes, Londres ne pouvait lui accorder en Angleterre l’asile politique qu’il espérait, car sa présence risquait d’attirer la curiosité et même la sympathie de l’opinion publique britannique. Il fallait le couper du monde dans un endroit isolé, où les nouvelles de son activité ne pourraient filtrer jusqu’en France. Choisie pour prévenir toute possibilité d’évasion, l’île de Sainte-Hélène voit la défense de ses côtes renforcée. Chaleureusement accueilli dans le domaine des Briars le 16 octobre, l’Empereur doit emménager le 10 décembre dans une ferme bâtie sur le plateau de Longwood, l’endroit le moins ensoleillé et le plus humide de l’île où le brouillard et le vent dominent, même l’été. Cette résidence (150 m2 pour lui-même), dénommée « Old » House, sera remplacée par une demeure plus vaste, en éléments préfabriqués en provenance d’Angleterre, et connue sous le nom de « New » House. Celle-ci ne sera achevée qu’en décembre 1820, mais Napoléon, malade, ne sera plus en état de déménager. Au début, les dépenses de Longwood étaient à la charge exclusive du gouvernement britannique, notamment l’entretien des 40 à 50 personnes qui y vivent ou y travaillent. Mais à l’automne 1816, le nouveau gouverneur Hudson Lowe exige que l’Empereur contribue à ses dépenses, jugées excessives. La destruction ostentatoire d’une partie de l’orfèvrerie, dont les aigles sont ôtées et les armes martelées, puis la fonte d’une partie de l’argenterie donnent une publicité éclatante à la mesquinerie du gouverneur, qui réduit également la domesticité. Il n’aura rencontré son illustre prisonnier que les 17 avril, 30 avril, 15 mai, 20 juin, 16 juillet et 18 août 1816 en tout…et toujours de façon orageuse ! Par la suite, Napoléon refusera de le recevoir. « A la postérité de juger », finira-t-il par dire. Celle-ci n’épargnera pas le « geôlier de l’Empereur ». Les mémorialistes Las Cases, Gourgaud, O’Meara, Montholon, Marchand et Saint-Denis, dit le « mamelouk Ali », tireront sur lui à boulets rouges. Même le duc de Wellington, le vainqueur de Waterloo (1815), dira de lui avec mépris : « Lowe n’était pas un gentleman ». Puis, de mois en mois, l’ennui et la promiscuité conduisent les compagnons de l’Empereur à quitter Sainte-Hélène les uns après les autres. La réclusion, même volontaire, le temps qui s’écoule lentement et la moiteur du lieu aggravent la situation. Pourtant, malgré leurs incessantes disputes, ceux qui restent, neuf à la mort de l’Empereur le 5 mai 1821, l’auront protégé des atteintes à son rang et à sa mémoire. En 1868, Napoléon III rachète la maison de Longwood et la vallée du Géranium, où avait été enterré son oncle. En mai 2016, l’ouverture d’un aéroport à Sainte-Hélène devrait y favoriser le tourisme… surtout à Longwood !

Loïc Salmon

Exposition « Napoléon à Sainte-Hélène » aux Invalides

« Napoléon à Sainte-Hélène », ouvrage collectif. Éditions Gallimard/Musée de l’Armée, 304 pages, 35 €




Obsèques nationales pour quatre tués en Afghanistan

Le 14 juin 2012, les obsèques nationales des quatre militaires français, victimes d’un attentat suicide le 9 juin en Afghanistan, ont eu lieu aux Invalides à Paris, en présence du chef de l’Etat, de l’ensemble du gouvernement, de deux anciens présidents de la République, de la plupart des anciens Premiers ministres et des détachements de leurs unités.

Il s’agit de l’adjudant-chef Thierry Serrat, du maréchal des logis-chef Stéphane Prudhom, du maréchal des logis Pierre-Olivier Lumineau et du brigadier Yoann Marcillan. Deux de leurs interprètes afghans ont trouvé la mort lors de l’attentat, qui a fait cinq blessés français (trois gravement) et deux blessés civils afghans. Dans son éloge funèbre aux quatre militaires décédés, le président de la République François Hollande, chef des armées, a notamment déclaré : « Ils sont morts pour des valeurs justes et hautes, celles de la paix, celles de la liberté, celles de la démocratie, les valeurs de la France ». Après les avoir faits chevalier de la Légion d’Honneur à titre posthume, il s’est entretenu avec leurs familles présentes. Le retrait des forces combattantes françaises reste fixé à fin 2012. Depuis son engagement en Afghanistan en 2001, la France déplore 87 morts et environ 700 blessés. Selon l’Etat-major des armées, les quatre militaires effectuaient une mission de contact avec la population pour connaître ses besoins et ses sentiments. Ces missions, indispensables pour comprendre l’environnement opérationnel, ne sont pas suspendues, car elles permettent de déceler les menaces, participant ainsi à la sécurité des forces sur le terrain. Elles sont progressivement dévolues aux forces de sécurité afghanes. Enfin, il n’existe aucun moyen de se prémunir contre une attaque suicide.

L.S.




GMP : rôles opérationnel, civilo-militaire et de rayonnement

Le gouverneur militaire de Paris (GMP) participe à l’organisation territoriale interarmées, à la sécurité en Ile-de-France et au rayonnement des armées, dont il doit valoriser aussi le patrimoine.

Titulaire de la fonction, le général de corps d’armée Hervé Charpentier a reçu l’Association des journalistes de défense le 17 octobre 2012 à l’Hôtel national des Invalides.

Responsabilité opérationnelle. L’Ile-de-France accueille la Brigade des sapeurs pompiers de Paris et le 121ème Régiment du train de Montlhéry. En outre, le plan « Vigipirate » contre la menace terroriste mobilise en permanence 1.000 hommes sur le territoire, dont 600 à Paris. Chaque détachement effectue une préparation de 10 jours avant d’être déployé pendant 10 à 15 jours pour effectuer des patrouilles (20 km dans la journée) dans le métro, les gares et les sites touristiques majeurs (Tour Eiffel, Louvre, Beaubourg et château de Versailles). Les soldats observent des règles d’engagement très précises, doivent garder l’initiative et sont accompagnés de policiers pendant les heures de pointe (7h-9h et 18h-20h). Déjà, 13.000 hommes sont passés à Paris dans ce cadre. En complément, le GMP envisage de créer un bataillon de réserve pour l’Ile-de-France, dont l’état-major sera installé au fort de Vincennes. Les unités élémentaires, qui monteront en puissance, constitueront un renfort opérationnel pour relever les troupes d’active et guider, dans Paris, quelque 10.000 soldats appelés en cas de crise. En tant qu’officier général de la zone de défense et de sécurité, le GMP doit assurer, en coordination avec les services de police, de la sécurité civile et de la Ville de Paris, le plan de résilience de l’Etat dans la durée en cas de catastrophe naturelle, dont notamment une crue majeure de la Seine (voir rubrique « Archives » : « Crises : prévention et gestion en Ile-de-France » 6-6-2012).

Hommage et solidarité. La nation rend un hommage national à ses armées le 14 juillet, avec la mise en valeur des blessés, et le 11 novembre, pour les tués en opérations. A Paris, le défilé mobilise 5.000 militaires, 500 véhicules et 50 aéronefs, auxquels s’ajoutent 1.000 personnels de soutien. En fonction de l’actualité, le GMP préside des prises d’armes aux Invalides avec remise de décorations. En outre, les morts en opérations ont désormais droit à un hommage civil sur le pont Alexandre III, où passe le convoi mortuaire, puis à un hommage plus intime pour les familles dans la cour d’honneur des Invalides. A cette occasion, le chef d’Etat-major, en général de l’armée de Terre en raison du conflit en Afghanistan, épingle la croix de la Valeur militaire et éventuellement la Médaille militaire sur le catafalque. Cette cérémonie est poignante. « L’horreur devient réalité », souligne le GMP, qui reçoit longuement les familles. La fermeture du cercueil de chaque tué se fait devant sa famille proche : « C’est indispensable pour écrire cette première page de deuil ». Enfin, le président de la République peut décider un hommage national dans la garnison d’origine ou aux Invalides. Par ailleurs, une « Maison des blessés » sera établie à Bercy pour accueillir 70 membres de leur famille dans 5 appartements et 6 studios. Parallèlement, l’organisation d’événements privés dans l’enceinte des Invalides permet de récolter des fonds pour l’association d’entraide « Terre Fraternité » et la « Cellule d’aide aux blessés de l’armée de terre », directement rattachée au GMP.

Retour d’expérience. Le général Charpentier, qui a dirigé les Forces terrestres pendant deux ans avant sa présente affectation, a répondu à diverses questions sur le conflit en Afghanistan. Environ 60.000 militaires de l’armée de Terre, dont tous les personnels des régiments d’artillerie et 95 % de ceux d’infanterie, ont participé à cet engagement « exceptionnel » et « emblématique », après trente ans de paix ou de violence limitée. Toutefois, précise le général, « il ne doit pas être le théâtre de référence pour préparer l’avenir ». En Afghanistan, les militaires français ont vécu à des milliers de km de la France avec des moyens très développés, pour ne pas se trouver démunis en cas de surprise. Ils y ont connu le retour aux fondamentaux, à savoir l’école du combattant. L’accrochage commence à la sortie de la base et les patrouilles durent six mois sur les mêmes lieux. Beaucoup d’officiers ont servi de 6 à 17 mois dans des états-majors américains et les meilleurs sous-officiers et soldats dans les « équipes de liaison et de tutorat opérationnel » (OMLT en anglais) pour l’instruction et l’entraînement de l’armée nationale afghane. Il s’agit de capitaliser cette expérience riche en réactivité, urgence opérationnelle et nécessité d’avoir un temps d’avance. « Pour nous, soldats, l’Afghanistan est loin d’être un échec », insiste Hervé Charpentier. En dix ans, les effectifs déployés sont passés progressivement à 4.000 personnels. La planification a été la plus compliquée à faire prendre en compte. Mais, les Alliés ont reconnu « la qualité du soldat français et la crédibilité de la chaîne de commandement », souligne le général, « pour les soldats, c’est le sentiment de la mission accomplie ».

Loïc Salmon

Le général de corps d’armée Hervé Charpentier, entré à Saint Cyr en 1975, choisit l’infanterie de marine à l’issue de sa scolarité. Titulaire du brevet d’études militaires supérieures (1993), il est auditeur du Centre des hautes études militaires et de l’Institut des hautes études de défense nationale (2002). Au cours de sa carrière au sein de régiments parachutistes, il participe à diverses opérations : « Barracuda » en République centrafricaine (1979) et « Saintonge » au Nouvelles-Hébrides (1980) comme chef de la section des chuteurs opérationnels ; « Diodon 4 » au Liban (1983) comme officier des renseignement ; « Manta Echo 3 » au Tchad (1984) ; « Turquoise » au Rwanda (1994) ; « Balbuzard Noir» en ex-Yougoslavie (1995). Il a notamment commandé le 6ème Bataillon d’Infanterie de marine au Gabon (1997), la 9ème Brigade légère blindée de marine (2005), l’Ecole d’application de l’infanterie (2007) et les Forces terrestres (2010). Membre du cabinet militaire du ministre de la Défense de 2002 à 2004, il est nommé gouverneur militaire de Paris, officier général de zone de soutien de Paris et officier général de la zone de défense et de sécurité de Paris le 1er août 2012. Titulaire de la croix de la Valeur militaire avec trois citations, le général Charpentier est commandeur de la Légion d’Honneur et de l’Ordre national du Mérite.




Obsèques nationales pour sept tués en Afghanistan

Le 19 juillet 2011, les obsèques nationales des sept militaires français tués en Afghanistan, entre les 11 et 14 juillet, ont eu lieu aux Invalides à Paris, en présence du chef de l’Etat, des membres du gouvernement, de nombreux élus et des détachements de leurs unités.Tous les sept ont été élevés au grade supérieur et faits chevaliers de la Légion d’Honneur à titre posthume. Il s’agit du brigadier-chef Clément Kovac du 1er Régiment de chasseurs de Verdun (accident), du capitaine Thomas Gauvin et de l’adjudant-chef Laurent Marsol du 1er  Régiment de chasseurs parachutistes de Pamiers, des adjudants-chefs Jean-Marc Gueniat et Emmanuel Techer du 17ème Régiment du génie parachutiste de Montauban, du sergent Sébastien Vermeille du Sirpa Terre Image centre de Lyon (attentat suicide) et du maître Benjamin Bourdet du commando Jaubert, (combat). Dans son allocution, le président de la République Nicolas Sarkozy, également chef des armées, a notamment déclaré : « Vous n’êtes pas morts pour rien. Vous êtes morts pour la grande cause des peuples libres qui ont payé leur liberté avec le sang de leurs soldats. (…) Soldats, vous êtes partis en pleine jeunesse en emportant avec vous les promesses d’une vie heureuse. Mais, nul ne vous a volé votre destin ». Enfin, il a rappelé que « l’armée française n’est pas séparée du reste de la Nation française, car l’armée française fait corps avec la nation française ».

L.S.




L’histoire des Invalides en 3 D

Pendant huit jours (11-18 avril 2012), un spectacle de son et lumière en projection vidéo 3D fera revivre, de façon grandiose, l’histoire des Invalides à Paris sur les 196 m de façade de la cour d’honneur. Il est donné au profit de l’Institution nationale des Invalides, qui recevra 50 % des bénéfices.

Les organisateurs ont présenté ce spectacle inédit lors d’une conférence de presse, tenue précisément aux Invalides le 6 mars.

Histoire et culture : la construction de ce monument, l’un des plus visités de la capitale, a été décidée par Louis XIV le 24 février 1670 pour subvenir aux besoins de ses soldats malades, infirmes et âgés. Aujourd’hui, l’Institution nationale des Invalides accueille 90 pensionnaires, anciens déportés et grands blessés militaires et civils (voir revue téléchargeable mars 2011, p.7). Les combattants blessés et handicapés au cours d’opérations extérieures y séjournent (article « Opex : prise en charge et suivi des grands blessés », dans « Archives » 18-1-2012). L’hommage de la nation aux militaires morts en Opex se déroule dans la cour d’honneur. Les Invalides abritent aussi le musée de l’Armée, qui a accueilli 1,5 million de visiteurs en 2011. En outre, plus de 100.000 élèves, du primaire au lycée, y effectuent des parcours thématiques chaque année. Enfin, le caveau des gouverneurs contient les cercueils de grands soldats et celui de Rouget de l’Isle, compositeur de « La Marseillaise ». Mais, les Invalides sont aussi un lieu de culture. Des opéras y sont joués : « Carmen » (2010), « Madame Butterfly » (2011) et « Aïda » (septembre 2012). « La Nuit aux Invalides » : le spectacle se concentre sur trois personnages historiques dont le nom est lié au monument : Louis XIV bien sûr, Napoléon (le tombeau) et le général De Gaulle (le mémorial). Trois acteurs célèbres, connus pour le timbre profond de leur voix, y apportent leur concours : André Dussolier, Jean Piat et Céline Duhamel. Pour François Nicolas, président de la société organisatrice AmaClio dont le nom signifie en latin « j’aime l’Histoire », il s’agit de faire converger « le soir, le sensationnel et l’émotion ». AmaClio et le scénariste Bruno Sellier ont associé leurs idées pour créer le concept de la « mœniaménie », néologisme formé de deux mots latins relatifs aux « remparts » et aux « avis ». Cela consiste donc à donner la parole aux murs et aux pierres. Ainsi, l’élément le plus fameux de la cour d’honneur, l’œil de bœuf dit « l’Œil de Louvois » (ministre de la guerre de Louis XIV et architecte du lieu), raconte ce qu’il a vu défiler devant ces murs et les secrets mystérieux qu’ils renferment depuis plus de trois siècles. Enfin, tout spectacle de son et lumière nécessite des matériels et une technologie de pointe, que maîtrise la société « Spectaculaires ». Son fondateur Benoît Quéro entend allier « la sublimation de l’architecture » et « embarquer les gens dans des histoires ». Quelque 40.000 spectateurs sont attendus !

Loïc Salmon

De gauche à droite : Benoît Quéro, fondateur de la société « Spectaculaires» ; Bruno Sellier, créateur du spectacle ; François Nicolas, président de la société AmaClio ; Jean-Noël Glady, secrétaire général du musée de l’Armée ; colonel Olivier Sastre, conseiller communication du Gouverneur militaire de Paris ; François Lagrange, conseiller historique de la Direction du musée. Le spectacle sera donné chaque soir du 11 au 18 avril 2012, sur trois séances (21h15, 22h15 et 23h15), suivies d’une visite du dôme des Invalides, scénarisé pour l’occasion et exceptionnellement ouvert jusqu’à minuit. (www.lanuitauxinvalides.fr)