Expositions « D’or et d’argent » et…d’autres raretés au château de Chantilly

Revaloriser les collections du musée Condé autour du duc d’Aumale enrichie de nouvelles pièces, tel est l’objectif des expositions en cours au château de Chantilly. En parallèle, la restauration des lieux se poursuit.

Distinctions. Le duc d’Aumale, 5ème fils de Louis-Philippe, choisit très tôt la carrière militaire, où il connaîtra un parcours fulgurant mais court. Entré dans l’infanterie à 16 ans, il participe à la conquête de l’Algérie dès 1840. Cité à l’ordre de l’armée d’Afrique cette année-là, il est promu lieutenant-colonel et fait chevalier de la Légion d’Honneur. Le 16 mai 1843, il capture la « smalah » de l’émir Abd el Kader et devient lieutenant-général, à l’époque plus haut grade militaire après la dignité de maréchal. Ses décorations figurent en bonne place dans l’exposition « D’or de d’argent » (6 avril-29 septembre 2014). Son épée porte trois étoiles sur la garde, la croix de chevalier de la Légion d’Honneur, abîmée par les chocs répétés contre le fourreau, et la médaille coloniale, avec la barrette « Algérie », créée… en 1893 ! Elle lui a été en effet attribuée en 1895 au titre de ses états de service et de sa présence en Algérie entre 1840 et 1848, entrecoupée par un rapatriement sanitaire en France. Il a également reçu, à titre honorifique à l’occasion d’échanges diplomatiques et dynastiques, des décorations étrangères, presque toutes conservées à Chantilly. Il est récipiendaire de 5 grands-croix : celle de l’Ordre belge de Léopold (1842) son beau-frère, inspiré de la Légion d’Honneur ; celle de la Tour et de l’Épée (1845) , Ordre du mérite portugais, à l’occasion du mariage de sa sœur Clémentine avec Auguste de Saxe-Cobourg, frère du roi consort du Portugal ; celle de l’Ordre brésilien de la Croix du Sud (1843) , lors du mariage de son frère François, officier de Marine connu sous le titre de prince de Joinville, avec Francisca Carolina, fille de Pierre 1er, empereur  du Brésil ; celle de l’Ordre de Saint-Ferdinand et du Mérite (1844), à l’occasion de son propre mariage avec Marie-Caroline de Bourbon-Sicile ; celle de l’Ordre de la maison grand-ducale de Mecklembourg-Schwerin (1896) à la suite du mariage de son frère Ferdinand avec Hélène de Mecklembourg-Schwerin. Enfin, le mariage de son frère Antoine, duc de Montpensier, avec une infante d’Espagne, lui confère les insignes de l’Ordre de la Toison d’Or (1846).

Archives. La bibliothèque et les archives du château de Chantilly conservent  environ 60.000 volumes, 8.000 cartes et plans et 80.000 lettres. L’exposition « Aumale secret » (6 avril-29 juin 2014) met en valeur une trentaine de pièces inédites entrées dans les archives entre 2010 et 2013. La plus récente a été acquise en novembre 2013, lors de la vente aux enchères de la collection de l’ex-Premier ministre Dominique de Villepin. Dans cette lettre officielle, datée du 2 mars 1848 alors qu’il est gouverneur général de l’Algérie (à 26 ans !), il indique avoir appris la constitution d’un gouvernement républicain à Paris, par des journaux en provenance de Marseille et de Toulon. Il écrit aux agents de l’État qu’il dirige : «  La nation va être appelée à lui donner sa sanction. Vous avez immédiatement à prendre les mesures nécessaires pour assurer au gouvernement le concours de la population et la tranquillité publique.  Le Gouverneur Général répète qu’il n’a reçu aucune communication officielle. Les bons citoyens et l’armée, fidèles comme lui à la cause de la France, attendront avec le plus grand calme les ordres de la mère-patrie ». Il mis ainsi fin à sa carrière militaire, avant d’être banni comme toute la famille royale. Par ailleurs, la bibliothèque de Chantilly s’est enrichie en 2013 d’un fonds exceptionnel de plusieurs milliers de lettres et pièces adressées ou transmises à Raymond-François Laplagne-Barris, homme de confiance de Louis-Philippe et administrateur des biens du duc d’Aumale entre 1842 et 1867. Tout y est décrit minutieusement : acquisitions d’œuvres d’art, aménagements du château et achats de propriétés. En 1852, la famille d’Orléans perd le droit de posséder des biens en France et doit les vendre aux enchères. Concernant ceux du duc d’Aumale, des affiches indiquent la vente des immeubles et de « 175 hectares, 90 ares 16 c. terres, prés et bois » du Domaine de Chantilly, que le duc rachètera en 1871. Enfin, sa correspondance avec Gustave de Reiset, comte et diplomate, éclaire sa vie personnelle et ses convictions profondes. Après la défaite de Napoléon III à Sedan, d’Aumale écrit : « Mon cœur ne bat plus que pour la France ».

Restaurations. La Fondation pour la sauvegarde et le développement du Domaine de Chantilly (encadré) assure la maîtrise d’ouvrage des restaurations, financées en partie par la Direction des affaires culturelles Picardie. Après plus d’un an de travaux achevés en février 2014, le « cabinet d’angle », très endommagé, a retrouvé son éclat du XVIIIème siècle : panneaux de boiseries blancs rehaussés de motifs végétaux en reliefs dorés ;  parquet ; lambris ; dorure ; voussure du plafond ; bureau des princes de Condé. Un vase de bronze, exécuté pour le duc d’Aumale, est placé au centre de 4 poufs blancs restaurés. La fondation a également remis en état le « Santuario », petite pièce hexagonale réalisée lors de la reconstruction du château à partir de 1875 et destinée à la collection d’estampes du duc. Aujourd’hui, il abrite 40 enluminures du Livre d’heures d’Étienne Chevallier par Jean Fouquet ainsi que deux tableaux, authentiques, de Raphaël : « la Madone de la Maison d’Orléans » et « Les Trois Grâces ». Un éclairage particulier a été mis en place pour redonner de l’éclat aux œuvres et à leurs cadres. Les décors du Santuario ont été respectés à l’identique avec des tentures bleues sur les murs et une verrière au plafond pour conserver un éclairage naturel. La température est maintenue à 20 ° C et l’hygrométrie à 50-60 % d’humidité. Une grille, dissimulée dans un mur, diffuse de l’air qui est récupéré par une autre grille au sol. Enfin, d’autres salles sont en cours de restauration. La plupart des meubles d’origine a été dispersée pendant la Révolution.

Loïc Salmon

 

Le « Domaine de Chantilly », qui regroupe le château, le parc et les grandes écuries, a été réalisé par Henri d’Orléans (1822-1897), duc d’Aumale et fils de Louis-Philippe. Gouverneur général de l’Algérie en 1847 et exilé en Angleterre l’année suivante, il revient en France en 1871, veuf et ayant perdu ses fils de 18 et 21 ans. Élu député de l’Oise, il préside le Conseil général d’octobre 1871 à août 1886. Élu membre de l’Académie française et des Académies des Beaux-Arts et des Sciences morales et politiques il entre à l’Institut de France, à qui il lèguera Chantilly en 1884. Toutefois, il pose comme conditions que le musée Condé, qu’abrite le château, soit ouvert au public, que sa présentation soit préservée et que les collections ne puissent être prêtées. En 2005, l’Institut de France a signé une convention de coopération avec la « Fondation pour la sauvegarde et le développement du Domaine de Chantilly », créée par l’Aga Khan. Parmi les autres mécènes figurent notamment « Les Amis du musée de Condé », les « American Friends of Chantilly » et des entreprises privées. En 2013, le Domaine de Chantilly a accueilli 413.000 visiteurs (+ 14 % en un an).




Mousquetaires !

D’Alexandre Dumas, historien militaire, au Paris de D’Artagnan, le catalogue de l’exposition « Mousquetaires ! » raconte en détail et avec beaucoup d’illustrations ce XVIIème siècle mouvementé… qui fait encore rêver !

Peu de traces matérielles subsistent de l’époque des mousquetaires, devenus personnages mythiques. Les estampes les représentent souvent de dos, comme des officiers observant le champ de bataille et des « gentilshommes » par excellence, modèles d’élégance et de société. Ces bretteurs portent des habits luxueux, une grande cape et une épée au côté. Le duel, quoiqu’interdit, se pratique dans la clandestinité. Il exprime la tension entre les aspirations héroïques, l’idéal de la noblesse, et les exigences du service du Roi, à savoir la soumission à la discipline et à la hiérarchie militaires. Cet univers est décrit par Gatien Courtilz de Sandras, mousquetaire quelques années au cours de sa carrière militaire de 1660 à 1679 et auteur des « Mémoires de Mr. D’Artagnan », à l’authenticité douteuse. Dumas s’en est inspiré, mais a aussi puisé à d’autres sources pour intégrer ses héros à l’Histoire en train de se faire. Dans la vie, D’Artagnan a arrêté le surintendant Nicolas Fouquet (1661) et le marquis de Lauzun (1671) et les a conduits à la forteresse de Pignerol (Piémont), où fut emprisonné à la même époque l’homme au masque de fer. L’Anglaise Lucie Haye, comtesse de Carlisle, fut mêlée à des affaires d’espionnage, emprisonnée et probablement torturée pendant la révolution anglaise (1641-1649). Dumas la transforme en la sulfureuse Milady de Winter, qui sera exécutée par le bourreau de Béthune en présence des fameux mousquetaires. Les ferrets, bijoux de la Reine Anne d’Autriche et au cœur de l’intrigue du roman « Les Trois Mousquetaires », font aujourd’hui partie d’ornements militaires. Ce sont les pièces de métal qui terminent la fourragère et les aiguillettes. Les autres mousquetaires, mentionnés par Courtiltz de Sandras, sont des personnages réels. Jean-Arnaud du Peyrer, comte de Tréville, s’engage dans les « Gardes françaises » (1616) puis est nommé sous-lieutenant d’une compagnie de mousquetaires (1625). Il en deviendra le capitaine-lieutenant (1634) après s’être illustré au siège de La Rochelle (1627-1628). Son cousin Henry d’Aramitz (l’Aramis du roman) entre aux mousquetaires à 20 ans en 1640. Autre cousin éloigné, Armand de Sillègue d’Athos d’Autevielle rejoint les mousquetaires en 1640 et meurt au cours d’un duel trois ans plus tard. Isaac de Portau (Porthos), né en 1617, commence comme cadet dans une compagnie des Gardes françaises commandée par le beau-frère du comte de Tréville. Il participe au siège de Perpignan en 1642, aux côtés de D’Artagnan, et entrera par la suite dans la compagnie des mousquetaires. Tous sont des cadets de familles nobles du Sud-Ouest de la France, pour qui les armées royales constituent un débouché professionnel. La bravoure jusqu’à la témérité forge la légende des Gascons. En outre, si elle est remarquée par les autorités, elle peut leur valoir un emploi public. En dehors de leurs incursions en Flandre, Val de Loire, Bretagne et même Angleterre, les mousquetaires de Dumas résident à Paris, chez l’habitant au faubourg Saint-Germain, afin d’être près du Louvre pour assurer notamment l’escorte du Roi en temps de paix. Le catalogue de l’exposition inclut un plan de Paris de l’époque…qui permet de suivre leurs traces !

Loïc Salmon

Exposition « Mousquetaires » au musée de l’Armée

« Mousquetaires ! », ouvrage collectif de 23 auteurs sous la direction d’Olivier Renaudeau. Éditions Gallimard Musée de l’Armée 272 pages 35 €




Exposition « Mousquetaires » au musée de l’Armée

D’Artagnan est le personnage de l’Histoire de France le plus connu à l’étranger après Jeanne d’Arc et Napoléon… grâce à Alexandre Dumas !

Selon une étude de l’UNESCO, ce dernier est le 13ème auteur le plus traduit dans le monde et le 2ème auteur français après Jules Verne. Mais, quelquefois l’Histoire dépasse la fiction, comme le montre l’exposition du musée de l’Armée sur les mousquetaires.

Les « vrais » mousquetaires. En 1622, Louis XIII, en guerre contre les protestants, détache 50 hommes de la compagnie des chevau-légers de sa garde pour former une unité indépendante. Quoique cavaliers, ils sont armés d’une arme lourde utilisable seulement à pied, le « mousquet » qui donnera son nom à l’unité. Ils portent la casaque bleue ornée de croix à fleurs de lis, signe d’appartenance à la « Maison du Roi » et qui provoquera la panique chez l’ennemi. Les 2 compagnies de mousquetaires constituent en effet de véritables troupes de choc. Lors du siège d’une ville fortifiée, après des travaux de sape, un déluge d’artillerie s’abat sur les murs pour provoquer une brèche, par où elles s’engouffrent l’épée à la main. Différente de l’épée de duel dont la fine lame, faite pour l’estoc (coup par la pointe), se brise facilement, l’épée de guerre, plus lourde permet de frapper également de taille (par le tranchant de la lame). Sa longueur la rend difficile à manipuler, mais donne une allonge avantageuse. Le « capitaine » des mousquetaires est par définition le Roi, qui délègue ses fonctions à un « capitaine-lieutenant », qui « tient lieu » de capitaine. Une noble naissance et la décision du Roi conditionnent l’entrée dans ce corps. Le capitaine-lieutenant, choisi lui-même pour sa fidélité, recrute de très jeunes gens (15-16 ans !) parmi sa famille ou celles de ses amis. Faute d’une véritable école d’officiers, les compagnies leur offre une formation militaire et les initie à la discipline et aux violences du combat. Les jeunes mousquetaires apprennent à obéir et commander, pratiquent l’équitation, l’escrime et la danse et reçoivent, parfois, une formation aux lettres et aux mathématiques. S’ils survivent aux missions périlleuses de leur unité en temps de guerre, les meilleurs peuvent prétendre à un commandement dans l’armée royale. Toutefois, pour ne pas priver l’armée de ses futurs cadres, les mousquetaires sont relayés, à partir de 1676, par les grenadiers à cheval de la Maison du Roi qui, comme eux, interviennent désormais au premier rang lors des sièges. Dès 1659, par ordre de Louis XIV, les mousquetaires deviennent les premiers soldats de l’armée royale à bénéficier d’une caserne à Paris, où leur discipline accroît leur prestige dans la population. En revanche, les « Gardes françaises », logées chez l’habitant, ont très mauvaise réputation par suite de leurs exactions. Lors du siège de Mons en 1691, un détachement de mousquetaires subit de lourdes pertes à cause de sa témérité. Puis le Roi cesse de venir aux armées et n’engage les compagnies que rarement. Au XVIIIème siècle, leurs missions consistent surtout en un service de garde et de prestige auprès du souverain. En 1775, par mesure d’économie, Louis XVI supprime les compagnies de mousquetaires. Brièvement rétablies par Louis XVIII après la chute du Premier Empire, elles disparaissent définitivement en 1816. Le seul « vrai » mousquetaire d’Alexandre Dumas s’appelle Charles Ogier de Batz, originaire de Gascogne et entré en 1633 (à 21 ans) dans une compagnie sous le nom de sa mère, D’Artagnan. Licencié comme les autres en 1646, il entre au service du cardinal … Mazarin ! Fidèle au Roi et au cardinal pendant la Fronde, il sera chargé par la suite de missions délicates et recevra des attributions civiles. Capitaine-lieutenant de la première compagnie de mousquetaires en 1667, il meurt au siège de Maastricht en 1673. Louis XIV dira de lui : « J’ai perdu D’Artagnan en qui j’avais toute confiance et m’était bon à tout ». Enfin, sans le savoir, Dumas rencontrera l’un des derniers mousquetaires en 1824 : le peintre Théodore Géricault, qui s’était engagé en 1814 et avait accompagné Louis XVIII jusqu’à Béthune au début des Cent Jours.

La légende. Alexandre Dumas crée l’archétype d’un héros militaire, rétif à la discipline, méprisant le danger et fidèle à son maître… mais relate aussi le déclin de la noblesse combattante au profit de la noblesse de cour. Sa trilogie historique est d’abord publiée sous forme de feuilleton dans le journal Le Siècle et en coopération avec Auguste Maquet, historien de formation. L’ouvrage « Les trois mousquetaires » est achevé en 1844, « Vingt ans après » en 1845 et « Le vicomte de Bragelonne » en 1847. Malgré quelques tricheries avec l’Histoire, Dumas a réussi à restituer l’esprit du Grand Siècle en emmenant le lecteur dans le cabinet de travail du cardinal de Richelieu, au siège de La Rochelle,0 dans les résidences du surintendant Fouquet et la cellule du « Masque de fer », ce mystérieux prisonnier dont l’identité présumée continue de faire couler beaucoup d’encre. L’intrigue, authentique, des « ferrets » de la Reine Anne d’Autriche cache en réalité une affaire d’espionnage international. En revanche, pour le reste, Dumas laisse libre cours à son imagination et à son parti-pris. Il représente Louis XIII comme un souverain falot, manipulé par son ministre, le cardinal de Richelieu. Or ce monarque, passionné par la chose militaire dès son enfance, a réalisé une collection d’armes à feu, dont a hérité le musée de l’Armée, et a passé plus de temps dans les camps et les bivouacs que dans ses palais. Richelieu est d’abord caricaturé et diabolisé dans « Les trois mousquetaires ». Dumas reprend ainsi à son compte la légende noire, élaborée dès le XVIIème siècle par les opposants ou les victimes de la politique du cardinal et relayée par les écrivains romantiques du XIXème. Il faut attendre «  Le vicomte de Bragelonne » pour que Richelieu soit reconnu comme soucieux, avant tout, du bien de l’État. Mazarin, très maltraité dans « Vingt ans après », a pourtant dirigé le royaume avec la régente Anne d’Autriche pendant 17 ans de périodes troublées. Ceci dit, le succès des romans sera amplifié par le théâtre dès 1845 et le cinéma en 1909. S’il n’existe aucun portrait authentique de D’Artagnan, les nombreux acteurs français et étrangers, qui l’ont incarné à l’écran, lui ont donné une célébrité mondiale. Un autre « cadet de Gascogne » fera aussi parler de lui  au théâtre sous le nom de « Cyrano de Bergerac », pièce d’Edmond Rostand créée en 1897 et encore jouée aujourd’hui.

Loïc Salmon

Mousquetaires !

L’exposition « Mousquetaires » (2 avril-14 juillet) se tient aux Invalides à Paris. Elle rassemble armes, vêtements, livres, documents, tableaux et gravures, dont une représentant la comtesse anglaise qui a inspiré le personnage de « Milady ». Figurent aussi les lourdes armures du cardinal de Richelieu et de Louis XIII, à l’épreuve des balles de mousquet. Outre le catalogue de l’exposition, sont notamment prévus des concerts (26 mai, 10 juin et 24 juin) et un cycle cinématographique d’œuvres françaises et américaines sur le thème des légendaires mousquetaires depuis 1920 jusqu’à « La fille de D’Artagnan » en 1994 (25 mai et 1er-6 juin). Renseignements : www.musee-armee.fr




D’or et d’argent

Les décorations des derniers princes descendant du Grand Condé (1621-1686) sont exposées pour la première fois à Chantilly, à l’initiative du musée Condé et de la Société des amis du musée de la Légion d’Honneur et des ordres de chevalerie.

Le duc d’Aumale (1822-1897), fils de Louis-Philippe, en a hérité en 1829 en tant que filleul du duc de Bourbon, dernier prince de Condé et première fortune de France. Les trois précédents propriétaires de Chantilly ont servi dans « l’armée de Condé », constituée d’émigrés et de royalistes en lutte contre les troupes révolutionnaires. A la bataille de Valmy le 20 septembre 1792, les Alliés (Autriche, Prusse et Hesse) s’en méfient et la cantonnent à l’arrière. Cette armée, qui compte 20.000 hommes en 1797, perd son intérêt pour les Alliés après le coup d’État du 18 brumaire (1799), qui porte le général Bonaparte au pouvoir. Faute de crédits, elle sera dissoute en 1801 après la signature du traité de paix de Lunéville. Louis-Joseph de Bourbon (1736-1818), seul membre de la famille royale à avoir perçu l’importance de la prise de la Bastille le 14 juillet 1789, décide de quitter la France avec toute sa famille. Il prend la tête de l’armée de Condé en 1792 et rentre en France en 1814. Il loue   à l’État sa résidence du Palais-Bourbon… occupée par la Chambre des députés ! Il parvient à récupérer une partie des trésors de Chantilly, qui avaient été confisqués et réunis aux collections nationales. Son fils, Louis-Henri-Joseph (1756-1830) est le parfait représentant de ces émigrés qui n’ont « rien appris, rien oublié » en 25 ans d’exil. Pendant les Cent-Jours  (1er mars-7 juillet 1815) du retour de Napoléon à la tête de l’État, il rencontre en Angleterre Sophie Dawes qui, devenue grâce à lui baronne de Feuchères, négociera le legs de sa fortune au futur duc d’Aumale, tout en gardant une partie pour elle. Le duc de Bourbon avait en effet perdu son fils, Louis-Antoine-Henri, le célèbre duc d’Enghien (1772-1804) enlevé et exécuté dans un fossé du château de Vincennes. Le catalogue « D’or et d’argent » présente tous les ordres de chevalerie et décorations, français et étrangers, portés par les trois derniers princes de Condé et le duc d’Aumale. L’Ordre de Malte est le dernier héritier des ordres militaires, religieux et hospitaliers européens apparus à la suite des croisades. Au XIVème siècle, ces derniers prennent un caractère étatique et dynastique. L’un d’eux, l’Ordre anglais de la Jarretière fondé par Édouard III en 1348, perdure aujourd’hui. Entre le XVème et le XVIIème siècle, le port d’insignes d’ordre de chevalerie certifie publiquement la qualité de membre d’une famille royale, ce qui facilitera ultérieurement l’identification ou même la datation des personnages de certains tableaux. En France, l’Ordre de Saint Michel est institué par Louis XI en 1469. Celui du Saint-Esprit, crée par Henri III en 1578, sera le plus prestigieux jusqu’à la Révolution et pendant la Restauration (1815-1830). Louis XIV innove en 1693 par l’institution de l’Ordre de Saint-Louis, décerné uniquement au mérite aux officiers catholiques de l’armée royale. Les trois derniers Condé ont donc fait preuve de leur talent militaire et de leur vaillance pour recevoir la croix de chevalier de Saint-Louis. Son ruban rouge sera repris par le Premier Consul Napoléon Bonaparte en 1802 pour l’instauration de la Légion d’Honneur. La Restauration ne l’abolira pas, mais remplacera l’aigle impériale ou l’effigie de l’Empereur par le profil du « Bon Roi » Henri IV.

Loïc Salmon

Expositions « D’or et d’argent » et…d’autres raretés au château de Chantilly

La Légion d’honneur

« D’or et d’argent » par Nicole Garnier-Pelle, Patrick Spilliaert et Astrid Grange. Éditions Monelle-Hayot. 120 pages/25 €.




Exposition « Napoléon à Sainte-Hélène » aux Invalides

Napoléon, empereur vaincu et déchu, a remporté sa dernière bataille, celle de sa légende, sur une île perdue de l’Atlantique Sud où il a façonné son exil.

L’exposition retrace sa vie, de la défaite de Waterloo le 18 juin 1815 à sa mort le 5 mai 1821. Chateaubriand, son adversaire politique et écrivain de renom, lui rendra cet hommage posthume dans ses « Mémoires d’outre-tombe » publiés en 1845-1850 : « Enfin  le 5 à six heures et moins onze du soir, au milieu des vents, de la pluie et du fracas des flots, Bonaparte rendit à Dieu le plus puissant souffle de vie qui jamais anima l’argile humaine ».

Un exil à l’antique. Le 21 juin 1815, pour protéger la France d’une invasion imminente, Napoléon abdique en faveur de son fils, le roi de Rome âgé de 5 ans, et propose de redevenir simple général. Fouché, son ancien ministre de la Police limogé en 1810 et qui a constitué un gouvernement provisoire, lui indique la route de l’exil. L‘Empereur signe son acte d’abdication le lendemain. Il réunit une suite de quelques personnes et envisage de partir pour l’Amérique. Vêtements, vaisselle et argenterie sont empaquetés au hasard des trouvailles. Toutefois, le soutien populaire que suscite sa présence à Paris inquiète le gouvernement. Il se poursuit le long de son trajet jusqu’au port de Rochefort. Là, Napoléon dispose de deux frégates, mais la rade est bloquée par une escadre anglaise aux ordres du capitaine de vaisseau Maitland, commandant le navire de ligne Bellerophon. Fouché a promis des sauf-conduits…qui n’arrivent pas ! Le lieutenant de vaisseau Besson, attaché à l’état-major de Rochefort, propose à l’Empereur un plan d’évasion pour forcer le blocus de nuit, en se cachant à bord du navire marchand La-Magdalena qui transporte de l’eau-de-vie. Toutefois, Napoléon refuse de fuir en catimini. Il veut conserver la dignité de son rang, à savoir celui d’un chef d’État qui a marqué d’une empreinte durable villes, lois et religions, a possédé 47 palais et allié les siens aux plus grandes familles d’Europe. Né en 1769 pendant le « Siècle des Lumières », Napoléon s’inspire des grands personnages de l’Antiquité. Il compare alors son sort à celui du stratège athénien Thémistocle qui, banni de son pays, trouva asile auprès du roi de Perse Artaxerxès 1er, fils de Xerxès qu’il avait vaincu à Salamine (480 avant J.-C.). Le 14 juillet, il signe sa reddition au prince-régent d’Angleterre, futur George IV, et embarque avec sa suite sur le Bellerophon. Arrivé au port de Plymouth, Napoléon se promène sur le pont du navire, car aucun Français ne peut descendre à terre. Des centaines de curieux se rassemblent pour apercevoir « l’homme au petit chapeau ». Dans la presse britannique fascinée, les avis sont partagés : les uns veulent anéantir « l’Ogre », les autres invoquent « l’Habeas Corpus », institution anglo-saxonne qui garantit, depuis 1679, à tout citoyen de savoir pourquoi il a été arrêté, afin d’éviter les détentions arbitraires. Le 31 juillet, Napoléon apprend sa destination finale : l’île de Sainte-Hélène. Transféré sur le Northumberland, il ne garde que sept personnes auprès de lui : le comte Bertrand, grand maréchal du Palais ; les généraux Gourgaud et Montholon, aides de camp ; le comte de Las Cases, chambellan ; les serviteurs Marchand, Ali et Cipriani ; le docteur irlandais O’Meara, chirurgien du Bellerophon devenu son médecin personnel.

Une captivité contrastée. L’exposition fait entrer dans l’intimité de celui qui entend rester « l’Empereur Napoléon 1er » et que les Anglais traitent en simple « général Buonaparte ». Des dispositifs en 3 D permettent de découvrir sa résidence, la ferme de Longwood Old House. Ses appartements occupent 180 m2 sur une surface totale de près de 1.000 m2. Une véranda et un vestibule ont été ajoutés à l’entrée. Les communs ont été prolongés pour loger sa suite… et l’officier de liaison britannique. Insalubre, la maison a été meublée par des récupérations auprès des notables locaux et des achats aux bateaux de passage. Cette rusticité côtoie les vestiges des palais impériaux apportés dans les bagages : son épée portée à Austerlitz (1805) ; pendule ; service à déjeuner rappelant ses campagnes et sa gloire passée ; couverts en vermeil à ses armes ; lavabo en argent sur trépied à cols de cygne ; portraits miniatures de sa mère Maria-Letizia, de sa première épouse Joséphine et de son fils. Le gouverneur de l’île, Hudson Lowe, lui donnera un globe céleste, avec étoiles et nébuleuses, et un autre terrestre présentant les routes des grands navigateurs du XVIIIème siècle, La Pérouse, Vancouver et Cook. Ce sera sa seule délicatesse, car ses rapports avec Napoléon deviendront exécrables, en raison des vexations qu’il lui inflige. Ce dernier exige le respect de l’étiquette impériale pour son service, reçoit ses visiteurs dans sa salle de billard, s’informe par les journaux venus par bateau et fait passer des messages à l’insu du gouverneur. Dans son jardin où il prend un peu de fraicheur, il effectue lui-même des travaux et échappe à la surveillance des sentinelles. Des passants tentent de l’y apercevoir. Il se pose ainsi en successeur du général romain Cincinnatus (519-430 avant J.-C.), qui avait renoncé au pouvoir pour cultiver la terre. Toutefois, souffrant d’hépatite, sa santé se dégrade dès 1817. Il s’éteint sur un lit de fer, utilisé lors de ses plus grandes victoires. Dans son testament rédigé les 15 et 16 avril 1821, il évoque son legs moral et politique à la France et aux générations futures. Un codicille exprime son désir de reposer « sur les bords de la Seine au milieu de ce peuple français (qu’il a) tant aimé ».

Une légende voulue. Sa mort sera vue comme un événement politique, qu’il avait préparé par l’écriture. « Je veux écrire les grandes choses que nous avons faites ensemble », avait-il dit à ses grognards lors de son départ pour l’île d’Elbe en 1814. Il s’y met à Sainte-Hélène et dicte beaucoup, de jour comme de nuit, à son entourage : Bertrand, Gourgaud, Las Cases père ou fils, Montholon et O’Meara. Prenant exemple sur Alexandre le Grand et César, il détaille et explique les événements de sa propre carrière, en vue d’une œuvre d’histoire. Le texte est relu et amendé plusieurs fois, jusqu’à ce que l’Empereur se déclare satisfait. Les publications se multiplient, avec succès, après sa mort : « Napoléon en exil » d’O’Meara (1822), « Le Mémorial de Sainte-Hélène » de Las Cases (1823) et les « Mémoires » de Bertrand (1949) et de Marchand (1955). L’engouement napoléonien perdure depuis le « Retour des Cendres » aux Invalides en 1840 !

Loïc Salmon

L’exposition « Napoléon à Sainte-Hélène, la conquête de la mémoire » (6 avril-24 juillet 2016), organisée par le musée de l’Armée, se tient aux Invalides à Paris. Outre des gravures, tableaux, documents, armes et objets, elle présente le mobilier qui entourait l’Empereur à sa mort. Ces meubles ont été restaurés, grâce aux efforts de la Fondation Napoléon, du ministère des Affaires étrangères, des Domaines nationaux de Sainte-Hélène, du ministère de la Culture, du musée national des Châteaux de Malmaison et Bois-Préau, du gouvernement de Sainte-Hélène et de souscripteurs particuliers. Ont également été programmés des conférences en mai 2016, des projections de films en juin et des concerts en la cathédrale Saint-Louis des Invalides jusqu’en juin. Renseignements : www.musee-armee.fr




A l’Est, la guerre sans fin 1918-1923

Les cartes et analyses de spécialistes de quinze pays différents expliquent pourquoi, cent ans après l’armistice de 1918, la paix n’est pas encore vraiment instaurée à l’Est de l’Union européenne et aux Proche et Moyen-Orient.

Les traités. Pourtant, la page de la Grande Guerre aurait dû être tournée avec les divers traités, rédigés en français, anglais et parfois italien, mais dont seule la version française fait foi : Versailles, 28 juin 1919, avec l’Allemagne ; Saint-Germain-en Laye, 10 septembre 1919 avec l’Autriche ; Neuilly-sur-Seine, 27 novembre 1919 avec la Bulgarie ; Trianon, 4 juin 1920 avec la Hongrie ; Sèvres, 10 août 1920 avec la Turquie, non appliqué et remplacé par celui de Lausanne, 24 juillet 1923. Outre le rétablissement de la paix en Europe et dans le monde, ces traités devaient redessiner la carte des Etats formés après la disparition des Empires allemand, austro-hongrois et ottoman, considérés comme responsables du conflit. Ces traités multilatéraux résultent d’un processus juridique complexe mis au point entre l’Acte final du congrès de Vienne (9 juin 1815), élaboré à l’issue des guerres napoléoniennes, et le premier traité multilatéral mettant fin à la guerre de Crimée (30 mars 1856). Hôte de la Conférence de la paix en 1919, la France devient la dépositaire des traités multilatéraux rédigés à l’issue des négociations. Un seul exemplaire étant signé par tous les Etats membres, le gouvernement français établit les procès-verbaux des dépôts de ratification des traités, remet des copies certifiées conformes aux pays signataires et indique leur date d’entrée en vigueur. Il doit rassembler les pièces constitutives de chaque traité, en vérifier la validité et en suivre l’exécution. Ainsi, le ministère français des Affaires étrangères conserve tous les documents signés par les chefs d’Etat et souverains des pays concernés par la première guerre mondiale. Il s’agit de la Belgique, de la Bolivie, du Brésil, de la Chine, de Cuba, de l’Equateur, de la Grèce, du Guatemala, de Haïti, du Hedjaz intégré aujourd’hui à l’Arabie saoudite, du Honduras, du Liberia, du Nicaragua, de Panama, du Pérou, de la Pologne, du Portugal, de la Roumanie, de l’Etat serbe-croate-slovène dont les composantes sont aujourd’hui indépendantes, du Siam (Thaïlande), de la Tchécoslovaquie (aujourd’hui scindée en deux) et de l’Uruguay. Tous ces documents sont désormais consultables sous forme numérique.

« Atlas raisonné ». L’ouvrage « A l’Est, la guerre sans fin 1919-1923 », catalogue de l’exposition éponyme au musée de l’Armée, présente un aperçu du destin de vingt-cinq pays concernés. Ces entités politiques, étendues ou minuscules, anciennes ou récentes, durables ou éphémères, restituent la grande variété des situations. Une carte de synthèse, établie par les ingénieurs géographes du Centre des archives diplomatiques rappelle les frontières de 1923, avec des éléments antérieurs pour une meilleure mise en perspective. L’histoire de chaque pays, entre 1918 et 1923, présente sa participation aux divers conflits avec les conséquences en termes de territoires, de nationalités et d’instabilité politique (révolutions et contre-révolutions). Les interventions militaires françaises, significatives, sont parfois mentionnées. En effet, forte de sa prépondérance militaire en 1918, la France a tenté, avec ses soldats, ses diplomates et ses alliés, de mettre en place un nouvel ordre stratégique.

Loïc Salmon

« A l’Est, la guerre sans fin 1919-1923 », ouvrage collectif. Éditions Gallimard/Musée de l’Armée, 336 pages, 300 illustrations, 29 €

Exposition « A l’Est, la guerre sans fin 1918-1923 » aux Invalides

Exposition « 1918, armistice(s) » aux Invalides




Exposition « Le voyage de l’obélisque » au musée de la Marine

Cette exposition retrace le transport  de l’obélisque du temple de Louxor (Égypte) à la place de la Concorde à Paris. Cette aventure, où il a fallu tout inventer, a duré 7 ans (1829-1836), mobilisé 121 hommes pendant l’expédition et coûté 1,3 million de francs-or de l’époque.

Contexte historique. Lors de la campagne d’Égypte (1798-1801), le commandant en chef, le jeune général Napoléon Bonaparte (29 ans !), emmène avec lui 167 savants et artistes, cautions culturelles des opérations militaires. L’ensemble de leurs travaux est publié sous le nom de « Description de l’Égypte » en 9 volumes et 11 atlas de planches entre 1809 et 1819. Trois ans plus tard, Jean-François Champollion déchiffre les hiéroglyphes, dont le sens s’était perdu depuis la fin de l’Empire romain. En 1829, le vice-roi d’Égypte, Méhémet Ali, qui emploie des officiers et ingénieurs français et britanniques pour moderniser le pays, propose de donner les deux obélisques d’Alexandrie à la France. De son côté, le consul britannique tente de les obtenir pour son pays. Champollion se rend à Louxor, dont les 2 obélisques, dédiés au dieu Amon et au pharaon Ramsès II, sont mieux conservés, mais situés au bord du Nil à 750 km en amont d’Alexandrie. Il fait à Méhémet Ali la proposition suivante : les 2 obélisques de Louxor et 1 obélisque d’Alexandrie pour la France et, pour la Grande-Bretagne, 1 obélisque d’Alexandrie et 1 obélisque du temple de Karnak. Ce dernier est plus grand que ceux de Louxor… mais plus lourd et donc plus difficile à transporter ! Néanmoins, le consul britannique accepte. Survient la Révolution de 1830 (29 juillet-9 août), qui chasse Charles X, dernier roi de France, et met sur le trône Louis-Philippe, le « roi des Français ». En 1836, les difficultés du transport du premier obélisque de Louxor ont été telles qu’il n’est plus question d’aller chercher le second ni celui d’Alexandrie. Louis-Philippe choisit de l’installer place de la Concorde à Paris pour faire oublier les souvenirs sanglants de la Révolution. En effet, cet endroit, autrefois « Place Louis XV », avait été renommé « Place de la Révolution ». C’est là qu’avait été guillotiné le roi Louis XVI, dont la condamnation à mort avait été votée notamment… par Louis-Philippe d’Orléans, dit Philippe-Égalité, son propre cousin et père de Louis-Philippe ! Le don des obélisques, cadeau diplomatique de gouvernement à gouvernement, a été officialisé par les signatures des deux parties en 1830. L’obélisque de la Concorde a été déclaré monument historique en 1937 et coiffé d’un « pyramidion » en bronze doré en 1998, à l’imitation de celui en électrum (alliage naturel d’or et d’argent) du temps de sa vie antique. Le second obélisque de Louxor, qu’aucun gouvernement français n’a envisagé sérieusement de récupérer, a été officiellement « restitué » à l’Égypte en septembre 1981.

Défis techniques. En février 1830, le ministère de la Marine, chargé du transfert des obélisques, fait voter un premier financement des opérations de 300.000 francs par le Parlement. Du 25 mai au 5 juillet, a lieu l’expédition d’Alger, début de la conquête de ce qui deviendra l’Algérie. La Marine profite de l’occasion pour faire construire, à l’arsenal de Toulon, un navire spécifique pour le transport du premier obélisque et dénommé Luxor.  Mis à l’eau le 26 juillet, ce trois-mâts, long de 42 m, est à fond plat et équipé de 5 quilles. Il doit pouvoir naviguer en haute mer jusqu’à Cherbourg, ne pas dépasser 2 m de tirant d’eau pour évoluer sur le Nil, ni 9 m de large pour passer entre les arches des ponts sur la Seine. A l’issue de la difficile traversée de la Méditerranée jusqu’à Alexandrie, le commandant du Luxor fait part au ministre de la Marine de la nécessité d’un navire à vapeur pour le remorquer lors du voyage du retour. Grâce à la crue du Nil, le Luxor atteint Louxor le 14 août 1831. Entre-temps, 400 ouvriers locaux ont commencé à creuser une chaussée de 400 m de long entre l’obélisque et la rive du Nil. Il s’agit ensuite de dégager du sable ce monolithe de 23 m de haut et pesant 230 t, de le recouvrir d’un coffrage de bois et de l’abattre (voir photo de la maquette). Plus de 200 hommes vont manœuvrer les appareils de halage et de retenue. Finalement, le 19 décembre 1831, l’obélisque est chargé à bord du Luxor, démâté et dont l’avant a été scié et enlevé. Le piédestal de l’obélisque, trop abîmé, ne sera pas emporté, à l’exception d’une partie représentant un groupe de  « babouins adorant le soleil », jugé trop impudique pour figurer place de la Concorde et qui terminera son voyage… dans la galerie des antiquités égyptiennes au Louvre. Après diverses péripéties sur le Nil, le Luxor arrive à Alexandrie le 2 janvier 1833. Il est pris en remorque par le Sphinx, première corvette à voiles et à vapeur de la Marine française construite à l’arsenal de Rochefort (1829). Parti le 1er avril d’Alexandrie le convoi arrive à Cherbourg le 12 août, après des escales à Rhodes, Corfou, Toulon, Gibraltar, Cap Saint Vincent et La Corogne. Un mois plus tard, il atteint le Havre, où le Luxor est pris en remorque par le navire à vapeur civil Héva jusqu’à Rouen. Là, le Luxor est démâté pour passer sous les ponts de la Seine et halé par 14 puis 28 chevaux jusqu’à Paris, où il arrive le 23 décembre 1833. Le voyage de 12.000 km du Luxor aura duré 2 ans et 9 mois. L’érection de l’obélisque, par 350 soldats, a lieu le 25 octobre 1836, place de la Concorde, devant le roi et 200.000 Parisiens.

Les autres obélisques. La récupération par la Grande-Bretagne de l’obélisque couché d’Alexandrie, dénommé « aiguille de Cléopâtre », n’a lieu qu’en 1876… et grâce à une initiative privée ! Le monolithe est mis dans un caisson étanche, transformé en embarcation avec un mât et remorqué par un bateau à vapeur. Au cours d’une tempête, la remorque se casse et le caisson dérive plusieurs jours avant d’être retrouvé. Il est érigé le 12 septembre 1878 sur le quai Victoria à Londres, à l’aide d’une machine à vapeur. La France ayant renoncé à son obélisque d’Alexandrie, celui-ci est proposé aux États-Unis en 1869. Lui aussi doit son transfert à un financement privé. Abattu le 5 décembre 1879 à l’aide d’une machine hydromécanique, il effectue un voyage difficile de 112 jours jusqu’à New York, où il est érigé à Central Park le 22 janvier 1881. Aujourd’hui, à part ces 3 obélisques, il est possible d’en voir encore 4 à Rome, 1 à Istanbul et… seulement 4 en Égypte : 1 à Héliopolis, 1 à Louxor et 2 à Karnak, dont celui que les Britanniques ont finalement renoncé à transporter.

Loïc Salmon

L’exposition « Le voyage de l’obélisque » (12 février-6 juillet 2014) se tient au musée de la Marine à Paris. Elle rassemble sur 350 m2 une centaine de tableaux, plans originaux, dessins, maquettes, dioramas des différentes opérations, objets archéologiques et documents qui illustrent les moments forts du transport de l’obélisque égyptien du temple de Louxor à Paris. Outre un album de l’exposition, sont programmés : des conférences (27 mars, 10 avril et en mai) ; un film de 52 minutes (France 5, 16 mars) ; une rencontre avec l’auteur-réalisateur (5 juin). Renseignements : www.musee-marine.fr




Exposition « De l’Asie à la France libre » aux Invalides

Joseph et Marie Hackin, connus pour leurs travaux archéologiques en Afghanistan dans les années 1930, ont été nommés « compagnons de la Libération » à titre posthume. C’est le seul couple de l’Ordre de la France libre.

Le « savant combattant ». D’origine luxembourgeoise, Joseph Hackin (1886-1941), diplômé de l’Institut commercial de Paris, entre en 1905 à l’Ecole libre des sciences politiques (section économique et sociale). Son intérêt pour les civilisations orientales s’éveille par ses fréquentes visites au musée Guimet, place d’Iéna et proche du domicile familial. Cela l’incite à choisir un sujet de fin d’études politiques original : « Une phase de l’histoire comparée des religions (de l’Iran et du Japon) ». Il entretient une correspondance avec Emile Guimet, dont le nom est associé à celui des Arts asiatiques qu’il a fondé en 1888 à partir des collections amassées au cours de ses voyages. Engagé comme secrétaire d’Emile Guimet et diplômé de « Sciences-Po » en 1907, Joseph Hackin continue des études historiques et philologiques en sanscrit et en tibétain à l’Ecole pratique des hautes études. Une fois diplômé en 1911, il commence une thèse de doctorat sous la direction de son professeur de sanscrit, Sylvain Lévi, professeur au Collège de France. L’obtention de la nationalité française l’année suivante, grâce aux relations d’Emile Guimet, lui permet d’être embauché au musée Guimet comme conservateur-adjoint en 1913. Considéré comme trop âgé (27 ans !), il est dispensé de service militaire…mais pas de la mobilisation générale au début de la première guerre mondiale. Fantassin de 2ème classe en août 1914, il la termine comme lieutenant commandant de compagnie, au terme d’un long parcours de combattant : bataille de la Marne (1914) ; offensive en Artois (1915) ; Verdun (1916-1917) ; Serbie (1918) ; Ukraine (1919). Titulaire de la croix de Guerre (deux citations) et chevalier de la Légion d’honneur, il a été blessé trois fois (1915, 1916 et 1918). Il consacre une année complète de soins à continuer puis présenter, en 1916, sa thèse intitulée « Scènes figurées de la vie de Bouddha d’après les peintures tibétaines ». Son propre courage physique lui fera dire que « le danger mesure exactement la valeur de la personnalité humaine ». Dans ses carnets de guerre, il analyse, à partir de son expérience du combat, les raisons de son attachement à la France qui justifient de « tenir envers et contre tout ». Démobilisé en 1919, il revient au musée Guimet, dont il devient le conservateur quatre ans plus tard. Il en enrichit les collections et le réorganise avec deux galeries d’archéologie khmère et une salle dédiée aux fouilles du monastère de Hadda (Afghanistan). La bibliothèque devient un centre de recherche grâce à l’acquisition de nombreux ouvrages. En 1928, il épouse Marie Parmentier (1905-1941), elle aussi de famille luxembourgeoise. Arrivée à Paris quelques années plus tôt, Marie suit les cours de l’Ecole du Louvre en auditrice libre et réside avenue d’Iéna, près du musée Guimet. Naturalisée française par son mariage, elle participe aux recherches de Joseph, tant dans ses missions en Asie que pour ses travaux scientifiques au musée Guimet.

Les grands voyageurs. En 1924, Joseph Hackin effectue sa première mission en Afghanistan et vit « l’archéologie comme un sport », écrit-il dans ses carnets. Il se rend notamment dans la vallée de Bamyan, où il réalise sa première étude sur les Bouddhas géants. Il participe aux fouilles dans le Sud de Bagram et y découvre, dans le monastère de Païtava, un « Bouddha au grand miracle » (photo). Cette stèle révèle l’extension en Afghanistan de l’art bouddhique, venu de l’Inde et marqué par les influences iranienne, grecque et romaine. Elle représente Sâkyamouni, le Bouddha historique, qui manifeste sa puissance devant l’assemblée des maîtres « hérétiques » en accomplissant des miracles. Le lotus de la Loi est gravé dans la paume de sa main droite levée. Les dieux hindous Indra et Brahma tiennent un parasol au-dessus de sa tête, en signe de révérence. Deux petits bouddhas, assis en méditation, l’encadrent pour accentuer son aspect monumental. Cette campagne de fouilles va profondément marquer Joseph Hackin qui, rentré en France en 1925, se détourne du Tibet au profit de l’Afghanistan. Quatre ans plus tard, il repart pour Kaboul diriger les fouilles de la Délégation française en Afghanistan, en compagnie de Marie et de l’architecte Jean Carl. Lors des événements liés à la prise de pouvoir par Nadir Shah, sa participation, l’arme à la main, à la protection de la légation française, lui vaut une promotion au grade d’officier de la Légion d’honneur. Ensuite, il organise la remise en ordre du musée de Kaboul et explore les sites de Bamiyan et de Kakrak. De 1930 à 1933, à la tête de la Maison franco-japonaise à Tokyo, Joseph y dirige l’action intellectuelle de la France au Japon. De mai 1931 à février 1932, il accompagne la mission Citroën Centre-Asie (la « Croisière jaune ») à travers l’Afghanistan, l’Himalaya et la Chine, où il acquiert des sculptures chinoises et tibétaines pour les musées Guimet et du Louvre. Rentré en France en 1933, il devient titulaire de la chaire d’art et d’architecture de l’Inde à l’Ecole du Louvre. Pendant quatre autres missions en Afghanistan et son séjour au Japon, Marie photographie et filme paysages, découvertes et gens.

Les Résistants. En Afghanistan en 1939, Joseph Hackin est mobilisé sur place comme officier de liaison auprès de la légation de France à Kaboul. En désaccord avec l’armistice de juin 1940, il informe de son ralliement le général de Gaulle, qui lui demande de le rejoindre à Londres. Le couple y arrive mi-octobre après un voyage de 20.000 km via l’Afrique du Sud. Joseph s’engage dans les Forces françaises libres le 19 octobre et Marie le 26 décembre. Début 1941, Joseph est chargé d’entrer en contact avec le gouvernement de l’Inde, de mettre de l’ordre entre les groupes rivaux de la France libre des comptoirs français, premiers ralliés de l’Empire colonial français, et d’établir des relations avec les gouvernements de la Nouvelle-Zélande et de l’Australie. Le 20 février, Marie embarque avec lui comme secrétaire sur le Jonathan-Holt. Ils disparaissent lors de son torpillage par un sous-marin allemand le 24 février au large des Îles Féroé.

Loïc Salmon

De l’Asie à la France libre

La Résistance en Europe, les combattants de l’ombre

L’exposition « De l’Asie à la France libre » (15 juin-16 septembre 2018) est organisée par et dans le musée de l’Ordre de la Libération aux Invalides à Paris. Elle présente des photographies, documents, objets et archives cinématographiques sur la « Croisière jaune » à travers l’Asie centrale jusqu’à Pékin (avril 1931-février 1932) et la destruction des Bouddhas de Bamyan (Afghanistan) par les talibans (mars 2001). L’ensemble provient des collections des musées des Arts asiatiques-Guimet, du Quai Branly-Jacques Chirac, de l’Armée, d’Art moderne-Centre Pompidou et de la Photographie, du Service historique de la défense, des Archives nationales et de la Cinémathèque française. Le musée de l’Ordre de la Libération accueille en moyenne 100.000 visiteurs par an. Il dispose de collections permanentes et d’un centre de recherches et de documentation : dossiers individuels de compagnons de la Libération ; collection de presse et périodiques ; 6.500 ouvrages ; 30.000 photographies. (www.ordredelaliberation.fr)




Exposition « Napoléon stratège » aux Invalides

La stratégie prend en compte les paramètres militaire, économique, diplomatique et médiatique d’une guerre, en vue d’atteindre un objectif politique. Napoléon Bonaparte (1769-1821) l’a incarnée, par son génie et sa grande capacité de travail.

Au début de l’exposition qui lui est consacré, quelques bustes en marbre rappellent ses modèles : le Macédonien Alexandre le Grand (356-323 avant JC), qui a conquis l’Empire perse et atteint l’Indus ; le Carthaginois Hannibal (247-183 avant JC), qui fit trembler Rome après avoir franchi les Pyrénées et les Alpes ; le Romain Jules César (101-44 avant JC) qui, après avoir conquis la Gaule, prépara la transformation de la République en Empire ; le Prussien Frédéric II (1712-1786), qui a su combiner mouvements, manœuvres et résolution contre une armée plus forte que la sienne. Leurs exploits se reflèteront dans le destin de Napoléon.

Trois fois chef. Napoléon cumule les fonctions de chef de l’Etat, commandant en chef des armées et général en chef sur les champs de bataille. Premier consul (1799-1804) puis empereur des Français (1804-1815), il dirige une France qui comptera jusqu’à 130 départements, promulgue les lois et définit la politique extérieure. Il commande ce qui deviendra la « Grande Armée », l’organise, l’équipe et l’entraîne comme il l’entend. Il dispose d’une totale liberté d’action pour conduire la guerre et négocier la paix. Il fixe aux généraux et diplomates des objectifs qui servent au mieux ses buts politiques. Contrairement à Louis XIV, il dirige lui-même l’armée en campagne. Toutes ses victoires confortent ces trois fonctions. Premier consul à la suite d’un coup d’Etat en 1799, Bonaparte veut apporter la paix en mettant un terme aux troubles de la Révolution française. Par les traités de Campo-Formio (1797), de Lunéville (1801) et d’Amiens (1802), il conclut ses campagnes militaires d’Italie (1796-1797) et d’Egypte (1798-1801). Victoires et paix légitiment son rôle de chef de l’Etat, héritier de la Rome antique. Empereur, sacré pour reprendre la tradition monarchique française depuis Louis 1er le Débonnaire (816), il souhaite étendre l’influence de la France et son pouvoir en Europe occidentale par des accords ou des guerres victorieuses. Il n’a pas eu le temps de théoriser sa contribution à l’histoire de la stratégie. D’autres s’en chargeront, surtout le Prussien Clausewitz (1780-1831) et le Suisse Jomini (1779-1869), dont les travaux seront étudiés par des hommes politiques et des généraux, dont certains entreront ensuite en politique. Clausewitz inspirera, directement ou indirectement, les généraux allemands Moltke (guerre franco-prussienne de 1870-1871), Ludendorff (première guerre mondiale, 1914-1918) et Rommel (seconde guerre mondiale,1939-1945), les dirigeants politiques Lénine (fondateur de l’Union soviétique, 1922-1991) et Mao Tsé-Toung (fondateur de la République populaire de Chine en 1949), le général vietnamien Giap (guerre d’Indochine, 1946-1954) et même les généraux français Foch (première guerre mondiale) et De Gaulle (seconde guerre mondiale). De son côté, Jomini va influencer, directement ou indirectement, les généraux américains Lee, Grant et Sherman (guerre de Sécession, 1860-1865), Pershing (première guerre mondiale), Patton, Mac Arthur, Marshall et Eisenhower (seconde guerre mondiale) et enfin Schwarzkopf (guerre du Golfe, 1990-1991). Le chef d’état-major des armées des Etats-Unis (1989-1993), puis secrétaire d’Etat (2001-2005), Powell s’inspirera de Clausewitz et de Jomini.

Formation et apprentissage. Le jeune « Napoléone de Buonaparte », né en Corse un an après sa cession à la France par la République de Gênes, est admis à l’Ecole militaire de Brienne (1779-1784) puis à celle de Paris (1785), où il étudie l’histoire, les mathématiques, la géographie et l’art de la guerre. Il en sort à 16 ans avec le brevet de sous-lieutenant d’artillerie, signé de Louis XVI. Intéressé par les sciences naturelles et la géographie durant sa scolarité, il emmènera des savants lors de l’expédition d’Egypte (1798). Lecteur insatiable, il étudie, après les cours, les campagnes des grands capitaines de l’Histoire et celles des chefs de guerre et théoriciens militaires de son temps. Ainsi, le « Traité général de tactique » de Guibert, vétéran de la guerre de Sept Ans (1756-1763), l’influence durablement sur la manœuvre, l’utilisation du feu, l’organisation et le déplacement des armées. Il lit aussi des ouvrages politiques dont « Le Prince de Machiavel (1469-1527), analyse pragmatique du pouvoir et de ses mécanismes. L’armée française s’est distinguée au cours de la guerre d’indépendance américaine (1778-1781) et dispose du nouveau système d’artillerie « Gribeauval » et du fusil à silex modèle 1777. Considérée comme l’une des meilleures d’Europe, elle bénéficie de la levée en masse puis de la conscription sous la Révolution pour aligner des effectifs inégalés. Après avoir francisé son nom, Bonaparte, promu capitaine, commande l’artillerie lors du siège de Toulon (1793), ville royaliste soutenue par la flotte britannique, et contribue à sa reconquête. A 27 ans, nommé à la tête de l’armée française d’Italie (45.000 hommes), il remporte de brillantes victoires, marche sur Vienne et impose la paix à l’Autriche…sans en référer au gouvernement français. En 1798, il commande l’expédition militaire et scientifique chargée de conquérir l’Egypte, qu’il va gouverner pendant un an. Il a alors acquis suffisamment d’expériences militaire, diplomatique et politique pour s’estimer capable de prendre le pouvoir en France…à 30 ans !

Planification et mobilité. Pour Napoléon, une campagne se prépare par la connaissance de l’ennemi (livres et rapports d’espions) et de son armée en détail (intendance, habillement, munitions, service de santé). Celle-ci, peu chargée, doit être capable de se déplacer rapidement pour créer la surprise. Il s’agit de vaincre l’ennemi militairement par la bataille et la prise de sa capitale, puis politiquement en lui imposant ses conditions de paix. Il remporte des victoires décisives à Arcole (1796), aux Pyramides (1798), à Marengo (1800), à Austerlitz (1805), Iéna (1806), Eylau (1807), Friedland (1807) et Wagram (1809). Mais la victoire de la Moscowa et la retraite de Russie (1812), trop coûteuses en hommes, annoncent les défaites de Leipzig (1813) et Waterloo (1815). En outre, l’Empereur a toujours laissé trop peu d’initiative à ses généraux.

Loïc Salmon

Napoléon stratège

Exposition « Napoléon et l’Europe » aux Invalides

Exposition « Napoléon à Sainte-Hélène » aux Invalides

L’exposition « Napoléon stratège » (6 avril-22 juillet 2018), organisée par le musée de l’Armée, se tient aux Invalides à Paris. Outre des gravures, tableaux, documents, armes et objets, elle présente des témoignages sonores reconstitués à partir de lettres et mémoires de soldats et d’officiers. Des dispositifs multimédias permettent de comprendre les raisonnements stratégique et tactique de l’Empereur lors de ses victoires et ceux de ses adversaires lors de ses défaites. L’un facilite la compréhension de l’efficacité de la chaîne de commandement, en fonction des circonstances de la bataille. Un autre explique la justesse du choix, par Napoléon, des chefs militaires les plus aptes à remplir une mission correspondant à leurs qualités. Renseignements : www.musee-armee.fr




Exposition « Raymond Depardon 1962-1963, photographe militaire » à Paris

Déjà connu professionnellement avant, Raymond Depardon réalise, pendant son service militaire, un « tour de France des armées » en plus de 2.000 photos pour Terre, Air, Mer magazine (TAM).

En août 1960, envoyé en Afrique par l’agence photographique Delmas pour suivre « SOS Sahara », mission d’étude de la résistance du corps humain à la chaleur, il assiste au sauvetage d’un groupe de soldats appelés du contingent, perdus sans eau dans le désert. Le 3 septembre suivant, dix de ses photos sont publiées dans l’hebdomadaire Paris-Match sous son nom, alors qu’il n’a que 18 ans ! De passage à Alger, il rencontre des photographes militaires l’incitant à demander à effectuer son service militaire au journal Bled, qui deviendra TAM, deux ans plus tard. Appelé sous les drapeaux en mars 1962, Depardon effectue quatre mois de classe au 37ème Régiment d’infanterie de Sarrebourg puis, en juillet, est affecté à la rédaction parisienne de TAM, avec le grade de brigadier, jusqu’en août 1963. Ce magazine, que tous les militaires reçoivent, emploie notamment de futures célébrités comme le journaliste Philippe Labro ou le publiciste Jacques Séguéla. L’exposition présente leur témoignage audiovisuel. « On était en civil et très libres, se souvient Labro, on apprenait notre métier de reporter, qui rapporte ce qu’il a vu et entendu. ». « J’ai découvert que je savais écrire », déclare Séguéla, hilare. « On était tous tentés de faire des images en mouvement, souligne Depardon (photo) lors du vernissage de l’exposition le 30 septembre 2019, j’étais dans une période charnière à la fin de la guerre d’Algérie. » Equipé d’un appareil photo 120 mm reflex utilisant du film 6X6, il retrace cette période jusqu’en août 1963. Au cours de ses 51 reportages, il embarque notamment sur l’escorteur Le-Picard, fait l’ascension du Mont-Blanc avec les troupes de montagne, suit l’entraînement du 1er Bataillon parachutiste de choc en Corse, se rend à l’Ecole des enfants de troupe d’Aix-en-Provence et à la base aérienne de Cognac et couvre l’instruction du 404ème Régiment d’artillerie anti-aérienne à Valence. Son expérience de photographe militaire lui sert ensuite lors de la couverture de la guerre du Viêt Nam en 1964, dont certaines de ses photos sont publiées dans le quotidien américain New York Times. En 1966, il crée l’agence Gamma, qu’il quittera en 1978 pour rejoindre l’agence Magnum. En 1969, Depardon commence une carrière de cinéaste avec un court-métrage documentaire en Tchécoslovaquie, un an après la répression soviétique du Printemps de Prague. En 1974, il se rend au Tchad pour prendre des photos et réaliser le film « Les révolutionnaires du Tchad », dont le retentissement international contribuera à la libération, en 1977, de l’ethnologue Françoise Claustre, retenue en otage depuis trois ans. En 1978, il photographie la guerre civile au Liban et en Afghanistan.

Loïc Salmon

L’exposition « Raymond Depardon 1962-1963, photographe militaire » (1er octobre 2019-30 janvier 2020) se tient au Musée du Service de santé des armées dans l’Ecole du Val-de-Grâce à Paris. Outre une centaine de photos, elle présente des documents d’archives de films et d’entretiens audiovisuels. Une exposition similaire a lieu au Musée national de la Marine à Toulon (17 mai-31 décembre 2019). Ces deux événements sont organisés par l’Etablissement de communication et de production audiovisuelle de la Défense, le Musée national de la Marine, l’Ecole du Val-de-Grâce et la Direction des patrimoines, de la mémoire et des archives.

(www.depardon1962.fr)

Exposition « Images interdites de la Grande Guerre » à Vincennes

100 ans de photographie aux armées

Henri Gouraud, photographies d’Afrique et d’Orient