Trafics d’armes : dynamique, modes opératoires et routes

Moteurs de la violence armée avec des conséquences sur les populations, les trafics d’armes légères connaissent une évolution, qui nécessite d’anticiper une situation à risques dans leur pays d’origine avant qu’elle devienne réalité.

Ce thème a été abordé au cours d’un colloque organisé, le 15 mai 2019 à Paris, par l’Institut de relations internationales et stratégiques, la Direction générale des relations internationales et de la stratégie et le Groupe de recherche et d’informations sur la paix et la sécurité. Y sont notamment intervenus : l’ambassadeur Jean-Claude Brunet, représentant spécial chargé de la lutte contre les menaces criminelles internationales (ministère de l’Europe et des Affaires étrangères) ; Matthias Nowak, chercheur à l’Institut des hautes études internationales et du développement de Genève ; Guy Vinet, chef de l’Unité des questions stratégiques de police de l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE) ; Maurits Beltgens, analyste à l’Organisation mondiale des douanes.

Souveraineté et effort collectif. Les exportations d’armes légères et de petit calibre (ALPC), du ressort des Etats, s’accompagnent du sentiment commun d’être touchés dans leur population, indique l’ambassadeur Brunet. Mais les trafics illicites portent atteinte à la sécurité collective au quotidien avec 500.000 victimes par an, dues aux banditisme, terrorisme et violence urbaine. Ils se montent à 800-900 millions d’APLC, dont seulement 20 % déclarées. Les auteurs des attentats de Paris en 2015 avaient utilisé des armes en provenance des Balkans. Selon Europol, 3 à 6 millions d’ALPC circulent dans le monde, sans compter les munitions. Après les attentats terroristes aux Etats-Unis en 2001, les violations de l’embargo sur ces armes, par des pays de l’ancien bloc soviétique, ont alimenté les trafics. Les Etats concernés portent la responsabilité de la mise en place de dispositifs sur le cycle de vie des armes. Leur développement durable passe par la lutte contre la corruption et les trafics d’ALPC. En outre, il s’agit d’en analyser les tendances et perspectives concernant les détournements des stocks gouvernementaux, vols, défis technologiques et spécificités régionales. L’analyse du risque et la mise au point de la réponse nécessitent de dédier des personnels experts des Douanes, de la Police et de la Justice à la gestion des ALPC et à la lutte contre leurs trafics. La réponse doit s’élaborer au niveau régional et global pour les Etats qui n’en disposent pas, dont la Serbie et la Bosnie-Herzégovine. En 2018, au niveau international, l’OSCE a adopté un budget de 15 M€ et une feuille de route, impliquant les ministères de l’Intérieur et des Affaires étrangères, avec des plans d’action et objectifs pour 2024.

Diversité et inventivité. Selon Matthias Nowak, environ 1 milliard d’ALPC, d’une valeur de 5,7 Mds$, ont été mises légalement en circulation dans le monde entre 2013 et 2015. Le détournement d’une partie, imputable aux fonctionnaires locaux, s’explique par : corruption ou négligence ; sécurité et suivi insuffisants ; documentation falsifiée ; volonté politique ou abus de bonne foi. S’y ajoutent : faux certificats d’utilisateur final, cas de 800.000 munitions envoyées frauduleusement en Libye en 2011 par un courtier albanais ; détournements de stocks nationaux en Irak en 2003, en Libye en 2011 et au Mali depuis 2012 ; armes civiles, dont 10.000 armes volées en France en 2015 et « straw purchases » (achats légaux par des intermédiaires pour des destinataires voulant rester anonymes) aux Etats-Unis. Plus de la moitié des crimes pour actes de banditisme ou de terrorisme sont commis avec des armes artisanales, fabriquées à Madagascar et en Afrique centrale et de l’Ouest où elles représentent les deux tiers des armes saisies au Nigeria. Les ALPC de contrebande transitent surtout par le Burkina Faso, la Côte d’Ivoire et le Niger, peut-être par la Guinée Bissau, la Guinée Conakry et le Ghana, à destination du Mali, pour les groupes terroristes, et de la Libye, autrefois pays fournisseur.

Focus sur l’Ukraine. La crise ukrainienne de 2014 a débouché sur le rattachement de la Crimée à la Russie et aux accords de Minsk-2 en 2015 sur un cessez-le-feu dans la région du Dombass, rappelle Guy Vinet. Parmi les 20 postes de contrôle de la région du Donetz, frontalière entre l’Ukraine et la Russie, l’OSCE a seulement accès à 2 pour observer la situation. Elle y déploie 30 drones de portées variables, facilement détectés, brouillés ou détruits par les forces en présence. Néanmoins, en 2018, elle y a constaté le passage de 4 millions de personnes dans les deux sens et de 27 véhicules transportant des militaires tués en opérations. Les trafics de pistolets à gaz et d’armes blanches, à air comprimé, à feu et de chasse menacent la sécurité régionale. Venus de Pologne, Slovaquie, Hongrie, Roumanie, Moldavie, Russie et Biélorussie, ils passent par les espaces maritime et aérien, la frontière administrative et la zone d’opérations des forces conjointes. Ils résultent du commerce et de la prolifération d’armes et d’explosifs, de pertes, de détournement et aussi du manque de responsabilité et de transparence des autorités ukrainiennes dans la gestion des armes. Toutefois, en 2018, les unités de gardes-frontières ont identifié l’origine de 668 armes, 22.612 munitions, 14 engins explosifs, 1 engin explosif artisanal, 1,6 kg d’explosifs et 207 grenades. La lutte contre les trafics s’avère difficile à mettre en œuvre, faute de coopération entre la police et les garde-frontières ukrainiens. En outre, la coopération avec leurs homologues russes reste limitée, voire inexistante. L’OSCE, qui travaille avec Interpol, apporte sa connaissance du terrain, sa vision globale et son expertise aux autorités ukrainiennes, mais ne peut se substituer à elles. Son projet pour la période septembre 2019-août 2021 inclut : formation spécialisée d’analystes en armes, munitions et explosifs ; partages d’expériences entre organismes concernés et collecte de données sur les groupes criminels internationaux ; mise à disposition de moyens techniques, à savoir des logiciels de recueil de l’information sur les réseaux sociaux et de récupération de photos et de profils sur internet.

Loïc Salmon

Selon Maurits Beltgens, le trafic illégal annuel d’armes légères et de petit calibre (ALPC) se monte à 3,2 M$ sur un marché mondial estimé à 8 M$. Entre 2016 et 2018, les Douanes en ont saisi environ 9.000 dans 142 pays. Par pays d’origine, les principales saisies se répartissent ainsi : Etats-Unis, 1.574 ; Mexique, 184 ; Canada, 132 ; Koweït, 129 ; Paraguay, 43 ; Yémen, 36 ; Arabie saoudite, 30 ; Jordanie, 29 ; Bahreïn, 24 ; Emirats arabes unis, 24 ; Bolivie, 21 ; Turquie, 20. Par pays de destination, les principales saisies se répartissent ainsi : Etats-Unis, 606 ; Mexique, 547 ; Arabie saoudite, 273 ; Allemagne, 188 ; Canada, 108 ; Argentine, 95 ; Emirats arabes unis, 23 ; Oman, 20 ; Brésil, 19 ; Ghana, 16 ; Russie, 16 ; Bahreïn, 15. La détection d’ALPC se fait surtout par contrôles de routine (45 %) et ciblages d’endroits à hauts risques (45 %), puis investigations, sélections aléatoires et renseignements. Les lieux de départ se répartissent surtout entre les aéroports (25 %), les frontières terrestres (23 %), l’intérieur du pays (20 %), les centres de tris postaux (20 %), les endroits divers (8 %) et les ports (4 %).

Trafics d’armes : les Balkans, fournisseurs du terrorisme international et du crime organisé

Trafics d’armes légères : la lutte contre les filières terroristes

 




Marine nationale : la police en mer, agir au bon moment et au bon endroit

La Marine intervient loin, longtemps et par tous les temps contre les trafiquants en tout genre et la piraterie, pour que les mers restent un espace de liberté.

Cette mission de police de la mer a été abordée au cours d’un colloque organisé, le 21 janvier 2016 à Paris, par le Centre d’études stratégiques de la marine (CESM) et l’École de guerre. Y sont notamment intervenus : le contre-amiral Thierry Rousseau, directeur du CESM ; le commissaire en chef Thierry de la Burgade, adjoint « action de l’État en mer » de l’état-major de la Marine ; Cyrille Poirier-Coutansais, directeur de recherche au CESM ; Geoffroy de Dinechin, directeur des opérations chez Orange Marine.

Résultats opérationnels. Dans la lutte contre les trafiquants, la Marine effectue des actions de la haute à la basse intensité en mer des Caraïbes, dans le golfe de Guinée, en Méditerranée et dans l’océan Indien, explique le commissaire de la Burgade. Elle coopère avec la Marine américaine au large des Antilles pour détecter les flux d’héroïne, dont les vecteurs, du semi-submersible au porte-conteneurs, nécessitent des modes de réaction différents. Ainsi, l’hélicoptère d’une frégate pourra obliger un navire suspect à s’arrêter en haute mer, afin qu’une visite soit effectuée à son bord par des commandos. La compagnie maritime CMA CGM fait inspecter la coque de ses navires dans les ports d’Amérique du Sud, depuis qu’une torpille chargée de cocaïne y a été découverte… soudée ! En Méditerranée, les narcotrafiquants remontent vers le Nord de l’Afrique et s’infiltrent dans les flux de migrants, secourus par la Marine italienne, pour tenter le passage. Selon l’agence européenne de contrôle des frontières extérieures Frontex, entre octobre 2014 et octobre 2015, l’immigration clandestine par la mer a augmenté de 1.009 % en Méditerranée orientale. La Marine française participe à plusieurs opérations européennes de lutte contre le trafic de migrants et les passeurs : « Indalo » (au large de l’Espagne) et « Héra » (Mauritanie et Cap Vert) en Atlantique ; « Triton » (Italie) et « Sophia » (Libye) en Méditerranée centrale. Suite au refus des autorités libyennes d’autoriser l’entrée dans les eaux territoriales (22 km), Frontex a redéployé ses moyens vers la côte turque, mais sans implication de la Marine française. En revanche, à Mayotte et en coordination avec les cinq radars terrestres, celle-ci intervient pour secourir les migrants qui sont reconduits dans leur pays d’origine, sauf les femmes enceintes et les enfants mineurs. En outre, elle participe aux opérations internationales de lutte contre la piraterie, dont : « Corymbe » (depuis 1990) pour la surveillance dans le golfe de Guinée et la formation des personnels des pays riverains ; « Atalante » (2008) avec déploiements du patrouilleur de haute mer L’Adroit et d’un avion de surveillance maritime F50M en océan Indien, où aucune attaque n’est survenue en 2015. Elle assure un contrôle naval volontaire avec les navires marchands par le partage du renseignement et la formation de convois ainsi que l’embarquement d’équipes armées sur les thoniers senneurs. Pour lutter contre la pêche illégale en Guyane où les comportements sont parfois violents, la Marine coopère avec les forces armées brésiliennes. Dans les terres australes et antarctiques françaises (TAAF), le pillage des ressources halieutiques, dont la légine à la chair très appréciée des Asiatiques, se fait à grande échelle. Le dispositif de coercition et de répression inclut la surveillance satellitaire et la saisie des filets, qui coûtent jusqu’à 50.000 € pièce. Depuis quelques années, des prospections pétrolières illégales ont été constatées dans les Iles Éparses (TAAF), où sont exercées la surveillance des études sismiques et l’observation par satellite et avion. Les biens culturels maritimes constituent un nouvel enjeu pour les trafiquants, notamment les épaves d’anciens vaisseaux à voiles disparus en mer. Pour toutes ces missions de police en mer, les commandants de navires et d’aéronefs de l’État sont habilités à constater l’infraction et en informer un procureur.

Dimensions géopolitiques. Pendant la guerre froide (1947-1991), la présence des Marines américaine, soviétique et européennes sur toutes les mers a réduit la piraterie et les trafics de drogue, rappelle Cyrille Poirier-Coutansais. Ils ont repris ensuite et profitent aujourd’hui de la globalisation du commerce légal. Par ailleurs, la Convention de l’ONU sur le droit de la mer (1982) a offert aux États côtiers une zone économique exclusive, que beaucoup d’entre eux sont incapables de protéger. Ainsi, les 38 délimitations de la zone des Caraïbes facilitent le trafic de cocaïne d’Amérique latine vers les États-Unis et l’Europe. Actuellement, les principales zones de piraterie sont situées le long des principales routes maritimes de transport d’hydrocarbures et de marchandises : Est de l’océan Indien et golfe de Guinée vers l’Europe ; Asie du Sud-Est vers l’Extrême-Orient. En outre, 15 % des pêches dans le monde sont illégales. L’Union européenne (UE) a nommément désigné 18 pays contrevenants : 8 ont reçu un avertissement ; 3 font l’objet de sanctions commerciales avec interdiction d’exportation vers l’UE ; 7 ont corrigé leurs pratiques par la suite.  Télécommunications sous-marines. Le monde entier est desservi par des câbles de fibres optiques reposant sur le fond des océans et qui acheminent plus de communications que les satellites depuis les années 1980. Les pays directement reliés à plus de 20 d’entre eux sont exposés au risque de « coupure internet » : États-Unis, Grande-Bretagne, Suède, Espagne, France, Italie, États riverains de la mer Rouge, Inde, Chine, Corée du Sud et Japon. Actuellement, Orange Marine installe des câbles sous-marins entre la Somalie et le Kenya (Afrique de l’Est) et entre le Cameroun, le Nigeria et le Bénin (golfe de Guinée). Les navires spécialisés, qui posent (80 km/jour) et réparent ces câbles, sont très lents (11km/h), souvent à l’arrêt et donc vulnérables, explique Geoffroy de Dinechin. La protection des équipages, tous volontaires mais non armés, est assurée par : la Marine nationale qui fournit conseils, analyses des situations locales et équipes de militaires embarquées ; les procédures de sûreté et les mesures de protection passive à bord (barbelés et « citadelle refuge »). Le coût de la sécurité se répercute sur les salaires des équipages, qui incluent une « prime de mer », et les primes d’assurances, majorées de 20 % pour risques de guerre.

Loïc Salmon

Piraterie maritime : l’action d’Europol

Lutte contre le trafic de drogue : réponse internationale

Les quantités de drogue saisies en mer en 2014 et 2015 et à destination de l’Europesont passées de 1% à 5 % pour le cannabis et de 17 % à 67 % pour la cocaïne. En 2015, la Marine nationale a saisi 1,9 t de cocaïne (+ 290 kg rejetés en mer) et 2,5 t de cannabis (+ 1,5 t rejetée en mer). Elle a aussi intercepté 1.289 migrants en Méditerranée et 1.736 à Mayotte. En matière de pêche illicite, elle a procédé à 1.537 contrôles, dressé 1.828 procès-verbaux, dérouté 55 navires et saisi 8,5 t de poisson et 155 km de filets. En 2015, selon l’International Maritime Bureau, il y a eu 7 actes de piraterie dans le golfe de Guinée et 18 en Asie du Sud-Est ainsi que 17 actes de brigandage maritime (attaques de navires à quai ou au mouillage dans les ports) dans le golfe de Guinée et 153 en Asie du Sud-Est.




Sécurité : la contrefaçon et ses conséquences économiques, sanitaires et criminelles

Les produits contrefaits, accessibles sur internet, privent l’État de recettes fiscales, pillent les fruits des recherches des entreprises, menacent les emplois et mettent en péril la santé et la sécurité des consommateurs. En outre, leurs ventes financent le terrorisme et les organisations criminelles.

La lutte contre la contrefaçon a fait l’objet d’un colloque organisé, le 23 septembre 2015 à Paris, par le cabinet Rivington. Parmi les intervenants figurent : Bernard Brochand, député et ancien président du Comité national anti-contrefaçon ; Véronique Louwagie, députée et membre de la commission des finances ; Cécile Untermaier, députée et membre de la commission des lois ; Didier Hillion, directeur Propriété intellectuelle du groupe Renault ; Pascal Asselot, directeur de Licensing France Brevets ; Joël Rosenberg, études industrielles du ministère de la Défense ; Delphine Sarfati-Sobreira, directrice générale de l’Union des fabricants (UNIFAB) ; Céline Gouyer, Direction nationale du renseignement et des enquêtes douanières ; Didier Douilly, Gendarmerie nationale.

Fléau multisectoriel. Le marché de la contrefaçon, qui touche 15 % du commerce mondial pour un montant de 450 Md€, a fait perdre 40.000 emplois en France et 100.000 en Europe, estime Bernard Brochand. Quelque 6 millions d’objets contrefaits ont déjà été saisis en 2015. Investir 1.000 € rapporte 20.000 € dans la drogue, mais 500.000 € dans la contrefaçon ! Celle-ci touche même les produits culturels. Ainsi, la Ville de Cannes a dû déposer la marque  « Cannes » pour protéger son patrimoine, car la Corée du Sud et la Turquie l’apposaient sur leurs produits. Environ 1 médicament sur 10 est dangereux car contrefait. Ceux « made in China » peuvent contenir des excipients toxiques. De son côté, Véronique Louwagie rappelle que, selon l’Organisation mondiale de la santé, 50 % des médicaments accessibles sur internet sont frelatés, ce qui pose un problème de santé publique. La vente en ligne porte aussi sur le tabac, les cosmétiques, les produits de luxe et ceux à haute valeur ajoutée. Leur contrefaçon représente une source de revenus criminels de l’ordre de 250-500 Mds$ par an. Par ailleurs, « l’impression en 3 D » (dimensions) ouvre un champ nouveau à la contrefaçon, explique Joël Rosenberg. Elle permet en effet la reproduction d’objets en plastique, métal ou céramique, même de grandes dimensions. Il suffit de scanner les fichiers techniques de millions d’objets disponibles dans les bibliothèques pour en recomposer l’identité numérique extérieure et intérieure, rendant difficile la protection de la propriété industrielle. Cette révolution technologique accélère le temps de fabrication, car les fichiers numériques sont envoyés directement à des machines automatisées. A terme, en cas de rupture de stock de pièces de rechange d’un véhicule, il sera plus rapide, par l’impression 3 D, d’en réaliser de plus en plus sophistiquées, de bonne tenue dans le temps et selon des caractéristiques proches de celles des pièces d’origine.

Protection et prévention. Tout marché de pièces de valeur suscite celui de la contrefaçon, poursuit Joël Rosenberg. La principale protection réside dans l’innovation, afin d’avoir une longueur d’avance. Ensuite, la qualification des pièces d’origine et la certification des modes de production deviennent indispensables. Par ailleurs, il faut identifier les faux brevets et porter l’affaire devant les tribunaux du pays du contrefacteur, souligne Pascal Asselot. Comme se défendre coûte de plus en plus cher, les grands groupes industriels veulent épuiser les petites sociétés demanderesses. Actuellement, les entreprises américaines, très actives sur les réseaux sociaux, font le siège des institutions européennes pour affaiblir les réglementations des pays membres sur les brevets. Toutefois, un brevet « européen » devrait voir le jour en 2017. La Chine, qui a commencé par copier, dépose aujourd’hui des brevets et veut les protéger. Selon Delphine Sarfati-Sobreira, elle a compris que le droit de propriété intellectuelle permet aux inventeurs de vivre et à la technologie d’avancer. En conséquence, elle entreprend de sensibiliser les enfants dès les petites classes. En France, l’UNIFAB intervient dans les grandes écoles, pour que l’enseignement aille au-delà de la simple sensibilisation. En 2014, elle a lancé avec Interpol une campagne d’information sur internet et les réseaux sociaux.

Traque et répression. Le renseignement vise à matérialiser des informations en vue d’une action judiciaire, explique Céline Gouyer. A cet effet, la Douane dispose d’attachés en poste en Chine et dans divers États dans le cadre d’unions douanières (accords commerciaux entre États membres ayant adopté une politique commune vis-à-vis de pays tiers). En outre, un plan d’action européen (2009-2017) auprès des groupes industriels est piloté en France par le ministère de l’Économie. Depuis 2014, la loi autorise l’infiltration physique et électronique des livraisons de produits contrefaits. Un achat sur internet permet de remonter la filière. Ainsi, la saisie de 8,8 millions d’objets en 2014 a débouché sur le démantèlement de réseaux et l’identification des contrefacteurs. Chaque année, quelque 1.200 expertises, réalisées en partenariat avec les entreprises et les titulaires de droits industriels, facilitent l’identification de contrefaçons. Toutefois, les douaniers ne peuvent intervenir sur les marchandises en transbordement… qui n’entrent pas dans l’Union européenne !

Grand banditisme. Les enquêtes sur la contrefaçon et la drogue vont de pair. En effet, le même véhicule peut acheminer les deux pour rentabiliser le transport, indique Didier Douilly. Contrefaçon impliquant travail illégal et blanchiment d’argent, les recherches portent sur les achats immobiliers ou d’importants biens meubles, afin de démanteler les réseaux criminels organisés. Quand la Gendarmerie ne peut agir en France, elle envoie des informations à ses homologues étrangers. En outre, elle dispose de 250 spécialistes des nouvelles technologies, car 70% des ventes de contrefaçons s’effectuent sur internet. Enfin, l’argent saisi sert à indemniser les victimes physiques (inventeurs) ou morales (entreprises).

Loïc Salmon

Lutte contre le trafic de drogue : réponse internationale

La Douane : actions tournées vers la défense et l’international

Sûreté : élément stratégique des entreprises internationales

La convention internationale « Médicrime » contre les produits médicaux contrefaits et les infractions similaires menaçant la santé publique érige en infraction pénale : la fabrication de produits médicaux de contrefaçon ; la fourniture, l’offre de fourniture et le trafic de produits médicaux contrefaits ; la falsification des documents ; la fabrication ou fourniture non autorisée de médicaments et la commercialisation de dispositifs médicaux ne satisfaisant pas aux exigences de conformité. La convention établit un cadre favorisant l’instauration d’une coopération nationale et internationale entre les autorités sanitaires, policières et douanières compétentes tant au niveau national qu’international, l’adoption de mesures destinées à prévenir la criminalité en y associant le secteur privé ainsi que la poursuite effective des délinquants en justice et la protection des victimes et des témoins.




Sécurité : les armes légères et la lutte contre leurs trafics

La prolifération incontrôlée des armes à feu de petit calibre accroît la violence, déstabilise les États fragiles et freine leur développement. La lutte contre ces trafics nécessite une coordination mondiale.

Ce thème a fait l’objet d’un colloque organisé, le15 mai 2023 à Paris, par l’Institut de recherche stratégique de l’École militaire et la Direction générale des relations internationales et de la stratégie du ministère des Armées. Y sont notamment intervenus :  Julien Joly, programme « Small Arms Survey » (Enquête sur les armes légères) de l’Institut de hautes études internationales et du développement de Genève ; Leonardo Lara Villarroel, Office des nations unies contre la drogue et le crime (ONUDC) ; Anna Mensah, Institut de recherche des nations unies pour le désarmement (UNIDIR) ; Juan Belikov et Aldan Serikbay, Bureau des nations unies pour la lutte contre le terrorisme (ONUCT).

Fabrications illicites. Selon Leonardo Lara Villarroel, environ 550.000 armes à feu de petit calibre ont été saisies dans le monde en 2016 et en 2017. Près de 90 % d’entre elles ont été fabriqués de façon industrielle, mais seulement 85 % étaient correctement marquées. Les fabrications illicites concernent les armes artisanales, celles constituées après assemblage de leurs diverses pièces et les armes réactivées, transformées ou modifiées notamment au moyen de l’impression en trois dimensions. D’après l’ONUDC, les saisies d’armes transformées ont eu lieu en Grande-Bretagne, Suède, Azerbaïdjan, Ukraine, Moldavie et au Danemark. Celles d’armes assemblées se sont produites en Lituanie, Moldavie, Ukraine, Azerbaïdjan et aux Philippines. Celles d’armes réactivées ont eu lieu en Tunisie, Grande-Bretagne, Norvège et Lituanie. Les armes modifiées ont été saisies en Grande-Bretagne, Moldavie, Slovaquie, Lituanie et au Portugal. Enfin, les armes artisanales proviennent du Népal, des Philippines, du Burkina Faso, de Centrafrique, d’Algérie et de la Jamaïque. Au Sahel, les groupes terroristes s’approvisionnent surtout en armes fabriquées industriellement, tandis que les milices paramilitaires et les chasseurs préfèrent les armes artisanales.

Engins explosifs improvisés. Selon Julien Joly, le « Small Arms Survey » a répertorié plus de 2.200 incidents relatifs aux engins explosifs improvisés (EEI) entre 2014 et 2022 avec leurs type, date, lieu, auteurs et cibles. Les EEI sont fabriqués à partir de munitions explosives volées dans des entrepôts militaires, d’explosifs extraits de munitions, d’explosifs en vente dans le commerce à des fins civiles, d’engrais et d’accessoires divers. Ils peuvent être déclenchés par la victime, radiocommandés, placés dans des véhicules en cas d’attaques suicides, activés par fil, activés à distance puis déclenchés par les victimes ou portés par des personnes. Une étude de cas réalisée entre 2019 et 2022 identifie le Burkina Faso, le Cameroun, la Côte d’Ivoire, le Mali et le Niger comme directement concernés ainsi que le Bénin et la Guinée comme pays de transit. Les composants font l’objet de trafics divers : détournement de produits importés légalement ; détournement de produits pendant le transport ; détournement sur le site de l’utilisateur final officiel ; utilisation illicite de produits à double usage importés légalement ; prise de matériels militaires sur le champ de bataille. Le cycle de vie des munitions s’étend de la planification d’acquisition des composants et leur approvisionnement à la gestion de leurs stocks et leur élimination quand elles sont périmées. Le programme « Small Arms Survey » a publié un guide pratique sur la sécurisation des stocks. Il recommande le contrôle de l’achat et de la distribution des composants commerciaux, la surveillance de leurs acheteurs (entreprises ou individus), l’acquisition d’équipements pour le suivi et la traçabilité des munitions, la sensibilisation des personnels et leur formation.

Transferts et stockages. Anna Mensah explique que les détournements d’armes légères et de produits connexes se produisent au niveau du fabricant, pendant le transfert, dans les stocks publics ou privés, pendant leur utilisation active ou leur déploiement. Ils résultent aussi de l’absence de régularisation et de lacunes dans les contrôles nationaux ou lors de mouvements transfrontaliers non autorisés. Ces détournements sont effectués par des personnes privées, des groupes armés non étatiques ou même…des agents de l’État ! Ils résultent notamment des faiblesses et défaillances institutionnelles de l’État concerné, de trafics illicites, de la mise en œuvre de moyens techniques et de stratagèmes pour tromper les autorités publiques. L’UNIDIR évalue les risques de détournement grâce à ses réseaux d’information. Ainsi, les agences de renseignements gouvernementales identifient les personnes physiques ou morales soupçonnées d’être impliquées dans des trafics d’armes, analysent les tendances internationales des marchés illicites, repèrent les pratiques de corruption à l’étranger et les produits recherchés par les États sous embargo, et enfin pistent les organisations terroristes et les réseaux criminels. Les missions diplomatiques, les douanes et la police effectuent des contrôles sur les entités impliquées dans les transferts d’armes légères et sur les documents fournis à l’appui d’une demande d’autorisation d’exportation ou d’un autre type de transfert. S’y ajoutent les rapports des groupes d’experts de l’ONU sur la mise en œuvre des embargos sur les armes, ceux d’organisations non-gouvernementales crédibles, les annuaires commerciaux et ceux en ligne qui communiquent des informations précises et objectives. En outre, l’UNIDIR a développé une grille d’analyse du détournement des armes conventionnelles, de leurs munitions et de leurs pièces et composants, dans le cadre du Traité sur le commerce des armes, signé par 130 États et entré en vigueur fin 2014.

Post-conflit et terrorisme. Aux 850 millions d’armes légères de petit calibre hors des mains de l’État (voir encadré), s’ajoutent plus de 2 milliards d’armes non enregistrées selon l’ONUCT. Juan Belikov souligne les difficultés pour les retrouver et les collecter après les conflits. Or, ces armes jouent un rôle majeur dans la violence résiduelle, à savoir vengeance, récupération de biens perdus, improbabilité du retour à la paix, difficultés pour les combattants ordinaires de s’intégrer à la vie civile, effondrement de l’économie, contestation de territoires et nécessité de l’auto-défense en l’absence de l’autorité de l’État. Dans ce contexte, ces armes constituent des sources importantes d’échanges et de revenus. L’ONUCT manque de compétences spécialisées pour mener des enquêtes complexes sur les trafics d’armes à feu et le terrorisme. S’y ajoutent : l’absence d’enregistrement et de traçage systématiques des armes ; l’insuffisance d’échanges d’informations et de coordination entre les diverses agences ; le manque de bases de données sur les armes, les acteurs des trafics, les routes et les modes opératoires. De son côté, Aldan Serikbay précise que les groupes terroristes tentent d’acquérir et d’utiliser des matériaux létaux chimiques, biologiques, radiologiques et nucléaires, des armes légères, des engins explosifs improvisés et des drones. Depuis février 2021, environ 1.600 personnels militaires ont suivi des formations à la lutte contre le-terrorisme en Australie, Irak, Jordanie, Turquie, Malaisie, au Kenya, au Nigéria et aux Philippines.

Loïc Salmon

Le programme « Small Arms Survey » de l’Institut de hautes études internationales et du développement de Genèveévalue le nombre d’armes à feu légères à environ un 1,013 milliard dans le monde en 2017. La répartition s’établit à 13 % (133 millions) des armes  détenues par les forces armées, 2 % (22,7 millions) par les forces de sécurité et 85 % (857 millions) par les populations civiles. Parmi ces dernières, 2,3 à 4,7 millions d’armes appartiennent à des entreprises privées de sécurité, 2 à 10 millions à des organisations criminelles et 2,1 à 2,8 millions à des groupes armés non-étatiques.

Trafics d’armes : fin de crise, embargos, désarmement et consolidation de la paix

Trafics d’armes légères : comment les contrer

Trafics d’armes : les Balkans, fournisseurs du terrorisme international et du crime organisé




Guyane : zone stratégique sur le continent sud-américain

Les Forces armées en Guyane (FAG) assurent la protection de ce département, qui abrite le Centre spatial européen de Kourou. Elles contribuent aussi à la préservation des intérêts français en Amérique du Sud.

Leur commandant supérieur, le général de division aérienne Didier Looten, l’a expliqué le 29 novembre 2018 à la presse, lors d’une visioconférence.

Enjeux et moyens. Seul département d’outre-mer continental, la Guyane française s’étend sur 84.000 km2, dont 95 % de forêt tropicale. Elle possède 380 km de frontière maritime et des frontières terrestres de 530 km avec le Suriname et de 740 km avec le Brésil. Son chef-lieu, Cayenne, se trouve à 7.000 km de Paris et 1.400 km de Fort-de-France (Martinique). Forces de souveraineté, les FAG assurent la connaissance et la veille sur une zone de responsabilité permanente (ZRP) couvrant une vingtaine de pays, du Brésil au Mexique, pour anticiper les crises et collectent du renseignement d’intérêt militaire. En cas de crise, elles ont pour mission de planifier et de conduire une intervention et acheminer des secours d’urgence, dans leur ZRP ou sur le territoire national, notamment par un appui aérien aux Antilles. Par leur présence, elles contribuent à la stabilité de la ZRP et entretiennent une coopération militaire avec le Suriname et le Brésil. Les FAG comptent 2.100 militaires, dont la majorité en mission de longue durée (2 ans) et 200 civils. Environ 400 sont sur le terrain pour garantir les postures permanentes de sûreté aérienne (deux à trois sorties par jour) et de sauvegarde maritime. La Base aérienne 367 accueille 3 avions cargos tactiques Casa, 4 hélicoptères légers polyvalents Fennec et 5 hélicoptères de manœuvre Puma. La base navale de Dégrad-des-Cannes abrite : les patrouilleurs légers La-Confiance (en service en 2016) et La-Résolue (2017), adaptés aux besoins spécifiques de la Guyane ; l’embarcation remonte-filet La-Caouanne (2015). La Gendarmerie maritime dispose de deux vedettes, l’une à Dégrad-des-Cannes, et l’autre à Kourou. L’armée de Terre déploie le 9ème Régiment d’infanterie de marine, le 3ème Régiment étranger d’infanterie et un régiment de service militaire adapté. Le groupement de soutien de la base de défense inclut : dépôt de munitions ; Services de santé, du commissariat et des essences ; réseaux d’infrastructure et des systèmes d’information.

Protection du territoire national. En soutien de l’action de l’Etat, les FAG participent à l’opération « Harpie » de lutte contre l’orpaillage illégal. Outre Cayenne, elles disposent de quatre bases opérationnelles avancées, situées dans des zones de gisement aurifères (voir photo). Depuis 2017, cette opération est coordonnée avec le Suriname et le Brésil, en vue de faire évoluer la réglementation internationale pour éradiquer les flux d’orpaillage et logistiques illégaux. La capacité des FAG à tenir le terrain, par des patrouilles de longue durée, est assurée par des relèves par hélicoptères (30 à 45 minutes de vol depuis Cayenne). Cette lutte se complète par le développement d’activités économiques. L’opération « Polpêche » implique l’emploi de patrouilleurs légers à propulsion diesel électrique pour des missions d’observation et de contrôle, y compris de nuit, des bateaux de pêche illégaux, conjointement avec les forces navales brésiliennes. Enfin, l’opération « Titan » de protection du Centre spatial guyanais peut mobiliser de 150 à 400 militaires selon les lancements, pendant environ 60 jours par an. Le Centre de Kourou a procédé à 11 tirs en 2017.

Loïc Salmon

Territoire national : protection permanente contre intrusions aériennes et maritimes

Espace exo-atmosphérique : compétition stratégique




Trafics d’armes : les Balkans, fournisseurs du terrorisme international et du crime organisé

La circulation des armes légères à partir des Balkans compromet le retour à la paix dans ces pays en fin de conflit. Elle constitue aussi une menace internationale en s’étendant très loin en Europe.

Cette question a fait l’objet d’un colloque organisé, le 24 janvier 2017 à Paris, par le Groupe de recherche et d’information sur la paix et la sécurité (GRIP), l’Institut des relations internationales et stratégiques (IRIS) avec le soutien de la Direction générale des relations internationale et de la stratégie (DGRIS) du ministère de la Défense. Y sont notamment intervenus : le commissaire de police Philippe Félix-Uncanin, attaché de sécurité intérieure pour la Serbie et le Monténégro ; Laurent Gonçalves, coordinateur du pôle interministériel de lutte contre la criminalité organisée en Europe du Sud-Est (ministère des Affaires étrangères) ; Philippe Nobles, ministère de l’Intérieur ; Nils Duquet, Institut flamand pour la paix.

Flux et réseaux. Les Balkans constituent une zone prioritaire d’action contre les trafics d’armes en raison des attentats terroristes des trois dernières années en France et en Belgique, souligne le commissaire Félix-Uncanin. Selon le rapport 2015 de l’Union européenne (UE) sur le crime organisé, les flux d’armes légères et de petit calibre (ALPC) viennent principalement des Balkans occidentaux, zone traditionnelle de trafics de cigarettes et de stupéfiants. En outre, l’éclatement progressif de la Yougoslavie à partir de 1990 a donné naissance à des Etats faibles, qui contrôlent mal leur territoire : Slovénie, Croatie, Bosnie-Herzégovine, Macédoine, Serbie, Monténégro et Kosovo. La défense territoriale, mise en place par le maréchal Tito en 1969, reposait sur des actions de partisans qui devaient rester armés. En conséquence, une étude (2002) de l’organisation non gouvernementale Saferworld évalue à environ 6,1 millions d’ALPC, dont 3,7 millions de fusils d’assaut, étaient disponibles en 1989 et réparties entre l’armée nationale yougoslave, la défense territoriale, la police, les civils détenteurs de port d’arme et les armes détenues illégalement. Elles étaient stockées sur tout le territoire fédéral, notamment dans 653 dépôts en Bosnie-Herzégovine en mai 1990 et réduits par la suite à 48. Ces dépôts, souvent des cours d’école et des sous-sols de restaurants difficiles à contrôler, se trouvent encore à 60 % en Serbie et Bosnie-Herzégovine. Les industries d’armement de Bosnie-Herzégovine, Croatie, Serbie et Monténégro produisent toujours des ALPC et des munitions bon marché et fiables. Ainsi, l’usine de Kragujevac (Serbie) fabrique des fusils d’assaut (calibre 5,56 mm), fusils-mitrailleurs (7,62 mm), fusils spéciaux pour tireurs d’élite (7,62 mm et 12,7 mm) et pistolets automatiques (9 mm), exportés massivement, et celle de Mojkovac (Monténégro) des fusils d’assaut (5,56 mm) et des pistolets (9 mm). Outre le vol d’armes directement sur les chaînes de fabrication, la protection des stocks reste insuffisante. Ainsi, le 7 novembre 2016 à Belgrade, 70 pistolets, 5 fusils d’assaut et 1.700 munitions ont disparu d’un dépôt de l’armée, sans vidéosurveillance. La modestie des soldes facilite la corruption des militaires : 300 € par mois pour un sous-officier et 900 € pour un officier. Ces trafics alimentent le marché du crime organisé en Serbie (25 groupes connus), les zones de conflits et certains pays de l’UE (Suède, Allemagne, Pays-Bas, Luxembourg, Belgique et France).

Ils profitent souvent de leurs liens avec des membres des diasporas serbe et monténégrine. Transportées essentiellement sur des petites routes de montagne, les armes sont dissimulées dans des autocars ou des véhicules privés. Les groupes criminels organisés albanophones agissent en Albanie et en Grèce. Les slavophones serbes, monténégrins et Bosnie-Herzégovine s’intéressent plutôt à l’Europe occidentale. Beaucoup travaillent de manière artisanale avec des cellules de 3 à 10 personnes, qui se livrent au trafic d’armes lors d’un accès occasionnel à un stock en vue de protéger celui des stupéfiants, de très loin plus lucratif : le premier se monte à 3 M€ en France, soit plus de 1.000 fois moins que le second. Le ciblage du trafic d’APLC nécessite une grande capacité de renseignement dans les pays producteurs pour identifier les points faibles des structures et de la réglementation. Sur ses 1.000 km de frontières avec 8 pays, la Serbie ne compte que 94 postes, peu gardés, car de gros effectifs sont déployés contre le trafic de migrants. Le transport d’APLC s’effectue en général de nuit, à bord de véhicules immatriculés dans des Etats membres de l’UE pour profiter de la liberté de circulation de l’espace Schengen (22 membres de l’UE et la Norvège, la Suisse, le Liechtenstein, l’Islande, Monaco, Saint-Marin et le Vatican). Les attachés européens de sécurité intérieure résidant dans les pays producteurs d’APLC échangent renseignements et analyses et participent à la formation de leurs capacités de contrôle.

Coopérations possibles. Les coopérations bilatérales en matière de lutte contre les trafics d’APLC existent avec la Serbie, le Monténégro, la Macédoine, l’Albanie et la Bosnie-Herzégovine, mais restent très inégales d’un pays à l’autre, explique Laurent Gonçalves. A l’exception des rapports entre la Serbie et le Kosovo, la coopération au niveau régional paraît satisfaisante, grâce à des accords techniques et aux bonnes relations opérationnelles avec la Bulgarie et la Hongrie, qui voient en outre affluer les migrants, et la Macédoine et la Croatie, qui veulent les arrêter. Sur le plan international, des outils existent: les organisations non gouvernementales SELEC et SEESAC (élimination et contrôle des trafics APLC en Europe du Sud-Est et de l’Est) et l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe envoient des missions sur le terrain. Toutefois, il y a peu de coordination entre elles, en raison de la non application des textes et du manque de volonté politique et de moyens humains et financiers. Le Programme des nations unies pour le développement rencontre peu de succès dans ce domaine en Serbie, où la population craint la police. En outre, selon Laurent Gonçalves, le mode de rémunération de la collecte d’armes nécessite une remise à plat, car leur vente à un trafiquant rapporte davantage.

Dispositif français. Selon Philippe Nobles, la réponse aux attentats de 2015 s’est traduite par : l’instauration de l’état d’urgence ; les enquêtes sous pseudonyme ; la « « cyberpatrouille » ; l’infiltration des réseaux ; les « coups d’achat d’ALPC avec présomption du caractère organisé du trafic et peines aggravées ; les observations transfrontières avec les douaniers. D’autres mesures incluent : le renfort de la collecte et de l’analyse du renseignement avec bases de diffusion sur les trafics d’APLC, fichiers et liaison avec Europol ; la centralisation de l’analyse stratégique des attachés de sécurité intérieure ; la création d’une unité de police de renseignement franco-serbe, bientôt suivie d’une unité similaire en Bosnie-Herzégovine en 2017.

Loïc Salmon

La Douane : actions tournées vers la défense et l’international

Lutte contre le trafic de drogue : réponse internationale

Les flux d’armes légères des réseaux criminels partent de la Serbie et des zones frontalières avec le Kosovo, le Monténégro, la Macédoine et la Bulgarie. Nils Duquet a répertorié les fusillades de masse en Europe entre 2009 et 2015 : mars 2009, 15 morts en Allemagne ; décembre 2009, 5 morts en Finlande ; juin 2010, 12 morts en Grande-Bretagne ;  août 2010, 7 morts en Slovaquie ; juillet 2011, 67 morts en Norvège ; septembre 2011, 6 morts aux Pays-Bas ; décembre 2011, 6 morts en Belgique ; mars 2012, 4 morts en France (Toulouse et Montauban) ; avril 2012, 5 morts en Macédoine ; septembre 2012, 4 morts en France (Chevaline) ; février 2013, 4 morts en Suisse ; avril 2013, 13 morts en Serbie ;  mai 2014, 4 morts en Belgique ; novembre 2014, 4 morts en Albanie ; janvier 2015, 17 morts en France (Paris) ; février 2015, 8 morts en République Tchèque ; mai 2015, 4 morts en Italie ; août 2015, 4 morts en France (Roye) ; novembre 2015, 130 morts en France (Paris).




Mexique : ambition économique mais violence récurrente

Très dépendant des Etats-Unis, le Mexique souhaite devenir la 6ème puissance économique mondiale, mais ne parvient pas à réduire une corruption endémique et une insécurité croissante.

Un groupe d’auditeurs de l’Association des auditeurs de l’Institut des hautes études de défense nationale s’est rendu sur place du 19 au 30 janvier 2018 et y a rencontré des responsables officiels et d’organisations non gouvernementales.

Les atouts économiques. Deuxième économie d’Amérique latine et quinzième dans le monde, le Mexique dispose d’un vaste marché intérieur. La croissance économique, solide et continue, de ces dernières années lui a permis de passer de la mono exportation de matières premières, surtout de pétrole, à la fabrication de produits à haute valeur ajoutée, notamment dans le secteur automobile. Quoique son économie soit fortement liée à celle des Etats-Unis, le Mexique compte le Canada et la Chine comme principaux clients et le Japon et la Chine comme principaux fournisseurs. Membre du GATT (1986), de l’ALENA (1994) et de l’OCDE (1994), il a conclu 45 accords de de libre-échange. Sur le plan régional, il en négocie un avec le Brésil et l’Argentine. Avec le Chili, la Colombie et le Pérou, il a constitué « l’Alliance du Pacifique » (Panama et Costa Rica observateurs) pour contrebalancer le « Mercosur », qui regroupe l’Argentine, le Brésil, le Paraguay et l’Uruguay (Mexique observateur). En mars 2018, il a signé le nouveau « Partenariat Trans-Pacifique », dont les Etats-Unis se sont déjà retirés. Cet accord implique dix autres pays : Australie, Brunei, Canada, Chili, Japon, Malaisie, Nouvelle-Zélande, Pérou, Singapour et Viêt Nam. Enfin, le Mexique et l’Union européenne ont signé, en avril 2018, un « accord de principe » pour moderniser et élargir le traité de libre-échange de 2000.

Le « grand voisin » nord-américain

Les relations avec les Etats-Unis, toujours ambigües, se caractérisent par une interdépendance indéniable et un pragmatisme nécessaire. Les Etats-Unis restent un partenaire obligé, tant sur le plan commercial que social, mais difficile en raison du contexte historique et de la politique de l’administration Trump. Parmi les 55 millions de Latino-Américains résidant aux Etats-Unis, figurent 30-35 millions de Mexicains. En 2015, les transferts de devises des migrants mexicains auraient été supérieurs aux revenus du pétrole. Le Consulat général américain de Monterrey délivre le plus grand nombre de visas de travail : 500.000 chaque année ! Les Etats-Unis sont certes consommateurs des drogues qui transitent par le Mexique, « entretenant » ainsi les trafics. Mais ils sont aussi les principaux pourvoyeurs d’armes au Mexique qui alimentent une violence déjà très forte. Il existe 9.000 points de vente d’armes à la frontière du Texas. Les migrants qui se rendent, illégalement, aux Etats-Unis seraient surtout des ressortissants d’Amérique centrale (Honduras, Guatemala et Salvador) et d’Amérique du Sud en transit par le Mexique, par l’entremise de cartels de « passeurs ». Le Mexique ne pourra résoudre seul ce problème et aura besoin de la coopération des Etats-Unis. Malgré les vicissitudes et difficultés actuelles, 120 ans de relations bilatérales ne peuvent cesser brutalement. Les 3.200 km de frontière commune ont forgé des liens forts et une longue histoire d’échanges, plus que de séparation et d’opposition. En outre, la situation sécuritaire ne pourra s’améliorer si les relations économiques se détériorent.

La sécurité en question. Les autorités mexicaines reconnaissent l’insécurité générale dans le pays. Toutefois, les résultats de la lutte contre la violence semblent surestimés au regard des chiffres rendus publics, notamment par les organisations non gouvernementales (ONG). Le discours officiel, très mesuré, reconnaît, certes, une violence liée à la drogue et aux trafics divers, mais la relativise pour la mettre en parallèle avec la violence ordinaire. La corruption est endémique, condamnée et dénoncée, mais ne semble pas vraiment combattue. Généralisée, notamment dans la police et la justice, elle profite de l’impunité. Ainsi, 70-80 % de la population admet avoir dû payer un « pot de vin » en 2016. Cela induit un manque de confiance dans les institutions et dans les partis politiques : ainsi 97% des victimes de crimes et délits ne porteraient pas plainte… Selon certaines ONG, le niveau d’insécurité au Mexique correspond à celui d’un pays en guerre. Cependant la lutte menée par les gouvernements fédéraux successifs, depuis le début des années 2000, n’a pas éradiqué la violence, mais ne semble pas non plus soutenue par toutes les composantes de la classe politique. Les controverses au sujet de la loi sur la sécurité intérieure, votée en décembre 2017, font apparaître les contraintes posées par le régime fédéral du pays et amènent à s’interroger sur ce qui fait finalement l’unité du Mexique. Les deux ministères en charge de la « Défense », à savoir le secrétariat à la Défense (armées de Terre et de l’Air) et le secrétariat à la Marine, jouent sans doute un rôle politique stabilisateur et fédérateur non négligeable. Mais certains s’interrogent sur la compatibilité de cette loi avec la constitution, dont l’article 21 affirme la séparation des pouvoirs et la seule responsabilité du pouvoir civil en matière de sécurité intérieure. La question se pose de savoir si ces dispositions, destinées à faire obstacle aux « pronunciamentos » (putschs ou coups d’Etat militaires) fréquents en Amérique latine, sont applicables dans les cas de « circonstances exceptionnelles », où la sécurité publique et la sécurité intérieure sont menacées. Le développement économique du Mexique, quoique patent depuis plusieurs années, ne profite pas à tous. Le grand défi à relever reste le partage équitable des richesses.

Hélène Mazeran

 Les relations entre la France et le Mexique, liées à l’émigration française au XIXème siècle, sont aujourd’hui confortées par un partenariat stratégique. Lors de sa visite en novembre 2017, le ministre français des Affaires étrangères, a proposé une évolution du statut de « partenaire » à celui « d’allié » et le président de la République est attendu au Mexique en 2019. En outre, la France et le Mexique ont des approches communes au sein des instances multilatérales, en matière de gouvernance mondiale et de maintien de la paix. Le Mexique développe sa participation aux opérations de maintien de la paix en coordination avec la France. Il s’intéresse aussi à l’OTAN en tant qu’observateur. Enfin, sur le plan économique, la relation du Mexique avec la France, bien que de second rang derrière les Etats-Unis, devrait pouvoir se développer avec notamment la présence de 500 grands groupes français et des opportunités pour les petites et moyennes entreprises.

 




Trafics d’armes légères : la lutte contre les filières terroristes

Enjeu mondial de sécurité, la lutte contre les transferts clandestins d’armes à feu légères implique la prise en compte de la situation en fin de conflit, la mise en place de réseaux de renseignements, l’échange d’informations et l’élaboration de procédures en matière de traçabilité.

Ce thème a été traité lors d’un colloque organisé, le 31 janvier 2018 à Paris, par la Direction générale des relations internationales et de la stratégie du ministère des Armées, le Groupe de recherche et d’information sur la paix et la sécurité et l’Institut de relations internationales et stratégiques. Y sont intervenus : l’ambassadeur Jean-Claude Brunet, président désigné de la 3ème conférence de révision du Programme d’action des Nations unies sur les d’armes légères et de petits calibres (ALPC) prévue à New York du 18 au 29 juin 2018 ; l’ambassadeur Eric Danon, ministère des Affaires étrangères.

Diminuer l’incertitude. Depuis la fin de la guerre froide (1947-1991), les conflits intra-étatiques se multiplient, entraînant circulation et vols des stocks gouvernementaux d’ALPC, rappelle Jean-Claude Brunet. Les failles dans leur contrôle, pendant et après les conflits, et le crime organisé en facilitent les trafics qui alimentent les organisations terroristes, actives en Europe, dans les Balkans et en Afrique. Actuellement, 850 millions d’ALPC en circulation dans le monde tuent ou blessent 500.000 personnes par an, soit 90 % des victimes des conflits. Le secrétaire général de l’ONU, Kofi Annan (1997-2006), les avait qualifiées d’armes de destruction massive et avait lancé un programme d’action adopté, par consensus, par l’assemblée générale en 2001 (voir encadré). Le premier degré de responsabilité, nationale, se situe au niveau des forces armées et de sécurité et autres agences d’application de la loi. Chaque Etat partie doit mettre en œuvre une législation en ce sens. Sur la base du volontariat, il doit publier un rapport annuel d’évaluation des besoins de coopération et d’assistance, assorti de mesures pratiquement contraignantes. Depuis 2001, des progrès significatifs ont été constatés dans de nombreux Etats en matière de contrôle et d’assistance. Toutefois, l’insuffisance de coordination persiste entre police, douane, justice et forces armées. De plus, le contrôle des exportations d’ALPC reste aléatoire. La 3ème conférence de révision du programme d’action de l’ONU, qui doit réunir 193 Etats, s’inscrit dans une stratégie globale impliquant l’Union européenne (mesures de coopération européennes et bilatérales) et l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (Balkans). Elle doit définir des normes en termes d’engagement et d’échange de bonnes pratiques de contrôle et faciliter le dialogue entre forces armées et de sécurité, industriels et experts apportant un éclairage scientifique et technique, en vue de préserver la crédibilité du programme. La France, qui en assure la présidence, en a fixé les priorités, indique l’ambassadeur Brunet : amélioration de la lutte contre le détournement des ALPC ; prévention de leurs production et transformation par les nouvelles technologies (impression en 3 D et commerce par internet) ; coordination et efficacité de l’assistance. Cela implique l’inclusion des munitions et une synergie entre le programme de l’ONU et les autres instances internationales, notamment le protocole sur les armes à feu (2001) et le traité sur le commerce des armes (TCA, 2014), qui n’a pas encore de portée universelle.

Renforcer le dispositif. Autrefois, la violence résultait des guerres entre Etats forts, alors qu’aujourd’hui elle se manifeste par les importations d’armes dans les Etats déliquescents, explique Eric Danon. Le TCA vise à réguler leur mondialisation. La course aux armements converge vers le Moyen-Orient, où se trouvent de nombreux vendeurs. Avec 24 millions d’habitants, l’Arabie saoudite occupe la première place des importateurs avec l’Inde, qui en compte…1,26 milliard. Au bout de quelques mois, la traçabilité de ces armes, pourtant achetées légalement, disparaît et une partie va se disperser parmi les groupes armés terroristes. Le TCA engage l’Etat producteur, qui l’a ratifié, à vérifier qu’une exportation d’armes à feu correspond bien à la vente à un Etat déterminé et sans réexportation ultérieure. Les marquages et traçages permettent de remonter les filières de provenance et de complicités et les registres nationaux et internationaux d’établir l’écosystème terroriste. Il s’agit d’éviter la dissémination des ALPC dans une zone de guerre ou en situation de « post-conflit », où les populations les conservent en vue de trafics dans le monde entier (ex-Yougoslavie et Afghanistan). Les groupes terroristes utilisent aussi armes blanches, bombes, ou voitures-béliers contre une foule et recourent aux attentats suicides, mais font proportionnellement plus de victimes avec les ALPC. Il s’agit donc de lutter contre l’accès à leurs filières, alors qu’il n’existe pas encore de convention relative à la lutte contre le terrorisme par ALPC, indique l’ambassadeur Danon. Leur achat reste en effet légal dans certains pays, dont les Etats-Unis. La saisie d’un stock d’armes, achetées à des pays occidentaux, constitue une prise de guerre pour les groupes terroristes (Daech en Irak). Des armes fournies, par ces mêmes pays occidentaux, à une minorité de « résistants » suffit à les qualifier de « terroristes » par le régime en place (Kurdes en Syrie et en Turquie). Des armes à feu en provenance des Balkans ont été utilisées lors des attentats de 2015 en France, où la législation porte sur les trafics venant de l’extérieur du territoire national et mobilise les services de renseignement. Certaines armes neutralisées peuvent être remises, sur place, en état de fonctionner par l’impression en 3 D de la pièce manquante, ouvrant la voie aux trafics de logiciels. En outre, des ALPC, acquises clandestinement, peuvent être transformées, par exemple par l’achat légal d’un appareil de visée pour en améliorer la portée. Par ailleurs, certains grands pays exportateurs n’ont pas encore ratifié diverses conventions sur les armes. Souvent très spécifiques, ces dernières impliquent une coopération entre Etats et une entraide judiciaire, mais la moitié des pays membres de l’ONU ne peuvent les mettre en œuvre, faute de connaissances et de moyens techniques suffisants.

Trafics d’armes : fin de crise, embargos, désarmement et consolidation de la paix

Terrorisme : évolutions stratégiques et sociologiques

Loïc Salmon

Adopté en 2001, le Programme d’action des Nations unies de prévention, lutte et éradication du trafic illicite des armes légères et de petit calibre (ALPC) et présente les mesures à prendre aux niveaux national, régional et mondial. Elles portent sur : la législation sur les divers aspects de la production, du transfert et du détournement des ALPC ; le marquage, le stockage de données et la traçabilité ; la gestion des stocks et leur sûreté ; l’identification et la destruction des surplus ; les transferts internationaux ; le courtage ; l’information du public ; les programmes de désarmement, démobilisation et réinsertion ; la coopération et l’assistance internationale pour faciliter la mise en œuvre de ce programme. Souple et non contraignant, ce dernier a été complété par d’autres instruments juridiques. Ainsi, le Traité sur le commerce des armes (2014) inclut, pour les Etats parties, l’obligation d’établir des normes communes pour le transfert international d’armes conventionnelles.




Afrique : exercice majeur sur la sécurité maritime régionale

Dans le cadre de l’action de l’Etat en mer, 29 pays, dont la France, participent à l’exercice « Grand African NEMO », qui se déroule du 2 au 7 novembre 2021 dans le golfe de Guinée sur une zone maritime allant du Sénégal à l’Angola.

Cet exercice annuel, le 4ème depuis 2018, vise à partager les savoir-faire et améliorer le niveau opérationnel en matière de lutte contre la pêche illégale, la piraterie, la pollution maritime, les trafics illicites et le sauvetage en mer.

« Grand African NEMO ». Nation pilote, la France y déploie un avion de surveillance maritime Falcon 50 de la flottille 24 F et la frégate de surveillance Germinal, actuellement sur zone dans le cadre de l’opération « Corymbe ». « Grand African NEMO » mobilise une trentaine d’unités de surface (frégates, patrouilleurs et embarcations rapides) et cinq aéronefs (avions et hélicoptères) des Marines des 19 pays riverains, à savoir Angola, Bénin, Cameroun, Cap Vert, Congo, Côte d’Ivoire, Gabon, Gambie, Ghana, Guinée, Guinée-Bissau, Guinée Equatoriale, Liberia, Nigeria, République démocratique du Congo, Sao-Tomé et Principe, Sénégal, Sierra-Léone et Togo. S’y ajoutent 5 bâtiments de surface, 1 avion de surveillance maritime et des observateurs à terre de France, d’Espagne, de Grande-Bretagne, d’Italie, du Brésil, des Etats-Unis, du Portugal, du Danemark, de Belgique et du Maroc. Cet exercice contribue au renforcement de l’architecture de coopération interrégionale, issue du sommet sur la sécurité maritime de Yaoundé (2013). Cette architecture repose sur trois piliers juridiques : le code de conduite ; la déclaration des chefs d’Etat et de gouvernement ; le mémorandum d’entente entre les organisations régionales. Au cours de « Grand African NEMO », le programme GoGIN de l’Union européenne doit valider l’emploi opérationnel du système d’informations Yaris, développé au profit des Etats Côtiers de la CDEAO (Communauté économique des Etats d’Afrique de l’Ouest) et de la CEEAC (Communauté économique des Etats d’Afrique centrale). Enfin, l’Office des nations unies contre la drogue et le crime s’associe à l’exercice.

Opération « Corymbe ». Le golfe de Guinée, qui s’étend sur 5.707 km de côtes, constitue une zone riche en minerais et en ressources halieutiques, pétrolières et gazières. Il concentre le quart du trafic maritime autour de l’Afrique avec 400 navires de commerce en transit par jour. Depuis 1990, la France y déploie un ou deux bâtiments de façon quasi permanente dans le cadre de la mission « Corymbe ». Celle-ci vise d’abord à protéger les ressortissants français par la présence d’un bâtiment en mesure d’effectuer une évacuation d’urgence et d’appuyer les opérations françaises à terre. Ensuite, elle soutient les pays riverains du golfe de Guinée dans la sécurisation de leurs approches maritimes, conformément au processus de Yaoundé. Enfin, elle renforce la coopération internationale dans la zone. Les unités de la Marine nationale bénéficient de l’appui des forces pré-positionnées au Sénégal (350 militaires), en Côte d’Ivoire (600 militaires) et au Gabon (450 militaires) et du réseau des coopérants militaires français intégrés aux Marines riveraines. L’opération « Corymbe » inclut systématiquement des formations dans les domaines techniques et opérationnels, lors des escales et à la mer. Des embarquements sont proposés aux officiers africains pendant les transits entre deux escales. Des patrouilles opérationnelles communes permettent d’accompagner et de soutenir directement les pays africains partenaires dans le contrôle de leur zone économique exclusive.

Loïc Salmon

Golfe de Guinée : sécurité et sûreté en mer et à terre

Afrique : coopération française en matière de sécurité maritime

Afrique : Ghana et Togo, face à leurs vulnérabilités

 




Sécurité : exposition « Les sciences du crime » au musée de la Gendarmerie

Avec ses moyens techniques importants et ses méthodes en amélioration constante, les experts de l’Institut de recherche criminelle de la gendarmerie nationale (IRCGN) apportent les éléments, vérifiables, qui amènent à la décision pénale relative à un crime.

Récolter et exploiter. L’exposition présente le cheminement qu’empruntent ses 250 experts pour traiter 600 dossiers/jour. « Tout est démontrable, tout est réfutable, il n’y a pas de magie », a expliqué à la presse, le 6 octobre 2016 à Melun, le colonel Patrick Touron, directeur de l’IRCGN. La première phase consiste à récolter les indices sur la scène d’infraction, en vue d’une recherche et d’une exploitation en laboratoire (photo). L’enquêteur sélectionne les indices pour éviter les risques de manipulation. Ensuite, il s’agit de déterminer leur traçabilité pour qu’ils ne soient pas remis en question. Mieux qu’une photo argentique, une image numérisée permet de prendre une distanciation par rapport à la scène. L’examen du système informatique d’un véhicule détermine l’origine, fortuite ou criminelle, d’un « accident » de la route. A cet effet, l’IRCGN entretient des relations avec les constructeurs de véhicules et d’équipements. La deuxième phase porte sur l’identification de la victime. Une trace de sang donne une information technique et le degré d’intensité qui accompagne un geste et caractérise sa violence éventuelle. Chaque jour, cinq experts partent sur le terrain pour examiner des projections de sang ou des traces de transfert. En cas de catastrophe aérienne, l’identification des cadavres ne pose pas trop de difficultés, car le pilote aura toujours essayé de se poser avant. Mais lors d’un crash délibéré, les corps sont dispersés et disloqués en plusieurs morceaux. Depuis les années 1990, l’IRCGN projette quotidiennement une équipe auprès des forces armées en opération extérieure. Enquête sur place et exploitation en laboratoire forment un tout cohérent. Il faut savoir prélever un indice, le transporter et le conserver longtemps. Tous les laboratoires de la Gendarmerie sont accrédités auprès du Comité français d’accréditation. N’importe quel expert accrédité obtient le même résultat et il doit avoir l’humilité de se faire contrôler par d’autres experts internationaux, souligne le colonel Touron. Aujourd’hui, capteurs numériques et minidrones facilitent le recueil d’indices. Demain, les nanotechnologies permettront de découvrir les vestiges d’empreintes digitales. Chaque année, la Gendarmerie découvre plus de 700 cadavres. En 2015, l’IRCGN a traité 175.162 dossiers. Ses experts apportent leur concours aux diverses administrations, notamment en matière de cybercriminalité, vidéosurveillance, fraude documentaire, engins explosifs improvisés, interventions en milieu contaminé et produits de marquage dans la protection des biens. Par ailleurs, l’IRCGN assure une trentaine de formations par an à des stagiaires étrangers.

Travail pluridisciplinaire. L’IRCGN couvre l’ensemble du champ de la criminalité. L’identification de la victime permet de comprendre le mobile, d’orienter l’enquête et, à  ses proches, de faire leur deuil. Celle du coupable débouche sur une sanction judiciaire, en vue d’interdire toute récidive. Les identifiants primaires sont constitués par les dents, les empreintes digitales et surtout les traces ADN, dont 100.000 échantillons sont analysés chaque année. La « morpho-analyse » des traces de sang recourt à la chimie, la biologie et la dynamique des fluides pour déterminer les circonstances du déroulement des faits. Des logiciels étudient les trajectoires des projections de sang et des modélisations sont réalisées en 3 dimensions. Un département de l’IRCGN étudie la faune et la flore qui se développent sur un cadavre en décomposition, entre 3 jours et plus de 8 ans après le décès. La moitié des saisines en entomologie effectuées en Europe passe par l’IRCGN. L’analyse des pollens retrouvés conduit à des hypothèses sur la zone géographique de la mort et le déplacement du corps et prouve même la présence du criminel. Les scellés biologiques sont conservés pendant 40 ans pour couvrir la durée des procédures judiciaires successives et profiter de l’évolution des technologies qui révéleront de nouveaux indices. Les analyses physiques et chimiques des traces d’un individu constituent un ensemble corroboratif, qui signe sa présence et ses actions. La Cellule nationale nucléaire, radiologique, biologique et chimique intervient dans un milieu radioactif ou lors d’une contamination de l’environnement par l’usage d’armes chimiques ou la fuite de matières dangereuses dans une usine ou une fosse sceptique. Elle a mis au point des techniques d’autopsie en environnement pollué. La lutte contre la pédophilie a permis de développer une expertise en matière d’ingénierie numérique et de cybercriminalité. Ainsi, indices et preuves sont extraits des téléphones portables, clés USB, DVD, disques durs d’ordinateurs, GPS, terminaux de paiements électroniques et enregistrements sonores.

Capacités de projection. Dans une affaire complexe, sensible ou de grande ampleur, les magistrats font appel à l’Unité nationale d’investigation criminelle, disponible en permanence et projetable sur tout le territoire national et à l’étranger. Unité de circonstance, elle est modulable en fonction du type de scène de crime à traiter et des besoins du directeur d’enquête. Dotée de chiens de recherche de cadavre et de techniciens en identification subaquatique, elle dispose d’un laboratoire d’analyse projetable au plus près de la zone de travail. Autre entité de circonstance, l’Unité gendarmerie d’identification des victimes de catastrophe intervient pour la collecte de renseignements avant et après la mort d’un nombre important de victimes d’un désastre, naturel ou accidentel. Créée en 1992, elle a été mobilisée notamment pour l’affaire du Temple Solaire en 1995 (Vercors, 16 victimes), le crash du Concorde en 2000 (Gonesse, 117), le tsunami de 2004 (Asie du Sud-Est, 184.000), le crash de l’Airbus A320 d’Air France en 2009 (océan Atlantique, 228), celui de l’Airbus A320 de Germanwings en 2015 (Alpes françaises, 150) et la fusillade suivie de la prise d’otages à l’hôtel Radisson Blu de Bamako en 2015 (Mali, 22).

Loïc Salmon

Gendarmerie : un musée national directement accessible

Sécurité : l’usurpation d’identité, un risque mal maîtrisé

Sécurité : la contrefaçon et ses conséquences économiques, sanitaires et criminelles

L’exposition « Les sciences du crime » (7 octobre 2016-17 avril 2017) est organisée par le musée de la Gendarmerie de Melun. Ce dernier a accueilli 1.400 visiteurs aux journées du patrimoine (17-18 septembre 2016). Quelque 30 pièces de collection, présentées en vitrine, côtoient un microscope électronique à balayage pour voir les résidus de tir sur une personne, un scanner-laser pour la modélisation en 3 dimensions de scènes de crime, des kits de prélèvement d’indices, des armes à feu et des ossements. Textes et  photos présentent le fonctionnement de l’Institut de recherche criminelle de la gendarmerie nationale. Le visiteur peut même mener des investigations sous forme ludique. Après le colloque international sur la  criminalistique en octobre, des rencontres avec des experts sont prévues de novembre 2016 à avril 2017.(www.gendarmerie.interieur.gouv.fr/musee)