A l’assaut des murailles

La cité concentre population, richesses et pouvoirs exécutif, législatif, religieux, économique et juridique. La saisie ou la destruction de la capitale adverse constitue l’acte final d’une guerre de domination.
Outre la défense de la cité, les murailles symbolisent la protection du territoire avec des objectifs divers. La muraille de Chine, construite entre le IIIème siècle avant J.-C. et le XVIIIème siècle, doit empêcher la pénétration des peuples nomades. Le mur d’Hadrien en Grande-Bretagne (122-127 après J.-C.) protège la civilisation romaine en freinant les offensives des peuples barbares, pour laisser le temps aux forces mobiles en arrière de la fortification de se concentrer puis d’intervenir. La même approche tactique s’applique aux lignes Maginot (France) et Siegfried (Allemagne) avant la seconde guerre mondiale. La défense d’une ville fortifiée est surtout assurée par ses habitants, capables de livrer des combats acharnés et très coûteux en soldats chez l’assaillant. Pour s’emparer de la cité, celui-ci recourt à la brutalité et l’action psychologique. L’évolution de la guerre avec l’emploi du canon à la fin du XIVème siècle conduit à revoir la solidité et la conception des murailles. Sur le plan stratégique, la création d’un réseau de « places fortes » sur l’ensemble du territoire permet aux armées de se constituer, de se ravitailler et d’élaborer des bases de départ pour briser une offensive ennemie visant le cœur de l’État. L’art du siège présente divers modes opératoires, récurrents au cours de l’Histoire. Une ville assiégée doit impérativement conserver un espace pour la circulation des flux économiques avec l’extérieur, qui lui fournit l’essentiel pour vivre et résister. L’assiégeant doit alors au préalable couper ce cordon ombilical avec la zone arrière. Ainsi à Orléans (23 octobre-8 mai 1429), Jeanne d’Arc et des renforts ont pu ainsi y entrer, contraignant les troupes anglaises à lever le siège. Lors de celui de La Rochelle (13 août 1627-28 octobre 1628), le cardinal de Richelieu a construit une digue pour empêcher les ravitaillements anglais par mer. Assiégés et assiégeants doivent gérer le temps de disponibilité de leurs ressources. A Metz (20 août-28 octobre 1870), l’attentisme et les négociations secrètes du maréchal Bazaine, gouverneur, entraînent la capitulation et l’occupation pendant 48 ans. Murs, murailles ou fortifications constituent toujours un avantage, dont l’assaillant doit percer le système défensif. A Syracuse (213-212 avant J.-C.), le Sénat romain veille à fournir à son armée les ressources nécessaires pour maintenir durablement le siège. Mais à Saint Jean d’Acre (5 avril-28 mai 1291), les États chrétiens ne conduisent aucune action directe contre l’Égypte pour soulager le siège. La prise d’une infrastructure-clé rend inutile toute résistance et précipite la capitulation. A Carthage (149-146 avant J.-C.), la prise par les troupes romaines de la colline, où se trouve le temple de Baal, met fin aux violents combats de rues. A Tenochtitlan (30 mai-13 août 1521), l’armée espagnole coupe l’aqueduc alimentant la ville en eau et atteint, par attaques successives, les lieux symboliques du pouvoir mexicain. Une fois entré dans la ville assiégée, l’assaillant doit empêcher toute manœuvre coordonnée des défenseurs. A Aix-la-Chapelle (16 septembre-21 octobre 1944), l’intégration interarmes (infanterie, chars, artillerie et génie) permet à l’armée américaine de contrôler la ville, sans laisser aux défenseurs allemands la moindre disposition de l’espace urbain. A Mossoul (17 octobre 2016-10 juillet 2017) occupée par les djihadistes de l’État islamique, les troupes de la coalition internationale (onze pays) combinent le dispositif progressant au sol avec les appuis feux terrestres et aériens et évitent tout tir fratricide. Enfin, l’assaillant doit disposer d’un ascendant moral, incarné par des valeurs supérieures à celles des défenseurs, afin d’inhiber leur volonté de combattre.
Loïc Salmon
« A l’assaut des murailles », général Gilles Haberey. Éditions Pierre de Taillac, 288 pages, illustrations, 26,90 €.