Sauvetage de combat : l’apprentissage des médecins

Les médecins généralistes des armées doivent être capables d’évaluer les blessés graves au plus près du conflit, de les prendre en charge et de faciliter leur évacuation sur un hôpital de campagne. Leur préparation opérationnelle a été présentée à la presse, le 5 avril 2012 à Paris, par le médecin général inspecteur Maurice Vergos, directeur de l’Ecole du Val-de-Grâce.

Depuis la guerre du Golfe (1991), les médecins apprennent  à appliquer automatiquement, en milieu hostile et en situation dégradée, les gestes d’urgence adaptés aux circonstances. L’apprentissage s’articule sur trois niveaux : minimiser les conséquences des erreurs commises ; réévaluer ses actes et ceux des autres ; éviter les erreurs futures par la préparation, l’anticipation et la formation. Le sauvetage de combat nécessite aussi de savoir utiliser les transmissions, pour demander du secours dans un cadre multinational, et de savoir se servir d’une arme, pour défendre les blessés ou soi-même en cas d’agression. Toutefois, le médecin n’est pas un combattant, rappelle le directeur de l’Ecole du Val-de-Grâce. La mise en condition de projection sur un théâtre d’opérations comprend des préparations « santé » et « militaire ». Le futur médecin commence par étudier six ans à l’Ecole de santé des armées de Lyon-Bron, qui regroupe les Ecoles du service de santé des armées de Bordeaux et de Lyon depuis le 2 juillet 2011. Sa formation initiale générale militaire inclut l’école du soldat, le tir et les stages parachutiste et de plongeur. Puis, il va passer trois ans à l’Ecole du Val-de-Grâce en stages hospitaliers dans différents services : urgences civiles (bloc opératoire, service des brûlés et accidents de la route avec le sapeurs pompiers de Paris) ; blessures de guerre d’origine nucléaire, radiologique, biologique ou chimique ; blessés psychiques à identifier, à isoler rapidement, pour qu’ils ne perturbent pas l’équipe soignante, et à évacuer. Des exercices d’opération sanitaire ont lieu sur le terrain, notamment l’échographie d’urgence en cas de situation isolée. Parallèlement, s’effectue une formation continue d’adaptation aux milieux terrestre, aérien et maritime. Le sauvetage de combat prend en compte tous les retours d’expériences. Dans ce domaine, l’Ecole du Val-de-Grâce dispense trois types d’enseignements : une formation initiale spécialisée, des techniques de réanimation de l’avant et la médicalisation en milieu hostile. L’entraînement collectif est validé au sein du détachement d’assistance opérationnelle du camp militaire de Canjuers (Var). Pour sauver le maximum de monde au cours d’une opération, les médecins s’habituent à l’urgence collective. Ils doivent pouvoir donner des informations précises sur l’état de gravité des blessés, en vue de leur évacuation. Les outils de simulation  apprennent à demander les moyens d’évacuation appropriés. En 2011, environ 220 médecins ont participé à plus de 80 stages de préparation opérationnelle santé. Les auxiliaires de santé effectuent également des stages de sauvetage de combat.

La guerre en Afghanistan constitue aujourd’hui le principal terrain d’application. Le médecin soigne les blessés sans distinction. Ses camarades de combat se sont assurés au préalable qu’un taliban blessé et hospitalisé ne constitue plus une menace. Dans l’ensemble, les équipes de liaison et de tutorat opérationnel (OMLT, sigle OTAN) de la Force internationale d’assistance et de sécurité, destinées à conseiller les unités militaires afghanes, disposent de binômes médecin généraliste/infirmier. Toutefois, la ressource étant insuffisante, l’un des membres du binôme se retrouve parfois seul. Les médecins doivent donc savoir former des auxiliaires à la demande. Les spécialistes sont en général affectés à l’hôpital militaire de Kaboul et les réservistes, également spécialisés, à l’aéroport international. Des médecins afghans sont envoyés en formation en France et certains peuvent préparer l’agrégation à l’Ecole du Val-de-Grâce. Par ailleurs, les médecins féminins effectuent les mêmes formations et entraînements que leurs collègues masculins et leurs affectations dans les OMLT ne posent guère de difficultés, indique le médecin général Vergos. Vu le nombre croissant d’étudiantes à l’Ecole de santé des armées, le corps médical militaire français sera bientôt féminisé à 50 %.

« Les stages de préparation opérationnelle avant projection sont indispensables pour les techniques de réanimation de l’avant, conclut le directeur de l’Ecole du Val-de-Grâce, la qualité de la formation est validée par les retours d’expérience. Cet outil de formation a fait la preuve de son efficacité ».

Loïc Salmon

Les militaires gravement blessés au combat doivent être pris en charge en moins d’une heure, avant leur évacuation en métropole. Parmi eux, certains seront amputés. D’ici à 2014, une quinzaine d’amputés d’une main ou d’une jambe vont recevoir des prothèses articulées, actuellement en dotation dans les armées américaine et canadienne. Les « « mains » permettent un mouvement complet de l’articulation du poignet et les « genoux » une marche régulière et la prise en compte d’obstacles. Ces prothèses de dernière génération, d’un coût d’environ 55.000 € pièce, sont financées par un fonds exceptionnel alimenté en majorité par la Caisse nationale militaire de sécurité sociale et l’Office des anciens combattants et victimes de guerre et complété par l’entraide des associations « Solidarité défense » et « Terre fraternité ».




Opex : le soldat au cœur du succès

« La qualité de l’engagement du combattant sur le terrain fait la différence entre les missions réussies et celles qui ne le sont pas », a déclaré le ministre de la Défense Gérard Longuet, à l’issue d’une table ronde sur ce thème tenue le 22 novembre 2011 à Paris.

L’engagement militaire, dit-il, implique une totale disponibilité avec les risques qui l’accompagnent. Au cours de la même table ronde, dix combattants de divers grades ont apporté leurs témoignages sur les principales opérations en cours ou engagées depuis l’automne 2010 en Afghanistan (opération « Pamir »), Libye (Harmattan ») et Côte d’Ivoire (« Licorne »). Le centre de planification et de conduite des opérations (CPCO) travaille au profit de l’Etat-major des armées, dont le chef (CEMA) présente des options stratégiques à l’autorité politique. Les armées forment des modules adaptés aux missions en volume et capacité (cohérence d’effectifs et de moyens). « Il s’agit de bâtir une structure de commandement pour le CEMA, explique le général de brigade aérienne Jean Borel, adjoint planification au CPCO, cela n’exclut pas une dominante d’armée mais implique aussi les autres. Les armées entretiennent les compétences ».

Afghanistan : une formation opérationnelle spécifique rassemble les différentes spécialités afin de se roder à une procédure commune, déclare le lieutenant-colonel Stéphane Caffaro, officier adjoint du 21ème Régiment d’infanterie de marine et blessé le 18 septembre 2010 (voir revue téléchargeable N°304 juin 2011 p.18). Il s’agit de donner au GTIA (Groupement tactique interarmées des troupes françaises) de la province de Kapisa une grande cohésion et une force morale avant de projeter ses éléments dans un environnement hostile. Un blessé a la certitude que « l’institution mettra tout en œuvre pour l’évacuer, le soigner correctement et qu’il retrouve sa place dans son unité », dans la mesure du possible. La moyenne d’âge des blessés est de 30 ans ! « Il faut une culture de la réactivité pour aller projeter son savoir-faire n’importe où dans le monde en moins de 48 heures », souligne le sergent-chef Yann Baratte, contrôleur aérien avancé du commando parachutiste de l’air 20. Lors d’une attaque simultanée sur trois points contre une unité de la coalition par une trentaine d’insurgés, il s’est trouvé sous leur feu nourri alors qu’il guidait une patrouille d’hélicoptères français et américains pour les éliminer. « Après huit heures de combat et de feu, le silence est la plus belle récompense ». Pendant les trois semaines qui ont suivi, pas un seul coup de feu n’a été tiré dans la vallée. « Quand on est bien entraîné, on n’a pas peur. La peur de mourir, on l’a après, quand tout se calme ».

Libye : le lieutenant-colonel Loïc Rullière, pilote de Rafale et commandant l’escadron de chasse 1/7 « Provence », a dirigé la première patrouille de la première vague, en protection de la deuxième vague de Rafale et de Mirage 2000 qui devait aller loin dans la profondeur du territoire libyen. Son unité, basée à Solenzara (Corse) est en alerte : les équipages et mécaniciens ont travaillé toute la nuit. Tous les senseurs des appareils ont été employés pour résoudre la principale difficulté : faire la discrimination entre les véhicules armés et la population civile. « Notre fierté est d’avoir rempli la mission ». Un jour, dans le sud, un drone américain Predator a surveillé trois zones pendant trois heures avant l’arrivée des avions français… dont les cibles ont été soudainement changées. « Le commandant (de la force aérienne française) a attendu que l’analyse soit complète avant d’envoyer une patrouille », précise le lieutenant-colonel Rullière. De son côté, le personnel d’aviation embarquée habite quasiment sur le théâtre d’opérations. « On monte dans l’avion et on reçoit une photo (numérisée) prise par un Mirage F1-CR déclare le lieutenant de vaisseau Sébastien Colard, pilote de Rafale de la flottille 12 F, sur zone, on fait une reconnaissance des sites et on les engage. 1 H 45 après, on se pose de nuit sur le porte-avions avec six bombes en moins ». Les pilotes français et américains sont les seuls au monde à pouvoir effectuer de telles missions de nuit. A bord, les mécaniciens sentent qu’ils font partie de la chaîne, souligne le lieutenant de vaisseau Colard. De retour de mission en Afrique de l’Ouest, l’équipage du Bâtiment de projection et de commandement Tonnerre a appris un vendredi soir qu’il devait partir pour la Libye. Trois jours plus tard, il a appareillé avec tous les moyens nécessaires (armement, transmissions et modules) et après avoir organisé l’escorte (les yeux et les oreilles de la force). Ce bâtiment interarmées avec un hôpital, des compagnies de combat et des hélicoptères de l’armée de terre a dû mettre en œuvre une opération complexe. « Il a embarqué 400 militaires de plus de 30 unités différentes et les chefs de modules ne connaissaient pas les gens avec qui ils allaient travailler », souligne le capitaine de vaisseau Philippe Ebanga, commandant du Tonnerre pendant les opérations Licorne et Harmattan. Pendant trois mois, ces deux missions ont mobilisé le même équipage, qui a dû également assurer la maintenance du bâtiment. Une opération de frappes par hélicoptères, préparée à la minute près, commence par de longues minutes d’infiltration de nuit avec le risque d’essuyer des tirs d’armes anti-aériennes et de missiles sol/air. « Pour le raid sur Syrte, les photos de renseignement n’étaient pas suffisantes, nous avons été accueillis par des tirs de canons de 33 mm, explique le capitaine Brice Erblanc, pilote de Tigre du 1er Régiment d’hélicoptères de combat, on a recherché toutes les forces de Khadafi sur des pick-ups qui se cachent pour échapper aux avions de chasse. Il fallait tirer sur l’armement qu’on voyait à 200 m, c’est-à-dire à portée de ces armes ». Les renseignements sont fournis en temps réel par des avions de reconnaissance. « On est concentré dans l’action, on n’a plus de temps de ressentir d’émotion ». En outre, une frégate effectue un tir d’artillerie contre la côte pendant le transit des hélicoptères au dessus de la mer. Ainsi, la frégate de défense aérienne Chevalier-Paul détecte tout ce qui vole à 400 km autour d’elle (avions, hélicoptères et drones), indique le premier maître Jean-Philippe Merle de la cellule de coordination aérienne, elle doit éviter les collisions et que les hélicoptères, dont elle a la charge, ne travaillent pour une autre unité. Un avion de patrouille maritime ATL2 guide onze hélicoptères de combat (dont un de recherche et de sauvetage) vers les objectifs désignés, qu’il surveille par détecteur infrarouge. Il en informe l’avion radar de surveillance de théâtre AWACS, afin que la vague d’assaut ne soit pas gênée par d’autres aéronefs sur zone. Pendant l’engagement des hélicoptères, la frégate informe aussi l’AWACS du volume d’obus qu’elle va tirer avec ses deux canons de 76 mm. « Le commandant ordonne le feu sur deux objectifs pendant que les hélicoptères reviennent au BPC », ajoute le premier maître Merle. Ce bâtiment était en sécurité, mais une frégate a essuyé des tirs, indique le capitaine de vaisseau Ebanga.

Côte d’Ivoire : le capitaine Sébastien Laloup, pilote de transport de l’escadron de transport 1/64 « Béarn », a participé au pont aérien mis en œuvre entre Libreville (Gabon) et Abidjan (voir article « Gestion française des expatriés en temps de crise » dans les rubriques « Actualités » ou « Archives » 7-12-2011). Le soutien était prépositionné depuis deux mois quand, le 2 avril dans l’après-midi, est donné l’ordre de décoller pour se poser à Abidjan le lendemain à 3 h du matin. Le pont aérien, exclusivement français au début, évacue des ressortissants de diverses nationalités (Européens, Africains, Américains et Libanais) sur Dakar (Sénégal), Libreville (Gabon) et Lomé (Togo). Les avions reviennent avec des vivres et de l’eau. Les équipages ne comptent pas leurs heures de vol. « Les gens évacués ne cachaient leur joie sur leurs visages, car ils n’avaient plus d’argent ni de vivres. Pour nous, cela valait toutes les récompenses et toutes les médailles » ! A Abidjan, la force française Licorne a tout sécurisé au sol. L’adjudant Vincent Leroy était chef de peloton ERC 90 Sagaie du 12ème Régiment de cuirassiers, en alerte depuis 24 heures. « Depuis six mois et demi, on savait ce qu’on devait faire. Ma mission militaire était simple : tenir un carrefour ». La bataille d’Abidjan, de haute intensité, a duré une dizaine de jours : évacuation de ressortissants jour et nuit, prise de l’aéroport et prise du port autonome. « Les hommes étaient à fond dans leur mission », conclut l’adjudant Leroy.

Loïc Salmon

De gauche à droite : général de brigade aérienne Jean Borel, lieutenant-colonel Stéphane Caffaro, lieutenant de vaisseau Sébastien Colard, sergent-chef Yann Baratte, animateur Didier François, lieutenant-colonel (Air) Loïc Rullière, adjudant Vincent Leroy, capitaine de vaisseau Philippe Ebanga, capitaine Brice Erblanc et premier maître Jean-Philippe Merle.




Nom de code Geronimo

Ce documentaire-fiction présente la puissance américaine en termes de moyens techniques et humains de renseignement et de suivi d’une opération spéciale sur le terrain. Il relate l’opération américaine « Trident de Neptune », conduite le 2 mai 2011 pour neutraliser Oussama ben Laden, chef de l’organisation terroriste Al Quaïda dont les attentats aux Etats-Unis avaient tué 2.973 personnes le 11 septembre 2001.

La mort de Ben Laden a été annoncée par le président Barack Obama, qui avait suivi en direct ce raid d’une quarantaine de minutes. En effet, les membres de l’unité des forces spéciales engagées (« Navy Seal Team 6 ») portaient une micro-caméra sur leur casque. L’intérêt de ce documentaire-fiction réside dans la préparation de cette opération, lancée depuis la base militaire de la Force internationale d’assistance à la sécurité (FIAS) à Bagram en Afghanistan. Elle commence par la longue enquête de la CIA et se poursuit par l’entraînement de la Navy Seal Team 6. Ben Laden est désigné sous le nom de « Geronimo » (1829-1909), célèbre chef des Apaches qui avaient longtemps lutté contre les Etats-Unis pendant la conquête de l’Ouest. Quoique l’issue de l’opération Trident de Neptune soit connue, le « suspense » sur son succès ou son échec est savamment entretenu par les doutes des agents de la CIA, la recherche de preuves suffisantes pour obtenir le feu vert du président américain dans un contexte pré-électoral, les options envisagées et les états d’âme de quelques membres de la Navy Seal Team 6 avant son déclenchement. Une opération similaire, dénommée « Serre d’aigle », avait été montée en 1980  pour libérer les 444 otages de l’ambassade américaine détenus à Téhéran. Son échec, les 24 et 25 avril, avait entraîné celui de la réélection du président Jimmy Carter. Les otages avaient été libérés par l’Iran le 20 janvier 1981, jour de l’intronisation du président Ronald Reagan. Par la suite, les forces spéciales américaines ont été profondément remaniées. Cette fois-ci,  la Navy Seal Team 6, chargée exclusivement de la lutte antiterroriste, reçoit l’ordre du Pentagone de capturer ou tuer, s’il le faut, la cible Geronimo cachée au Pakistan, pays officiellement allié des Etats-Unis. Une fois formellement identifiée, la dépouille de Ben Laden sera immergée en haute mer. Sa mort sera reconnue par Al Qaïda. La Navy Seal Team 6, dont aucun membre n’a été tué ou blessé dans cette opération, sera décorée de la « Presidential Unit Citation », plus haute distinction décernée à une unité militaire pour sa bravoure. Trois mois plus tard, dans la nuit du 5 au 6 août 2011, un hélicoptère Chinook est abattu en représailles en Afghanistan avec 20 membres de la Navy Seal Team 6 à bord. Aucun d’eux n’avait participé à l’opération Trident de Neptune.

Loïc Salmon

Code name Geronimo.  Seven7Sept. 1h 36 mn/19,99 €. Boutique : http///www.sevensept.com/search/node/code%20name

 




Drones Harfang : trois ans en Afghanistan

Les images des drones constituent« une plus-value pour les troupes au sol », selon l’Etat-major des armées qui a présenté le bilan des Harfang (déployés trois ans en Afghanistan), au cours d’un point de presse le 23 février 2012 à Paris.

Dans le cadre de la reprogrammation du retrait des troupes et des matériels d’Afghanistan, les deux Harfang ont été rapatriés en février, démontés et placés dans des conteneurs transportés par un Antonov, avion gros porteur russe. En février 2009, l’escadron de drones 01.33 « Belfort » de l’armée de l’Air en avait envoyé trois, réduits ensuite à deux et servis par une quarantaine de militaires français sur la base aérienne internationale de Bagram. Ces drones MALE (moyenne altitude longue endurance) ont effectué environ 5.000 heures de vol en 660 sorties et ont rapporté 3.500 heures de vidéo sur 5.200 objectifs traités. Placés sous le commandement de la Force internationale d’assistance à la sécurité en Afghanistan, (FIAS), ils ont réalisé 40 % de leurs missions au profit des forces françaises engagées dans les provinces de Kapisa et de Surobi. Ces missions consistent en la surveillance de zone, la protection des convois, l’appui aux opérations, la lutte contre les engins explosifs improvisés et la reconnaissance en soutien à la planification des opérations. Une dizaine d’objectifs sont pris en compte par vol, effectué entre 5.000 m et 8.000 m d’altitude. L’exploitation des images en temps réel, dans le shelter du segment sol, permet au chef de mission de comprendre ce qui se passe au sol, en coordination avec les troupes sur le terrain. Les visions du ciel et du sol reconstituent la scène. Le drone envoie ses images simultanément aux personnels engagés sur le terrain, aux bases avancées, au commandement régional, à celui de la FIAS et à la base de Bagram. Les données sont transmises par deux liaisons satellitaires à haut débit (SATCOM, 3 MB/s) et par deux liaisons directes (LOS, 5 MB/s) à partir d’antennes d’une portée de 150 km pour la commande et le contrôle du drone. En trois ans, les Harfang n’ont connu que quelques incidents de transmissions de données, compensés par la redondance des observations des satellites géostationnaires.

Les forces françaises sur zone (3.400 militaires fin mars) disposent encore de drones de reconnaissance au contact (lancés par un homme) et de la couverture de la centaine de drones en tous genres de la FIAS.

Loïc Salmon




Lieutenants en Afghanistan, retour d’expérience

Partis en Afghanistan pour vivre quelque chose de fort, mais sans illusion sur les buts géopolitiques de cette guerre interminable, deux jeunes officiers témoignent.

Camarades de promotion à l’Ecole spéciale militaire de Saint-Cyr Coëtquidan, aujourd’hui capitaines, Charles et Hughes (30 ans), ont raconté leur expérience personnelle de lieutenant au feu, au cours d’une conférence-débat organisée, le 25 avril 2013 à Paris, par l’Association des auditeurs jeunes de l’Institut des hautes études de défense nationale.

Le logisticien. Officier du Train, Charles s’est occupé d’escorter des convois logistiques d’octobre 2009 à avril 2010, destinés à ravitailler les postes avancés de l’armée de Terre de Wardak, Logar, Parwan et dans les vallées de Kapisa et Surobi. Son peloton comptait 32 sous-officiers et soldats et 10 véhicules blindés de l’avant.  En six mois et demi, il a parcouru 20.000 km sans tomber dans une embuscade, mais avec des moments de tension en 2009 consécutifs au sévère accrochage d’Uzbin (10 Français tués et 21 blessés les 18 et 19 août 2008) et… beaucoup de pannes de véhicules. La préparation, compliquée et difficile, d’un convoi, qui va rouler un ou deux jours, demande du temps. Pendant le trajet, il faut faire attention aux engins explosifs improvisés (EEI) et aux intrus qui tentent de s’insérer dans le convoi. Les espaces sont interminables et les routes petites, parfois bitumées, mais souvent poussiéreuses et donc pénibles. Lors de son second mandat d’avril à octobre 2011, Charles devient officier de renseignement du Bataillon logistique. Sa mission consiste à étudier le terrain et compiler des dossiers, en vue d’apporter un conseil pour la prise de décision d’envoyer ou non un convoi. Les combats et attaques à la roquette, fréquents en 2008-2009, ont diminué considérablement en 2011. Les convois s’aventurent moins profondément dans les vallées et restent plus proches des bases. En outre, « la population est de moins en moins contente de nous voir ».

Le sapeur. Officier du Génie dans la 2ème Division blindée et, aujourd’hui, titulaire de la croix de la Valeur militaire, Hughes commande un détachement d’ouverture d’itinéraire d’avril à octobre 2011. Il dispose de 44 sapeurs, 2 véhicules détecteurs de métaux, 2 engins « Buffalo » au bras articulé et équipés d’un grillage de protection contre les roquettes et 6 véhicules blindés hautement protégés (VBHP) conçus pour résister aux explosifs. Tout emplacement d’une masse métallique détectée est marqué par de la peinture au sol. Les véhicules progressent en quinconce, parfois par des températures extérieures de 55-60 ° C. Dans les endroits resserrés, les sapeurs ouvrent l’itinéraire à pied avec leurs détecteurs de métaux portatifs, mais toujours sous la protection des VBHP. La zone française de patrouille s’étend sur 150 km. En six mois et demi d’opérations, le détachement a parcouru 6.000 km et repéré 11 EEI, mais 7 autres ont explosé. Les talibans, très déterminés, veulent causer le maximum de dégâts. Lors d’un accrochage, un taliban blessé a été exfiltré par ses compagnons. L’attaque à la roquette du véhicule de tête a pour but d’inciter les équipages des suivants à sortir de leur abri blindé pour les tuer. Le détachement d’Hughes est tombé dans deux embuscades valorisées par des EEI. Ses pertes humaines se montent à 1 tué, 2 blessés légers et 6 rapatriements psychologiques. Les missions, séparées par un seul jour de repos, durent 5 ou 6 jours sur le terrain. Il faut sans cesse s’adapter, car la mission, méticuleusement préparée pendant une semaine, se déroule rarement comme prévu. Les drones reconnaissent l’axe et renseignent sur toute présence suspecte. Les hélicoptères escortent le convoi sur 3 km en avant et rassurent ainsi les équipages. Certains ont été touchés par des roquettes ou des tirs bien ajustés. La menace des missiles portatifs sol-air « Stinger », fournis par la CIA aux talibans pendant leur guerre contre les troupes soviétiques, quoique latente, ne s’est pas matérialisée.

La solitude du chef. Malgré la différence de leurs missions, Charles et Hughes ont eu à prendre des décisions dans l’urgence et l’incertitude. Ils ont connu un stress permanent et pesant pendant toute la durée de la mission, malgré les six mois de préparation préalable en France. Les renseignements sont souvent « hyperalarmistes ». Dès la sortie de Kaboul, Charles doit assurer la cohésion d’hommes qu’il va commander pendant plusieurs mois et faire en sorte que tous restent attentifs en dépit de la routine. Il estime avoir acquis une expérience humaine et opérationnelle dans un pays… dont la population essaie de rejeter le « greffon étranger » le plus vite possible. Pour Hughes, chaque décision pèse son poids de responsabilité, car le mauvais choix peut provoquer la mort d’hommes. « J’ai vu des morts et des blessés et j’ai connu l’enfer », dit-il en précisant qu’il a perdu 6 kg en six mois et demi. « Psychologiquement, c’est interminable ». Pourtant, « on a le sentiment de contrôler notre vie ». L’annonce d’un blessé dans les rangs français pendant la préparation d’une mission peut entraîner son annulation. Au cours de la mission, le chef doit prendre des initiatives et donner des ordres. Quand des tirs éclatent de tous côtés, il doit conserver sa lucidité malgré sa peur, afin d’éviter la panique parmi sa troupe. Endurant, il doit s’adapter rapidement à des situations hostiles, montrer l’exemple, bien connaître ses personnels et leur inspirer confiance afin d’obtenir leur adhésion en opération, où la discipline formelle ne suffit plus. Certains de ses hommes pourraient en effet refuser de partir en mission et même, dans un cas extrême, lui tirer dans le dos. Sur un plan plus général, Charles et Hughes reconnaissent avoir été équipés de matériels performants. Ils ont aussi constaté un saut qualitatif au niveau du soldat entre leurs deux mandats. « L’armée s’est aguerrie rapidement et les officiers sont meilleurs que leurs prédécesseurs ». Mais l’amertume se manifeste avec le sentiment de ne pas avoir servi la France, mais plutôt d’avoir été les mercenaires des entreprises d’armement américaines qui prospectent le marché mondial, car, sur le terrain, « les Etats-Unis décident de tout ». De retour en France, Charles et Hughes ont été surpris de l’indifférence du public quand ils disaient avoir combattu en Afghanistan. Toutefois, ils s’estiment heureux d’en être revenus indemnes. Finalement, ils ont démissionné de l’armée…comme plusieurs de leurs camarades de promotion.

Loïc Salmon

Hughes (à droite) avec son adjoint. A l’époque, la base de Bagram de la Force internationale d’assistance et de sécurité comptait 38.000 personnels, dont la moitié de civils. A la date de la conférence (avril 2013), les pertes connues au cours des guerres en Afghanistan depuis 1979, accidents compris, étaient les suivantes : URSS, 15.000 morts sur un effectif de 160.000 hommes déployés ; Etats-Unis, 2.201 (90.000) ; Grande-Bretagne, 441 (10.000) ; France, 88 (4.000).




Afghanistan : nouvelle posture de la Brigade La Fayette

Le transfert de la défense et de la sécurité du territoire aux forces afghanes, entamé depuis octobre 2011, doit être progressif pour déterminer une prise de conscience de leur légitimité qui, à son tour, inspirera confiance à la population, estime le général Jean-Pierre Palasset, commandant de la brigade française La Fayette en Afghanistan.

Le général a fait un point de situation le 29 mars 2012, au cours d’une visioconférence entre le camp de Nijrab et la salle de presse du ministère de la Défense à Paris. Selon lui, pour que les forces gouvernementales puissent vaincre les insurgés, la brigade La Fayette doit relever trois défis : continuer de combattre avec elles ; encourager leur autonomie; planifier et conduire la transition.

Les modes d’action des insurgés s’adaptent en permanence à la situation et se cumulent : harcèlement, engins explosifs improvisés, attaques complexes, attentats suicides, véhicules piégés, tirs fratricides et manifestations. Chaque année, après l’hiver, les agressions reprennent en mars et avril, puis diminuent en mai en raison de la récolte du pavot pour la préparation de l’opium. Toutefois, le pavot n’est pas cultivé dans les zones tenues par la brigade La Fayette, précise son commandant. L’ANCOP (Afghan National Civil Order Police), équivalente de la gendarmerie mobile ou des CRS français, se charge de vérifier les zones de culture. La brigade a anticipé la période délicate de reprise des agressions en densifiant les points d’observation dans les vallées qu’elle contrôle. La guérilla tente toujours d’occuper la « zone verte » de la vallée de Tagab, afin de s’imbriquer dans la population et faire pression sur elle.

L’armée nationale afghane (ANA) a massivement recruté et peut désormais passer à une sélection plus sévère, d’après le général Palasset. « En trois à quatre ans, il fallait monter en puissance, créer une armée, la former et l’équiper ». Aujourd’hui, une division d’infanterie d’environ 6.000 hommes est capable de mener seule l’action principale d’une opération, qui repose sur quatre piliers : planification et conduite ; renseignement et appui aérien ; évacuation des blessés par hélicoptères ; réserve prête à intervenir. La brigade La Fayette apporte un appui au commandement et « laisse faire » l’ANA pour qu’elle devienne légitime et crédible. Celle-ci, bien équipée par les Etats-Unis, va aussi récupérer une partie des matériels de la Grande-Bretagne. La France compte rapatrier le maximum de ses matériels majeurs. Les pays qui laisseront des équipements militaires devront prendre en compte  la formation du personnel local sur ceux-ci et la maintenance de ces matériels, indique le général.

Les infiltrations de l’ANA par les talibans ont entraîné, dès la fin 2011, des mesures de contrôle du recrutement et de vérification du personnel par le ministère afghan de la Défense. La Force internationale d’assistance à la sécurité en Afghanistan (FIAS) a renforcé la capacité de l’ANA à identifier les talibans infiltrés, les soldats qui se sont radicalisés et les malades mentaux. La brigade La Fayette s’est concertée avec les unités afghanes dont elle à la charge « pour éviter la défiance qui nous aurait coupés de nos partenaires ». Les officiers et sous-officiers de l’ANA comprennent ces mesures de protection, mais il est plus difficile de savoir ce que pense la troupe. Toutefois, « l’expérience nous a appris à dépasser cette épreuve sans passer à la psychose ».

Le retrait d’Afghanistan de la brigade La Fayette s’effectue « de manière déterminée », souligne le général. Les drones Harfang et leurs opérateurs ont été rapatriés en février (voir « Archives » 14-03-2012). Toutefois, la brigade dispose encore de SDTi (système de drones tactique intérimaire) et de DRAC (drones de renseignement au contact) et peut faire appel aux drones de la FIAS. Les missions des forces spéciales sont conduites de nuit. Les relèves se font par l’aéroport de Kaboul et la base aérienne de Bagram, tous deux à l’abri des tirs indirects jusqu’à 2.000-3.000 m. Les menaces de missiles d’une portée de 5.000 m, dont sont équipés les talibans, ne perturbent pas encore le rythme des relèves. Les avions de chasse concentrent donc leurs efforts sur l’appui des troupes au sol. Parmi les districts que contrôle la brigade La Fayette, deux sont particulièrement sensibles car l’insurrection locale est attisée par le rejet de l’étranger. Le tempo de redéploiement de l’opération « Pamir » en Afghanistan reste du ressort du président de la République. « Nous sommes prêts à toute éventualité, car nos études prennent en compte toutes les hypothèses », conclut le général Palasset.

Loïc Salmon

Depuis la décision présidentielle du 27 novembre 2011 de retirer progressivement les forces françaises d’Afghanistan avant 2014, trois retraits de 200 hommes chacun ont eu lieu en octobre 2011, novembre-décembre 2011 et mars 2012. Les 3.400 militaires restants participent à la sécurisation des provinces de la Surobi et de la Kapisa, au soutien des forces de sécurité afghanes et à la montée en puissance de l’armée nationale afghane (formation et accompagnement sur le terrain). Depuis son engagement en 2001 au sein de la Force internationale d’assistance à la sécurité en Afghanistan, la France  perdu 83 militaires en mission.




DCI : actions communes de défense et de diplomatie

Outil de la politique d’exportation d’armement et porteur de l’image des armées, Défense Conseil International (DCI) contribue à l’influence de la France par le partage de savoir-faire, la garantie de qualité et la création de relations durables avec les pays clients.

Son président-directeur général Jean-Michel Palagos l’a expliqué au cours d’une conférence-débat organisée, le 11 juin 2014 à Paris, par l’Association des auditeurs jeunes de l’Institut des hautes études de défense nationale.

La stratégie. Outre son droit de veto au Conseil de sécurité de l’ONU, la France occupe une place à part parmi la communauté internationale par son indépendance historique des blocs et des courants de pensée dominants : guerre du Golfe (1991), non-intervention en Irak (2003), engagement au Mali (2013). Son courage, souligne Jean-Michel Palagos, la fait respecter dans le monde, car elle est venue secourir certains pays sans rien demander en retour, notamment en ce qui concerne la situation en Syrie, au Liban et dans la bande sahélo-saharienne. Le Koweït n’a pas oublié que DCI est la seule entreprise occidentale à ne pas avoir quitté le pays en 1990, lors de son invasion par l’armée irakienne. Depuis la construction de frégates Sawari pour l’Arabie Saoudite dans les années 1980 puis la formation à la souveraineté en mer des États voisins (Qatar et Émirats arabes unis), la France a implanté une base de défense navale, aérienne et terrestre à Abou Dhabi en 2009 pour sécuriser ses approvisionnements pétroliers et gaziers. La mer Rouge, autrefois sous influence de la Grande Bretagne, passe sous celle de la France. Par ailleurs, les forces armées françaises, qui ont réussi leur retrait d’Afghanistan, sont devenues les meilleures d’Europe, car capables de remplir la totalité des missions pour installer la paix et combattre le terrorisme. DCI fait payer ses prestations par les États demandeurs. La Direction de la coopération de sécurité et de défense du ministère des Affaires étrangères lui sous-traite les transferts de formation dans les pays en développement. Outre les pays arabes, DCI prospecte en Malaisie, Amérique du Sud et Afrique. Les pays de la corne de l’Afrique bénéficient d’une croissance économique grâce aux cultures vivrières et au pétrole offshore, mais ressentent un besoin de sécurité, notamment contre la piraterie maritime. Toutefois, tout transfert de savoir-faire militaire doit recevoir au préalable le feu vert  de la Commission interministérielle pour l’étude des exportations de matériels de guerre. Celle-ci examine les dossiers au cas par cas, selon la technologie à transférer et les risques concernant le pays demandeur. Auparavant, pour éviter toute imprudence, DCI s’informe auprès de la Direction des affaires stratégiques du ministère de la Défense sur la portée stratégique et le contenu technique du projet demandé. Ainsi, DCI-NAVCO va assurer la formation opérationnelle des équipages des bâtiments russes de projection et de commandement Vladivostok et Sébastopol, en construction au chantier naval de Saint-Nazaire.

La méthode. DCI-DESCO apporte conseils et qualifications tout au long du cycle de vie d’un équipement, sauf sa fourniture initiale qui incombe à l’industriel. Ce dernier suit une logique de recherche, développement et performance d’un matériel neuf et n’assure son maintien en condition opérationnelle (MCO) qu’en France. Fidèle à sa logique de service, DCI fait du MCO à la demande du client étranger. En effet, même si l’équipement n’est pas entretenu, son dysfonctionnement sera toujours imputé à l’exportateur ! Partenaire mais indépendant de tous les industriels français, DCI étudie les besoins spécifiques des états-majors étrangers, jamais identiques d’un pays à l’autre. Ils veulent l’équipement, comprendre son fonctionnement, une formation opérationnelle, une opérabilité entre systèmes d’armes et participer à des manœuvres internationales. Ainsi, DCI facilite la coordination avec le chantier naval lors de l’immobilité de longue durée d’un navire pour entretien et réparations. Il forme notamment : équipages d’aviation légère d’une armée de Terre étrangère au vol tactique de nuit avec des jumelles à vision nocturne ; plongeurs démineurs ; Forces spéciales de montagne ; personnels de sécurité aérienne. Relais des Écoles militaires françaises, il forme des spécialistes et des élèves officiers étrangers, dont environ 1.000 sont déjà passés par Saint-Cyr, l’École navale ou l’École de l’Air avant d’entrer dans l’élite militaire de leurs pays d’origine. Par exemple, les futurs officiers de Marine, âgés de 20 ans, séjournent 7 ans en France : 2 ans immergés dans une famille à Cherbourg avec des cours de français, mathématiques et physique ; 2 ans dans un institut universitaire de technologie ; 2 ans en université ; 1 an avec une promotion de l’École Navale. Ils en ressortent bilingues et francophiles.

Le personnel. La moitié du personnel de DCI vit hors de France : militaires en fin de contrat ou retraités, personnels détachés et jeunes diplômés civils. Les spécialistes se présentent pour poursuivre leur métier de base ou pour travailler dans un pays où ils ont été affectés au cours de leur carrière militaire. Mais ils doivent présenter des compétences transférables : plongeur démineur, mécanicien de char Leclerc ou d’hélicoptère ou pilote d’avion par exemple. Le détachement de pilotes de chasse à DCI, dans la limite des contraintes opérationnelles, ne coûte rien à l’armée de l’Air et contribue à son image de marque à l’étranger. Alors que la Marine française ne déploie que des sous-marins à propulsion nucléaire, le groupe DCNS construit aussi des submersibles diesel Scorpène pour l’exportation, dont les équipages étrangers devront apprendre à se servir. DCI forme alors à la propulsion diesel d’anciens sous-mariniers français, qui pourront aussi transférer leur savoir-faire en matière de navigation et de conduite opérationnelle. DCI recrute 250 personnes/an selon des critères stricts : avoir quitté leur armée d’origine en bons termes ; adaptation à un autre cadre de vie ; ouverture sur le monde ; être conscient que son savoir-faire contribue au rayonnement de la France. « Il faut 42 ans (encadré) pour faire des transferts de savoir-faire », estime le président-directeur général de DCI.

Loïc Salmon

Armements : maintien des exportateurs traditionnels et émergence de nouveaux

DGA : l’expertise technologique, avenir de l’outil de défense

Euronaval 2012 : défis maritime et industriel

Défense Conseil international (DCI) a regroupé, en 2000, quatre sociétés privées qui accompagnent les grands programmes d’exportations d’armement : COFRAS, créée en 1972 pour les forces terrestres et de gendarmerie ; NAVFCO (1980) pour les Marines ; AIRCO (1984) pour les forces aériennes ; DESCO (1990) pour la sécurisation des programmes. L’actionnariat de DCI se répartit entre : l’État français, 49,90 % ; la société Sofema (maintenance d’équipements militaires), 30 % ; Sofresa (exportation de systèmes avancés), 10 % ; Eurotradia International (conseil et service), 10 %. En 2013, DCI, qui emploie 800 personnes, a réalisé un résultat net de 20 M€ sur un chiffre d’affaires de 221 M€ avec un carnet de commandes de 339 M€. Actif dans une centaine de pays, il dispose de représentations permanentes en Arabie saoudite, aux Émirats arabes unis, au Koweït, au Qatar et à Singapour.




Obsèques nationales pour quatre tués en Afghanistan

Le 14 juin 2012, les obsèques nationales des quatre militaires français, victimes d’un attentat suicide le 9 juin en Afghanistan, ont eu lieu aux Invalides à Paris, en présence du chef de l’Etat, de l’ensemble du gouvernement, de deux anciens présidents de la République, de la plupart des anciens Premiers ministres et des détachements de leurs unités.

Il s’agit de l’adjudant-chef Thierry Serrat, du maréchal des logis-chef Stéphane Prudhom, du maréchal des logis Pierre-Olivier Lumineau et du brigadier Yoann Marcillan. Deux de leurs interprètes afghans ont trouvé la mort lors de l’attentat, qui a fait cinq blessés français (trois gravement) et deux blessés civils afghans. Dans son éloge funèbre aux quatre militaires décédés, le président de la République François Hollande, chef des armées, a notamment déclaré : « Ils sont morts pour des valeurs justes et hautes, celles de la paix, celles de la liberté, celles de la démocratie, les valeurs de la France ». Après les avoir faits chevalier de la Légion d’Honneur à titre posthume, il s’est entretenu avec leurs familles présentes. Le retrait des forces combattantes françaises reste fixé à fin 2012. Depuis son engagement en Afghanistan en 2001, la France déplore 87 morts et environ 700 blessés. Selon l’Etat-major des armées, les quatre militaires effectuaient une mission de contact avec la population pour connaître ses besoins et ses sentiments. Ces missions, indispensables pour comprendre l’environnement opérationnel, ne sont pas suspendues, car elles permettent de déceler les menaces, participant ainsi à la sécurité des forces sur le terrain. Elles sont progressivement dévolues aux forces de sécurité afghanes. Enfin, il n’existe aucun moyen de se prémunir contre une attaque suicide.

L.S.




Opérations : Afghanistan, Libye, Côte d’Ivoire et Tchad

Entre le 11 et le 14 août 2011, sept militaires de l’OTAN ont été tués en Afghanistan. Dans le même temps, le porte-avions Charles-De-Gaulle est rentré à Toulon. Par ailleurs, le dispositif français en Côte d’Ivoire et au Tchad sera prochainement réduit.

Afghanistan : le 11 août, un attentat à la bombe a provoqué la mort de cinq soldats américains et un engin explosif improvisé celle du caporal-chef français Facrou Housseini du 19ème Régiment du génie de Besançon. Trois jours plus tard, le lieutenant Camille Levrel du 152ème Régiment d’infanterie de Colmar a été mortellement touché par le tir isolé d’un insurgé. Cela porte à 388 le nombre de soldats de la coalition tués depuis le 1er janvier 2011 (711 pour l’année 2010) et à 74 celui des Français depuis le début de l’engagement en 2001.

Libye : le porte-avions Charles-De-Gaulle, déployé au large de la Libye depuis le 22 mars 2011 est rentré à Toulon le 12 août.  Auparavant, il avait effectué la mission « Agapanthe » en océan Indien d’octobre 2010 à février 2011. Dans le cadre de l’opération « Harmattan », il a totalisé 138 jours de mer, 40.000 milles nautiques parcourus (74.000 km), 120 jours d’activité aéronautique, 2.380 catapultages et appontages et 3.600 heures de vol. Le dispositif Marine français au large de la Libye se compose actuellement d’un bâtiment de projection et de commandement, de deux frégates, d’un pétrolier-ravitailleur et d’un sous-marin nucléaire d’attaque.

Côte d’Ivoire et Tchad : le ministre des Affaires étrangères et européennes Alain Juppé a indiqué, le 5 juillet à la commission des affaires étrangères de l’Assemblée nationale, que la force française « Licorne » en Côte d’ivoire sera réduite à 300 ou 400 hommes  à la fin de l’année (1.700 au plus fort de l’intervention) et que le format du dispositif « Epervier » au Tchad, de plus de 1.000 militaires aujourd’hui, est en cours de réévaluation.

Loïc Salmon




Défense : panorama des zones à risques

Le ministre de la Défense Gérard Longuet a présenté, sous l’aspect militaire, les situations en Libye, Syrie, Afghanistan, Iran et Afrique, lors d’un déjeuner organisé le 16 novembre 2011 à Paris par l’Association des journalistes de défense.

Libye : « Les guerres se gagnent au sol et pas dans l’air », a déclaré le ministre, estimant que l’intervention aérienne n’aurait pas permis de trouver une solution à la crise, sans l’organisation de combattants par le Conseil national de transition libyen. Il en a tiré trois enseignements. D’abord, « sans les Libyens, Kadhafi serait toujours là et, sans l’opération Harmattan, il n’y aurait pas d’opposants libyens ». Ensuite, il a fallu construire une coalition : au départ, il y avait trois états-majors (France, Grande-Bretagne et Etats-Unis), puis le secrétaire général de l’OTAN a pris en compte la dimension politique. Enfin, le conflit a prouvé « qu’on peut faire quelque chose avec les Etats-Unis, sans qu’ils soient les premiers ni les demandeurs. Ils ont donné les moyens de soutien ». La surveillance aérienne des dépôts de munitions se poursuit sur le théâtre opérationnel près de la mer, mais pas en profondeur. Quant au risque de dissémination des armes, le ministre a souligné que leur emploi demande un certain niveau de logistique et d’entretien, sans compter la date de préemption des munitions.

Syrie : une intervention militaire nécessite une décision du conseil de sécurité de l’ONU. Le terrain n’est pas le même qu’en Libye : chaque camp est imbriqué totalement dans chaque ville, qui constitue un lieu de combat.

Afghanistan : un retrait des troupes dès 2012 est incompatible avec le statut de membre permanent du conseil de sécurité des Nations unies. « Nous ne pouvons décider seuls de notre participation ou de notre retrait, nous sommes solidaires ». La situation en Afghanistan concerne aussi ses voisins : l’Inde, qui souhaite un Afghanistan pacifique et non dépendant du Pakistan ; l’Iran, qui souffre du trafic de la drogue d’origine afghane ; la Chine, qui recherche des relations normales entre l’Afghanistan et le Pakistan. ; les Etats-Unis pour toutes ces raisons. L’armée et la police afghanes totalisent environ 280.000 hommes qui assurent la présence de l’Etat, lequel doit se construire dans la durée et avec suffisamment d’argent pour fonctionner.  « Le retrait immédiat, sans coopération ni perspectives, c’est la certitude d’une guerre civile déclenchée à partir de l’extérieur ».

Iran : « La France considère que l’Iran se donne les moyens d’accès à la bombe (atomique), en contradiction avec le  TNP (traité de non-prolifération des armes nucléaires) dont il est signataire ». Paris accentue les sanctions, redoutables sur le long terme pour le financement des importations. Une frappe des installations nucléaires iraniennes n’est pas à l’ordre du jour, mais la France défendrait Israël en cas d’agression, a indiqué le ministre. Un blocage des flux financiers aboutit au même résultat que celui des ports pétroliers. « Il est efficace s’il est appliqué avec obstination et dans la durée ».

Afrique : les bases militaires françaises de Djibouti (Est) et Libreville (Ouest) suffisent. En cas de nécessités ponctuelles ou de coopération, il est possible d’intervenir à partir de la métropole. « On n’a pas besoin d’un deuxième porte-avions, a déclaré Gérard Longuet, ce sera au cœur de la discussion sur l’actualisation du Livre Blanc (sur la défense et la sécurité) ».

Par ailleurs, le ministre va tenter de préserver le recrutement des coupes budgétaires en cours, lequel représente 20.000 contrats nouveaux par an.

Loïc Salmon

Gérard Longuet (65 ans), ministre de la Défense et des Anciens Combattants, est diplômé de l’Institut d’études politiques de Paris, titulaire d’un diplôme d’études supérieures de sciences politiques et ancien élève de l’Ecole nationale d’administration. Il a exercé plusieurs mandats électifs, notamment ceux de député de la Meuse (1978-1981, 1986-1993), député européen (1984-1986), président du Conseil régional de Lorraine (1992-2004) et sénateur de la Meuse (2001-2011). Il a aussi été secrétaire d’Etat (mars-août 1986), puis ministre délégué (1986-1988) auprès du ministre de l’Industrie, des Postes et Télécommunications et du Tourisme et enfin ministre de l’Industrie, des Postes et Télécommunications et du Commerce extérieur (1993-1994). A ce titre, il a été le principal négociateur du traité de Marrakech, à l’origine de l’Organisation mondiale du commerce. Enfin, il préside le Centre de la paix à Verdun depuis sa création en 1988.