Sûreté en mer : enjeux de puissance et de souveraineté

En 2019, la piraterie et le brigandage maritime ont augmenté dans le golfe de Guinée, mais se sont stabilisés en Asie du Sud-Est. La piraterie reste faible au large de la corne de l’Afrique, mais le brigandage s’est accru dans les Caraïbes.

Ce constat, dressé par le premier rapport annuel du « MICA Center » (Centre d’expertise français à compétence mondiale dédié à la sûreté maritime), a été rendu public par la Marine nationale le 6 janvier 2020.

Approches maritimes menacées. Le terme « approche maritime » désigne la portion d’espace maritime qui inclut la zone économique exclusive en face d’un pays côtier donné. Se situant en général également au large du territoire d’autres Etats, cet espace peut connaître des attaques de pirates venant d’autres pays. Le rapport établit une liste des dix principales approches maritimes touchées par la piraterie et le brigandage avec le nombre d’événements en 2019 : Nigeria, 54 ; La Grenade, 30 ; Indonésie, 30 ; Saint Vincent et Grenadines, 18 ; Malaisie, 16 ; Panama, 12 ; Cameroun, 11 ; Venezuela, 7 ; Pérou, 6 ; Colombie, 6. La « piraterie » se définit comme un acte de violence commis en haute mer à des fins privées et hors des eaux territoriales. Voici le bilan par zone en 2019 avec une comparaison avec l’année la plus touchée : Asie, moins de 50 événements en 2019 contre 250 en 2015 ; Afrique de l’Ouest, environ 60 contre 90 en 2014 ; Afrique de l’Est, moins de 5 contre 10 en 2014 ; Amérique latine, moins de 5 contre 10 en 2017. Le « brigandage » correspond à un acte illicite, commis à des fins privées, contre un navire, des personnes ou des biens à son bord dans les eaux intérieures, les eaux archipélagiques ou la mer territoriale d’un Etat. Voici le bilan par zone en 2019 avec une comparaison avec l’année la plus ou la moins touchée : Asie, un peu plus de 40 contre un peu moins de 140 en 2014 ; Amérique latine, environ 110 contre moins de 40 en 2014 ; Afrique de l’Ouest, un peu moins de 60 contre 25 en 2014 ; Afrique de l’Est, moins de 5 contre moins de 10 en 2017. La forme des actes de piraterie ou de brigandage varie selon les régions et les saisons : enlèvement des membres d’équipage à des fins de rançon ; détournement de navires pour servir de bâtiment mère ; vol de la cargaison, notamment d’hydrocarbures ; vols avec violence ou larcins, dont les criminels peuvent tirer profit comme les accessoires du navire ou les biens personnels de l’équipage.

Coopération navale. Le MICA Center centralise les alertes en cas d’attaque, diffuse l’information utile vers les navires présents sur la zone, pour leur permettre de se protéger, et les centres compétents pour déclencher une intervention chaque fois que c’est possible. En outre, il évalue la situation sécuritaire dans les différentes zones, grâce aux signalements volontaires, et publie des bilans réguliers. La cellule « golfe de Guinée » assure le suivi et le traitement des actes de piraterie et de brigandage à partir de Brest et de Portsmouth. En effet, l’accord franco-britannique MDAT-GoG combine la connaissance de la région de la Marine française et son savoir-faire en matière de contrôle naval avec l’expertise technique britannique. Environ 950 navires sont enregistrés au MDAT-GoG, pour un suivi quotidien de 430 navires en moyenne. Pour la Corne de l’Afrique, le MICA Center héberge, à Brest, la cellule MSC-HOA, subordonnée au commandement, à Rota (Espagne), de l’opération européenne « Atalante » de lutte contre la piraterie en océan Indien. Le MICA Center entretient aussi des relations avec des organismes similaires à Singapour, en Inde et à Madagascar.

Loïc Salmon

Opération « Atalante » : bilan du commandement français

Golfe de Guinée : sécurité et sûreté en mer et à terre

303 – Dossier : “La piraterie… contenue, mais pas éradiquée”




Terrorisme : mobilisation internationale publique et privée contre son financement

Pour lutter contre le financement du terrorisme, l’ONU enjoint les Etats à se doter de listes de gels d’avoirs et autorise des sanctions contre des organisations terroristes. Celles-ci reposent sur des spécificités locales mais profitent de facilités, voire de carences, au niveau international.

Cet aspect a été abordé au cours du Forum parlementaire sur la sécurité et le renseignement organisé, le 20 juin 2019 à Paris, par l’Assemblée nationale et le Sénat. Y sont notamment intervenus : Patrick Stevens, directeur du service de contre-terrorisme d’Interpol ; Emanuele Ottolenghi, Fondation pour la défense des démocraties ; Brahim Oumansour, chercheur à l’Institut de relations internationales et stratégiques ; Duncan Hoffman, directeur chez Chainalysis.

L’action d’Interpol. Les 194 pays membres d’Interpol travaillent sur le financement du terrorisme en établissant des liens entre les cibles et en fusionnant les renseignements sur les activités suspectes, indique Patrick Stevens. Pour les enquêtes conventionnelles, une plateforme permet de partager les informations avec les acteurs présents en Syrie, en Irak et au Mali. En cas d’attentat au Kenya ou au Sri Lanka, cela peut apporter une valeur ajoutée en approfondissant des enquêtes sur les réseaux sociaux. Des banques de données existent sur : les noms des personnes recherchées, dont 50.000 combattants étrangers en 2019 contre 8.000 en 2016 ; les bagages abandonnés ; les renseignements biométriques (8.000 en 2016). Interpol apporte son aide pour la constitution de bases biométriques en Syrie, en Irak et au Mali. La collecte de preuves sur le champ de bataille a permis des enquêtes, qui ont conduit à de nombreuses arrestations. Les banques de données vont inclure les noms de personnes incarcérées pour lien avec le terrorisme et qui restent radicalisées après leur sortie de prison. En matière de financement, Interpol émet des « notices » sur les bonnes pratiques, partagées avec le Groupe Egmond. Il existe une notice spéciale relative à la base de données de l’ONU sur les armes saisies par les armées et celles saisies sur des personnes qui voyagent. Enfin, les banques ont accès à 90.000 documents rédigés par Interpol

Les réseaux du Hezbollah. Le groupe islamiste chiite Hezbollah, considéré comme terroriste notamment par les Etats-Unis et l’Union européenne, a combattu contre l’Etat islamique (EI) en Syrie et en Irak et intervient contre Israël, à partir du Liban, et au Yémen. En Amérique latine, il s’appuie sur l’importante diaspora libanaise chiite pour établir des réseaux de trafics de drogue, d’êtres humains, d’armes et de diamants, explique Emanuele Ottolenghi. Pour se constituer une façade légitime, il y investit dans les mosquées, écoles, centres culturels et associations caritatives. Grâce à ses réseaux de sympathisants, il a conclu des alliances avec les autorités et mouvements politiques locaux. Ses représentants permanents coordonnent les circuits commerciaux, exigent des contributions, recourent à l’extorsion de fonds envers les récalcitrants et assurent les transferts financiers. La plus grande communauté libanaise d’Amérique du Sud se trouve dans la « zone des trois frontières » entre le Paraguay, le Brésil et l’Argentine. Ces trois pays ne considèrent pas le Hezbollah comme une organisation terroriste et seul le Brésil dispose d’une législation contre le financement du terrorisme. Cette zone, traversée par 100.000 personnes/jour et 40.000 véhicules/semaine, est desservie par trois aéroports internationaux et reliée par routes aux principaux ports régionaux et à l’hinterland industriel. Trois juridictions, diverses langues (anglais, espagnol, chinois et persan), plusieurs monnaies (dont le dollar et l’euro) et peu de contrôle aux frontières facilitent la contrebande. Les transactions financières illicites ont atteint 18 Mds$ en 2017, grâce à la zone franche de Ciudad Del Este, la troisième du monde pour le commerce de détail après Hong Kong et Miami. Des entreprises locales, liées au Hezbollah, achètent des produits bon marché en Chine et Hong Kong, par l’intermédiaire de sociétés américaines installées à Miami qui les transportent par avions cargos directement à Ciudad Del Este ou à Asuncion (Paraguay), Montevideo (Uruguay) et Campinas (Brésil) puis par camions à Ciudad Del Este, pour y être revendues. En outre, l’Iran apporte un soutien direct au Hezbollah par ses propres réseaux latino-américains, déploie des agents du Corps des gardiens de la révolution islamique et s’appuie sur les agents de l’Organisation extérieure de sécurité du Hezbollah pour des actions coordonnées.

L’approche globale. La déstabilisation de l’Irak et de la Syrie a induit la montée du terrorisme et non pas l’inverse, souligne Brahim Oumansour. Entre 2000 et 2007, l’EI n’a revendiqué que 5,3 % des attentats dans le monde et Al Qaïda 1,9 %. Des facteurs spécifiques à chaque pays se trouvent à l’origine de la radicalisation politique dans une zone soumise à un conflit interétatique ou à la faiblesse de l’Etat. Nécessité financière et besoins en armes et équipements motivent l’allégeance de groupes locaux au terrorisme international (EI et Al Qaïda). Par ailleurs, l’effondrement du régime irakien a servi les desseins de l’EI et le conflit religieux, entre chiites et sunnites, ceux de l’Arabie saoudite et de l’Iran. En Libye, à la guerre civile entre milices islamistes et tribales se superposent des rivalités internationales entre Egypte, Emirats arabes unis, Qatar et Turquie. Toutefois, l’opération militaire transnationale, réussie, contre l’EI en Libye, doit être suivie par un retour au dialogue et à la réconciliation pour éviter la pérennisation des conflits entre minorités et autorités centrales, estime Brahim Oumansour. Mais cette sécurité apparente ne règle pas les conflits sociaux latents. Dans les pays touchés par le terrorisme majoritairement musulman, il s’agit d’éviter le sentiment d’exclusion. Parmi les 8.000 djihadistes maghrébins partis combattre en Syrie depuis 2013, 6.000 sont venus de Tunisie, 2.000 du Maroc et…78 d’Algérie, où des réformes économiques ont éradiqué les bidonvilles et des programmes sociaux ont réduit la menace terroriste. En Tunisie, l’Etat et son appareil sécuritaire restent fragiles.

Loïc Salmon

En 2018, l’activité économique des crypto-monnaies s’est montée à 1.242 Mds$, dont 812 Mds$ de Bitcoins et 430 Mds$ d’Ethereums, indique Duncan Hoffman. Seulement 1,6 Md$ ont été utilisés à des fins criminelles, dont 1 Md$ volé par les hackers et 500 M$ envoyés dans les « darknets » (réseaux anonymes). Plus rapide que le blanchiment d’argent, les chantages et demandes de rançons, effectués par des hackers d’Europe de l’Est disposant d’algorithmes très sophistiqués, portent sur des cibles de haute valeur financière ou de données sensibles, des agences gouvernementales, des contractants de défense, des campagnes électorales et des organisations privées vulnérables sur le plan informatique. Les hackers « étatiques » de Russie, d’Iran et de Corée du Nord veulent des gains financiers mais cherchent aussi à créer des perturbations politiques dans les pays visés.

Terrorisme : menace transnationale et moyens financiers considérables

Sécurité : Israël et la France, face au terrorisme islamiste

Sécurité : le renseignement dans la lutte contre le terrorisme




Chine : routes de la soie, un contexte stratégique global

Le vaste projet chinois des nouvelles routes de la soie se présente sous une forme davantage géopolitique que commerciale avec, à terme, plus de menaces que d’opportunités.

Ce thème a été abordé lors d’un colloque organisé, le 23 mai 2019 à Paris, par les Club HEC Géostratégies, l’Association des auditeurs IHEDN région Paris Ile-de-France et l’Association nationale des auditeurs jeunes de l’Institut des hautes études de défense nationale. Y sont notamment intervenus : Etienne de Durand, directeur adjoint de la Direction générale des relations internationales et de la stratégie au ministère des Armées ; Hubert Védrine, ancien ministre des Affaires étrangères (1997-2002) ; Emmanuel Véron, enseignant chercheur à l’Ecole Navale ; Christoph Ebell, Emerging Technology Consultant.

Environnement à risques. Selon Etienne de Durand, la course aux armements a repris avec des programmes majeurs en développement en Russie, une rivalité technologique entre les Etats-Unis et la Chine et une accélération du progrès technologique. La compétition permanente entre grandes puissances, toutes nucléaires, se manifeste le long du « continuum paix, crises et conflit », mais souvent sous le seuil de ce dernier par des intrusions voire des agressions non revendiquées, notamment dans l’espace (approches des satellites nationaux) et le cyber (attaques quotidiennes). Elle s’étend même à l’économie et à la technologie. Les espaces communs sont de plus en plus contestés avec des velléités ou même tentatives d’appropriation par la revendication de territoires ou, en haute mer, par la poldérisation d’îles avec obligation de se déclarer pour tout navire qui s’en approche. Cette compétition présente des risques d’escalade, avec un arrière-plan nucléaire. Puissance devenue globale dans les domaines économique, militaire et stratégique, la Chine tente de remodeler l’ordre international, notamment en mer de Chine méridionale, met l’accent sur les technologies duales (usages militaires et civils) et déclare un budget militaire officiel de 170 Mds$/an, mais d’un montant réel supérieur le plaçant de fait juste après celui des Etats-Unis. Puissance spatiale, la Chine met au point des armes antisatellites et d’autres à énergie dirigée. En matière de capacités de projection de puissance, elle dispose de deux porte-avions, en construit un troisième, accélère le rythme de la production de sous-marins à propulsion nucléaire et développe ses facilités portuaires dans la zone indo-pacifique. Avec la mondialisation, une tension en océan Indien ou en mer de Chine du Sud aura des implications immédiates en Europe dans les domaines économique, de l’énergie et des approvisionnements.

Géostratégie. La Chine met en œuvre une géostratégie portuaire, diplomatique et commerciale d’abord en Asie du Sud-Est, puis en océan Indien vis-à-vis de l’Inde, du Pakistan et de l’Iran pour déboucher sur la Méditerranée et l’Europe du Nord, indique Emmanuel Véron. L’ouverture sur le Pacifique-Sud lui permettra d’accéder à l’Amérique latine. Elle construit tout type de navire, même un brise-glace à propulsion nucléaire. En raison de la concurrence locale en mer de Chine, sa flotte de grands bateaux de pêche s’aventure jusqu’à la côte péruvienne. Elle développe l’aquaculture, les biotechnologies, le dessalement de l’eau de mer et surtout la recherche océanographique pour la pose de câbles de communication numérique et pour servir son programme de sous-marins. Sur le plan militaire, outre l’installation d’armements, de relais et de moyens d’écoute sur les atolls aménagés en mer de Chine méridionale, elle a construit de nombreux navires, dont 1 porte-avions, 60 corvettes type 56 et 20 destroyers type 52 entre 2011 et 2018. Le programme de renouvellement des sous-marins nucléaires d’attaque et lanceurs d’engins va changer la donne dans le Pacifique vis-à-vis de la puissance navale américaine. La formation des 220.000-230.000 marins se poursuit ainsi que celle du corps expéditionnaire d’infanterie de Marine avec la composante commando. La diplomatie navale s’intensifie en Asie du Sud-Est, Afrique et Europe ainsi que la collecte d’informations, les réflexions sur la Marine à l’horizon 2030 et le soutien à l’export des équipements de sa base industrielle et technologique de défense. Enfin, la Marine chinoise effectue régulièrement des exercices communs avec son homologue russe.

Logique de puissance. L’Occident n’a pas encore intégré la perte du monopole de la puissance, estime Hubert Védrine. Le projet chinois des routes de la soie présente des similitudes avec les procédés du Portugal, de l’Espagne, de la France et de la Grande-Bretagne, pour établir des empires coloniaux et vis-à-vis de l’Empire ottoman au XIXème siècle : séduction ; promesses, sincères ou mensongères ; prêts avec l’engrenage de l’endettement ; opérations militaires, discrètes ou avouées. Pour les voisins de la Chine, les avantages à court, moyen et long termes, les opportunités commerciales, les inconvénients et les risques, plus ou moins graves, liés au projet varient selon les pays. En Afrique, la Chine a élaboré une politique très ambitieuse. La Russie, dont la population en Sibérie n’atteint pas 20 millions de personnes, s’en inquiète, mais se tourne vers la Chine en raison des tensions avec les pays occidentaux. L’Europe connaît un contraste entre l’idée de sa fondation sur des valeurs universelles et la réalité du monde, où les puissances anciennes et nouvelles, dont la Chine, se positionnent par rapport à elle. Dix-sept pays européens, dont la Grèce et ceux d’Europe de l’Est, demandent de l’argent chinois. De leur côté, les Etats-Unis considèrent la Chine comme leur adversaire principal, devant la Russie et l’Iran. L’affrontement, possible notamment sur la liberté de navigation dans les eaux internationales du détroit de Taïwan, dépendra, le moment venu, de l’intérêt de l’une ou l’autre partie de l’aggraver et de l’élargir. Quant à l’avenir du projet des routes de la soie, quelques pays deviendront des protectorats chinois, d’autres resteront à l’écart et certains résisteront, peut-être jusqu’à la contestation violente. Une option pour l’Europe, puissance, consisterait à obliger la Chine à le transformer en un vrai partenariat.

Loïc Salmon

Selon Christoph Ebell, le projet des routes de la soie prend aussi une dimension numérique avec les équipements informatiques, la valorisation des données et une cyberstratégie. Les fournisseurs chinois de services numériques proposent des applications pour les transactions financières. Ainsi en décembre 2018, Alibaba Cloud a signé un protocole d’accord avec le Koweït portant sur un centre d’échanges de données et d’informations entre tous les pays du monde. Les routes de la soie nécessitant des normes techniques communes, la Chine a construit des câbles de fibres optiques reliant Pékin aux Viêt Nam, Népal et Pakistan et a commencé à installer des réseaux 5 G. Parmi les cinq grands centres de calculs à haute performance entrant dans les applications de l’intelligence artificielle à grande échelle, les deux premiers se trouvent aux Etats-Unis et les trois suivants en Chine…qui dépend des Etats-Unis pour la fourniture des indispensables puces électroniques.

Chine : les « nouvelles routes de la soie », enjeux idéologiques et réalités stratégiques

Asie du Sud-Est : zone sous tension et appropriation territoriale de la mer

Asie-Pacifique : rivalités et négociations sur les enjeux stratégiques

 

 




Sécurité : indice mondial de la paix en hausse en 2018

Le niveau général de sécurité dans le monde s’est amélioré en 2018 mais reste encore inférieur à celui de 2008, selon le rapport annuel de l’Institut de Londres pour l’Economie et la Paix rendu public le 12 juin 2019.

Depuis 13 ans, l’institut détermine un indice mondial de la paix (IMP) composé de 23 critères qualitatifs et quantitatifs pour couvrir les conditions de vie de 99,7 % de la population mondiale. Même si 86 pays ont amélioré leur IMP, 77 ont vu le leur se détériorer. L’Islande reste en tête, devant la Nouvelle-Zélande, l’Autriche, le Portugal et le Danemark. L’Afghanistan se trouve à la dernière place, précédé de la Syrie qui l’occupait l’année précédente, du Soudan du Sud, du Yémen et de l’Irak.

Facteurs de conflictualité. Selon le rapport, le changement climatique peut à long terme augmenter indirectement les risques de conflits violents par ses conséquences sur la disponibilité des ressources, la sécurité de la vie quotidienne et les migrations. Plus de 10 % de la population de huit des 25 pays les moins en paix vit dans des zones hasardeuses, soit 103,7milions de personnes résidant au Soudan du Sud, en Irak, en Libye, en République démocratique du Congo, au Soudan, en Corée du Nord, au Nigeria et au Mexique. Au cours des dix dernières années, deux critères de l’IMP se sont détériorés, à savoir des baisses de 8,69 % quant aux conflits en cours et de 4,02 % en termes de sécurité et de sûreté. Le terrorisme a augmenté dans 104 pays mais a baissé dans 38. Le nombre de morts dans les guerres civiles a crû de 140 % entre 2006 et 2017. Contrairement à ce que perçoit l’opinion publique, la « militarisation » mondiale a baissé de 2,6 % depuis 2008. Ainsi, le nombre de personnels armés par 100.000 habitants a diminué dans 117 pays. En outre, 98 pays ont réduit leurs dépenses militaires en pourcentage de leur produit intérieur brut, contre 63 qui les ont augmentées.

Impact économique. Selon l’IMP, 400 millions de personnes vivent dans les pays les moins stables. L’insécurité a fait perdre plus de 14 milliards de milliards de dollars en 2018 à l’économie mondiale, soit 11,2 % du produit brut ou 1.853 $ par personne. Pourtant, l’impact économique de la violence a baissé de 3,3 % en 2018. Ainsi, le montant dû aux conflits armés a baissé de 29 % jusqu’à 672 Md$, en raison de la diminution de l’intensité des conflits internes en Syrie, Colombie et Ukraine. En outre, l’impact économique du terrorisme a baissé de 48 % pendant le même temps. Toutefois, l’effet de la violence se fait encore sentir sur la croissance mondiale. Il correspond à 35 %, en moyenne, du produit intérieur brut des 10 pays les plus touchés, contre 3,3 % de celui des pays qui le sont le moins. Mais, il atteint 67 % en Syrie, 47 % en Afghanistan et 42 % en République centrafricaine.

Disparités régionales. L’Europe reste la zone la plus en paix dans le monde avec un IMP amélioré pour 22 de ses 36 pays. Terrorisme, guerres internes et externes se poursuivent en Asie-Pacifique. Les détériorations de l’IMP l’ont emporté sur ses améliorations en Amérique centrale et dans les Caraïbes. En Amérique du Nord, il reste stable au Canada, mais chute aux Etats-Unis. En Russie et Eurasie, l’IMP reste inférieur à la moyenne mondiale. En Amérique du Sud, il s’est amélioré en Colombie, en Uruguay et au Chili, mais s’est détérioré au Venezuela et au Brésil. En Afrique sub-saharienne, il s’est détérioré dans 27 pays sur 44. En Asie du Sud, il s’est amélioré au Népal, au Pakistan et au Bhoutan, mais s’est détérioré en Afghanistan. Au Moyen-Orient et en Afrique du Nord, il a connu une amélioration marginale grâce à 11 pays.

Loïc Salmon

Sécurité : la paix, une exception en construction permanente

La paix : ceux qui la font




Chine : une stratégie d’influence pour la puissance économique

Outre l’accroissement de son expansion commerciale par les « nouvelles routes de la soie » et de sa présence culturelle par les « instituts Confucius », la Chine perfectionne sa propagande pour améliorer son image dans le monde.

Ce thème a fait l’objet d’une conférence-débat organisée, le 4 avril 2019 à Paris, par l’Association nationale des auditeurs jeunes de l’Institut des hautes études de défense nationale. Y sont intervenus : le général (2S) Jean-Vincent Brisset, directeur de recherches à l’Institut de relations internationales et stratégiques ; Selma Mihoubi, doctorante en géopolitique à l’Institut de géographie, Sorbonne Université Paris IV.

Enjeux géopolitiques. Selon le général Brisset, le prestige historique et culturel d’un pays produit son rayonnement et son influence culturelle résulte de sa puissance politique et économique. Dans les années 1950, la Chine incluait la Mongolie, la péninsule coréenne, l’Asie du Sud-Est et le Bhoutan dans sa sphère d’influence. Aujourd’hui, elle y ajoute le Japon et les Philippines. Elle développe ses échanges commerciaux sur les cinq continents, mais consacre 61 % de ses investissements en Asie, contre 16 % en Amérique latine, 11 % en Europe, 5 % en Océanie, 4 % en Afrique et 3 % en Amérique du Nord. Sa stratégie commerciale du « collier de perles » des années 1990 s’est transformée en « nouvelles routes de la soie (voir encadré). Ses investissements en infrastructures induisent une dépendance financière, qui inquiète notamment la Malaisie et a suscité le refus du Viêt Nam de s’y associer. Ses instituts Confucius pour la diffusion de la langue chinoise (voir encadré) sont cofinancés à son avantage : pour 1€ investi chez lui, le pays partenaire doit fournir 1,65 €. La Chine envoie 45.000 étudiants en France, mais n’accueille que 10.000 étudiants français. Sur le plan politique, elle implante des consulats dans les pays à forte diaspora chinoise et envoie des délégations de haut niveau dans presque tous les pays d’Afrique. Sur le plan technique, ses participations aux comités et sous-comités de l’Organisation internationale de la normalisation (ISO en anglais) la placent en troisième position derrière la Grande-Bretagne et l’Allemagne. Elle tente ainsi d’imposer ses normes, notamment celle de la « 5 G », cinquième génération de « technologie réseau mobile » sur internet. Les Jeux olympiques de 2008 et l’Exposition universelle de 2010 constituent pour elle une fierté et un retour éclatant sur la scène mondiale après les « traités inégaux » (1839-1864) et sa mise au ban des nations après la répression sanglante des manifestations de la place Tien An Men à Pékin (1989). Son influence se manifeste par les « effets de mode » (périodes d’intérêt puis de désintérêt), les relais des médias et des personnalités étrangères sinophiles (les « idiots utiles » théorisés par Lénine) et enfin les campagnes de publicité rédactionnelle. Ainsi, lors de la visite du président Xi Jinping en France (mars 2019), les nouvelles opportunités offertes par les transports chinois ont été vantées dans les quotidiens français pour 1 M€ la page : Le Parisien (1 page pleine), Les Echos (1 page), Le Monde (2 pages) et Le Figaro (7 pages).

« Soft power ». La Chine veut se présenter comme un pays du Sud, explique Selma Mihoubi. En 1965, Mao Tsé-Toung se définissait comme le meneur des peuples d’Asie et d’Afrique et prônait l’amitié sino-africaine. Aujourd’hui, la Chine a conclu des accords d’exploitation de leurs ressources avec les pays de la bande sahélo-saharienne, riches en uranium, pétrole, gaz, or, fer et cuivre. Outre des projets d’oléoducs à travers l’Algérie et le Nigeria, ses entreprises s’intéressent aux axes routiers Nord-Sud, entre l’Algérie, le Niger et le Nigeria, et Ouest-Est entre le Sénégal, le Mali, le Burkina Faso, le Niger, le Soudan, l’Ethiopie et Djibouti. Elle améliore son image et rejoint les grandes puissances en matière de « soft power » ou pouvoir d’influence. L’idéologue Wang Huning l’a théorisé en 1993 : « Si un pays a une culture et une idéologie admirables, les autres pays auront tendance à le suivre. Il n’a pas besoin de faire usage d’un hard power (coercition) coûteux et moins efficace. » En 2007, le 17ème Congrès du Parti communiste chinois (PCC) inscrit le soft power dans son programme politique. Les radios internationales, outils diplomatique et culturel des puissances mondiales, répondent à des orientations stratégiques. Dès 1921, le Département de la propagande du comité central du PCC régit la censure des médias nationaux et internationaux, laquelle a été adoucie en 2001 avec l’adhésion de la Chine à l’Organisation mondiale du commerce. Reconnue par le Mali dès 1960, la Chine y a installé deux antennes d’ondes courtes à longue portée géographique, relayées en 2008 par la modulation de fréquence (FM) d’excellente qualité, afin que sa chaîne Radio Chine Internationale (RCI) puisse couvrir tout le continent. En 2018, RCI dispose aussi de relais FM en Mauritanie (1), au Sénégal (4) et au Niger (4) et se trouve en concurrence avec le BBC Word Service britannique et Radio France Internationale. Contrairement à ceux de l’Agence France Presse et de l’agence britannique Reuters, les services de RCI et de l’agence de presse Xinhua sont offerts gratuitement aux médias locaux, qui les reprennent abondamment. Leurs contenus, souvent très anti-occidentaux, diffusent les communiqués du PCC et des pays partenaires pour promouvoir les activités chinoises en Afrique. La Chine a investi 6 Mds$ dans les pays francophones, en vue de donner sa vision du monde et de profiter de l’ambiguïté de leurs relations avec la France pour se présenter comme un acteur de leur développement, sans se mêler de leur politique intérieure. RCI diffuse des programmes en français, chinois et même en wolof avec des journalistes sénégalais. Toutefois, le taux d’audience réelle reste inconnu. Par ailleurs, la Chine a organisé à Pékin deux forums sino-africains en 2018 : l’un sur les médias et l’autre sur la défense et la sécurité. En effet, pour elle, les opérations de maintien de la paix font partie du soft power. Enfin, les diplomates africains en visite en Chine défendent sa politique expansionniste en mer de Chine…au cours d’interviews par RCI et Xinhua !

Loïc Salmon

Créé en 2004 sous l’autorité du Bureau national pour l’enseignement du chinois langue étrangère, le réseau Confucius est passé de 358 instituts dans 105 pays en 2011 à 525 instituts et 1.113 classes dans 146 pays fin 2018. Il emploie 46.000 personnes et dispose d’un budget de 255 M€. Résurgence des anciennes routes de la soie (- 2000 à 1400) entre la Chine et l’Europe, les nouvelles suivent deux routes. La voie terrestre va de Pékin à Xi’an, Urumqi et Horgos pour se séparer en deux à Almaty (Kazakhstan). La route du Nord passe par Astana (Kazakhstan), Moscou (Russie), Duisbourg (Allemagne) pour arriver à Rotterdam (Pays-Bas). Celle du Sud passe par Douchanbé (Tadjikistan), Téhéran (Iran), Istanbul (Turquie) et se termine à Rotterdam. La voie maritime part de Tianjin vers Shanghai, Zhanjiang, Singapour avec une bifurcation vers Djakarta (Indonésie) et une autre vers Kuala Lumpur (Malaisie), Calcutta (Inde), Colombo (Sri Lanka), Nairobi (Kenya), Djibouti, Port-Saïd (Egypte), Le Pirée (Grèce), Venise (Italie) et bientôt Trieste ou Gênes (Italie). Elle redevient terrestre jusqu’à Rotterdam.

Afrique : nouvelle frontière de la Chine avec des enjeux stratégiques

Géopolitique : recomposition de l’ordre mondial et émergence de nouvelles puissances

Chine : les « nouvelles routes de la soie », enjeux idéologiques et réalités stratégiques

 




Violence et passions

La violence interdit le débat, divise la société et attise la haine, mettant en péril la démocratie. La mort des idéologies a ressuscité le nationalisme et le fanatisme religieux.

Depuis les attentats terroristes du 11 septembre 2001 aux Etats-Unis, la guerre devient hybride, à la fois intérieure et extérieure, civile et militaire, régulière et irrégulière. La violence s’appuie sur : le réveil des sentiments identitaires ; l’exaltation de la guerre sainte par le fondamentalisme islamique ; la volonté de revanche des pays du Sud stimulés par leur décollage économique. L’humanité se concentre dans les mégalopoles, à proximité des côtes, dans un « réseau de villes-monde » entre Los Angeles, San Francisco et New York, Londres et Berlin, Dubaï, Singapour, Hongkong et Shanghai et bientôt Sao Paulo et Mexico, Lagos et Le Caire, Istanbul ou Djakarta. Ces métropoles accumulent talents, capitaux et richesses, face aux régions qui s’enfoncent dans misère, désertification et violence. Conflits armés, absence de développement et changement climatique alimentent des flux de réfugiés et de migrants vers l’Europe. Ces évolutions du monde ont conduit aux « démocratures », théorisées après la chute du mur de Berlin (1989). Celles-ci se caractérisent par le culte de l’homme fort, un populisme virulent et le contrôle de l’économie et de la société. Adossée au suffrage universel manipulé par une propagande, relayée par les médias et réseaux sociaux, cette suprématie de la « démocratie non libérale » se manifeste dans la Russie de Vladimir Poutine, la Chine de Xi Jinping, la Turquie néo-ottomane de Recep Erdogan, l’Egypte du maréchal Al-Sissi, les Philippines de Rodrigo Duerte, le Venezuela chaviste, la Hongrie de Viktor Orban et la Pologne des frères Kaczynski. Nationalisme, protectionnisme, xénophobie et racisme prospèrent aussi aux Etats-Unis. Avec 1,5 million de victimes depuis 1968, les armes à feu y ont causé plus de morts que l’ensemble des conflits entrepris depuis la guerre d’indépendance (1775-1783). En outre, la dynamique guerrière du djihad et des « démocratures » se traduit dans les dépenses militaires qui totalisent environ 1.700 Mds$, soit 2,3 % du produit intérieur brut (PIB) mondial, et qui augmentent de 5-10 %/an. Les Etats-Unis vont porter leur budget militaire à 700 Mds$. La Chine a augmenté le sien de 132 % en 10 ans, jusqu’à 4 % de son PIB. La Russie l’a triplé en 15 ans jusqu’à 3,7 % de son PIB. Son intervention en Syrie lui permet de tester ses nouveaux équipements et armements et de montrer sa capacité à conduire des opérations complexes. Pour sa défense, l’Asie dépense 100 Mds$ de plus que l’Union européenne, qui y consacre 220 Mds$. Par ailleurs, les institutions internationales, à savoir, ONU, Fonds monétaire international, Banque mondiale et Organisation mondiale du commerce, subissent les feux croisés des Etats-Unis et des « démocratures ». Le projet chinois des « nouvelles routes de la soie » vise à : contrôler les réseaux vitaux de la mondialisation ; écouler les excédents chinois d’acier, d’aluminium et de ciment ; créer des débouchés pour les exportations ; garantir l’accès aux matières premières et sources d’énergie ; instaurer une dépendance par la dette ; diffuser le modèle « total-capitaliste » chinois. Toutefois, l’Union européenne a compris qu’elle ne peut plus sous-traiter sa sécurité aux Etats-Unis. Les démocraties redécouvrent que la sécurité et la liberté, comme la prospérité, se conquièrent.

Loïc Salmon

« Violence et passions », par Nicolas Baverez. Éditions de l’Observatoire, 132 pages. 15 €

Chine : les « nouvelles routes de la soie », enjeux idéologiques et réalités stratégiques

Proche-Orient : retour en force de la Russie dans la région




Marine nationale : un BSAH autour du monde, via l’Arctique

Pour la première fois, une unité militaire française, le bâtiment de soutien et d’assistance hauturier (BSAH) Rhône, a relié Brest à San Francisco après avoir franchi le détroit de Béring, au cours d’un déploiement de 104 jours.

Ont été présentés à la presse, le 20 décembre 2018 à Paris : son périple par son commandant, le capitaine de frégate Philippe Guena, et un premier maître chef de quart ; le programme BSAH par un ingénieur en chef des études et techniques de l’armement.

Le périple. En 73 jours de navigation, le Rhône a parcouru 35.000 km à 25 km/h en moyenne, à travers les océans Arctique, Pacifique et Atlantique, onze mers et le canal de Panama, avec des variations de température de – 0,5°C à 3°C pour l’eau de mer et de – 10°C à 38°C pour l’air. Après avoir quitté Brest le 23 août et le port norvégien de Tromso le 1er septembre, il a franchi le détroit de Béring le 14 septembre et fait escale à Dutch Harbor (Alaska), Victoriaville (Canada), San Francisco (Californie), Huatulco (Mexique). Après Panama, il a relâché à la Martinique, Halifax (Canada), Saint-Pierre-et-Miquelon et La Corogne (Espagne), avant de rentrer à Brest le 4 décembre. Des conditions météorologiques clémentes et la fonte importante des glaces ont permis une bonne visibilité des icebergs (eau douce gelée) et de la banquise (eau de mer gelée et recouverte de glace), car seul l’œil peut appréhender la glace. Pendant la traversée de la mer de Sibérie orientale (4 jours), le Rhône s’est faufilé entre les énormes glaçons sans les toucher, en navigant de jour pour plus de sécurité. Celle-ci a été renforcée par la présence à la passerelle de deux chefs de quart au lieu d’un et de deux veilleurs supplémentaires, en raison de la concentration nécessaire pendant des « quarts » de 4 à 6 heures. La redondance des équipements et le recours, éventuel, aux centres de secours russes auraient permis de pallier tout incident sérieux. Ce déploiement s’est déroulé dans les eaux internationales avec des « passages inoffensifs » dans les eaux territoriales russes, dans le cadre de la Convention de Montego Bay. Il a inclus des entraînements communs avec les Marines riveraines et la formation d’un 2ème équipage sur la fin de la traversée. Outre le raccourcissement des distances et des délais, la voie maritime du Nord présente, pour le transport de vracs et de matières premières, les avantages de l’absence de taxes et de l’inexistence de la piraterie. Son trafic commercial pourrait atteindre 20 à 40 navires par an, par suite du réchauffement climatique. La Chine en tient compte pour ses « nouvelles routes de la soie ». La Russie redoute une dégradation de l’environnement, en raison de l’exploitation future des réserves de gaz de l’Arctique estimées à 50 Mt.

Le programme BSAH. D’un coût de 162 M€, le programme BSAH porte sur quatre navires de 2.960 t répartis entre Brest et Toulon et armés chacun de deux mitrailleuses de 12,7 mm. Le Rhône et la Loire ont été livrés en 2018. La Seine et la Garonne suivront en 2019. Chacun compte deux équipages de 17 marins et peut accueillir 12 passagers ou plongeurs équipés. Capable de remorquer le porte-avions Charles-de-Gaulle ou un bâtiment de projection et de commandement, un BSAH peut effectuer des recherches sous-marines ou réaliser des équipements pour l’accueil de sous-marins nucléaires d’attaque. Avec 30 jours de vivres, il peut parcourir 9.260 km à 20-22 km/h. Le maintien en condition opérationnelle inclut une formation sur la conduite et l’entretien des installations, qui assure une disponibilité de 330 jours/an.

Loïc Salmon

L’océan Arctique : nouveaux enjeux stratégiques

L’océan Arctique : atouts économiques, guerre froide larvée

Défense : le climat, facteur de dérèglement géopolitique




Espace : CSO, renouvellement des moyens militaires français

La Composante spatiale optique (CSO), constellation de trois satellites d’observation, d’écoute, de surveillance et de télécommunication du programme MUSIS, va remplacer, d’ici à 2021, les deux satellites Hélios 2A et 2B en orbite.

Elle a été présentée à la presse le 11 décembre 2018 à Paris, à l’occasion du lancement du premier satellite CSO, le 19 décembre au Centre spatial guyanais. Sont intervenus : Hervé Grandjean, conseiller de la ministre des Armées pour les affaires industrielles ; le commandant (Air) officier du programme MUSIS-CSO à l’Etat-major des armées ; l’ingénieur en chef de l’armement directeur du programme MUSIS-CSO ; Gilles Chalon, chef du service observation défense du Centre national d’études spatiales (CNES).

Innovations technologiques. La loi de programmation militaire 2019-2025 mobilisera 3,5 Md€ pour le programme CSO. D’une durée de vie de dix ans et d’un poids de 3,5 t, chaque satellite doit évoluer sur une orbite de 800 km pour la reconnaissance et une de 480 km pour l’identification. Il embarque une charge optique infrarouge et une charge optique visible, à savoir panchromatique (noir et blanc) et multispectrale (couleur haute définition). De Toulouse, le CNES assure le maintien à poste des satellites et le calcul de leur plan de travail ainsi que le maintien de la qualité image durant toute leur vie. Le suivi technique est assuré à Creil, par le Centre militaire d’observation par satellite, et le contrôle opérationnel par la Direction du renseignement militaire. Les utilisateurs demandent des images en vue d’analyse, selon le cycle priorisation/hiérarchisation, production et livraison (photo). La qualité d’image, unique en Europe, et l’imagerie stéréoscopique résultent d’innovations pour les plans focaux et la fabrication du téléscope de grand diamètre. Capable de prendre 800 vues/jour avec recherche et analyse automatique par l’intelligence artificielle, le satellite CSO acquiert, au cours d’un seul survol, de nombreuses images sur la même zone géographique. Il mesure sa position et corrige lui-même sa trajectoire par calcul des manœuvres à effectuer et activation du système de propulsion.

Atouts opérationnels. Le CSO complet appuiera les opérations militaires, de jour comme de nuit, sur une zone de crise en simplifiant le travail des opérateurs et analystes au sol. Réactif grâce au réseau mondial de stations au sol, il s’adaptera au rythme des opérations, qui réclament des données précises et récentes de localisation. Il permettra de constituer des dossiers de ciblage, par le suivi des sites d’intérêt militaire, de contrôler le respect des traités internationaux et d’évaluer les menaces. Celles-ci s’exerceront au sol, dans l’espace (éblouissement par arme à énergie dirigée) ou sur la liaison sol-espace (cyberattaques). Elles incluront l’espionnage, le sabotage, le déni de service et la neutralisation d’un satellite. Les menaces futures, plus graves, et les vulnérabilités de CSO seront prises en compte. Actuellement, 750.000 débris (supérieurs à 5 cm) en orbite peuvent compromettre la capacité d’action militaire. L’imagerie optique d’Hélios 2 et de CSO se complète par l’imagerie radar, grâce à des accords bilatéraux d’échange avec l’Italie (système Cosmo-Skymed puis CSG) et l’Allemagne (SAR-Lupe puis SARah). Un accord avec la Suède permet à CSO d’utiliser sa station sur le cercle polaire, toutes les 90 minutes. La Belgique a conclu un accord d’accès aux images CSO et des négociations sont en cours avec d’autres pays européens. Enfin, le nombre de satellites en orbite, de 1.500 en 2018, passera à 6.000-7.000 en 2025.

Loïc Salmon

Espace exo-atmosphérique : compétition stratégique

Guyane : zone stratégique sur le continent sud-américain

DRM : des moyens de haute technologie pour le recueil de renseignements




Guyane : zone stratégique sur le continent sud-américain

Les Forces armées en Guyane (FAG) assurent la protection de ce département, qui abrite le Centre spatial européen de Kourou. Elles contribuent aussi à la préservation des intérêts français en Amérique du Sud.

Leur commandant supérieur, le général de division aérienne Didier Looten, l’a expliqué le 29 novembre 2018 à la presse, lors d’une visioconférence.

Enjeux et moyens. Seul département d’outre-mer continental, la Guyane française s’étend sur 84.000 km2, dont 95 % de forêt tropicale. Elle possède 380 km de frontière maritime et des frontières terrestres de 530 km avec le Suriname et de 740 km avec le Brésil. Son chef-lieu, Cayenne, se trouve à 7.000 km de Paris et 1.400 km de Fort-de-France (Martinique). Forces de souveraineté, les FAG assurent la connaissance et la veille sur une zone de responsabilité permanente (ZRP) couvrant une vingtaine de pays, du Brésil au Mexique, pour anticiper les crises et collectent du renseignement d’intérêt militaire. En cas de crise, elles ont pour mission de planifier et de conduire une intervention et acheminer des secours d’urgence, dans leur ZRP ou sur le territoire national, notamment par un appui aérien aux Antilles. Par leur présence, elles contribuent à la stabilité de la ZRP et entretiennent une coopération militaire avec le Suriname et le Brésil. Les FAG comptent 2.100 militaires, dont la majorité en mission de longue durée (2 ans) et 200 civils. Environ 400 sont sur le terrain pour garantir les postures permanentes de sûreté aérienne (deux à trois sorties par jour) et de sauvegarde maritime. La Base aérienne 367 accueille 3 avions cargos tactiques Casa, 4 hélicoptères légers polyvalents Fennec et 5 hélicoptères de manœuvre Puma. La base navale de Dégrad-des-Cannes abrite : les patrouilleurs légers La-Confiance (en service en 2016) et La-Résolue (2017), adaptés aux besoins spécifiques de la Guyane ; l’embarcation remonte-filet La-Caouanne (2015). La Gendarmerie maritime dispose de deux vedettes, l’une à Dégrad-des-Cannes, et l’autre à Kourou. L’armée de Terre déploie le 9ème Régiment d’infanterie de marine, le 3ème Régiment étranger d’infanterie et un régiment de service militaire adapté. Le groupement de soutien de la base de défense inclut : dépôt de munitions ; Services de santé, du commissariat et des essences ; réseaux d’infrastructure et des systèmes d’information.

Protection du territoire national. En soutien de l’action de l’Etat, les FAG participent à l’opération « Harpie » de lutte contre l’orpaillage illégal. Outre Cayenne, elles disposent de quatre bases opérationnelles avancées, situées dans des zones de gisement aurifères (voir photo). Depuis 2017, cette opération est coordonnée avec le Suriname et le Brésil, en vue de faire évoluer la réglementation internationale pour éradiquer les flux d’orpaillage et logistiques illégaux. La capacité des FAG à tenir le terrain, par des patrouilles de longue durée, est assurée par des relèves par hélicoptères (30 à 45 minutes de vol depuis Cayenne). Cette lutte se complète par le développement d’activités économiques. L’opération « Polpêche » implique l’emploi de patrouilleurs légers à propulsion diesel électrique pour des missions d’observation et de contrôle, y compris de nuit, des bateaux de pêche illégaux, conjointement avec les forces navales brésiliennes. Enfin, l’opération « Titan » de protection du Centre spatial guyanais peut mobiliser de 150 à 400 militaires selon les lancements, pendant environ 60 jours par an. Le Centre de Kourou a procédé à 11 tirs en 2017.

Loïc Salmon

Territoire national : protection permanente contre intrusions aériennes et maritimes

Espace exo-atmosphérique : compétition stratégique




A l’Est, la guerre sans fin 1918-1923

Les cartes et analyses de spécialistes de quinze pays différents expliquent pourquoi, cent ans après l’armistice de 1918, la paix n’est pas encore vraiment instaurée à l’Est de l’Union européenne et aux Proche et Moyen-Orient.

Les traités. Pourtant, la page de la Grande Guerre aurait dû être tournée avec les divers traités, rédigés en français, anglais et parfois italien, mais dont seule la version française fait foi : Versailles, 28 juin 1919, avec l’Allemagne ; Saint-Germain-en Laye, 10 septembre 1919 avec l’Autriche ; Neuilly-sur-Seine, 27 novembre 1919 avec la Bulgarie ; Trianon, 4 juin 1920 avec la Hongrie ; Sèvres, 10 août 1920 avec la Turquie, non appliqué et remplacé par celui de Lausanne, 24 juillet 1923. Outre le rétablissement de la paix en Europe et dans le monde, ces traités devaient redessiner la carte des Etats formés après la disparition des Empires allemand, austro-hongrois et ottoman, considérés comme responsables du conflit. Ces traités multilatéraux résultent d’un processus juridique complexe mis au point entre l’Acte final du congrès de Vienne (9 juin 1815), élaboré à l’issue des guerres napoléoniennes, et le premier traité multilatéral mettant fin à la guerre de Crimée (30 mars 1856). Hôte de la Conférence de la paix en 1919, la France devient la dépositaire des traités multilatéraux rédigés à l’issue des négociations. Un seul exemplaire étant signé par tous les Etats membres, le gouvernement français établit les procès-verbaux des dépôts de ratification des traités, remet des copies certifiées conformes aux pays signataires et indique leur date d’entrée en vigueur. Il doit rassembler les pièces constitutives de chaque traité, en vérifier la validité et en suivre l’exécution. Ainsi, le ministère français des Affaires étrangères conserve tous les documents signés par les chefs d’Etat et souverains des pays concernés par la première guerre mondiale. Il s’agit de la Belgique, de la Bolivie, du Brésil, de la Chine, de Cuba, de l’Equateur, de la Grèce, du Guatemala, de Haïti, du Hedjaz intégré aujourd’hui à l’Arabie saoudite, du Honduras, du Liberia, du Nicaragua, de Panama, du Pérou, de la Pologne, du Portugal, de la Roumanie, de l’Etat serbe-croate-slovène dont les composantes sont aujourd’hui indépendantes, du Siam (Thaïlande), de la Tchécoslovaquie (aujourd’hui scindée en deux) et de l’Uruguay. Tous ces documents sont désormais consultables sous forme numérique.

« Atlas raisonné ». L’ouvrage « A l’Est, la guerre sans fin 1919-1923 », catalogue de l’exposition éponyme au musée de l’Armée, présente un aperçu du destin de vingt-cinq pays concernés. Ces entités politiques, étendues ou minuscules, anciennes ou récentes, durables ou éphémères, restituent la grande variété des situations. Une carte de synthèse, établie par les ingénieurs géographes du Centre des archives diplomatiques rappelle les frontières de 1923, avec des éléments antérieurs pour une meilleure mise en perspective. L’histoire de chaque pays, entre 1918 et 1923, présente sa participation aux divers conflits avec les conséquences en termes de territoires, de nationalités et d’instabilité politique (révolutions et contre-révolutions). Les interventions militaires françaises, significatives, sont parfois mentionnées. En effet, forte de sa prépondérance militaire en 1918, la France a tenté, avec ses soldats, ses diplomates et ses alliés, de mettre en place un nouvel ordre stratégique.

Loïc Salmon

« A l’Est, la guerre sans fin 1919-1923 », ouvrage collectif. Éditions Gallimard/Musée de l’Armée, 336 pages, 300 illustrations, 29 €

Exposition « A l’Est, la guerre sans fin 1918-1923 » aux Invalides

Exposition « 1918, armistice(s) » aux Invalides