Bataillons de chasseurs
Anticiper pour obtenir la victoire par la vitesse et le choc, voilà ce qui caractérise les chasseurs à pied ou alpins, aux tenues bleues ou blanches légendaires.
A sa création en 1840, l’accès à cette infanterie d’élite exige d’être un soldat de 1ère classe au niveau sportif élevé, capable de tirer avec précision et sachant lire, écrire et compter. Quant aux officiers, ils devaient en plus connaître…l’allemand ! Le tir à la carabine à canon rayé d’une portée de 600 m, l’escrime à la baïonnette et le « pas gymnastique », cadencé à 140 pas par minute et devenu « pas chasseur », font partie de l’instruction. Les troupes de combat en montagne voient le jour en 1888. Les bataillons de chasseurs se battent sur tous les théâtres d’opérations et livrent plusieurs batailles : Afrique du Nord, Isly (1844) et Sidi-Brahim (1845, voir plus loin) ; Crimée, Sébastopol (1854-1855) ; Italie, Solferino (1859) ; Chine, Palikao (1860) ; Cochinchine (1861) ; Mexique (1862-1865) ; guerre franco-prussienne (1870-1871) ; Tonkin (1885-1888) ; Madagascar (1895) ; Maroc (1912-1914) ; Grande Guerre (1914-1918) avec attribution de 242 palmes, 5 fourragères de la Légion d’honneur, 24 de la Médaille militaire et 41 de la croix de Guerre ; Maroc , campagne du Rif (1925) ; seconde guerre mondiale, Norvège (1940), Belgique (1940) et plateau des Glières (1944) ; Indochine (1950-1952) ; Afrique du Nord (1952-1962) ; toutes les opérations extérieures depuis 1962. Pour les chasseurs, la plus mémorable bataille reste celle de Sidi-Brahim, où 79 hommes, sans vivres ni eau, repoussèrent les attaques des troupes de l’émir Abd el-Kader du 23 au 26 septembre 1845. Seuls neuf en réchappèrent, dont le clairon Rolland qui, fait prisonnier, avait sonné la « charge » au lieu de la « retraite », que lui avaient ordonnée les Arabes. De 1856 à 1974, une statue de chasseur à pied a été érigée au pont de l’Alma à Paris, à côté de celle du fameux « zouave », puis a été transférée dans le bois de Vincennes. « L’esprit chasseur », né de l’esprit de corps et de traditions spécifiques, a connu diverses interprétations depuis celle du duc d’Orléans, fils aîné de Louis-Philippe et à l’origine de la création du corps. Ont suivi celles du maréchal Franchet d’Espèrey (1856-1942), chef de corps du 18ème Bataillon de chasseurs, du maréchal Pétain (1856-1951), lieutenant au 24ème Bataillon puis capitaine au 3ème Bataillon, du président de la République Raymond Poincaré (1860-1934), officier de réserve aux 2ème, 11ème et 30ème Bataillons, et du maréchal Lyautey (1854-1934), chef de corps des 7ème et 14ème Bataillons de chasseurs alpins. Ce dernier a donné de l’esprit chasseur une définition qui claque comme un drapeau au vent : « L’esprit chasseur ? Mais c’est justement ce qu’en d’autres termes, j’ai toujours prôné. C’est d’abord l’esprit d’équipe, de « mon équipe ». C’est la rapidité dans l’exécution de gens qui pigent et qui galopent. C’est l’allant, c’est l’allure, c’est le chic. C’est, pour les chefs, le sens social du commandement, c’est l’accueil aimable. C’est servir avec le sourire, la discipline qui vient du cœur. C’est le dévouement absolu qui sait aller, lorsqu’il le faut, jusqu’au sacrifice total. ». Au château de Vincennes, dans la crypte du mémorial des chasseurs, se trouve leur unique drapeau, décoré de la Légion d’honneur, de la Médaille militaire, des croix de Guerre 1914-1918, 1939-1945 et théâtres d’opérations extérieurs, de la croix de Guerre norvégienne et de la médaille italienne du Mérite de guerre.
Loïc Salmon
« Bataillons de chasseurs », Colonel Cyrille Becker. Editions Pierre de Taillac, 128 pages, nombreuses illustrations, 19,90€.