Afghanistan : la Task Force La Fayette s’en va

« Il est temps de partir. Il est temps de passer la main aux forces armées et de sécurité afghanes », a déclaré le général Eric Hautecloque-Raysz, commandant la Task Force La Fayette (TLFL) depuis avril 2012, Au cours d’une visioconférence le 14 novembre 2012 entre Kaboul et le ministère de la Défense à Paris, il a dressé le bilan de son mandat, marqué notamment par la visite du président de la République François Hollande (25 mai), les transferts de la sécurité des provinces de Surobi (12 avril) et Kapisa (4 juillet), les départs des bases de Tora (31 juillet) et Tagab (30 septembre). Les séjours des militaires français varient désormais de 3 à 8 mois. Entre le 3 juin (ordre de désengagement) et le 30 septembre (sortie de la zone la plus exposée), la TLFL a réalisé 224 opérations et 47 convois de désengagement. Le général Hautecloque-Raysz estime que l’armée nationale afghane, capable d’une grande résilience, a accompli « un effort majeur » pour sensibiliser la population et les forces de sécurité afghanes à la menace des engins explosifs improvisés. Ses chefs tentent d’éviter les pertes collatérales civiles et de protéger leurs soldats. Selon le général, les 7.500 militaires et policiers afghans déployés en Kapisa et Surobi ont les moyens de les sécuriser : planification  d’état-major autonome, maillage policier complet et coordination aux niveaux provincial et de district. Les insurgés, évalués à 450 à 600 talibans, sont devenus minoritaires et ne seront bientôt plus protégés par la verdure en raison de l’approche de l’hiver, particulièrement rigoureux en Afghanistan. Au 12 novembre, la TFLF comptait encore 2.200 militaires et le bilan de son retrait s’établissait à 164 vols, 4 navires affrétés et plus de 500 matériels roulants et 400 conteneurs. Le désengagement se déroule conformément au calendrier (voir rubrique « Archives » : « Afghanistan, retrait des troupes combattantes en bon ordre » 5-9-2012).

Loïc Salmon

 




Afghanistan : retrait des troupes combattantes en bon ordre

La planification du retrait des forces françaises d’Afghanistan prévoit de laisser 1.500 personnels sur place fin 2012, ramenés à 700 en juillet 2013 puis à 400 au mois d’octobre suivant. Selon l’Etat-major des armées, les effectifs sont passés de 3.400 militaires en mai 2012 à 2.950 fin août, plus 150 gendarmes. Le dispositif de rapatriement prévoit plusieurs options. Le transport aérien direct dépend de la saison, car les avions gros porteurs Antonov peuvent embarquer 80-100 t en hiver, mais seulement 20-30t en été. La voie mixte prévoit des rotations aériennes vers un port du golfe Arabo-Persique, puis un acheminement par mer. Enfin, la voie routière vers le nord et vers le sud est envisagée. Une bonne organisation est indispensable pour anticiper les attaques éventuelles de talibans désireux de perturber l’opération. Le format du bataillon d’hélicoptères, chargés de l’appui aux forces françaises et afghanes et de la protection des unités, évolue. Entre janvier et fin août 2012, le bilan du rapatriement s’établit à 110 vols, plus de 350 matériels roulants, plus de 300 conteneurs et 3 navires civils affrétés. Au 1er janvier 2013, outre 50 gendarmes instructeurs des forces de sécurité afghanes, 1.500 militaires seront répartis entre  Douchanbé (détachement Air) et Kaboul. A partir de 2014, environ 400 militaires seront stationnés à Kaboul pour assurer, au sein de la Force internationale d’assistance à la sécurité, des fonctions de protection, d’état-major auprès des forces afghanes, de soutien santé et de formation dans le cadre de l’opération « Epidote ». Celle-ci, qui a concerné plus de 6.000 officiers afghans depuis 2004, consiste à leur donner des formations initiale, d’état-major et spécialisées (renseignement et administration).

L.S




Obsèques nationales pour quatre tués en Afghanistan

Le 14 juin 2012, les obsèques nationales des quatre militaires français, victimes d’un attentat suicide le 9 juin en Afghanistan, ont eu lieu aux Invalides à Paris, en présence du chef de l’Etat, de l’ensemble du gouvernement, de deux anciens présidents de la République, de la plupart des anciens Premiers ministres et des détachements de leurs unités.

Il s’agit de l’adjudant-chef Thierry Serrat, du maréchal des logis-chef Stéphane Prudhom, du maréchal des logis Pierre-Olivier Lumineau et du brigadier Yoann Marcillan. Deux de leurs interprètes afghans ont trouvé la mort lors de l’attentat, qui a fait cinq blessés français (trois gravement) et deux blessés civils afghans. Dans son éloge funèbre aux quatre militaires décédés, le président de la République François Hollande, chef des armées, a notamment déclaré : « Ils sont morts pour des valeurs justes et hautes, celles de la paix, celles de la liberté, celles de la démocratie, les valeurs de la France ». Après les avoir faits chevalier de la Légion d’Honneur à titre posthume, il s’est entretenu avec leurs familles présentes. Le retrait des forces combattantes françaises reste fixé à fin 2012. Depuis son engagement en Afghanistan en 2001, la France déplore 87 morts et environ 700 blessés. Selon l’Etat-major des armées, les quatre militaires effectuaient une mission de contact avec la population pour connaître ses besoins et ses sentiments. Ces missions, indispensables pour comprendre l’environnement opérationnel, ne sont pas suspendues, car elles permettent de déceler les menaces, participant ainsi à la sécurité des forces sur le terrain. Elles sont progressivement dévolues aux forces de sécurité afghanes. Enfin, il n’existe aucun moyen de se prémunir contre une attaque suicide.

L.S.




OTAN : sommet de Chicago

Les chefs d’Etat et de gouvernement des 28 pays membres de l’OTAN ont fait le point sur la situation en Afghanistan et dans les autres théâtres. En outre, ils ont pris des décisions sur les capacités nécessaires à la défense collective, la gestion des crises et la sécurité coopérative, lors du sommet qui s’est tenu à Chicago les 20 et 21 mai 2012. Des communiqués communs ont recensé leurs décisions et objectifs d’ici à 2020.

Pour l’Afghanistan, ils ont rappelé que la responsabilité totale de la sécurité sera transférée de la Force internationale d’assistance à la sécurité (FIAS) aux forces de sécurité nationales afghanes (ANSF) d’ici à la fin 2014. Courant 2013, la mission de la FIAS évoluera du combat à la formation, au conseil et à l’assistance. Après 2014 et à la demande du gouvernement afghan, l’OTAN apportera un soutien politique et conseillera les ANSF, y compris les forces spéciales, mais « ce ne sera pas une mission de combat ». Les mécanismes de financement seront basés sur la flexibilité, la transparence, l’obligation de rendre compte et le rapport coût/efficacité, avec des mesures anti-corruption.

Les autres théâtres ont été évoqués. La capacité de la KFOR au Kosovo sera maintenue pour, notamment, soutenir la mission « Etat de droit » menée par l’Union européenne (UE). Les enseignements tirés de l’intervention en Libye, menée sous mandat de l’ONU et avec le soutien de la Ligue des Etats arabes, seront intégrés dans les plans de l’OTAN. La lutte contre la piraterie au large de la corne de l’Afrique a été prolongée jusqu’à la fin 2014, en coopération avec l’UE (opération « Atalante »). A la demande de l’Union africaine (UA), son soutien à sa mission en Somalie (AMISOM) est poursuivi dans les domaines des transports maritime et aérien stratégiques et le développement des capacités de la future force africaine de l’UA. L’opération maritime « Active Endeavour » contre le terrorisme est maintenue. En coopération avec l’ONU, l’OTAN entend faire appliquer la résolution 1325 du Conseil de sécurité sur la protection des femmes et des enfants dans les situations de conflit, où ils font l’objet de recrutement, de violences sexuelles et d’attaques ciblées. L’OTAN continue de collaborer avec l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE) dans la prévention et la résolution des conflits, le relèvement de pays affectés par un conflit et la réponse aux nouvelles menaces de sécurité aux niveaux politique et opérationnel. Les négociations se poursuivent avec la Macédoine, le Monténégro, la Bosnie-Herzégovine et la Géorgie en vue de leur adhésion à l’OTAN. La coopération avec la Russie porte sur : les arrangements de transit dans les deux sens pour la FIAS en Afghanistan ; l’affectation de fonds à la maintenance des hélicoptères des ANSF ; la formation conjointe de personnels de lutte contre la drogue venus d’Afghanistan, d’Asie centrale et du Pakistan ; la lutte contre le terrorisme et la piraterie maritime ; l’échange d’informations sur les capacités de défense antimissiles.

Les capacités atteintes et à réaliser à l’horizon 2020 ont été définies à la suite de l’adoption d’un nouveau concept stratégique, lors du sommet de Lisbonne (19-20/11/2010). Face à la prolifération des missiles balistiques, la capacité intérimaire de défense antimissiles est considérée comme une première étape de la mise en place d’un système de défense antimissiles de l’OTAN pour protéger le territoire, la population et les forces de tous les pays européens membres. Cela implique un partage équitable des risques et charges, compte tenu du niveau de la menace, de la capacité de soutien financier et de la faisabilité technique. Un système allié de surveillance terrestre, très sophistiqué, est en cours de déploiement. Plusieurs pays alliés (non cités) ont lancé une initiative de grande ampleur visant à améliorer le renseignement, la surveillance et la reconnaissance interarmées. La mission de police du ciel dans les Etats baltes est prolongée.

A l’horizon 2020, les  forces de l’OTAN devront être étroitement interconnectées, équipées, formées, entraînées et commandées, afin d’agir ensemble et avec des partenaires dans n’importe quel environnement. La coopération existe déjà dans le transport aérien stratégique et les systèmes aéroportés de détection et de contrôle. Il convient de maintenir une industrie européenne de défense forte et de faire le meilleur usage du potentiel de coopération industrielle entre Alliés pour la mise en place des capacités nécessaires à une « défense intelligente » (« smart defence » en  anglais). Celle-ci repose notamment sur des projets multinationaux pour améliorer la protection des forces, la surveillance et l’entraînement, en vue d’une plus grande efficacité opérationnelle, d’économies d’échelle et d’une interconnexion plus étroite. L’OTAN et l’UE feront en sorte que l’initiative de défense intelligente de l’Alliance atlantique et l’initiative de défense européenne de mutualisation et de partage se complètent et se renforcent mutuellement. Les efforts de l’UE ont été reconnus en matière de ravitaillement en vol, soutien médical, surveillance maritime et formation. L’importance des connexions entre les forces des Etats membres et d’autres pays partenaires (pays européens non membres et pays arabes) a été démontrée lors de la  phase aérienne de l’intervention en Libye en 2011. En outre, les pays membres de l’OTAN vont renforcer la coopération entre leurs forces spéciales, notamment par l’intermédiaire de l’Etat-major des opérations spéciales de l’OTAN. Enfin, la posture de dissuasion et de défense de l’OTAN sera améliorée par une utilisation plus intensive de sa Force de réaction.

Loïc Salmon

En Afghanistan, « notre mission en termes d’action et de combat est terminée », a déclaré le président de la République François Hollande, au cours d’une conférence de presse à l’issue du sommet de l’OTAN à Chicago le 21 mai. Il a rappelé que la France déplore 83 militaires tués et de nombreux blessés depuis 2001. Les troupes combattantes, soit la majeure partie des 3.400 militaires déployés, auront quitté le pays d’ici au 31 décembre 2012. Ensuite, des personnels participeront à la formation de la police et de l’encadrement de l’armée afghane et procéderont au rapatriement du matériel via l’Ouzbékistan et le Pakistan, une fois obtenus les accords de transit. Après 2014 et conformément au traité franco-afghan signé en janvier et qui doit être ratifié à l’automne, la France apportera « un soutien civil à l’accès au développement, à l’éducation, à la santé et à l’émancipation des femmes », a précisé le président. Enfin, il a estimé avoir reçu les garanties nécessaires pour adhérer à la défense antimissiles balistiques, autre dossier important du sommet de l’OTAN.




Sauvetage de combat : l’apprentissage des médecins

Les médecins généralistes des armées doivent être capables d’évaluer les blessés graves au plus près du conflit, de les prendre en charge et de faciliter leur évacuation sur un hôpital de campagne. Leur préparation opérationnelle a été présentée à la presse, le 5 avril 2012 à Paris, par le médecin général inspecteur Maurice Vergos, directeur de l’Ecole du Val-de-Grâce.

Depuis la guerre du Golfe (1991), les médecins apprennent  à appliquer automatiquement, en milieu hostile et en situation dégradée, les gestes d’urgence adaptés aux circonstances. L’apprentissage s’articule sur trois niveaux : minimiser les conséquences des erreurs commises ; réévaluer ses actes et ceux des autres ; éviter les erreurs futures par la préparation, l’anticipation et la formation. Le sauvetage de combat nécessite aussi de savoir utiliser les transmissions, pour demander du secours dans un cadre multinational, et de savoir se servir d’une arme, pour défendre les blessés ou soi-même en cas d’agression. Toutefois, le médecin n’est pas un combattant, rappelle le directeur de l’Ecole du Val-de-Grâce. La mise en condition de projection sur un théâtre d’opérations comprend des préparations « santé » et « militaire ». Le futur médecin commence par étudier six ans à l’Ecole de santé des armées de Lyon-Bron, qui regroupe les Ecoles du service de santé des armées de Bordeaux et de Lyon depuis le 2 juillet 2011. Sa formation initiale générale militaire inclut l’école du soldat, le tir et les stages parachutiste et de plongeur. Puis, il va passer trois ans à l’Ecole du Val-de-Grâce en stages hospitaliers dans différents services : urgences civiles (bloc opératoire, service des brûlés et accidents de la route avec le sapeurs pompiers de Paris) ; blessures de guerre d’origine nucléaire, radiologique, biologique ou chimique ; blessés psychiques à identifier, à isoler rapidement, pour qu’ils ne perturbent pas l’équipe soignante, et à évacuer. Des exercices d’opération sanitaire ont lieu sur le terrain, notamment l’échographie d’urgence en cas de situation isolée. Parallèlement, s’effectue une formation continue d’adaptation aux milieux terrestre, aérien et maritime. Le sauvetage de combat prend en compte tous les retours d’expériences. Dans ce domaine, l’Ecole du Val-de-Grâce dispense trois types d’enseignements : une formation initiale spécialisée, des techniques de réanimation de l’avant et la médicalisation en milieu hostile. L’entraînement collectif est validé au sein du détachement d’assistance opérationnelle du camp militaire de Canjuers (Var). Pour sauver le maximum de monde au cours d’une opération, les médecins s’habituent à l’urgence collective. Ils doivent pouvoir donner des informations précises sur l’état de gravité des blessés, en vue de leur évacuation. Les outils de simulation  apprennent à demander les moyens d’évacuation appropriés. En 2011, environ 220 médecins ont participé à plus de 80 stages de préparation opérationnelle santé. Les auxiliaires de santé effectuent également des stages de sauvetage de combat.

La guerre en Afghanistan constitue aujourd’hui le principal terrain d’application. Le médecin soigne les blessés sans distinction. Ses camarades de combat se sont assurés au préalable qu’un taliban blessé et hospitalisé ne constitue plus une menace. Dans l’ensemble, les équipes de liaison et de tutorat opérationnel (OMLT, sigle OTAN) de la Force internationale d’assistance et de sécurité, destinées à conseiller les unités militaires afghanes, disposent de binômes médecin généraliste/infirmier. Toutefois, la ressource étant insuffisante, l’un des membres du binôme se retrouve parfois seul. Les médecins doivent donc savoir former des auxiliaires à la demande. Les spécialistes sont en général affectés à l’hôpital militaire de Kaboul et les réservistes, également spécialisés, à l’aéroport international. Des médecins afghans sont envoyés en formation en France et certains peuvent préparer l’agrégation à l’Ecole du Val-de-Grâce. Par ailleurs, les médecins féminins effectuent les mêmes formations et entraînements que leurs collègues masculins et leurs affectations dans les OMLT ne posent guère de difficultés, indique le médecin général Vergos. Vu le nombre croissant d’étudiantes à l’Ecole de santé des armées, le corps médical militaire français sera bientôt féminisé à 50 %.

« Les stages de préparation opérationnelle avant projection sont indispensables pour les techniques de réanimation de l’avant, conclut le directeur de l’Ecole du Val-de-Grâce, la qualité de la formation est validée par les retours d’expérience. Cet outil de formation a fait la preuve de son efficacité ».

Loïc Salmon

Les militaires gravement blessés au combat doivent être pris en charge en moins d’une heure, avant leur évacuation en métropole. Parmi eux, certains seront amputés. D’ici à 2014, une quinzaine d’amputés d’une main ou d’une jambe vont recevoir des prothèses articulées, actuellement en dotation dans les armées américaine et canadienne. Les « « mains » permettent un mouvement complet de l’articulation du poignet et les « genoux » une marche régulière et la prise en compte d’obstacles. Ces prothèses de dernière génération, d’un coût d’environ 55.000 € pièce, sont financées par un fonds exceptionnel alimenté en majorité par la Caisse nationale militaire de sécurité sociale et l’Office des anciens combattants et victimes de guerre et complété par l’entraide des associations « Solidarité défense » et « Terre fraternité ».




Afghanistan : nouvelle posture de la Brigade La Fayette

Le transfert de la défense et de la sécurité du territoire aux forces afghanes, entamé depuis octobre 2011, doit être progressif pour déterminer une prise de conscience de leur légitimité qui, à son tour, inspirera confiance à la population, estime le général Jean-Pierre Palasset, commandant de la brigade française La Fayette en Afghanistan.

Le général a fait un point de situation le 29 mars 2012, au cours d’une visioconférence entre le camp de Nijrab et la salle de presse du ministère de la Défense à Paris. Selon lui, pour que les forces gouvernementales puissent vaincre les insurgés, la brigade La Fayette doit relever trois défis : continuer de combattre avec elles ; encourager leur autonomie; planifier et conduire la transition.

Les modes d’action des insurgés s’adaptent en permanence à la situation et se cumulent : harcèlement, engins explosifs improvisés, attaques complexes, attentats suicides, véhicules piégés, tirs fratricides et manifestations. Chaque année, après l’hiver, les agressions reprennent en mars et avril, puis diminuent en mai en raison de la récolte du pavot pour la préparation de l’opium. Toutefois, le pavot n’est pas cultivé dans les zones tenues par la brigade La Fayette, précise son commandant. L’ANCOP (Afghan National Civil Order Police), équivalente de la gendarmerie mobile ou des CRS français, se charge de vérifier les zones de culture. La brigade a anticipé la période délicate de reprise des agressions en densifiant les points d’observation dans les vallées qu’elle contrôle. La guérilla tente toujours d’occuper la « zone verte » de la vallée de Tagab, afin de s’imbriquer dans la population et faire pression sur elle.

L’armée nationale afghane (ANA) a massivement recruté et peut désormais passer à une sélection plus sévère, d’après le général Palasset. « En trois à quatre ans, il fallait monter en puissance, créer une armée, la former et l’équiper ». Aujourd’hui, une division d’infanterie d’environ 6.000 hommes est capable de mener seule l’action principale d’une opération, qui repose sur quatre piliers : planification et conduite ; renseignement et appui aérien ; évacuation des blessés par hélicoptères ; réserve prête à intervenir. La brigade La Fayette apporte un appui au commandement et « laisse faire » l’ANA pour qu’elle devienne légitime et crédible. Celle-ci, bien équipée par les Etats-Unis, va aussi récupérer une partie des matériels de la Grande-Bretagne. La France compte rapatrier le maximum de ses matériels majeurs. Les pays qui laisseront des équipements militaires devront prendre en compte  la formation du personnel local sur ceux-ci et la maintenance de ces matériels, indique le général.

Les infiltrations de l’ANA par les talibans ont entraîné, dès la fin 2011, des mesures de contrôle du recrutement et de vérification du personnel par le ministère afghan de la Défense. La Force internationale d’assistance à la sécurité en Afghanistan (FIAS) a renforcé la capacité de l’ANA à identifier les talibans infiltrés, les soldats qui se sont radicalisés et les malades mentaux. La brigade La Fayette s’est concertée avec les unités afghanes dont elle à la charge « pour éviter la défiance qui nous aurait coupés de nos partenaires ». Les officiers et sous-officiers de l’ANA comprennent ces mesures de protection, mais il est plus difficile de savoir ce que pense la troupe. Toutefois, « l’expérience nous a appris à dépasser cette épreuve sans passer à la psychose ».

Le retrait d’Afghanistan de la brigade La Fayette s’effectue « de manière déterminée », souligne le général. Les drones Harfang et leurs opérateurs ont été rapatriés en février (voir « Archives » 14-03-2012). Toutefois, la brigade dispose encore de SDTi (système de drones tactique intérimaire) et de DRAC (drones de renseignement au contact) et peut faire appel aux drones de la FIAS. Les missions des forces spéciales sont conduites de nuit. Les relèves se font par l’aéroport de Kaboul et la base aérienne de Bagram, tous deux à l’abri des tirs indirects jusqu’à 2.000-3.000 m. Les menaces de missiles d’une portée de 5.000 m, dont sont équipés les talibans, ne perturbent pas encore le rythme des relèves. Les avions de chasse concentrent donc leurs efforts sur l’appui des troupes au sol. Parmi les districts que contrôle la brigade La Fayette, deux sont particulièrement sensibles car l’insurrection locale est attisée par le rejet de l’étranger. Le tempo de redéploiement de l’opération « Pamir » en Afghanistan reste du ressort du président de la République. « Nous sommes prêts à toute éventualité, car nos études prennent en compte toutes les hypothèses », conclut le général Palasset.

Loïc Salmon

Depuis la décision présidentielle du 27 novembre 2011 de retirer progressivement les forces françaises d’Afghanistan avant 2014, trois retraits de 200 hommes chacun ont eu lieu en octobre 2011, novembre-décembre 2011 et mars 2012. Les 3.400 militaires restants participent à la sécurisation des provinces de la Surobi et de la Kapisa, au soutien des forces de sécurité afghanes et à la montée en puissance de l’armée nationale afghane (formation et accompagnement sur le terrain). Depuis son engagement en 2001 au sein de la Force internationale d’assistance à la sécurité en Afghanistan, la France  perdu 83 militaires en mission.




Drones Harfang : trois ans en Afghanistan

Les images des drones constituent« une plus-value pour les troupes au sol », selon l’Etat-major des armées qui a présenté le bilan des Harfang (déployés trois ans en Afghanistan), au cours d’un point de presse le 23 février 2012 à Paris.

Dans le cadre de la reprogrammation du retrait des troupes et des matériels d’Afghanistan, les deux Harfang ont été rapatriés en février, démontés et placés dans des conteneurs transportés par un Antonov, avion gros porteur russe. En février 2009, l’escadron de drones 01.33 « Belfort » de l’armée de l’Air en avait envoyé trois, réduits ensuite à deux et servis par une quarantaine de militaires français sur la base aérienne internationale de Bagram. Ces drones MALE (moyenne altitude longue endurance) ont effectué environ 5.000 heures de vol en 660 sorties et ont rapporté 3.500 heures de vidéo sur 5.200 objectifs traités. Placés sous le commandement de la Force internationale d’assistance à la sécurité en Afghanistan, (FIAS), ils ont réalisé 40 % de leurs missions au profit des forces françaises engagées dans les provinces de Kapisa et de Surobi. Ces missions consistent en la surveillance de zone, la protection des convois, l’appui aux opérations, la lutte contre les engins explosifs improvisés et la reconnaissance en soutien à la planification des opérations. Une dizaine d’objectifs sont pris en compte par vol, effectué entre 5.000 m et 8.000 m d’altitude. L’exploitation des images en temps réel, dans le shelter du segment sol, permet au chef de mission de comprendre ce qui se passe au sol, en coordination avec les troupes sur le terrain. Les visions du ciel et du sol reconstituent la scène. Le drone envoie ses images simultanément aux personnels engagés sur le terrain, aux bases avancées, au commandement régional, à celui de la FIAS et à la base de Bagram. Les données sont transmises par deux liaisons satellitaires à haut débit (SATCOM, 3 MB/s) et par deux liaisons directes (LOS, 5 MB/s) à partir d’antennes d’une portée de 150 km pour la commande et le contrôle du drone. En trois ans, les Harfang n’ont connu que quelques incidents de transmissions de données, compensés par la redondance des observations des satellites géostationnaires.

Les forces françaises sur zone (3.400 militaires fin mars) disposent encore de drones de reconnaissance au contact (lancés par un homme) et de la couverture de la centaine de drones en tous genres de la FIAS.

Loïc Salmon




Opex : le soldat au cœur du succès

« La qualité de l’engagement du combattant sur le terrain fait la différence entre les missions réussies et celles qui ne le sont pas », a déclaré le ministre de la Défense Gérard Longuet, à l’issue d’une table ronde sur ce thème tenue le 22 novembre 2011 à Paris.

L’engagement militaire, dit-il, implique une totale disponibilité avec les risques qui l’accompagnent. Au cours de la même table ronde, dix combattants de divers grades ont apporté leurs témoignages sur les principales opérations en cours ou engagées depuis l’automne 2010 en Afghanistan (opération « Pamir »), Libye (Harmattan ») et Côte d’Ivoire (« Licorne »). Le centre de planification et de conduite des opérations (CPCO) travaille au profit de l’Etat-major des armées, dont le chef (CEMA) présente des options stratégiques à l’autorité politique. Les armées forment des modules adaptés aux missions en volume et capacité (cohérence d’effectifs et de moyens). « Il s’agit de bâtir une structure de commandement pour le CEMA, explique le général de brigade aérienne Jean Borel, adjoint planification au CPCO, cela n’exclut pas une dominante d’armée mais implique aussi les autres. Les armées entretiennent les compétences ».

Afghanistan : une formation opérationnelle spécifique rassemble les différentes spécialités afin de se roder à une procédure commune, déclare le lieutenant-colonel Stéphane Caffaro, officier adjoint du 21ème Régiment d’infanterie de marine et blessé le 18 septembre 2010 (voir revue téléchargeable N°304 juin 2011 p.18). Il s’agit de donner au GTIA (Groupement tactique interarmées des troupes françaises) de la province de Kapisa une grande cohésion et une force morale avant de projeter ses éléments dans un environnement hostile. Un blessé a la certitude que « l’institution mettra tout en œuvre pour l’évacuer, le soigner correctement et qu’il retrouve sa place dans son unité », dans la mesure du possible. La moyenne d’âge des blessés est de 30 ans ! « Il faut une culture de la réactivité pour aller projeter son savoir-faire n’importe où dans le monde en moins de 48 heures », souligne le sergent-chef Yann Baratte, contrôleur aérien avancé du commando parachutiste de l’air 20. Lors d’une attaque simultanée sur trois points contre une unité de la coalition par une trentaine d’insurgés, il s’est trouvé sous leur feu nourri alors qu’il guidait une patrouille d’hélicoptères français et américains pour les éliminer. « Après huit heures de combat et de feu, le silence est la plus belle récompense ». Pendant les trois semaines qui ont suivi, pas un seul coup de feu n’a été tiré dans la vallée. « Quand on est bien entraîné, on n’a pas peur. La peur de mourir, on l’a après, quand tout se calme ».

Libye : le lieutenant-colonel Loïc Rullière, pilote de Rafale et commandant l’escadron de chasse 1/7 « Provence », a dirigé la première patrouille de la première vague, en protection de la deuxième vague de Rafale et de Mirage 2000 qui devait aller loin dans la profondeur du territoire libyen. Son unité, basée à Solenzara (Corse) est en alerte : les équipages et mécaniciens ont travaillé toute la nuit. Tous les senseurs des appareils ont été employés pour résoudre la principale difficulté : faire la discrimination entre les véhicules armés et la population civile. « Notre fierté est d’avoir rempli la mission ». Un jour, dans le sud, un drone américain Predator a surveillé trois zones pendant trois heures avant l’arrivée des avions français… dont les cibles ont été soudainement changées. « Le commandant (de la force aérienne française) a attendu que l’analyse soit complète avant d’envoyer une patrouille », précise le lieutenant-colonel Rullière. De son côté, le personnel d’aviation embarquée habite quasiment sur le théâtre d’opérations. « On monte dans l’avion et on reçoit une photo (numérisée) prise par un Mirage F1-CR déclare le lieutenant de vaisseau Sébastien Colard, pilote de Rafale de la flottille 12 F, sur zone, on fait une reconnaissance des sites et on les engage. 1 H 45 après, on se pose de nuit sur le porte-avions avec six bombes en moins ». Les pilotes français et américains sont les seuls au monde à pouvoir effectuer de telles missions de nuit. A bord, les mécaniciens sentent qu’ils font partie de la chaîne, souligne le lieutenant de vaisseau Colard. De retour de mission en Afrique de l’Ouest, l’équipage du Bâtiment de projection et de commandement Tonnerre a appris un vendredi soir qu’il devait partir pour la Libye. Trois jours plus tard, il a appareillé avec tous les moyens nécessaires (armement, transmissions et modules) et après avoir organisé l’escorte (les yeux et les oreilles de la force). Ce bâtiment interarmées avec un hôpital, des compagnies de combat et des hélicoptères de l’armée de terre a dû mettre en œuvre une opération complexe. « Il a embarqué 400 militaires de plus de 30 unités différentes et les chefs de modules ne connaissaient pas les gens avec qui ils allaient travailler », souligne le capitaine de vaisseau Philippe Ebanga, commandant du Tonnerre pendant les opérations Licorne et Harmattan. Pendant trois mois, ces deux missions ont mobilisé le même équipage, qui a dû également assurer la maintenance du bâtiment. Une opération de frappes par hélicoptères, préparée à la minute près, commence par de longues minutes d’infiltration de nuit avec le risque d’essuyer des tirs d’armes anti-aériennes et de missiles sol/air. « Pour le raid sur Syrte, les photos de renseignement n’étaient pas suffisantes, nous avons été accueillis par des tirs de canons de 33 mm, explique le capitaine Brice Erblanc, pilote de Tigre du 1er Régiment d’hélicoptères de combat, on a recherché toutes les forces de Khadafi sur des pick-ups qui se cachent pour échapper aux avions de chasse. Il fallait tirer sur l’armement qu’on voyait à 200 m, c’est-à-dire à portée de ces armes ». Les renseignements sont fournis en temps réel par des avions de reconnaissance. « On est concentré dans l’action, on n’a plus de temps de ressentir d’émotion ». En outre, une frégate effectue un tir d’artillerie contre la côte pendant le transit des hélicoptères au dessus de la mer. Ainsi, la frégate de défense aérienne Chevalier-Paul détecte tout ce qui vole à 400 km autour d’elle (avions, hélicoptères et drones), indique le premier maître Jean-Philippe Merle de la cellule de coordination aérienne, elle doit éviter les collisions et que les hélicoptères, dont elle a la charge, ne travaillent pour une autre unité. Un avion de patrouille maritime ATL2 guide onze hélicoptères de combat (dont un de recherche et de sauvetage) vers les objectifs désignés, qu’il surveille par détecteur infrarouge. Il en informe l’avion radar de surveillance de théâtre AWACS, afin que la vague d’assaut ne soit pas gênée par d’autres aéronefs sur zone. Pendant l’engagement des hélicoptères, la frégate informe aussi l’AWACS du volume d’obus qu’elle va tirer avec ses deux canons de 76 mm. « Le commandant ordonne le feu sur deux objectifs pendant que les hélicoptères reviennent au BPC », ajoute le premier maître Merle. Ce bâtiment était en sécurité, mais une frégate a essuyé des tirs, indique le capitaine de vaisseau Ebanga.

Côte d’Ivoire : le capitaine Sébastien Laloup, pilote de transport de l’escadron de transport 1/64 « Béarn », a participé au pont aérien mis en œuvre entre Libreville (Gabon) et Abidjan (voir article « Gestion française des expatriés en temps de crise » dans les rubriques « Actualités » ou « Archives » 7-12-2011). Le soutien était prépositionné depuis deux mois quand, le 2 avril dans l’après-midi, est donné l’ordre de décoller pour se poser à Abidjan le lendemain à 3 h du matin. Le pont aérien, exclusivement français au début, évacue des ressortissants de diverses nationalités (Européens, Africains, Américains et Libanais) sur Dakar (Sénégal), Libreville (Gabon) et Lomé (Togo). Les avions reviennent avec des vivres et de l’eau. Les équipages ne comptent pas leurs heures de vol. « Les gens évacués ne cachaient leur joie sur leurs visages, car ils n’avaient plus d’argent ni de vivres. Pour nous, cela valait toutes les récompenses et toutes les médailles » ! A Abidjan, la force française Licorne a tout sécurisé au sol. L’adjudant Vincent Leroy était chef de peloton ERC 90 Sagaie du 12ème Régiment de cuirassiers, en alerte depuis 24 heures. « Depuis six mois et demi, on savait ce qu’on devait faire. Ma mission militaire était simple : tenir un carrefour ». La bataille d’Abidjan, de haute intensité, a duré une dizaine de jours : évacuation de ressortissants jour et nuit, prise de l’aéroport et prise du port autonome. « Les hommes étaient à fond dans leur mission », conclut l’adjudant Leroy.

Loïc Salmon

De gauche à droite : général de brigade aérienne Jean Borel, lieutenant-colonel Stéphane Caffaro, lieutenant de vaisseau Sébastien Colard, sergent-chef Yann Baratte, animateur Didier François, lieutenant-colonel (Air) Loïc Rullière, adjudant Vincent Leroy, capitaine de vaisseau Philippe Ebanga, capitaine Brice Erblanc et premier maître Jean-Philippe Merle.




Opex : de la détermination politique à l’engagement militaire

Fin 2011, la France déploie près de 8.000 militaires dans une vingtaine d’opérations extérieures (Opex), dont plus de 80 % dans un cadre multilatéral ou en soutien pour gérer des crises sécuritaires et humanitaires. Une table ronde, tenue le 22 novembre 2011 à Paris, a examiné le processus politico-militaire des principales en cours ou engagées depuis l’automne 2010 : « Pamir » en Afghanistan, « Harmattan » en Libye et « Licorne » en Côte d’Ivoire.

Y ont participé : Gérard Longuet, ministre de la Défense et des Anciens Combattants ; Jean-David Lévitte, conseiller diplomatique du président de la République ; l’amiral Edouard Guillaud, chef d’Etat-major des armées ; l’ambassadeur Philippe Errera, représentant permanent de la France à l’OTAN ; Alain Leroy, ancien secrétaire général adjoint de l’ONU chargé des opérations de maintien de la paix.

Cette table ronde a montré le fonctionnement interne du pouvoir dans la gestion de crise : volonté politique, travail diplomatique et contribution militaire. Tous les acteurs sont complémentaires. « Il n’y a pas d’engagement opérationnel sans projet politique clair et pas de projet politique clair sans unité de commandement », déclare Gérard Longuet. Selon lui, les pays partenaires reconnaissent le professionnalisme des forces françaises, héritage de traditions, valeur, discipline dans l’action et certitude d’employer le matériel à bon escient. Une fois la décision prise par le président de la République, le ministre de la Défense entretient une relation quotidienne avec les états-majors, explique le choix au Parlement et « fait en sorte que ça fonctionne à l’intérieur ». La France intervient en Afghanistan dans le cadre d’une coalition de 49 pays, qui souhaitent que cet Etat soit « reconnu dans sa souveraineté avec le minimum de dégâts ». L’effort principal porte sur l’émergence d’une force nationale afghane (armée et police), capable aujourd’hui d’assurer l’autorité de l’Etat sur 45 % de la population. Après le retrait des troupes de l’OTAN en 2014, elle devra pouvoir garantir l’état de droit et résister à une intervention extérieure.

« L’Afghanistan d’aujourd’hui n’a rien à voir avec ce qu’il était en 2001 (attentats terroristes d’Al Qaïda aux Etats-Unis) », estime Jean-David Lévitte. Par ailleurs, il a expliqué que le devoir d’ingérence dans les affaires intérieures d’un pays a été remplacé par la responsabilité de protéger un peuple menacé par son propre gouvernement. Trois conditions doivent être remplies : confirmation du massacre ; appels de la population et d’une organisation régionale ; mandat clair du Conseil de sécurité de l’ONU. « Sinon c’est la loi de la jungle où chaque pays pourrait intervenir chez son voisin s’il y a des troubles ». En Libye, il fallait « éviter une croisade occidentale en plein printemps arabe ». Le recours à l’OTAN, sous la direction de la France et de la Grande-Bretagne, inclut la participation de pays arabes : Jordanie, Qatar, Emirats arabes unis et Maroc. Dans le cas de la Côte d’Ivoire, la France, ancienne puissance coloniale, est considérée avec suspicion par un certain nombre de pays dans le monde. Le choix électoral du peuple ivoirien a été validé par l’Union africaine et le Conseil de sécurité de l’ONU. Des contacts ont été pris avec le Nigeria, en charge de la CEDEAO (Communauté économique des Etats d’Afrique de l’Ouest), pour que l’ONUCI (Opération des Nations unies en Côte d’Ivoire), incarnant la volonté de la communauté internationale, vienne en première ligne. Le procès d’intention persistant, il a fallu une lettre du secrétaire général de l’ONU demandant à la France d’intervenir. Dans l’ensemble, « cette année (2011) a permis à la France, non seulement d’occuper pleinement son rang, mais aussi de faire progresser une certaine conception très française de l’ordre international, nous avons fait vivre par deux fois, en Libye et en Côte d’Ivoire, le concept de la responsabilité de protéger, depuis son adoption en 2005 par le Conseil des Nations unies. ».  A ce propos, Jean-David Lévitte rappelle qu’il ne peut y avoir d’intervention en Syrie sans mandat du Conseil de sécurité de l’ONU.

De son côté, l’amiral Edouard Guillaud estime qu’il n’y a pas de modèle idéal d’opération. « Nous avons eu de la chance, qui se prépare avec de l’entraînement, de bons équipements et des forces morales ». En Libye, dit-il, envoyer des troupes au sol aurait été « catastrophique dans la durée ». Il fallait une légalité internationale et la possibilité de travailler avec la Grande-Bretagne. « Le président de la République a demandé de pouvoir frapper à la demande, en moins de cinq minutes après l’accord final des chefs d’Etat. Les avions étaient déjà en vol ». Les défis militaires à relever étaient divers : dépendance des résultats diplomatiques, autorisations de survol et de stationnement en Grèce et en Italie, déplacements logistiques et coordination ave les pays alliés. « Notre système étant plus réactif que les leurs, nous avons pu frapper les premiers ». La France a déployé un porte-avions, un bâtiment de projection et de commandement, un sous-marin nucléaire d’attaque, des frégates et pétroliers-ravitailleurs, des hélicoptères, des avions F1 CR, Mirage 2000, Rafale et le Transall « Gabriel » de guerre électronique.

Pour sa part, Philippe Errera indique que le recours à l’OTAN en Libye a impliqué : des capacités accrues avec des règles d’engagement spécifiques concernant l’embargo maritime, l’exclusion aérienne et le soutien humanitaire ; la nécessité que son action fédère et n’ait pas d’effet repoussoir ; l’accord des 28 Etats membres pour que l’organisation soit un outil militaire confié au « groupe de contact ». Il a noté que le délai entre la décision politique de recourir à l’OTAN et son intervention effective a considérablement diminué : un an pour le Kosovo en 1999 et moins d’une semaine pour la Libye en 2011. « L’intervention a duré du 31 mars au 31 octobre, mandat fixé par le Conseil de sécurité de l’ONU et l’Alliance Atlantique, avec zéro perte ! »

Enfin dans le cas de la Côte d’Ivoire, Alain Leroy rappelle que le Conseil de sécurité de l’ONU a autorisé la force française Licorne à soutenir l’ONUCI en cas de besoin (résolution1975 du 30 mars 2011). En effet, « les forces françaises avaient la capacité de frapper les armes lourdes (des troupes de l’ex-président Laurent Gbabo), que l’ONUCI n’avait pas », souligne Alain Leroy. Selon lui, sans Licorne, l’intervention aurait été impossible. Grâce à l’accord de la CDEAO et de l’Union africaine, il n’y a pas eu de critiques sérieuses ni de dommages collatéraux condamnables et surtout « l’ONU a évité une tragédie de type Rwanda ».

Loïc Salmon

 De gauche à droite : Alain Leroy, Jean-David Lévitte, Gérard Longuet, l’amiral Edouard Guillaud et l’ambassadeur Philippe Errera




Afghanistan : laboratoire européen contre IED

Un laboratoire expérimental européen d’analyse scientifique des engins explosifs improvisés (IED), entré en service en août 2011 au camp Warehouse de Kaboul, a été présenté à la presse le 29 septembre 2011 à Paris par l’Etat-major des armées.

L’Agence européenne de défense a investi 1 M€ dans la réalisation de ce laboratoire, dont la France est nation-cadre avec délégation de commandement des autres pays européens engagés. Ce laboratoire est intégré à la Task Force Paladin, spécialisée dans la lutte contre les IED au sein de la Force internationale d’assistance à la sécurité (FIAS). Cinq autres laboratoires, américains, contre IED sont déjà opérationnels en Afghanistan. Leur objectif est de déterminer l’origine et la chaîne de production en amont des IED pour les neutraliser. Les laboratoires travaillent en coopération avec des unités afghanes de lutte contre les IED, issues de la Direction nationale de la sécurité et des ministères de la Défense et de l’Intérieur.

Dans le laboratoire européen, une quinzaine de personnels (français, espagnols, polonais, américains et néerlandais) recueillent les IED saisis et les retours d’expériences des soldats de la coalition. Tous les éléments matériels sont photographiés et analysés pour en déterminer le fonctionnement, la composition et l’origine des ingrédients.

Plusieurs types d’analyses sont pratiquées : chimiques pour les composants souvent à base d’engrais disponibles dans le commerce ; biométriques pour relever les empreintes digitales et les traces d’ADN ; électroniques pour les cartes SIM des téléphones portables récupérés. Les données établies sont enregistrées et comparées avec celles existantes. Il s’agit ensuite d’anticiper les autres modes de mise à feu des IED.

Enfin, tout est archivé en vue de rédiger une documentation destinée aux personnels engagés sur le terrain.

Loïc Salmon