Angkor, naissance d’un mythe

Avec les travaux archéologiques du site d’Angkor par l’Ecole française d’Extrême-Orient fondée en 1898, la France a réalisé dans la jungle cambodgienne ce qu’elle avait déjà entrepris avec des institutions similaires à Rome (1829) et Athènes (1846).

A l’occasion de l’exposition « Angkor, naissance d’un mythe » au musée Guimet à Paris (16 octobre 2013-13 janvier 2014), un ouvrage retrace le parcours et l’œuvre de celui qui fit connaître ce site en France, à savoir l’officier de Marine Louis Delaporte (1842-1925) qui y a consacré sa vie. Après avoir conquis la Cochinchine (Sud de l’Empire d’Annam), les amiraux de Napoléon III placent le Royaume du Cambodge sous la protection de l’Empire français en 1863, le dispensant ainsi de l’obligation du tribut qu’il versait au Royaume du Siam, son voisin. Toutefois, ce dernier ne lui restitue les provinces de Battambang, de Siem Reap et d’Angkor qu’en 1907. Ce fut l’occasion de festivités grandioses en 1909 dans le site des temples qui stimulèrent un tourisme naissant. Les fêtes d’Angkor, suspendues pendant les guerres de 1970 à 1991, perdurent aujourd’hui pour affirmer l’identité khmère et la souveraineté nationale.

L’enseigne de vaisseau Louis Delaporte part en Indochine en 1865. L’année suivante, le gouverneur de la Cochinchine, l’amiral Pierre-Paul de la Grandière, le désigne pour l’expédition de reconnaissance du cours du Mékong, sous les ordres du capitaine de frégate Ernest Doudart de Lagrée et du lieutenant de vaisseau Francis Garnier. Les ruines imposantes et harmonieuses d’Angkor stupéfient Louis Delaporte. Il écrit : « L’art khmer, issu du mélange de l’Inde et de la Chine, épuré, ennobli par les artistes qu’on pourrait appeler les Athéniens de l’Extrême-Orient, est resté en effet comme la plus belle expression du génie humain dans cette vaste partie de l’Asie qui s’étend de l’Indus au Pacifique ». Il met ses talents de dessinateur au service de cette « Mission du Mékong », qui connaît un grand retentissement en France avec la publication du récit du voyage par Francis Garnier dans la revue Le tour du monde (1870-1871 et 1873). Louis Delaporte retourne au Cambodge en 1873 en mission officielle pour vérifier la navigabilité du fleuve Rouge et permettre la collecte, pour les musées nationaux, de tout ce qui présente un intérêt archéologique et artistique. De retour à Paris, il est chargé de monter, au château de Compiègne, un « musée khmer », dont l’Exposition universelle de 1878 assure la notoriété. Il effectue une dernière mission au Cambodge en 1881 pour lancer plusieurs chantiers de fouilles, qu’il continuera à contrôler depuis Paris. Son « musée indochinois », installé au palais du Trocadéro (Paris), abritera, jusqu’aux années 1930, des sculptures originales, des moulages en plâtre et des reconstitutions composites d’architecture des temples khmers. Ces moulages furent longtemps considérés comme sans valeur, car ne relevant pas de l’histoire de l’art. Mais, depuis quelques années, ils sont restaurés et exposés en tant qu’œuvre d’art à part entière au musée Guimet. L’Ecole française d’Extrême-Orient se charge des travaux scientifiques sur l’art khmer. Mais, Louis Delaporte n’en fit jamais partie, « laissant aux érudits la recherche des idées mystérieuses, du sens caché des diverses parties des édifices et des représentations sacrées qui en sont l’ornement ».

Loïc Salmon

Exposition « Indochine, des territoires et des hommes, 1856-1956 » aux Invalides

INDOCHINE, des territoires et des hommes, 1856-1956

« Angkor, naissance d’un mythe » ouvrage collectif. Éditions Gallimard/Musée des arts asiatiques Guimet 312 pages dont 3 dépliants et environ 280 illustrations 49 €